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Date : 20191128


Dossier : T-458-17

Référence : 2019 CF 1524

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 novembre 2019

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

RALLYSPORT DIRECT LLC

demanderesse

et

2424508 ONTARIO LTD., SYLVAIN CAYER, GENEVIEVE-ANN CAYER et 2590579 ONTARIO LTD., faisant affaire sous les raisons sociales « SubieDepot » et « SubieDepot.ca »

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une requête écrite en jugement sommaire ou en procès sommaire déposée le 3 décembre 2018 par les défendeurs 2424508 Ontario Ltd., Sylvain Cayer, Genevieve-Ann Cayer et 2590579 Ontario Ltd. (les défendeurs), sur le fondement des articles 213, 215 et 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les RCF). Il s’agit de la troisième requête semblable sur un point de droit déposée par les défendeurs dans la présente action, la première requête en procès sommaire ou en jugement sommaire ayant été déposée le 29 juin 2017 (modifiée le 20 juillet 2017) et la deuxième requête en jugement sommaire ayant été déposée le 5 décembre 2017. Dans la présente requête en jugement sommaire ou en procès sommaire, les défendeurs demandent à la Cour :

  • a) de statuer sur un point de droit, à savoir si l’intérêt commercial que la demanderesse cherche à protéger dans la présente action est visé par la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42;

  • b) subsidiairement, si elle conclut que l’intérêt ci‑dessus est un intérêt susceptible d’être protégé par la Loi sur le droit d’auteur, d’évaluer les dommages‑intérêts, le cas échéant, en ce qui concerne la responsabilité solidaire des défendeurs;

  • c) si elle tranche en faveur des défendeurs sur le point de droit, d’adjuger les dépens sur la requête et l’action;

  • d) si elle tranche en faveur de la demanderesse, (i) d’accorder des dommages‑intérêts ne dépassant pas 2 $ par œuvre; et (ii) d’ordonner à chaque partie d’assumer ses propres dépens relativement à la requête et à l’action;

  • e) de rendre une ordonnance disposant de l’action;

  • f) de rendre une ordonnance de désistement de la demande reconventionnelle, sans dépens;

  • g) d’accorder toute autre réparation qu’elle estime juste.

[2]  En réponse à la présente requête des défendeurs, la demanderesse demande à la Cour :

  • a) de rendre un jugement déclarant que les défendeurs sont solidairement responsables de la violation du droit d’auteur sur les photographies originales de RallySport, y compris les 6 photographies originales, les 112 photographies additionnelles et les 1 318 autres photographies et trois descriptions de produits;

  • b) de lui accorder des dommages‑intérêts préétablis de 500 $ par œuvre;

  • c) de lui accorder des dommages‑intérêts punitifs et exemplaires de 30 000 $;

  • d) de lui adjuger les dépens de la présente action, sur une base avocat-client ou selon une formule permettant une pleine indemnisation;

  • e) de lui accorder des intérêts antérieurs et postérieurs au jugement sur le point b) et des intérêts postérieurs au jugement sur le point d) ci‑dessus;

  • f) de lui accorder une injonction empêchant les défendeurs de reproduire ses images photographiques originales ou ses descriptions de produit originales apparaissant sur le site www.rallysportdirect.com sur leur site Web www.subiedepot.ca;

  • g) de rendre une ordonnance enjoignant aux défendeurs de retirer toutes les œuvres photographiques originales et toutes les descriptions de produit de leur site Web www.subiedepot.ca;

  • h) d’accorder toute autre réparation qu’elle estime juste.

[3]  Pour les motifs exposés ci-après, la Cour accueille la présente requête en jugement sommaire, en partie, en faveur de la demanderesse et conformément aux conditions indiquées ci‑dessous : paragraphe 215(1) des RCF.

II.  Actes de procédure

[4]  Dans sa nouvelle déclaration modifiée (la NDM) présentée le 25 septembre 2018, la demanderesse. Je signale que RSD utilise les termes [traduction] « descriptions de produit » et [traduction] « monographies de produit » de manière interchangeable tout au long de la NDM, ainsi que dans son dossier de requête et dans ses observations à l’appui de la requê, Rallysport Direct LLC (la demanderesse ou RSD), cherche à obtenir les réparations détaillées plus amplement à l’annexe A des présents motifs te. Toutefois, un examen approfondi des actes de procédure permet de clarifier que RSD cherche à faire valoir ses droits d’auteur relativement aux photographies et aux descriptions de produit. Mon analyse reposera donc sur cette prémisse.

[5]  La [traduction] « défense et demande reconventionnelle de Sylvain Cayer, de Genevieve-Ann Cayer et de l’entreprise 2590579 Ontario Ltd. » a été présentée le 9 novembre 2018. La défense contient des aveux selon lesquels 2424508 Ontario Ltd. a copié, ou demandé à une tierce partie de copier, les 112 et 1 318 photographies du site Web de RSD www.rallysportdirect.com et les a affichées sur son site Web www.subiedepot.ca, et que 2590579 Ontario Ltd. a affiché 41 des 112 photographies sur le site Web www.subiedepot.ca lorsqu’elle a commencé à gérer le site Web. Les défendeurs expliquent que ces reproductions ont été faites dans le cours des activités de l’entreprise, à titre de grossiste des produits de RSD, afin d’afficher les produits de cette dernière pour les revendre. Les parties n’étaient pas d’accord sur le moment de la publication et du retrait de ces reproductions, et il a été allégué qu’une partie des reproductions avait été faite par inadvertance ou à l’insu de certaines personnes. Les défendeurs ont plaidé que, de toute façon, la publication des photographies et des descriptions de produit de RSD sur les sites Web de commerce électronique des défendeurs était légale et qu’elle constituait une pratique de l’industrie dans le marché de pièces de rechange pour véhicules automobiles. En outre, ils font valoir qu’une telle utilisation des photographies et des descriptions de produit de RSD constitue une « utilisation équitable » au sens de l’article 29 de la Loi sur le droit d’auteur.

[6]  Dans leur demande reconventionnelle, Sylvain Cayer, Genevieve-Ann Cayer et 2590579 Ontario Ltd. demandent à la Cour :

  • a) de rendre une ordonnance déclarant que RSD a donné des indications fausses ou trompeuses au sens de l’article 52 de la Loi sur la concurrence (parce que dans le cadre de ses activités de commercialisation comme fournisseur Internet de pièces et d’accessoires spécialisés de rechange pour véhicules automobiles, RSD ne mentionne pas sur son site Web, auquel le public canadien a accès, qu’elle exploite également un commerce de détail dans la même région);

  • b) de leur adjuger les dépens de la présente action calculés selon l’échelle la plus élevée;

  • c) de leur accorder toute autre réparation que leur avocat peut demander et que la Cour estime juste.

[7]  Le 21 novembre 2018, RSD a déposé une [traduction] « réponse à la défense de Sylvain Cayer, de Genevieve‑Ann Cayer et de 2590579 Ontario Ltd. et une défense à la demande reconventionnelle des Cayer et de 2590579 Ontario Ltd. ». Dans sa réponse, RSD a abordé les questions suivantes : l’existence du droit d’auteur et les activités de contrefaçon des défendeurs relativement à ses images photographiques et à ses descriptions de produit qui seraient protégées par le droit d’auteur, les indications fausses ou trompeuses qu’elle aurait données, l’« utilisation équitable » des défendeurs, la responsabilité des défendeurs désignés, ainsi que le préjudice et les dommages qu’elle a subis. Dans sa défense reconventionnelle, RSD s’est fondée sur les allégations figurant dans sa déclaration et sa réponse, et elle demande à la Cour de rejeter la demande reconventionnelle des défendeurs dans son intégralité et de lui adjuger les dépens relativement à la demande reconventionnelle et à l’action principale.

[8]  Le 3 décembre 2018, les défendeurs ont déposé une [traduction] « réponse à la défense reconventionnelle ». Tous les défendeurs nient les allégations figurant dans la réponse à la défense et à la défense reconventionnelle datée du 21 novembre 2018. Ils font valoir qu’aucune requête pour obtenir un jugement par défaut ne peut être déposée contre 2424508 Ontario Ltd. conformément à l’article 210 des RCF, puisque 2424508 Ontario Ltd. a précédemment signifié et déposé une défense et demande reconventionnelle modifiée le 31 octobre 2017. Par ailleurs, les défendeurs affirment que RSD s’appuie sur des parties d’ententes commerciales (concernant le programme des grossistes de RSD) conclues entre les parties et cherche à les faire appliquer, d’une part, et qu’elle cherche à se soustraire à l’application de ces mêmes ententes commerciales, notamment l’entente sur les conditions d’utilisation, d’autre part.

III.  Contexte

[9]  La demanderesse, RSD, est une société américaine qui exerce ses activités en tant que fournisseur Internet sur le marché secondaire et distributeur de pièces et d’accessoires automobiles spécialisés, et ce, tant à titre de grossiste commercial qu’au moyen de ventes directes sur son site de commerce électronique www.rallysportdirect.com.

[10]  L’entreprise défenderesse 2424508 Ontario Ltd. (242 Ontario) était une société ontarienne qui, de 2016 à 2017, a exercé ses activités en tant que distributeur Internet sur le marché secondaire de pièces et d’accessoires automobiles spécialisés par l’intermédiaire du site de commerce électronique www.subiedepot.ca. Le 22 mars 2018, 242 Ontario a déclaré faillite.

