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Date : 20200220

Dossier : IMM-2550-19

Référence : 2020 CF 275

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 20 février 2020

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

EHTISHAM-UL HAQ

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 19 février 2020)

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 4 avril 2019 [la décision] par laquelle une agente principale de Citoyenneté et Immigration Canada a rejeté la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire [la demande CH] présentée par le demandeur. L’agente a conclu que la situation du demandeur, dont la femme et les enfants demeurent au Pakistan, ne justifiait pas une dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. La présente demande a été présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

I.  Le cONTEXTE

[2]  Le demandeur, qui est âgé de 49 ans, est un citoyen du Pakistan. Sa femme et ses quatre enfants, qui ont actuellement 25, 23, 21 et 17 ans, demeurent à Gujranwala, au Pakistan. Le demandeur vit au Canada, dans une maison occupée par son père, deux de ses frères et leurs femmes, ainsi que cinq enfants mineurs, à savoir ses neveux et nièces.

[3]  Le demandeur est arrivé au Canada le 6 juin 2006, muni d’un visa de visiteur valide. Il a présenté une demande d’asile en septembre 2006, affirmant avoir quitté le Pakistan parce que la police le soupçonnait d’être lié à un meurtre, et parce qu’il avait été attaqué deux fois à la suite de sa participation à des assemblées politiques. En décembre 2008, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté sa demande, après avoir conclu que ses allégations n’étaient pas crédibles.

II.  LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[4]  L’agente a souligné que le demandeur vit au Canada depuis 13 ans, et qu’il a exploité une entreprise dans le domaine des appareils électriques avec son frère Jahangir de 2007 à 2014. Depuis 2014, il occupe un emploi de moniteur de conduite. L’agente a en outre souligné que le demandeur a fait du bénévolat au Canada, et qu’il prend soin de son père.

[5]  L’agente a tenu compte d’une lettre du père du demandeur, dans laquelle il affirme que le demandeur est son principal pourvoyeur de soins, et qu’il souffre d’un trouble cardiaque. L’agente a jugé importante la relation étroite entre le demandeur et son père, mais a souligné que deux des frères du demandeur vivent avec son père, et qu’ils peuvent eux aussi lui apporter des soins au besoin.

[6]  En outre, l’agente a tenu compte du fait que le demandeur a une femme et quatre enfants, et de son affirmation selon laquelle ses enfants ne pourraient pas fréquenter l’école secondaire et l’université sans les fonds qu’il leur envoie au Pakistan. Elle a aussi pris en considération son argument selon lequel son absence de longue date du Pakistan ferait en sorte qu’il serait incapable de se trouver un emploi s’il devait y retourner.

[7]  Par ailleurs, l’agente a conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il serait incapable de soutenir sa famille s’il retournait au Pakistan. À son avis, même s’il est possible qu’il vive une période difficile à son retour, il y retourne avec de nouvelles compétences, dont une connaissance pratique de l’anglais, qui l’aideront à refaire sa vie. Selon l’agente, rien ne démontre que le demandeur a peiné à soutenir sa famille avant de venir au Canada. Après avoir souligné que le demandeur avait réussi à démarrer une entreprise moins d’un an après son arrivée au Canada, l’agente a conclu que rien ne l’empêchait de faire preuve du même esprit d’entrepreneuriat à son retour au Pakistan et d’obtenir du succès, vu sa connaissance de la langue et de la culture du pays.

[8]  L’agente a reconnu qu’aux yeux du demandeur la meilleure façon de soutenir ses enfants est de le faire à partir du Canada, mais elle a jugé plus importante sa présence auprès d’eux et de sa femme au Pakistan. De plus, elle a conclu que ses liens avec sa famille immédiate au Pakistan sont plus solides que ceux avec sa famille élargie au Canada.

[9]  Pour conclure, l’agente a déterminé que le demandeur n’avait pas réfuté les conclusions défavorables touchant la crédibilité tirées par la SPR, lesquelles sont énoncées dans la décision rendue à l’issue de l’ERAR. Plus particulièrement, il n’a pas prouvé qu’il serait arrêté à son retour au Pakistan. Elle était aussi d’avis que, malgré l’argument de son conseil selon lequel la police pakistanaise cible les gens vulnérables comme le demandeur, les éléments de preuve ne permettaient pas de démontrer qu’il est bien une personne vulnérable.

III.  LES QUESTIONS EN LITIGE

  1. L’agente a-t-elle commis une erreur dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants?
  1. L’agente a-t-elle eu tort de poser que le demandeur se trouverait du travail au Pakistan?

  2. L’agente a-t-elle mal évalué les difficultés auxquelles le demandeur serait exposé à son retour au Pakistan?

IV.  L'ANALYSE

A.  Première question

[10]  Le demandeur soutient que l’agente n’a pas explicitement pris en compte l’intérêt de sa fille mineure âgée de 17 ans. Il fait valoir qu’elle a intégré l’analyse de l’intérêt supérieur de sa fille à son analyse plus globale portant sur toute sa famille. En outre, il affirme que l’agente ne s’est pas penchée sur l’intérêt supérieur de ses neveux et nièces au Canada.

