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                                               Date : 19981112

                                         Dossier : IMM-5694-98

ENTRE

                       ZOLMAY ZOLFIQUAR,

                                                    demandeur,

                              et

      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                    défendeur.

             MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]        Il s'agit d'une requête introduite par le demandeur pour faire surseoir à l'exécution de la mesure d'expulsion prise contre lui, exécution prévue pour le 14 novembre 1998.

LE POINT LITIGIEUX:

          Le demandeur a-t-il satisfait au critère à trois volets établi par la Cour suprême du Canada dans son arrêt RJR - MacDonald Inc. c. Canada (PG) [1994] 1 R.C.S. 311, à la page 334 pour justifier qu'il soit sursis à l'exécution de son renvoi?

a - une question sérieuse,

          b - preuve de l'existence d'un préjudice irréparable,

c - la prépondérance des inconvénients penche en faveur du demandeur.

a - Question sérieuse

[2]        D'après le demandeur, il ressort clairement de la jurisprudence qu' en ce qui concerne la sérieuse question, les tribunaux ont conclu, en vue de l'obtention d'un sursis d'exécution, à la seule nécessité de démontrer que la demande dont était saisie la Cour n'était pas futile ou vexatoire.

[3]        L'avocat du demandeur a cité la décision Turbo Resources Ltd. c. Petro Canada Inc., [1989] 2 C.F. 451, [1989] F.D.J. No. 14, no du greffe A-163-88 C.A.F., 18 janvier 1989, et également la décision North American Gateway Inc. c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) [1997] F.C.J. No. 628, no du greffe 97-A-47, Cour d'appel fédérale, le 26 mai 1997, le juge McDonald :

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[4]        L'avocat du demandeur a également fait état de la décision Saini c. M.C.I., IMM-1712-97, C.F.1re inst., le 29 juin 1998, décision du juge Gibson. J'ai soigneusement pris connaissance des commentaires faits par le juge Gibson, et j'ai compris qu'il avait conclu que l'agent du renvoi avait omis d'examiner s'il devait ou non exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'article 48 de la Loi sur l'immigration, et que cela « constitue une erreur susceptible de contrôle de la nature d'une négligence ou d'un refus d'exercer sa compétence » .

[5]        Le demandeur soutient que, comme le dit le juge Gibson dans l'affaire Saini, l'agente n'a pas de façon appropriée exercé son pouvoir discrétionnaire en refusant d'examiner même la preuve sur le risque que le demandeur pourrait courir dans l'éventualité de son renvoi en Afghanistan.

[6]        Aux fins de l'espèce, je suis disposé à présumer, sans me prononcer là-dessus, que le demandeur a soulevé une sérieuse question à trancher.

b - Préjudice irréparable

[7]        L'avocat du demandeur a déposé différents documents qui font état de la situation en Afghanistan pour tenter de démontrer que le demandeur subirait un préjudice irréparable dans l'éventualité de son renvoi en Afghanistan.

[8]        D'autre part, l'avocate du défendeur a soutenu que la présumée crainte de préjudice irréparable du demandeur était de la spéculation et n'était pas digne de foi. Elle a également mentionné que [TRADUCTION] « il n'existe pas de preuve convaincante de l'intention du gouvernement afghan de faire du mal au demandeur » .

[9]        J'ai également pris connaissance des documents déposés et présentés à l'agent chargé du renvoi. Il ressort de ceux-ci que l'Afghanistan continue de connaître la guerre civile et l'instabilité politique.

[10]       Même si le demandeur embrasse la même religion que les Talibans, l'avocat du demandeur prétend que celui-ci sera en danger dès qu'il débarquera à Kaboul comme il est censé le faire, qu'il y a danger pour sa vie et qu'il pourrait être torturé ou connaître d'autres difficultés compte tenu de rapports selon lesquels des membres des minorités tels les Tajiks et Hazaras sont victimes de représailles simplement parce qu'ils font partie de ces minorités.

[11]       Je ne souscris pas à cette prétention, et même si la preuve déposée a démontré qu'il existait des problèmes en Afghanistan, je ne suis pas convaincu qu'il existe la preuve que les Talibans ou le gouvernement afghan cherchent à faire du mal au demandeur.

[12]       Les deux parties ont discuté de l'application des articles 7 et 12 de la Charte des droits et libertés. Dans l'affaire Kindler (Kindler c. Canada) [1991] R.C.S. 779 (C.S.C.), la Cour se prononce en ces termes :

La décision du ministre d'extrader sans obtenir de garanties des États-Unis concernant l'application de la peine de mort n'a pas violé l'article 7 de la Charte. Les motifs d'extradition sont impérieux et les garanties en matière de procédures dans l'État qui a des rapports de réprocité sont grandes. Le seul fait que, à la fin du processus, le fugitif est passible de la peine de mort est insuffisant dans le contexte du système d'extradition de notre pays pour rendre la décision inconstitutionnelle. Les tribunaux ne devraient pas s'ingérer à la légère dans les décisions de l'exécutif en matière d'extradition.

[13]       L'avocat du défendeur a cité l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045, à la page 1072 :

Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si une peine est cruelle et inusitée au sens de l'art. 12 de la Charte consiste, pour reprendre les termes utilisés par le juge en chef Laskin à la p. 688 de l'arrêt Miller et Cockriell, précité, à se demander « si la peine infligée est excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine » . En d'autres termes, bine que l'État puisse infliger une peine, l'effet de cette peine ne doit pas être exagérément disproportionné à ce qui aurait été approprié.

[14]       L'avocat du demandeur a également fait mention de la Convention contre la torture (CCT) [1987] R.T.C 36. Sur ce point particulier, l'avocate du défendeur a eu raison de dire que le demandeur n'avait pas démontré que le ministre décidait de renvoyer le demandeur vers un État où, il y a des motifs sérieux de le croire, il risquerait d'être soumis à la torture.

[15]       Le demandeur n'a pas convaincu la Cour que, sans un sursis d'exécution, il subirait préjudice irréparable dans l'éventualité de son renvoi en Afghanistan.

c - Prépondérance des inconvénients

[16]       Le demandeur n'a pas satisfait au troisième aspect du critère, c'est-à-dire la prépondérance des inconvénients. L'intérêt public doit entrer en ligne de compte dans l'examen de la prépondérance des inconvénients, et je crois que celle-ci penche, non pas en faveur du demandeur, mais en faveur du ministre.

[17]       Par ces motifs, la requête du demandeur est rejetée.

                                          Pierre Blais   

                                                Juge

TORONTO (ONTARIO)

Le 12 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet


                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

           Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :IMM-5694-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :Zolmay Zolfiquar

                                  et

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

DATE DE L'AUDIENCE :Le lundi 9 novembre 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :               Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :       le juge Blais

EN DATE DUmardi 12 novembre 1998

ONT COMPARU :

Loren Waldman                         pour le demandeur

Neeta Logsetty                        pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Jackman, Waldman & Associates

Avocat

281, avenue Eglinton est

Toronto (Ontario)

M4P 1L3                          pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

                                pour le défendeur

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