[11]  L’entreprise défenderesse 2590579 Ontario Ltd. (259 Ontario) est une société ontarienne constituée en août 2017. Elle a exercé ses activités en tant que distributeur Internet sur le marché secondaire de pièces et d’accessoires automobiles spécialisés au moyen du site de commerce électronique www.subiedepot.ca, dont elle a assumé la gestion en novembre 2017. 259 Ontario exerce également ses activités par l’intermédiaire des sites www.ft86motorsports.com et www.dipit.ca.

[12]  Sylvain Cayer était le président, ainsi qu’un dirigeant et administrateur, de l’entreprise 242 Ontario et occupe les mêmes postes au sein de l’entreprise 259 Ontario. Genevieve‑Ann Cayer était dirigeante et administratrice de l’entreprise 242 Ontario et elle occupe les mêmes postes au sein de l’entreprise 259 Ontario. Ainsi, les défendeurs désignés Sylvain Cayer et Genevieve-Ann Cayer étaient ou sont les têtes dirigeantes des sociétés 242 Ontario et 259 Ontario. Sylvain Cayer détient également des droits dans le nom de domaine subiedepot.ca.

[13]  De 2009 à 2017, RSD a demandé à plusieurs de ses employés de photographier plus de 2 000 pièces et accessoires automobiles de rechange en vue de les utiliser pour la promotion et la vente de ses produits sur ses sites Web de vente en gros et au détail. RSD a demandé aux employés de mettre en scène des produits, des trousses (composées de multiples produits pouvant être utilisés ensemble) et d’ensembles de pièces pour que les clients potentiels puissent examiner les détails essentiels des produits afin d’assurer la compatibilité. RSD soutient que l’affichage des parties essentielles de ces produits est important dans l’industrie des pièces et des accessoires automobiles de rechange en raison du vaste éventail de pièces offertes et de l’interchangeabilité de pièces en particulier. RSD a également demandé à ses employés de préparer des descriptions de produit originales pour accompagner certaines des photographies de produit.

[14]  De mai 2016 au 1er décembre 2016, 242 Ontario était un grossiste autorisé pour RSD. En novembre 2016, Sylvain Cayer a demandé à des sous‑traitants de copier des images provenant du site Web www.rallysportdirect.com de RSD et de les afficher sur le site Web www.subiedepot.ca afin de promouvoir les activités de 242 Ontario. Sylvain Cayer et les sociétés défenderesses soutiennent que cette activité était légale, étant donné que 242 Ontario était un grossiste approuvé à l’époque.

[15]  Le 2 décembre 2016, RSD a mis fin au statut de grossiste autorisé de 242 Ontario. RSD explique qu’elle a agi ainsi en raison des violations susmentionnées. 242 Ontario signale néanmoins qu’elle a continué de mettre en marché et de se procurer uniquement les produits en gros de RSD jusqu’au 26 décembre 2016.

[16]  RSD allègue avoir appris à la fin de décembre 2016 que 242 Ontario affichait six photographies lui appartenant sur le site Web www.subiedepot.ca. Le 29 décembre 2016, l’avocat de RSD a avisé Sylvain Cayer de la contrefaçon par lettre et par courriel et a demandé à 242 Ontario de retirer de son site Web les photographies appartenant à RSD. À la connaissance de RSD, celles‑ci ont été retirées peu après.

[17]  En février 2017, RSD a découvert que 242 Ontario affichait 112 photographies supplémentaires lui appartenant sur son site Web www.subiedepot.ca. Selon 242 Ontario, ces photographies étaient affichées en raison d’une erreur commise par le sous‑traitant embauché par Sylvain Cayer, et ces images auraient été initialement téléversées lorsque 242 Ontario était un grossiste autorisé pour RSD. En réponse, le 28 mars 2017, RSD a présenté une déclaration dans laquelle elle alléguait une violation du droit d’auteur sur les 112 photographies lui appartenant et l’a signifiée à 242 Ontario le 5 avril 2017.

[18]  En juin 2017, RSD a appris que 242 Ontario affichait 1 318 photographies supplémentaires et trois descriptions de produit lui appartenant sur son site Web www.subiedepot.ca. 242 Ontario allègue que ces images supplémentaires ont aussi été téléversées par inadvertance par le même sous‑traitant lorsque 242 Ontario était un grossiste autorisé pour RSD. 242 Ontario soutient que, une fois qu’elle a pris connaissance des violations, elle a immédiatement et définitivement retiré les photographies de son site Web. D’après RSD, ces images sont restées sur le site Web www.subiedepot.ca de 242 Ontario jusqu’en novembre 2017 et ont été retirées uniquement en réponse aux procédures judiciaires en cours.

[19]  Le 1er août 2017 ou vers cette date, Sylvain et Genevieve-Ann Cayer ont constitué la société 259 Ontario. Après avoir décidé de mettre fin aux activités de commerce électronique en ligne de 242 Ontario, Sylvain Cayer a personnellement acheté le contenu du site Web de 242 Ontario et, le 31 octobre 2017, il a autorisé l’expiration de la location du nom de domaine subiedepot.ca. Le 1er novembre 2017, Sylvain Cayer a loué le nom de domaine subiedepot.ca et a vendu le contenu du site Web à 259 Ontario.

[20]  Le 5 décembre 2017, avant le début des communications préalables, 242 Ontario a déposé son deuxième avis de requête en jugement sommaire. La protonotaire Tabib a ordonné aux parties de procéder aux communications préalables et de poursuivre la requête en jugement sommaire de manière concomitante. Sylvain Cayer a toutefois fait savoir qu’il n’allait pas procéder aux communications préalables ordonnées par la Cour, qui devaient commencer à la mi‑février 2018, à la lumière de la faillite imminente de 242 Ontario.

[21]  Dans une ordonnance fixant l’échéancier rendue le 31 juillet 2018, la protonotaire Tabib a fixé le délai dans lequel RSD devait signifier et déposer un dossier de requête complet à l’avocat des défendeurs relativement à sa requête en modification (sa déclaration) en vue d’ajouter de nouveaux défendeurs et le délai pour terminer les interrogatoires préalables. Le 18 septembre 2018, la protonotaire Tabib a autorisé RSD à ajouter les défendeurs désignés et 259 Ontario à sa déclaration modifiée et a adjugé des dépens de 5 000 $ contre les défendeurs désignés et 259 Ontario parce qu’ils se sont opposés à la requête. RSD a déposé la NDM le 25 septembre 2018.

[22]  Le 3 décembre 2018, les défendeurs ont déposé leur dossier pour la présente requête en jugement sommaire ou en procès sommaire. Le 21 décembre 2018, la protonotaire Tabib a notamment ordonné à RSD de déposer son dossier de requête en réponse au plus tard le 15 février 2019. Dans ses observations écrites déposées en réponse, RSD a invoqué les motifs originaux figurant dans sa déclaration, en plus de 42 cas de contrefaçon continue des 1 318 photographies lui appartenant, de six nouveaux cas de contrefaçon photographique, d’un cas de contrefaçon continue des 112 photographies lui appartenant , ainsi que d’un nouveau cas de contrefaçon des descriptions de produit.

[23]  Les parties ont mené divers contre-interrogatoires sur les affidavits figurant dans leur dossier de requête respectif (de brefs détails sont présentés plus bas). Le 5 avril 2019, RSD a déposé des observations écrites supplémentaires découlant de ces contre‑interrogatoires. Les défendeurs ont présenté une réponse le 26 avril 2019, qui totalisait 45 pages, en plus des pièces. Ils ont affirmé que cette observation réunissait leur réponse fondée sur le paragraphe 369(3) des RCF ainsi que leurs observations écrites découlant des contre‑interrogatoires liés à l’action principale.

[24]  Le 1er mai 2019, dans le cadre des observations relatives aux dépens déposées en réponse à la directive du juge Pentney datée du 25 avril 2019 (concernant l’appel des défendeurs interjeté à l’encontre de l’ordonnance fixant l’échéancier de la protonotaire Tabib en date du 28 novembre 2017), RSD a contesté la longueur de la réponse des défendeurs, puisque celle‑ci excédait la longueur de 30 pages permise par le paragraphe 70(4) des RCF. Le 3 mai 2019, les défendeurs ont produit d’autres observations en réponse portant notamment sur la longueur de leur réponse, qu’ils considéraient comme deux actes de procédure : un lié à l’audience sur la gestion de l’instance du 20 décembre 2019 et l’autre à l’ordonnance de la protonotaire Tabib du 21 décembre 2018.

[25]  Le 11 octobre 2019, la Cour a ordonné aux défendeurs de modifier la longueur de leur réponse ou de présenter une requête pour obtenir l’autorisation d’augmenter la longueur de leur réponse, sans quoi ils risqueraient d’être condamnés aux dépens. Par conséquent, le 21 octobre 2019, les défendeurs ont retiré leur réponse et déposé une nouvelle réponse au titre du paragraphe 369(3) des RCF, en conformité avec le paragraphe 70(4) des RCF.