[11]  À mon avis, comme l’agente a constaté que la fille du demandeur âgée de 17 ans demeurait dans la maison familiale au Pakistan avec sa mère et ses sœurs plus âgées, la seule question qu’elle devait trancher était celle de savoir si l’intérêt supérieur de cette enfant commandait qu’elle bénéficie de la présence de son père ou qu’elle puisse compter sur le soutien financier qu’il pouvait lui offrir depuis le Canada. L’agente a conclu à raison que la présence du demandeur était préférable, vu qu’elle était d’avis qu’il pourrait se trouver un emploi au Pakistan qui lui permettrait de payer les frais de scolarité de sa fille.

[12]  Par ailleurs, l’agente a souligné que le rôle du demandeur auprès de ses neveux et nièces n’a jamais été celui d’unique pourvoyeur de soins. À mon avis, il était donc raisonnable de la part de l’agente de simplement considérer ce rôle comme un facteur favorable dans le cadre de son évaluation des considérations d’ordre humanitaire.

[13]  Si le demandeur retourne au Pakistan, tant sa fille mineure que ses neveux et nièces mineurs au Canada bénéficieront de la présence de leurs deux parents dans leur maison familiale respective. Par conséquent, et en l’absence de toute préoccupation liée à la santé, à la santé mentale ou à la stabilité conjugale au sein des familles, l’agente n’était pas tenue d’analyser de manière plus approfondie l’intérêt supérieur des enfants. Sa décision selon laquelle l’intérêt supérieur des enfants n’était pas préoccupant était raisonnable compte tenu des circonstances inhabituelles en l’espèce selon lesquelles le renvoi du demandeur mènera à la réunification de la famille.

B.  Deuxième question

[14]  Contrairement à ce que soutient le demandeur, l’agente n’en est pas arrivée à sa conclusion sur les perspectives d’emploi du demandeur au Pakistan sans justification. Selon les éléments de preuve dont elle disposait, le demandeur a démontré des aptitudes entrepreneuriales au Canada et a appris l’anglais. Qui plus est, le parti politique qu’il appuyait avant son départ du Pakistan est désormais au pouvoir. L’agente a indubitablement apprécié le fait que, même s’il n’a pas fait d’études, ces éléments lui permettraient de se trouver un emploi malgré le taux de chômage élevé au Pakistan.

[15]  De plus, il n’était pas déraisonnable que l’agente souligne, dans le cadre de son analyse, que le demandeur avait eu les moyens de payer son billet d’avion vers le Canada lorsqu’il a quitté le Pakistan. Il a également présenté une demande de visa pour entrées multiples valable pour un an, ce qui démontre qu’il envisageait d’assumer la dépense d’autres vols coûteux. Concernant ses antécédents de travail au Pakistan, l’agente a fait remarquer que [traduction] « les éléments de preuve ne permettaient pas de démontrer que (le demandeur) peinait à faire vivre sa famille avant de venir au Canada ».

[16]  À mon avis, le demandeur ne peut omettre des éléments de preuve sur des questions aussi importantes que celles qui concernent sa situation financière et ses antécédents de travail au Pakistan avant son arrivée au Canada, et ensuite reprocher à l’agente de se fonder raisonnablement sur la preuve dont elle disposait pour tirer des conclusions.

C.  Troisième question

[17]  Je ne vois rien de déraisonnable dans l’évaluation des difficultés auxquelles le demandeur serait exposé. Aucun élément de preuve fiable ne démontrait que le demandeur serait arrêté ni qu’il serait ciblé en tant que personne vulnérable. Il est important de souligner que selon les éléments qu’il a invoqués au soutien de sa demande d’asile et auxquels la SPR a ajouté foi, les interactions du demandeur avec la police n’ont jamais été négatives.

[18]  Le demandeur soutient qu’en mars 2010, alors qu’il était au Canada et après le prononcé de la décision de la SPR, six personnes armées qu’il ne connaissait pas sont entrées dans la maison de sa famille au Pakistan. Elles ont tiré des coups de feu et demandé où le demandeur se trouvait. Cependant, l’agente qui a rendu la décision à l’issue de l’ERAR, et qui a également tranché la demande CH, a accordé peu de poids à cette intrusion car elle est survenue il y a longtemps et ne s’est jamais reproduite. De plus, selon le dossier, sa femme et ses enfants n’ont pas mentionné cette intrusion dans les lettres qu’ils ont envoyées au soutien de la demande CH. Il n’était donc pas nécessaire que l’agente revienne sur cet épisode pour régler le sort de la demande CH.

V.  LA CERTIFICATION

[19]  Aucune question n’a été proposée aux fins de certification en vue d’un appel.

VI.  LA CONCLUSION

[20]  Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2550-19

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour de mars 2020.

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2550-19

INTITULÉ :

EHTISHAM-UL HAQ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 FÉVRIER 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 20 FÉVRIER 2020

COMPARUTIONS :

Giancarlo Volpe

POUR LE DEMANDEUR

Christopher Ezrin

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Desloges Law Group

Société professionnelle

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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