Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040326

Dossier : IMM-869-03

Référence : 2004 CF 457

Ottawa (Ontario), le 26 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                                                              CIN LAM THANG

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                       LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Cin Lam Thang est un citoyen du Myanmar. Il est arrivé au Canada en 2000 et a prétendu craindre être persécuté pour des motifs religieux et politiques dans son pays d'origine. Une formation de la Section de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la revendication du statut de réfugié présentée par M. Thang parce qu'elle n'a pas cru son témoignage. M. Thang a demandé une évaluation des risques avant le renvoi aux termes de l'article 112 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. L'agente qui a effectué l'évaluation des risques a conclu que M. Thang ne risquait probablement pas d'être persécuté ou torturé ou de recevoir un traitement cruel et inusité s'il était renvoyé au Myanmar. M. Thang soutient que l'agente a commis des erreurs graves dans l'étude de sa demande et m'invite à ordonner que cette décision soit revue par un autre agent.


[2]                J'ai conclu que l'agente avait commis une erreur parce qu'elle n'avait pas tenu compte d'un important document que M. Thang avait joint à sa demande. Pour cette raison, je fais droit à sa demande de contrôle judiciaire.

I. La question en litige

[3]                M. Thang a présenté un certain nombre d'arguments au sujet de la façon dont l'agente a traité les preuves pertinentes. J'estime que la plupart de ces arguments consistent simplement à contester la force probante que l'agente a accordée à certaines preuves et je les trouve mal fondés. Je vais me limiter à la question qui m'amène à faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire :

. L'agente chargée de l'évaluation des risques a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte d'une analyse effectuée par Amnistie Internationale concernant les risques que M. Thang courraient s'il était renvoyé au Myanmar?


II. Analyse


[4]                M. Thang est un membre du groupe ethnique Chin et est de religion chrétienne. Il a participé à des activités religieuses et politiques au Myanmar reliées à la fois à son origine ethnique et à sa religion. Il affirme que ces activités ont amené des représentants de l'État à l'interroger et à le battre en 1997. Il n'a cependant quitté le Myanmar qu'en 2000 quand il a appris qu'il risquait d'être arrêté.

[5]                Une fois arrivé au Canada, M. Thang a participé aux activités de la Chin Human Rights Organization (CHRO). Il estime que ces activités politiques l'ont fait remarquer et augmentent la probabilité qu'il soit maltraité au cas où il serait renvoyé au Myanmar. L'agente chargée de l'évaluation des risques n'a pas souscrit à ce point de vue et a noté qu'il n'existait guère de preuves documentaires, à l'exception des renseignements fournis par cette organisation, indiquant que les membres de la CHRO étaient maltraités. L'agente a conclu qu'il était peu probable que M. Thang soit gravement maltraité à son retour.

[6]                L'agente a énuméré les nombreux documents qu'elle a examinés avant de prendre sa décision. Cependant, un document spécialement préparé par Amnistie Internationale pour appuyer la demande de M. Thang ne figurait pas dans cette liste. Ce document se fondait sur un examen de la situation au Myanmar et sur des entrevues avec M. Thang; il contenait des commentaires préparés par un agent de recherche en Angleterre. Le document d'Amnistie Internationale énonçait ce qui suit :

·            M. Thang a participé à des manifestations devant l'ambassade de Birmanie à Ottawa et a fait campagne pour inciter les entreprises canadiennes à ne pas investir au Myanmar;


·            il est membre du conseil consultatif de la CHRO;

·            il est possible qu'il fasse l'objet d'une surveillance de la part du personnel de l'ambassade;

·            la notoriété qu'il a acquise au Canada augmente les risques qu'il soit ciblé et arrêté à son retour;

·            la demande de statut de réfugié qu'il a présentée au Canada risque de l'avoir signalé aux autorités et d'avoir aggravé le risque d'être ciblé par la suite;

·            il risque d'être arrêté, jugé de façon inéquitable, emprisonné, torturé ou persécuté pour des motifs ethniques, religieux ou politiques s'il est renvoyé au Myanmar.