[26]  D’autres détails au sujet de la complexité et de la progression de l’action se trouvent dans l’ordonnance du juge Pentney du 31 juillet 2019 concernant l’appel interjeté relativement à l’ordonnance fixant l’échéancier du 28 novembre 2017. Bien que l’appel soit devenu théorique au cours de l’instance, je remarque que le juge Pentney ne s’est pas prononcé sur les dépens, qui seront établis au moment où la décision finale sera rendue.

IV.  Preuve

[27]  RSD et les défendeurs se fondent sur la preuve par affidavit et la preuve recueillie lors des contre‑interrogatoires dans la présente requête. L’essentiel de la preuve portait sur la propriété du droit d’auteur, le coût approprié de la production des photographies et des descriptions de produit, ainsi que le témoignage d’opinion sur la question de savoir lesquels de ces coûts devraient être inclus dans le calcul des dommages que RSD aurait subis.

V.  Questions en litige

[28]  Les questions que la Cour doit trancher sont les suivantes :

  1. La question de savoir si l’intérêt commercial que la défenderesse cherche à protéger en l’espèce relève de la Loi sur le droit d’auteur est-elle une véritable question litigieuse?

  2. Le montant des dommages‑intérêts approprié est-il une véritable question litigieuse?

VI.  Observations des parties

A.  La question de savoir si l’intérêt commercial que la défenderesse cherche à protéger en l’espèce relève de la Loi sur le droit d’auteur est-elle une véritable question litigieuse?

(1)  Observation de la partie requérante (défendeurs/demandeurs reconventionnels)

[29]  Les défendeurs soutiennent qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse lorsque le juge dispose de la preuve nécessaire pour trancher justement et équitablement le litige : Milano Pizza Ltd. c 6034799 Canada Inc., 2018 CF 1112 [Milano Pizza], aux par. 31-33. Ils affirment en outre qu’un jugement sommaire peut être rendu même lorsque les faits et le droit sont contestés, à moins qu’il soit injuste de le faire : Inspiration Management Ltd c McDermid St (1989), 36 BCLR (2d) 202 [Inspiration Management], au par. 40. Cela est particulièrement vrai lorsque la Cour doit statuer uniquement sur un point de droit : E Mishan & Sons, Inc c Supertek Canada Inc., 2016 CF 613 [E Mishan], au par. 30, citant Hryniak c Mauldin, 2014 CSC 7 [Hryniak], aux par. 23-25, 28.

[30]  Les défendeurs font valoir que [traduction] « les intérêts commerciaux » de RSD ne relèvent pas de la Loi sur le droit d’auteur ou, subsidiairement, que la question de savoir s’ils relèvent de cette loi soulève un point de droit. Ils soutiennent que la Cour détient les renseignements nécessaires pour trancher l’une ou l’autre de ces questions par jugement sommaire écrit.

[31]  Les défendeurs affirment que la protection du droit d’auteur ne doit pas être utilisée pour protéger des intérêts qui dépassent la portée de l’expression créative. Ainsi, les efforts de RSD pour protéger ce qui est un intérêt commercial du point de vue des défendeurs, à savoir la vente de pièces automobiles et l’augmentation de sa clientèle et des profits, ne relèvent pas de la Loi sur le droit d’auteur et constituent une mauvaise utilisation de la protection du droit d’auteur. Ils soutiennent également que [traduction] « pour que l’action en violation du droit d’auteur de RSD soit accueillie, RSD et les défendeurs doivent tous être des participants de l’industrie des images de pièces automobiles, et le droit d’auteur doit être “l’unique objet de l’exercice ou de l’utilisation” », ce qui n’est pas le cas.

[32]  Les défendeurs s’appuient sur l’opinion minoritaire du juge Bastarache dans l’arrêt Euro‑Excellence selon laquelle les logos sont simplement l’élément accessoire du bien de consommation sous‑jacent des barres de chocolat, sur la remarque incidente du juge Fish dans l’arrêt Euro-Excellence selon laquelle le « droit régissant la protection de la propriété intellectuelle au Canada [ne devrait pas être transformé] en un instrument de contrôle du commerce », ainsi que sur la conclusion de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt TREB selon laquelle « un agissement anti-concurrentiel ne peut s’abriter derrière le droit d’auteur à moins que l’utilisation ou la protection du droit d’auteur soit la seule justification de la pratique en question » : Euro-Excellence Inc. c Kraft Canada Inc., 2007 CSC 37 [Euro-Excellence], aux par. 56, 93-101; Toronto Real Estate Board c Commissaire de la concurrence, 2017 CAF 236 [TREB], aux par. 179-181.

(2)  Observations de la partie intimée (demanderesse/défenderesse reconventionnelle)

[33]  RSD soutient que le fait de savoir si elle a des droits d’auteur sur les photographies et les descriptions de produit n’est pas une véritable question et demande à la Cour d’accorder un jugement sommaire en sa faveur : Apotex Inc. c Pfizer Canada Inc., 2016 CF 136 [Apotex], aux par. 33-36, conf. par 2017 CAF 201.

[34]  RSD affirme que les photographies et les descriptions de produits relèvent carrément de « toute œuvre littéraire [...] ou artistique originale » au sens des articles 2 et 3 de la Loi sur le droit d’auteur. Elle s’appuie sur les décisions Century 21 et Trader, où la Cour suprême de la Colombie-Britannique et la Cour supérieure de justice de l’Ontario ont respectivement soutenu que les photographies de maisons et les descriptions de propriétés, ainsi que les photographies de voitures, étaient des objets protégés par le droit d’auteur, peu importe si elles ont été prises ou faites pour vendre d’autres produits ou en faire la promotion : Century 21 Canada Limited Partnership c Rogers Communications Inc., 2011 BCSC 1196 [Century 21]; Trader c CarGurus, 2017 ONSC 1841 [Trader].

[35]  RSD établit une distinction entre l’espèce et les arrêts Euro-Excellence et TREB au motif que, dans ces deux affaires, le demandeur cherchait à restreindre le commerce ou la disponibilité du produit contrefait. RSD précise qu’elle ne cherche qu’à mettre fin à l’utilisation par les défendeurs des images ou œuvres photographiques et des descriptions de produit et qu’elle ne cherche aucunement à nuire à la disponibilité des produits automobiles de rechange vendus par les défendeurs.

B.  Le montant des dommages‑intérêts approprié est-il une véritable question litigieuse?

(1)  Observations de la partie requérante (défendeurs/demandeurs reconventionnels)

[36]  Si la Cour conclut que les intérêts commerciaux de RSD relèvent de la Loi sur le droit d’auteur, les défendeurs reconnaissent qu’ils assument une responsabilité solidaire. Ils font valoir que, lorsqu’il y a reconnaissance de responsabilité à l’égard d’une violation, procéder à l’instruction de la question de la somme due est un gaspillage des ressources judiciaires limitées qui occasionne des retards et « peut faire obstacle au règlement juste et équitable des litiges » [en italique dans l’original] : Milano Pizza, précitée, au par. 28, citant Hyrniak, au par. 24. Ils soutiennent que la Cour a le droit de présumer que les parties ont présenté leurs meilleurs arguments dans les requêtes en jugement sommaire et qu’elle détient tous les renseignements nécessaires pour rendre une décision. Ils affirment en outre que si la Cour requiert d’autres faits, il convient de procéder par renvoi ou procès sommaire.

[37]  Les défendeurs soutiennent que même s’ils sont responsables de la violation, il ne convient pas de les condamner à verser des dommages‑intérêts puisque les intérêts que RSD cherche à protéger n’ont rien à voir avec la protection de la diffusion des œuvres, mais sont plutôt de nature anti‑concurrentielle : Théberge c Galerie d’Art du Petit Champlain inc., 2002 CSC 34, au par. 32; Robertson c Thompson Corp., 2006 CSC 43, au par. 69. Ils affirment que la portée des dommages‑intérêts visés par la Loi sur le droit d’auteur se limite à la perte de profits associés à la vente d’œuvres créatives ou à l’octroi de licences pour ces œuvres, et ils sont d’avis que, comme RSD n’exploite pas une entreprise de vente d’images de pièces automobiles et n’octroie pas de licence pour ses photos, elle n’a subi aucun préjudice qui justifie de lui accorder des dommages‑intérêts. Les défendeurs ne croient pas que la perte d’activités provenant d’un site de commerce électronique, qui, à leur avis, n’a pas été démontrée ni prouvée en l’espèce, relève de la Loi sur le droit d’auteur. Ils estiment plutôt que ces pertes sont le résultat d’une question contractuelle, qui échappe à la compétence de la Cour : Netbored Inc. c Averty Holdings Inc., 2005 CF 933 [Netbored], aux par. 2, 6, 10.

[38]  Enfin, les défendeurs affirment qu’il est contraire à l’intérêt de la justice et au droit de la responsabilité délictuelle pour la demanderesse de se prévaloir des dispositions sur les dommages-intérêts préétablis prévues par la Loi sur le droit d’auteur sans preuve de pertes.

