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Date : 20010905

Dossier : T-1244-92

Référence neutre : 2001 CFPI 990

ENTRE :

                                          PERCY RICHARD WARD ET BERT WARD

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                              - et -

                              LA NATION CRIE DE SAMSON NO 444 ET LE CHEF ET

                             LE CONSEIL DE LA NATION CRIE DE SAMSON NO 444

                                                                                                                                                     défendeurs

                                                                              - et -

                                             SA MAJESTÉ LA REINE, représentée par

                LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

                                                                                                                                                     défendeurs

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HUGESSEN

[1]                 Il s'agit d'une requête présentée par la bande indienne défenderesse en application de la règle 369 afin d'obliger un témoin à donner suite à des engagements ou à formuler des réponses plus détaillées dans le cadre d'un contre-interrogatoire concernant un affidavit.

[2]                 L'énoncé suivant des questions en litige est tiré des conclusions écrites de la bande et n'est pas contesté par la Couronne :


[TRADUCTION]

3.      Le 31 mai 2001, Lana Dolezal, technicienne juridique auprès du ministère de la Justice, a signé un affidavit en réponse à la requête en jugement sommaire présentée par les demandeurs, joignant plus de 21 documents à titre de pièces à son affidavit.

Affidavit de Lana Dolezal. [Onglet B]

4.      Le 28 juin 2001, on a procédé au contre-interrogatoire de Lana Dolezal.

Transcription du contre-interrogatoire. Onglet C.

5.      Mme Dolezal a mentionné à la page 2, ligne 11, du contre-interrogatoire qu'elle était autorisée à donner des réponses pour le compte de la Couronne :

« Dans la mesure de mes connaissances » .

6.      Dans la pièce B jointe à l'affidavit de Mme Dolezal, le directeur écrit :

[...] il est bien établi que les deux hommes en question étaient tous deux de race blanche, la partie concluante de la preuve à cet égard consistant en le fait que Jacob Jos. Ward, père de James, a reçu un certificat à titre de métis le 6 septembre 1886, et que John Hodgson, père de Fred, a reçu un certificat à titre de métis en date du 27 décembre 1894. [¼]

7.      Aux pages 6 et 7, ligne 7, du contre-interrogatoire, l'engagement no 2 est ainsi demandé :

Produire les documents relatifs au certificat de Jacob Ward et préciser si Jos. signifie Joseph. Préciser également le nom de la bande dont Jacob était membre avant de se retirer du Traité, et fournir les documents préparés en vue de son retrait du Traité.

8.      La réponse de la Couronne en date du 1er août 2001 est la suivante :


Aucun engagement n'a été donné relativement à cette demande de l'interrogateur. [Onglet D]

9.      La pièce I jointe à l'affidavit mentionne au paragraphe 2 de la page 1 :

En 1942, une enquête a révélé que James Ward était un non-Indien (métis) marié à une femme indienne de la bande Ermineskin. Ward, père de James, a reçu un certificat le 16 septembre 1886, pour lui-même et son fils, James.

10.    L'engagement no 3 est ainsi demandé :

Préciser si Jacob Joe Ward a reçu le certificat le 6 ou le 16 septembre 1886. Produire aussi tous les documents relatifs au certificat concernant le fils de Jacob, James Ward, de même que tous les documents liés au retrait de James Ward du Traité.

11.    Voici la réponse de la Couronne datée du 1er août 2001 :

Aucun engagement n'a été donné relativement à cette demande de l'interrogateur. [Onglet D]

12.    La pièce A a été montrée à Mme Dolezal et on lui a posé la question suivante, page 8, lignes 12 à 18 :

[¼] Je vous demande d'examiner ce document et de me dire si, selon vous, il s'agit d'un document du Commissaire des Indiens. Dans l'affirmative, je souhaiterai le produire à titre de pièce dans le cadre du présent contre-interrogatoire.

Onglet C, pièce A.

13.    Cependant, Me Kohlman a fait valoir ce qui suit à la page 8, lignes 24 à 26 :

Je ne crois pas que ce témoin ait le pouvoir de lier la Couronne par des assertions touchant la thèse de cette dernière.