[7]                Il existe une présomption selon laquelle les décideurs ont examiné toutes les preuves qui leur ont été présentées, même s'ils ne les mentionnent pas toutes : Gourenko c. Canada (Solliciteur général), [1995] A.C.F. n ° 682. Cependant, lorsqu'un document joue un rôle central dans la question à résoudre, le décideur est tenu de le mentionner expressément : Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. n ° 1425. Cela est particulièrement important lorsque le document va à l'encontre des conclusions du décideur : Cepeda-Gutierrez, ci-dessus.


[8]                En l'espèce, le document en question est une analyse précise et détaillée de la situation personnelle du demandeur qui émane d'une source crédible et dont la conclusion est contraire à celle de l'agente. L'agente était au moins tenue de mentionner le rapport dans ses motifs. Il existait certes des motifs qui justifiaient l'agente à ne pas souscrire à la conclusion d'Amnistie Internationale. C'est là une autre question. L'agente aurait dû toutefois expliquer pourquoi elle n'a pas été convaincue par le rapport en question.

[9]                Par conséquent, je fais droit à la présente demande de contrôle judiciaire et ordonne que la demande de M. Thang soit examinée par un autre agent. Aucune des parties n'a proposé de questions de portée générale en vue de la faire certifier et aucune question ne sera formulée.

                                                                   JUGEMENT

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2.          La demande de M. Thang sera confiée à un autre agent des visas;

3.          Aucune question de portée générale n'est formulée.

                                                                                                                          _ James W. O'Reilly _           

                                                                                                                                                     Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.



Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27

Demande de protection

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n'est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

Application for protection

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

Exception

(2) Elle n'est pas admise à demander la protection dans les cas suivants :

a) elle est visée par un arrêté introductif d'instance pris au titre de l'article 15 de la Loi sur l'extradition;

b) sa demande d'asile a été jugée irrecevable au titre de l'alinéa 101(1)e);

c) si elle n'a pas quitté le Canada après le rejet de sa demande de protection, le délai prévu par règlement n'a pas expiré;

d) dans le cas contraire, six mois ne se sont pas écoulés depuis son départ consécutif soit au rejet de sa demande d'asile ou de protection, soit à un prononcé d'irrecevabilité, de désistement ou de retrait de sa demande d'asile.

Exception

(2) Despite subsection (1), a person may not apply for protection if

(a) they are the subject of an authority to proceed issued under section 15 of the Extradition Act;

(b) they have made a claim to refugee protection that has been determined under paragraph 101(1)(e) to be ineligible;

(c) in the case of a person who has not left Canada since the application for protection was rejected, the prescribed period has not expired; or

(d) in the case of a person who has left Canada since the removal order came into force, less than six months have passed since they left Canada after their claim to refugee protection was determined to be ineligible, abandoned, withdrawn or rejected, or their application for protection was rejected.


Restriction

(3) L'asile ne peut être conféré au demandeur dans les cas suivants :

a) il est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée;

b) il est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada punie par un emprisonnement d'au moins deux ans ou pour toute déclaration de culpabilité à l'extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans;

c) il a été débouté de sa demande d'asile au titre de la section F de l'article premier de la Convention sur les réfugiés;     d) il est nommé au certificat visé au paragraphe 77(1).

Restriction

(3) Refugee protection may not result from an application for protection if the person

(a) is determined to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality;

(b) is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction in Canada punished by a term of imprisonment of at least two years or with respect to a conviction outside Canada for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years;

(c) made a claim to refugee protection that was rejected on the basis of section F of Article 1 of the Refugee Convention; or

(d) is named in a certificate referred to in subsection 77(1).


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-869-03

INTITULÉ :                                                    CIN LAM THANG c. LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 2 FÉVRIER 2004

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                           LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 26 MARS 2004

COMPARUTIONS:

Laila Demirdache                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Alex Kaufman                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Susanne Pereira

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

LAILA DEMIRDACHE                                                           POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

MORRIS ROSENBERG                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.