(2)  Observations de la partie intimée (demanderesse/défenderesse reconventionnelle)

[39]  RSD réclame des dommages-intérêts préétablis conformément à l’alinéa 38.1(1)a) de la Loi sur le droit d’auteur. Dans ses observations écrites et dans une lettre distincte envoyée à la Cour, RSD demande la tenue d’un procès sommaire ou la possibilité de formuler des observations orales concernant les dommages-intérêts et les dépens. Elle explique que cela l’aidera à mieux expliquer la preuve par affidavit, la jurisprudence et l’historique des actes de procédure, car l’octroi de dommages-intérêts préétablis oblige la Cour à tenir compte du comportement des parties, conformément au paragraphe 38.1(5) de la Loi sur le droit d’auteur.

[40]  RSD fait valoir que les défendeurs ont intentionnellement diminué le trafic Web généré naturellement, ce qui a entraîné une diminution du nombre de visionnements et des ventes subséquentes, et que leurs contrefaçons leur ont permis d’éviter des coûts de production. RSD fait valoir qu’une réparation est nécessaire parce que Sylvain Cayer a refusé de se présenter à l’interrogatoire préalable, ce qui l’a empêchée d’évaluer les profits que les défendeurs ont réalisés grâce à leurs contrefaçons, et parce qu’il est difficile, voire impossible, de déterminer avec exactitude les pertes économiques causées par une absence de trafic Web généré naturellement.

[41]  RSD cite les décisions Century 21, Trader et Telewizja pour démontrer que la Cour peut accorder des dommages-intérêts préétablis, même quand la perte de revenus est négligeable : Century 21, précitée, au par. 421; Trader, précitée, aux par. 67, 104; Telewizja Polsat S.A. c Radiopol Inc., 2006 CF 584, au par. 49. La demanderesse renvoie aussi aux décisions Collett et Ritchie pour démontrer que les tribunaux canadiens ont accordé des dommages-intérêts préétablis : Collett c Northland Art Company Canada Inc., 2018 CF 269 [Collett]; Ritchie c Sawmill Creek Golf & Country Club Ltd., 2003 CanLII 24511 (C.S. Ont.) [Ritchie].

VII.  Analyse

A.  Principes juridiques applicables aux requêtes en jugement sommaire

[42]  Dans la décision Milano Pizza, la juge Mactavish (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) a effectué une analyse approfondie du droit relatif aux jugements sommaires tel qu’il s’applique aux cours fédérales depuis l’arrêt Hryniak de la Cour suprême, précité : Milano Pizza, précitée, aux par. 24-41. Ces principes sont les suivants :

  1. Le jugement sommaire a pour objet de permettre à la Cour de (i) statuer sommairement sur des actions qui ne soulèvent pas de véritable question litigieuse qui devrait donner lieu à un procès, (ii) d’épargner ainsi les ressources judiciaires limitées et (iii) d’améliorer l’accès à la justice : Milano Pizza, précitée, au par. 25.

  2. Les règles régissant les jugements sommaires doivent recevoir une interprétation large et propice à la proportionnalité et à l’accès équitable à un règlement abordable, expéditif et juste des demandes; pour être « juste et équitable », la procédure « doit permettre au juge de dégager les faits nécessaires au règlement du litige et d’appliquer les principes juridiques pertinents aux faits établis » : Milano Pizza, précitée, au par. 29, citant Hryniak, précité, aux par. 5 et 28.

  3. Pour savoir s’il n’existe aucune véritable question litigieuse, il faut se demander si le succès de la demande est tellement douteux que celle‑ci ne mérite pas d’être examinée par le juge des faits dans le cadre d’un éventuel procès; ou, subsidiairement, si la demande n’a pas de fondement juridique d’après le droit ou les éléments de preuve présentés. Les jugements sommaires ne sont pas réservés aux affaires « particulièrement claires » : Milano Pizza, précitée, aux par. 31 et 33, citant Canada (Citoyenneté et Immigration) c Campbell, 2014 CF 40, au par. 14, Itv Technologies Inc. c Wic Television, 2001 CAF 11, aux par. 4-6, Premakumaran c Canada, 2006 CAF 213, aux par. 9-11; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Schneeberger, 2003 CF 970, au par. 17; Manitoba c Canada, 2015 CAF 57, aux par. 15-16; et Burns Bog Conservation Society c Canada, 2014 CAF 170, aux par. 35-36.

  4. Lorsque les faits nécessaires ne permettent pas de régler le litige de manière juste et équitable, ou lorsqu’il serait injuste de rendre une conclusion sur ces seuls faits, un jugement sommaire ne sera pas rendu : Milano Pizza, précitée, aux par. 29 et 36, citant Hryniak, précité, au par. 28.

  5. Il serait injuste de rendre une conclusion sur les seuls faits lorsque les questions n’ont pas été soulevées par une partie, car cela les empêcherait de connaître la cause à instruire : Milano Pizza, précitée, aux par. 107-108 et 112, citant Albian Sands Energy Inc. c Positive Attitude Safety System Inc., 2005 CAF 332 [Albian Sands], au par. 45.

  6. Le tribunal saisi d’une requête en jugement sommaire ne doit pas se prononcer sur les questions de crédibilité. Le juge qui entend et observe le témoignage et le contre-interrogatoire des témoins est mieux à même de tirer des inférences et d’apprécier la preuve que le juge qui doit uniquement se fonder sur des affidavits et des éléments de preuve : Milano Pizza, précitée, aux par. 37-38, citant TPG Technology Consulting Ltd. c Canada, 2013 CAF 183, au par. 3; Newman c Canada, 2016 CAF 213, au par. 57; Suntec Environmental Inc. c Trojan Technologies Inc., 2004 CAF, 140 [Suntec], aux par. 20, 28-29; Succession MacNeil c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord), 2004 CAF 50, au par. 38.

  7. L’existence d’une apparente contradiction de preuves n’empêche pas en soi le tribunal de soulever des questions de crédibilité et de prononcer un jugement sommaire. Les juges doivent « se pencher de près sur le fond de l’affaire » et décider s’il y a des questions de crédibilité à trancher : Milano Pizza, précitée, au par. 39, citant Granville Shipping Co. c Pegasus Lines Ltd. S.A., 1996 CanLII 4027 (CF), au par. 7.

  8. Le prononcé d’un jugement sommaire fera en sorte que la partie ne pourra pas présenter de preuve à l’instruction; autrement dit, la partie qui n’a pas gain de cause perdra la possibilité de se faire entendre en cour : Milano Pizza, précitée, au par. 40, citant Apotex Inc. c Merck & Co. Inc., 2004 CF 314, au par. 12, conf. par 2004 CAF 298.

[43]  En gardant à l’esprit ces principes, j’examinerai maintenant le bien‑fondé de la requête des défendeurs.

B.  La question de savoir si l’intérêt commercial que la demanderesse cherche à protéger en l’espèce relève de la Loi sur le droit d’auteur est-elle une véritable question litigieuse?

[44]  Le droit d’auteur existe automatiquement « sur toute œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique originale » : Loi sur le droit d’auteur, al. 5(1)a).

[45]  Dans l’arrêt CCH, la Cour suprême a défini la portée de ce qui est protégé par le droit d’auteur : CCH Canadienne Ltée c Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13 [CCH], au par. 16 :

[...] Pour être « originale » au sens de la Loi sur le droit d’auteur, une œuvre doit être davantage qu’une copie d’une autre œuvre. Point n’est besoin toutefois qu’elle soit créative, c’est-à-dire novatrice ou unique. L’élément essentiel à la protection de l’expression d’une idée par le droit d’auteur est l’exercice du talent et du jugement. J’entends par talent le recours aux connaissances personnelles, à une aptitude acquise ou à une compétence issue de l’expérience pour produire l’œuvre. J’entends par jugement la faculté de discernement ou la capacité de se faire une opinion ou de procéder à une évaluation en comparant différentes options possibles pour produire l’œuvre. Cet exercice du talent et du jugement implique nécessairement un effort intellectuel. L’exercice du talent et du jugement que requiert la production de l’œuvre ne doit pas être négligeable au point de pouvoir être assimilé à une entreprise purement mécanique. Par exemple, tout talent ou jugement que pourrait requérir la seule modification de la police de caractères d’une œuvre pour en créer une « autre » serait trop négligeable pour justifier la protection que le droit d’auteur accorde à une œuvre « originale ». [Non souligné dans l’original.]

[46]  Dans la décision Century 21, la CSCB a conclu que les photographies et les descriptions de maisons en vente sont les produits de l’exercice du talent et du jugement et sont donc protégées par le droit d’auteur. Même si la Cour a reconnu que ces images et ces descriptions ont été créées explicitement à des fins de commercialisation, cet objectif ne présentait aucune importance pour savoir s’il y avait eu violation. Plutôt, il importait de savoir que les photographies et les descriptions avaient été essentiellement copiées et distribuées : Century 21, précitée, aux par. 185-187, 194.

[47]  Dans la décision Trader, la CS de l’Ontario a conclu que les photographies originales sont intrinsèquement visées par le droit d’auteur, expliquant que, selon le paragraphe 5(1) de la Loi sur le droit d’auteur, les tribunaux canadiens n’évaluent pas la nature artistique ou esthétique d’une photographie, mais examinent plutôt si l’auteur de l’œuvre a exercé un [traduction] « talent et un jugement » dans sa création : Trader, précitée, au par. 22. Puisque les photographes exercent nécessairement un jugement lorsqu’ils choisissent un objet, des angles, une mise en scène, un cadrage et, au final, les produits qu’ils utilisent, les photographies qui en résultent sont protégées par le droit d’auteur : Trader, précitée, aux par. 23-26.

[48]  À la lumière de ce qui précède, je conclus que les photographies et les descriptions de produit sont protégées par le droit d’auteur; je suis convaincue, d’après la preuve au dossier, que les employés de RSD les ont originalement créées. Les employés de RSD devaient acquérir, placer et photographier des pièces et des accessoires automobiles individuels — dans certains cas, ils devaient les regrouper pour former des [traduction] « trousses » — et sélectionner les photos les plus attrayantes. Comme il a été reconnu dans la décision Trader, cet exercice implique intrinsèquement le jugement et le talent au niveau requis dans l’arrêt CCH. De même, comme il a été supposé dans la décision Century 21, les descriptions de produit contestées atteignent aussi ce seuil; même si les descriptions de produit ne sont pas excessivement créatives, il n’est pas nécessaire qu’elles le soient. Ce qui importe, c’est qu’elles reflètent l’exercice du talent et du jugement (c.-à-d. qu’elles ne constituent pas seulement des changements négligeables apportés à une autre œuvre) et impliquent un effort intellectuel, et non la seule collecte de données : CCH, précité, au par. 16. C’était le cas en l’espèce; les descriptions de produit elles‑mêmes détaillent les produits d’une façon telle qu’elles incitent les acheteurs à acheter ces produits en particulier plutôt que d’autres. Même si elles ont été créées à des fins commerciales (ou pour des « intérêts commerciaux », comme diraient les défendeurs), cela n’atténue en rien la créativité requise pour produire les œuvres elles‑mêmes ni leur originalité.

[49]  Les défendeurs soutiennent que RSD entend mal utiliser la protection du droit d’auteur afin de protéger ce qui est en réalité un intérêt commercial, ce qu’interdisent les arrêts Euro‑Excellence et TREB. Selon les défendeurs, les « intérêts commerciaux » de RSD sont les intérêts à maintenir ou à augmenter ses parts de marché et son trafic Web. Je ne suis pas d’accord pour dire que l’espèce devrait se limiter à une approche aussi étroite. S’il est vrai que RSD cherche à quantifier ses dommages‑intérêts par rapport à la perte de parts de marché ou à la perte de trafic Web généré naturellement, elle ne fait pas valoir son droit d’auteur uniquement pour protéger ces intérêts. Elle cherche plutôt à contrôler la façon dont ses œuvres protégées par le droit d’auteur sont utilisées ou autrement commercialisées par d’autres personnes. Elle a choisi de ne pas fournir gratuitement ses photographies ni d’accorder autrement une licence sur ses photographies précisément parce qu’elle ne veut pas que d’autres personnes les utilisent. La raison pour laquelle elle a choisi de le faire importe peu pour l’application de la Loi sur le droit d’auteur. Ayant créé les œuvres originales, RSD avait le droit de décider qui pourrait les reproduire : Loi sur le droit d’auteur, al. 3a).

[50]  Je conviens avec la CSCB que [traduction] « les œuvres [créées et] utilisées à des fins commerciales bénéficient de la protection du droit d’auteur » tant et aussi longtemps que les œuvres elles‑mêmes satisfont au seuil nécessaire pour être protégées par le droit d’auteur : Century 21, précitée, aux par. 183-184; TREB, précité, au par. 195. Il s’agit de l’approche adoptée par une majorité de cinq juges contre quatre dans l’arrêt Euro-Excellence de la Cour suprême. En rejetant de manière catégorique l’approche relative aux « œuvres accessoires » proposée par le juge Bastarache, la Cour suprême a confirmé que toutes les œuvres artistiques sont protégées par le droit d’auteur si elles satisfont aux normes requises du « talent » et du « jugement » définies dans l’arrêt CCH : Euro-Excellence, précité, aux par. 4-6, 111. La Cour suprême a rejeté l’approche relative aux « œuvres accessoires » expressément parce qu’il serait trop difficile de déterminer de manière constante l’utilisation primaire et secondaire.

[51]  Je reconnais que, dans la décision Trader, la société vendait des [traduction] « services de saisie » et que la décision Century 21 concernait des images faisant l’objet d’une licence délivrée par des particuliers, mais ces détails importent peu. Les défendeurs ne m’ont renvoyé à aucune affaire, et je n’en connais aucune, qui confirme que le droit d’auteur ne peut s’appliquer à une image qui est utilisée sans licence à des fins de reproduction future.

[52]  Les défendeurs s’appuient aussi sur l’arrêt TREB, où la Cour d’appel fédérale a conclu que la base de données contestée ne pouvait pas être protégée parce qu’elle avait été créée instantanément au moyen de l’acte mécanique d’entrée de données et que, par conséquent, elle ne respectait pas le seuil de l’originalité : TREB, précité, au par. 194. Je signale que le juge Manson est parvenu à la même conclusion en ce qui concerne les métabalises : Red Label Vacations inc. (redtag.ca) c 411 Travel Buys Limited (411travelbuys.ca), 2015 CF 18, au par. 101, conf. par 2015 CAF 290, au par. 29.

[53]  À mon avis, et comme je l’ai mentionné plus haut, il y a une différence importante entre l’entrée de données ou la sélection de mots‑clés, d’une part, et les photographies et les descriptions à des fins commerciales, d’autre part. Alors que les moyens pour recueillir des données ou décrire des termes dans des métabalises peuvent être limités, les moyens pour mettre en scène une photographie d’un produit ou pour décrire un produit afin d’attirer des acheteurs ne sont pas limités au point où le fait de protéger par le droit d’auteur les photographies et les descriptions octroierait en quelque sorte un monopole sur la photographie et la description du produit à vendre : Trader, précitée, au par. 25. Même lorsque les photographies doivent montrer les détails essentiels d’un produit unique, il convient tout de même de tenir compte de variables comme les angles, la mise en scène et le cadrage, entre autres : Trader, précitée, au par. 23.

[54]  Par ailleurs, même si je reconnais que, dans l’arrêt TREB, la Cour d’appel fédérale était préoccupée par le fait que le droit d’auteur était revendiqué pour continuer un agissement anti‑concurrentiel, cette question a été abordée dans le contexte des moyens de défense prévus par la Loi sur la concurrence. La Cour n’a pas examiné ni commenté la portée de la protection prévue par la Loi sur le droit d’auteur : TREB, précité, au par. 49.

[55]  L’affaire dont est saisie la Cour se distingue de l’arrêt TREB, puisque les actions de RSD n’ont pas été jugées comme anti-concurrentielles. Comme l’a fait ressortir RSD, les défendeurs peuvent produire et utiliser leurs propres photos et descriptions de produit pour concurrencer RSD dans la vente des mêmes produits. Ainsi, la plus grande préoccupation de RSD est l’utilisation par les défendeurs de ses photographies et descriptions de produit à cette fin — utilisation qui est expressément protégée par la Loi sur le droit d’auteur. À mon avis, on ne peut citer à bon droit l’arrêt TREB comme exemple de préoccupations anti-concurrentielles ayant préséance sur la protection du droit d’auteur, car il a été conclu que le droit d’auteur n’avait jamais existé : TREB, précité, aux par. 194-195. Lorsque le Tribunal de la concurrence a analysé cette question au regard de la Loi sur le droit d’auteur, c’était pour mentionner que le TREB associait des conditions anti-concurrentielles à l’utilisation de sa propriété intellectuelle : Le Commissaire de la concurrence c Le Toronto Real Estate Board, 2016 CACT 7, aux par. 754‑756. Ce n’est pas le cas en l’espèce, puisque RSD n’a pas accordé de licence pour ces images.

[56]  Enfin, les défendeurs font valoir qu’il s’agit d’un litige contractuel et que la Cour n’a pas compétence pour accorder une réparation : Netbored, précitée. Je ne suis pas de cet avis. La déclaration et la défense de RSD relativement à la présente requête sont bien formulées; les réparations sollicitées cadrent avec les protections offertes par la Loi sur le droit d’auteur. Pour protéger son droit d’auteur, la demanderesse dans la décision Netbored a cherché à mettre fin à toute concurrence par un ancien employé, de crainte qu’il viole son contrat d’emploi : Netbored, précitée, aux par. 6, 21-23. En l’espèce, RSD cherche à mettre fin à l’utilisation par les défendeurs de ses propres images et descriptions de produit afin de protéger ses intérêts, et non à mettre fin à la concurrence dans l’affichage d’images de ces produits. Il convient de distinguer les deux affaires, tant dans leur approche que dans le fait que les défendeurs n’étaient pas assujettis à un contrat d’emploi ni à une obligation fiduciaire à l’endroit de RSD au moment des faits.

[57]  En résumé, la création de photographies et de descriptions de produit qui satisfont au critère de l’originalité décrit dans l’arrêt CCH est protégée par le droit d’auteur. Par conséquent, les photographies et les descriptions de produit originales de RSD sont protégées par le droit d’auteur, et cette dernière peut demander que soit limitée la violation de son droit d’auteur. Les défendeurs acceptent la responsabilité solidaire de toute violation du droit d’auteur si la Cour estime que les [traduction] « intérêts » que RSD cherche à protéger sont visés par la Loi sur le droit d’auteur.

[58]  La Loi sur le droit d’auteur permet au titulaire du droit d’auteur de réclamer des dommages‑intérêts, qu’ils soient prouvables ou préétablis, pour toute violation. La propriété du droit d’auteur de RSD sur ces photographies et ces descriptions de produit n’est pas en cause en l’espèce et, partant, dans la présente requête.

[59]  La Cour suprême décrit les circonstances dans lesquelles il n’y aura aucune véritable question litigieuse : Hryniak, précité, au par. 66 :

[66] Lors de l’audition d’une requête en jugement sommaire aux termes de la règle 20.04, le juge devrait en premier lieu décider, compte tenu uniquement de la preuve dont il dispose et sans recourir aux nouveaux pouvoirs en matière de recherche des faits, s’il existe une véritable question litigieuse nécessitant la tenue d’un procès. Il n’y aura pas de question de ce genre si la procédure de jugement sommaire lui fournit la preuve nécessaire pour trancher justement et équitablement le litige et constitue une procédure expéditive, abordable et proportionnée selon l’al. 20.04(2)a) des Règles. S’il semble y avoir une véritable question nécessitant la tenue d’un procès, le juge devrait alors déterminer si l’exercice des nouveaux pouvoirs prévus aux par. 20.04(2.1) et (2.2) des Règles écartera la nécessité d’un procès. Le juge peut exercer ces pouvoirs à son gré, pourvu que leur exercice ne soit pas contraire à l’intérêt de la justice. Leur exercice ne sera pas contraire à l’intérêt de la justice s’il aboutit à un résultat juste et équitable et permettra d’atteindre les objectifs de célérité, d’accessibilité économique et de proportionnalité, compte tenu du litige dans son ensemble.

[60]  À la lumière de ce qui précède, et puisque ces principes s’appliquent également aux articles 213 et 215 des RCF, j’estime qu’il n’y a pas de véritable question litigieuse pour ce qui est de savoir si l’[traduction] « intérêt commercial » de la demanderesse relève de la Loi sur le droit d’auteur : paragraphe 215(1) des RCF. À mon sens, la question qui se pose est celle de savoir si les photographies et les descriptions de produit de RSD sont protégées par le droit d’auteur, étant donné que les images ont été produites uniquement pour soutenir les activités de commerce électronique de RSD. J’ai conclu qu’elles sont effectivement protégées et, comme je l’ai mentionné, les défendeurs ont reconnu être solidairement responsables de la violation si c’est le cas.

[61]  La demanderesse a demandé que la requête soit tranchée en sa faveur : Apotex, précitée, aux par. 33-36; Milano Pizza, précitée, aux par. 108, 112. Dans la décision Apotex, le juge Diner a conclu que puisque la question principale était un point de droit qui ne dépendait pas des éléments de preuve présentés, il pouvait accorder un jugement sommaire en faveur de l’une ou l’autre des parties : Apotex, précitée, au par. 36, s’appuyant sur l’arrêt Banque Manuvie du Canada c Conlin, [1996] 3 RCS 415 [Conlin]. Dans l’arrêt Conlin, la Cour suprême a autorisé un jugement sommaire contre l’appelante, concluant que celle‑ci avait eu l’occasion de vérifier le témoignage de l’intimé, mais qu’elle avait choisi de ne pas le faire : Conlin, précité, au par. 73. La Cour d’appel fédérale a appliqué le même principe, mais qui a donné lieu à un résultat différent, à l’arrêt Albian Sands, précité. Dans cette affaire, la Cour a conclu que le juge des requêtes n’était pas saisi de la question de la validité du droit d’auteur dans le jugement sommaire partiel, et il était donc déraisonnable pour le juge des requêtes de trancher sur la validité du droit d’auteur, puisque les appelants n’avaient pas eu l’occasion de présenter leurs arguments : Albian Sands, précité, aux par. 42-46.

[62]  L’affaire dont est saisie la Cour ressemble aux affaires Apotex et Conlin et se distingue de l’arrêt Albian Sands. En l’espèce, les parties ont été avisées que la validité du droit d’auteur, et pas seulement la violation, était en cause en raison du libellé de la requête en jugement ou en procès sommaire des défendeurs. Par conséquent, RSD a déposé un élément de preuve (l’affidavit de Justin Smith) pour établir la possession du droit d’auteur de RSD dans les œuvres applicables. Je suis convaincue que, selon les éléments de preuve dont je dispose, les photographies et les descriptions de produit sont protégées par le droit d’auteur et la possession du droit d’auteur dans ces œuvres réside auprès de RSD : Loi sur le droit d’auteur, al. 5(1)a) et par. 13(3); Milano Pizza, précitée, aux par. 29, 36. Par ailleurs, je signale que les défendeurs, qui ont eu l’occasion de contre‑interroger Justin Smith et tous les déposants de RSD, ont reconnu qu’ils sont solidairement responsables s’il est conclu que la Loi sur le droit d’auteur s’applique à leur action. Je mentionne que les défendeurs soutiennent qu’ils n’ont pas pu contre‑interroger Justin Smith au sujet de son affidavit du 28 juillet 2017, mais j’estime que cela n’a pas compromis leur intérêt, car la Cour ne dispose que de l’affidavit du 11 février 2019.

[63]  Pour ce motif, je conviens qu’il serait « juste et équitable » de rendre un jugement sommaire en faveur de RSD sur la question de savoir si les intérêts commerciaux de cette dernière relèvent de la Loi sur le droit d’auteur.

C.  Le montant des dommages‑intérêts approprié est-il une véritable question litigieuse?

[64]  RSD a choisi de réclamer des dommages‑intérêts préétablis d’au moins 500 $ par œuvre pour des violations commises à des fins commerciales : Loi sur le droit d’auteur, al. 38.1(1)a). La Loi sur le droit d’auteur régit l’évaluation des dommages‑intérêts préétablis en établissant une fourchette pour chaque octroi, en énumérant les facteurs dont la Cour doit tenir compte pour déterminer le montant approprié à l’intérieur de cette fourchette et en établissant dans quelles circonstances une Cour peut vouloir réduire le montant en deçà de la fourchette prévue par la loi : Loi sur le droit d’auteur, aux par. 38.1(1), 38.1(5) et 38.1(3), respectivement.

[65]  Il appartient à la Cour de décider s’il convient de réduire le montant minimal des dommages‑intérêts préétablis de 500 $ par œuvre : Loi sur le droit d’auteur, par. 38.1(3). Les facteurs énumérés dans la Loi sur le droit d’auteur pour justifier cette réduction — un même support matériel ou un montant extrêmement disproportionné à la violation — ne sont pas exhaustifs ni déterminants en l’espèce. En fait, la Cour doit en arriver à une appréciation raisonnable eu égard à « l’ensemble des circonstances et ce, dans le but de parvenir à une solution équitable » : Telewizja, précitée, aux par. 34, 37.

[66]  Puisque la fourchette des dommages‑intérêts préétablis est large, je suis d’avis qu’il serait utile pour la Cour d’obtenir d’autres observations sur ce qui constituerait une fourchette convenable dans les circonstances plutôt que de s’appuyer uniquement sur la documentation écrite au dossier. Je signale que RSD a dûment déposé sa demande d’audience relativement à la présente requête conformément au paragraphe 369(2) des RCF : sa demande figurait dans son dossier de réponse, lequel, même s’il a été déposé après le délai de 10 jours prévu au paragraphe 369(2) des RCF, concordait néanmoins avec l’échéancier établi par la protonotaire Tabib dans son ordonnance du 21 décembre 2018. Cela demeure une des nombreuses options offertes aux parties.

[67]  Je souligne également que j’ai examiné les observations et les éléments de preuve des parties, et je suis convaincue que la crédibilité des déposants n’est pas essentielle pour déterminer le montant des dommages‑intérêts et des dépens au point de rendre nécessaire la tenue d’un procès. Les deux parties ont eu l’occasion de présenter une preuve par affidavit et de contre‑interroger les déposants, en plus de fournir les renseignements nécessaires pour trancher l’affaire : E Mishan, précitée, au par. 75. Les divergences d’opinions sur ce qui s’est produit ne donnent pas ouverture à procès; ce qui importe est que l’ensemble de la preuve soit prise en compte et qu’une opinion ne soit pas privilégiée au détriment d’une autre, à moins que les déposants aient eu l’occasion de témoigner, car cela permettrait à la Cour d’évaluer la crédibilité globale des parties avant de déterminer avec quelle opinion il convient de procéder : Inspiration Management, précitée, au par. 40; Suntec, précité, aux par. 20-30; Gupta c Canada, 2019 CF 669, aux par. 41-42; Milano Pizza, précitée, aux par. 37-38. À mon avis, et faute d’arguments contraires convaincants, les éléments de preuve nécessaires figurent manifestement au dossier et peuvent être évalués équitablement au moyen d’affidavits et de contre-interrogatoires seulement. Cela dit, un procès sommaire sur le montant des dommages‑intérêts et les dépens demeure une option envisageable.

[68]  Dans l’intérêt de préserver les ressources judiciaires limitées, et vu que la présente affaire fait déjà l’objet d’une gestion d’instance, je crois qu’il serait avantageux de tenir une conférence de gestion de l’instance afin de déterminer la prochaine mesure nécessaire pour établir le montant des dommages‑intérêts et des dépens approprié; l’issue suivra dans une ordonnance subséquente. Le déroulement de la conférence de gestion de l’instance fera l’objet d’une directive distincte aux parties.

[69]  Enfin, RSD demande une injonction pour empêcher les défendeurs de reproduire l’ensemble de ses œuvres protégées par le droit d’auteur sur le site Web www.subiedepot.ca. Il est courant de demander à la Cour une injonction relativement aux œuvres protégées contrefaites, et ce recours est justifié en l’espèce : Thomson c Afterlife Network Inc., 2019 CF 545, au par. 49. Afin d’étendre cette injonction à l’ensemble des autres images de RSD protégées par le droit d’auteur (une « injonction large »), je dois être convaincue que la demanderesse est la titulaire du droit d’auteur et que les défendeurs violeront vraisemblablement le droit d’auteur sur d’autres œuvres ou d’autres objets en l’absence de cette injonction : Loi sur le droit d’auteur, par. 39.1(1). Sans examiner si les violations qui continuent d’être recensées émanent de téléversements ou de contrefaçons supplémentaires qui se sont produits en même temps mais n’ont pas encore été découverts, j’estime que, dans ces circonstances, il convient d’accorder une injonction large.

 


JUGEMENT dans le dossier T-458-17

LA COUR STATUE que :

  • 1) Il existe un droit d’auteur sur les 112 photographies, les 1 318 photographies et les trois descriptions de produit, et son titulaire est RallySport Direct Inc;

  • 2) Les défendeurs ont illégalement reproduit et affiché par voie électronique 1 433 œuvres de RSD qui sont protégées par le droit d’auteur (les 112 photographies, les 1 318 photographies et les trois descriptions de produit) sur le site Web www.subiedepot.ca et, par conséquent, ils ont violé le droit d’auteur de RSD sur ces œuvres;

  • 3) Les défendeurs sont solidairement responsables des violations ci-dessus.

LA COUR ORDONNE :

  • 1) Une injonction permanente empêchant les défendeurs, toute entreprise que les défendeurs désignés peuvent créer dans l’avenir ou sur laquelle ils peuvent exercer un contrôle, ainsi que leurs dirigeants, administrateurs, employés, mandataires, fonctionnaires, successeurs, sociétés affiliées, filiales ou sociétés associées respectifs, de violer ou d’aider toute tierce partie à violer le droit d’auteur de la demanderesse, en tout ou en partie importante, sur les 1 433 œuvres protégées par le droit d’auteur, à savoir les 112 photographies, les 1 318 photographies et les trois descriptions de produit (les œuvres protégées contrefaites), conformément aux articles 34 et 39.1 de la Loi sur le droit d’auteur;

  • 2) Sans limiter ce qui précède, que les défendeurs retirent de leur site Web www.subiedepot.ca et de tout autre site Web qu’ils contrôlent directement ou indirectement, et qu’ils s’abstiennent d’afficher ou d’aider une tierce partie à afficher ou de lui permettre d’afficher sur ces sites Web, l’ensemble ou l’une quelconque des œuvres protégées contrefaites et toute autre œuvre photographique et description de produit originale pour laquelle la demanderesse est titulaire d’un droit d’auteur;

  • 3) Que les défendeurs remettent à la demanderesse ou détruisent sous serment les dossiers électroniques et les pages Web liés aux œuvres protégées contrefaites et toute autre œuvre photographique et description de produit originale pour laquelle la demanderesse est titulaire d’un droit d’auteur;

  • 4) Que le montant des dommages‑intérêts et des dépens soit fixé dans une ordonnance subséquente.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 16e jour d’avril 2020.

Mylène Boudreau, traductrice


Annexe A : Actes de procédure de la demanderesse dans la NDM

[1]  La demanderesse, RallySport Direct LLC (Rallysport), sollicite les réparations suivantes contre chacun des défendeurs :

  • a) Un jugement déclarant que chacune des 112 photographies de produits automobiles de rechange (les 112 photographies) qui apparaissent ou ont apparu sur le site Web www.rallysportdirect.com de RallySport est une œuvre photographique originale illustrant 112 pièces automobiles individuelles distinctes, trousses ou ensembles de pièces automobiles offerts à la vente sur ce site Web, les copies de ces 112 photographies figurant dans les monographies de produit connexes de la demanderesse apparaissant sur le site Web de la demanderesse étant reproduites à l’annexe A jointe aux présentes (ci-après les 112 monographies de produit) [...] et que, à la date pertinente de la création des 112 photographies respectives apparaissant dans les 112 monographies de produit respectives indiquées à l’annexe A aux présentes, chacune de ces personnes était un employé de la demanderesse RallySport;

  • b) Un jugement déclarant que chacune des 1 318 photographies supplémentaires (les 1 318 photographies) qui apparaissent respectivement dans 1 318 monographies de produit supplémentaires des produits automobiles de rechange, des trousses et des ensembles de pièces automobiles et affichées sur le site Web de la demanderesse www.rallysportdirect.com [une liste de l’URL pour ces 1 318 monographies de produit supplémentaires et 1 318 photographies d’accompagnement respectives est reproduite à l’annexe B aux présentes] est une œuvre photographique originale, et les 1 318 photographies font partie des 1 318 monographies de produit de pièces automobiles individuelles, de trousses ou d’ensembles de pièces automobiles qui sont offerts à la vente sur le site Web de la demanderesse (ci-après les 1 318 monographies de produit) et que les 1 318 photographies apparaissant respectivement dans les 1 318 monographies de produit mentionnées ont été prises/créées par les personnes énumérées à l’annexe B et que, à la date pertinente de la création des œuvres photographiques originales respectives, chacune de ces personnes désignées aux présentes était un employé de la demanderesse RallySport;

  • c) Un jugement déclarant qu’un sous‑ensemble des 1 318 monographies de produit mentionnées plus haut indiquées à l’annexe B aux présentes, à savoir trois de celles‑ci apparaissant dans l’URL indiqué en jaune à l’annexe B aux présentes (c.‑à‑d. les articles 9, 31 et 32 des « trois monographies de produit » désignées aux présentes) comprenait dans chaque cas une description écrite connexe originale de la pièce automobile, de la trousse ou de l’ensemble de pièces automobiles respectif qui décrivait ses caractéristiques, ses capacités, ses qualités ou ses spécifications, que ces descriptions écrites connexes ont été créées/rédigées par la personne figurant à l’annexe B aux dates respectives indiquées à l’annexe B ou vers ces dates, et que chacune de ces personnes, à la date pertinente de création de la description écrite respective, était un employé de la demanderesse RallySport;

  • d) Un jugement déclarant :

  • (i) que chacun des employés susmentionnés de la demanderesse ainsi que la demanderesse elle‑même étaient, en tout temps, des citoyens et des résidents des États‑Unis;

  • (ii) que la demanderesse est la titulaire du droit d’auteur sur :

  • - les 112 photographies;

  • - les 1 318 photographies;

  • - les trois monographies de produit (descriptions écrites).

créées par ses employés;

  • e) Un jugement déclarant que le défendeur Sylvain Cayer a personnellement et expressément demandé à des programmeurs informatiques tiers de [traduction] « parcourir » le site Web de la demanderesse www.rallysport.com en copiant des photographies du site Web de la demanderesse et en téléversant celles‑ci sur le site Web www.subiedepot.ca, lesquelles actions n’étaient pas effectuées dans le cours ordinaire des tâches de Sylvain Cayer au sein de 2424508 Ontario Ltd. et constituaient une conduite délibérée et volontaire susceptible de constituer une violation du droit d’auteur sans égard au risque qui y est associé et, en outre, que le fait qu’il ait demandé aux tierces parties de [traduction] « parcourir » le site Web et, par la suite, d’afficher les œuvres protégées par le droit d’auteur de la demanderesse sur le site Web www.subiedepot.ca a amené et directement incité l’entreprise défenderesse 2424508 Ontario Ltd. à violer par la suite le droit d’auteur de la demanderesse sur ces œuvres, en montrant ces œuvres protégées à des clients qui ont évalué le site Web www.subiedepot.ca susmentionné à des fins d’achat et ont acheté les produits mentionnés, et que Sylvain Cayer est personnellement responsable de la violation du droit d’auteur, en contravention de l’article 27 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42, et des dommages causés à la demanderesse;

  • f) Un jugement déclarant que les défendeurs personnels, agissant par l’intermédiaire de l’entité sociale 2424508 Ontario Ltd., ont illégalement reproduit et affiché par voie électronique les éléments suivants :

  • (i) les 112 photographies apparaissant dans les 112 monographies de produit indiquées à l’annexe A aux présentes;

  • (ii) les 1 318 photographies supplémentaires figurant dans les 1 318 monographies de produit indiquées à l’annexe B aux présentes;

  • (iii) les trois descriptions écrites contenues dans les 1 318 monographies de produit indiquées à l’annexe B aux présentes;

sur le site Web www.subiedepot.ca et ont ainsi violé le droit d’auteur de la demanderesse sur ces œuvres, en contravention de l’article 27 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42;

  • g) Un jugement déclarant que les défendeurs personnels Sylvain Cayer et son épouse Genevieve-Ann Cayer, par l’intermédiaire de leur entité sociale 2424508 Ontario Ltd., ont affiché et reproduit sur le site Web www.subiedepot.ca les œuvres protégées susmentionnées de la demanderesse, malgré un avis écrit exprès de l’avocat de la demanderesse fourni immédiatement avant l’introduction de la présente action, le 28 mars 2017 (lettre à Sylvain Cayer datée du 29 décembre 2016 jointe en tant qu’annexe C aux présentes), informant expressément le défendeur Sylvain Cayer du droit d’auteur de la demanderesse sur les photographies et les descriptions écrites contenues dans ses photographies et ses monographies de produit apparaissant sur le site Web de la demanderesse, jusqu’en novembre 2017 environ;

  • h) Un jugement déclarant que les défendeurs personnels Sylvain Cayer et Genevieve‑Ann Cayer ont constitué ensemble, après l’introduction de la présente action contre 2424508 Ontario Ltd. le 28 mars 2017, une nouvelle entité sociale distincte, à savoir la défenderesse 2590579 Ontario Ltd. dont ils sont de même les seuls administrateurs, dirigeants et directeurs et qui possède la même adresse principale que 2424508 Ontario Ltd., c’est-à-dire leur résidence personnelle, et qu’ils ont donc frauduleusement cédé les éléments d’actif et les affaires de l’entreprise 2424508 Ontario Ltd., y compris le droit d’utiliser le nom de domaine www.subiedepot.ca, y compris des biens appartenant à la demanderesse et apparaissant sur le site Web www.subiedepot.ca, c’est-à-dire les œuvres protégées par le droit d’auteur appartenant à la demanderesse, à cette entité nouvellement constituée en société, soit 2590579 Ontario Ltd., de manière à pouvoir continuer d’exploiter l’ancienne entreprise 2424508 Ontario Ltd. et le site Web www.subiedepot.ca et ainsi continuer non seulement de violer le droit d’auteur de la demanderesse sur les photographies et les monographies de produit susmentionnées, malgré toute injonction et responsabilité à l’encontre de 2424508 Ontario Ltd., mais aussi pour faire main basse sur les revenus de 2424508 Ontario Ltd. tirés de l’exploitation de l’entreprise SubieDepot et du site Web www.subiedepot.ca de manière à faire échouer l’action de la demanderesse contre l’entreprise défenderesse 2424508 Ontario Ltd. en causant la faillite de l’entreprise, de sorte que la demanderesse n’aurait plus aucun élément d’actif à recouvrer advenant tout jugement favorable quant à la violation du droit d’auteur obtenu contre 2424508 Ontario Ltd.;

  • i) Un jugement déclarant que Sylvain Cayer et son épouse Genevieve-Ann Cayer, par leurs actions susmentionnées et les actions de leur entité sociale nouvellement créée 2590579 Ontario Ltd., ont continué, après novembre 2017, d’afficher sur le site Web www.subiedepot.ca, à tout le moins les articles 298, 364, 365, 375, 431, 432, 445, 535, 543, 544, 547, 548, 552, 555, 561, 564, 565, 566, 573, 609, 628, 630, 654, 674, 683, 685, 713, 716, 838, 839, 886, 1205, 1209, 1213, 1214, 1215, 1235, 1241, l242, 1245 et 1314 énumérés à l’annexe B aux présentes, et continuent donc directement de violer et d’inciter leur entité sociale nouvellement créée 2590579 Ontario Ltd. à violer le droit d’auteur de la demanderesse sur ces œuvres, en contravention de l’article 27 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42;

  • j) Un jugement déclarant que les défendeurs personnels Sylvain Cayer et son épouse Genevieve-Ann Cayer sont les dirigeants et directeurs de chacune des entreprises défenderesses 2424508 Ontario Ltd. et 2590579 Ontario Ltd., entreprise nouvellement créée des défendeurs, et que le voile corporatif de chacune des entreprises des défendeurs devrait être levé de manière à rendre ces défendeurs personnels ainsi que les entreprises susmentionnées solidairement responsables des violations commises par l’intermédiaire de chacune des entreprises susmentionnées;

  • k) Les dommages‑intérêts pour le préjudice causé à la demanderesse découlant des actions susmentionnées des défendeurs et, en sus, la proportion des profits qu’ils ont réalisés en commettant les violations susmentionnées et qui n’a pas été pris en compte pour la fixation des dommages‑intérêts de la demanderesse, conformément à l’article 35 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42, et que les défendeurs soient considérés comme solidairement responsables de ceux-ci;

  • l) Subsidiairement au point k) ci‑dessus, conformément à l’alinéa 38.1(1)a) de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42, les dommages‑intérêts préétablis dont le montant, d’au moins 500 $ et d’au plus 20 000 $ CA, est déterminé selon ce que la Cour estime équitable, relativement à l’ensemble des violations commises par les défendeurs pour chaque œuvre contrefaite de la demanderesse, c’est‑à‑dire chacune des œuvres individuelles constituant les 112 photographies, les 1 318 photographies supplémentaires et les trois descriptions écrites, et que les défendeurs soient considérés comme solidairement responsables de celles-ci;

  • m) Un jugement déclarant que les éléments d’actif et les biens de 2424508 Ontario Ltd., y compris notamment le site Web www.subiedepot.ca sur lequel figurent les photographies susmentionnées et les monographies de produit appartenant à la demanderesse et pour lesquelles la demanderesse est titulaire d’un droit d’auteur, ont été assujettis à l’obligation juridique de rendre compte à la demanderesse des dommages concernant toute violation antérieure du droit d’auteur ou des profits ou frais juridiques payables à la demanderesse, et que ces éléments d’actif sont actuellement détenus par les exploitants de l’entreprise www.subiedepot.ca, c’est-à-dire l’entité sociale 2590579 Ontario Ltd. ainsi que Sylvain Cayer et Genevieve-Ann Cayer, dans une fiducie par interprétation au profit de la demanderesse;

  • n) Une injonction interlocutoire et permanente interdisant expressément aux défendeurs personnels Sylvain Cayer et Genevieve-Ann Cayer, et à leurs mandataires, ainsi qu’aux entreprises défenderesses 2424508 Ontario Ltd. et 2590579 Ontario Ltd., et à toute entreprise qu’ils pourraient créer dans l’avenir ou sur laquelle ils pourraient exercer un contrôle, ainsi qu’à leurs agents, administrateurs, employés, mandataires, fonctionnaires, successeurs, sociétés affiliées, filiales et entreprises connexes respectifs, et à toutes les autres personnes qui ont une connaissance directe ou indirecte de cette injonction, de commettre subséquemment, directement ou indirectement, les actions suivantes :

  • o) violer le droit d’auteur de la demanderesse sur n’importe lesquelles des monographies de produit de la demanderesse, y compris notamment les 112 photographies, les 1 318 photographies supplémentaires ou les trois descriptions écrites;

  • p) afficher n’importe laquelle des 112 photographies, des 1 318 photographies ou des trois autres descriptions écrites sur le site Web www.subiedepot.ca ou sur tout site Web;

  • q) aider toute tierce partie à réaliser l’une des actions précédentes ou de créer une tierce partie à cette fin;

  • o) Une ordonnance condamnant les défendeurs solidairement responsables à payer des dommages‑intérêts exemplaires, punitifs et majorés, pour avoir délibérément et sciemment violé le droit d’auteur de la demanderesse, pour avoir ordonné ou induit la violation du droit d’auteur de la demanderesse et pour avoir continué de violer ou d’ordonner la violation du droit d’auteur de la demanderesse après avoir reçu un avis écrit de cette dernière le 29 décembre 2016 ou vers cette date, qui les informait expressément du droit d’auteur de la demanderesse sur les photographies apparaissant sur les monographies de produit de la demanderesse affichées sur son site Web;

  • p) Une ordonnance et une injonction obligeant les défendeurs à remettre immédiatement à la demanderesse, ou à détruire sous serment, les dossiers électroniques et les pages Web indiquées aux annexes A et B aux présentes relativement :

  • (i) aux 112 photographies apparaissant dans les 112 monographies de produit;

  • (ii) aux 1 318 photographies figurant dans les 1 318 autres monographies de produit;

  • (iii) aux trois descriptions écrites figurant dans certaines des 1 318 monographies de produit supplémentaires;

  • q) Une ordonnance condamnant l’ensemble des défendeurs solidairement responsables à payer les dépens de la présente action, sur une base avocat-client, y compris tous les débours et la TPS applicable;

  • r) Des intérêts antérieurs et postérieurs au jugement sur les sommes dues à la demanderesse, conformément à la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7;

  • s) Toute autre réparation que la Cour estime juste.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-458-17

 

INTITULÉ :

RALLYSPORT DIRECT LLC c 2424508 ONTARIO LTD

 

requête ÉCRITE EXAMINÉE À Ottawa (Ontario), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

JUGEMENT ET MOTIFS :

la juge FUHRER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 28 novembre 2019

COMPARUTIONS :

D. Doak Horne

 

pour la demanderesse

 

Bayo Odutola

pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowlings WLG (Canada) LLP

Avocats

Calgary (Alberta)

 

pour la demanderesse

 

Ollip P.C.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

pour les défendeurs

 

 

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