14.    L'échange suivant a alors eu lieu entre les avocates, page 9, ligne 9, et page 11, ligne 8 :

Me Kohlman :          C'est possible. À notre avis, il n'est pas approprié, dans le cadre du présent contre-interrogatoire, que cette personne produise des documents supplémentaires ou fasse des observations sur l'authenticité de documents ou le fait de savoir s'ils ont été signés ou sur la position de la Couronne à leur égard. Il s'agit de questions qui relèvent davantage de l'enquête préalable. Je suis disposée à produire un affidavit de documents de la Couronne dans, disons, deux semaines. Vous pourrez alors examiner l'ensemble des documents que la Couronne a en sa possession et, si vous estimez qu'il est nécessaire de procéder à un interrogatoire de la Couronne avant de répondre à la requête en jugement sommaire des demandeurs, nous faisons valoir que cette question devrait être soumise à la Cour. Mais il n'y aura pas de communication partielle par le truchement de ce témoin.

Me Kennedy :          D'accord. Voici le problème. Vous avez produit certains documents lors de la demande de jugement sommaire.

Me Kohlman :          C'est exact.

Me Kennedy :          Ils sont incomplets pour résoudre les questions soulevées par la demande de jugement sommaire. Je suis d'abord autorisée, dans le cadre d'un contre-interrogatoire, à obtenir les documents supplémentaires ayant un lien avec les documents invoqués dans l'affidavit. Et je suis également autorisée à obtenir tous les éléments de preuve relatifs à des questions soulevées dans cet affidavit au sujet du jugement sommaire. Le document en question concerne précisément la validité des certificats délivrés en septembre 1886. Je vous demande de jeter un coup d'oeil à ce document et vous constaterez immédiatement qu'il est particulièrement pertinent au regard de la question touchant les certificats ou présumés certificats délivrés à Jacob Ward en septembre 1886.

Me Kohlman :          D'accord. C'est fort possible. Je ne suis pas en mesure de vous dire maintenant si nous avons également ce document en notre possession. Je présume que c'est le cas, s'il provient d'archives publiques. Nous préférons répondre à votre demande de documents par la production d'un affidavit de documents de la Couronne et nous sommes disposés à nous engager à produire celui-ci très rapidement --

Me Kennedy :          Peut-être préférez vous agir ainsi, mais j'insiste pour que ma demande de --

Me Kohlman :          Une conférence est fixée au 4 juillet. Nous pourrions peut-être régler ce point à cette occasion.

[¼]

15.            La pièce C jointe à l'affidavit comprend une lettre datée du 6 octobre 1944 de John Laurie, de l'Indian Association of Alberta, adressée à M. H.W. McGill, Division des Affaires indiennes. L'engagement no 5 porte sur la question de savoir s'il manque quelque chose au verso du document ou si celui-ci comporte une autre page.

16.            Voici ce que la Couronne a répondu :


Nous n'avons pas actuellement accès à l'original de la pièce C (lettre [¼]), malgré les tentatives en cours pour le trouver. Comme le document ne provient pas de la Couronne, la pièce C est complète, autant que nous sachions.

17.            Il ressort des pièces I et Q que James Ward était marié à une femme Ermineskin. L'engagement no 6 visait la demande suivante :

Préciser si la Couronne reconnaît que James Ward a épousé une femme membre de la bande Ermineskin.

18.            La Couronne a répondu ce qui suit le 1er août 2001 :

Aucun engagement n'a été donné relativement à cette demande de l'interrogateur.

19.            La pièce N comporte une lettre selon laquelle Percy Ward, alors enfant, aurait été confié à la famille de Sam Crier et que cette dernière l'aurait élevé comme s'il s'agissait de son propre fils.

20.            La demande visée par l'engagement no 7 est ainsi formulée :

Préciser si les Affaires indiennes estiment que Percy Ward a été confié à la famille de Sam Cryer [Crier] pour y être élevé, et mentionner les renseignements dont disposent les Affaires indiennes quant à l'identité de Sam Cryer [Crier].

21.            Le 1er août 2001, la Couronne a affirmé qu'aucun engagement n'avait été donné sur ce point.


[3]                 Il ressort sans équivoque de la transcription qu'aucun engagement n'a, dans les faits, été donné. Cette situation est tout à fait normale puisque, lors d'un contre-interrogatoire concernant un affidavit, le témoin n'est pas tenu d'être informé ni, par conséquent, de se renseigner plus avant. Si le témoin n'arrive pas à élucider les faits visés par sa déposition, seule sa crédibilité sera touchée. En revanche, il est peu probable que la crédibilité soit affaiblie lorsque la question touche au contenu de vieux documents auxquels le témoin n'était pas partie et qui remontent très vraisemblablement à de nombreuses années avant sa naissance. Le contre-interrogatoire concernant un affidavit ne peut remplacer l'interrogatoire préalable, qu'il s'agisse d'un interrogatoire oral ou de la communication de documents, et ce n'est pas la façon appropriée d'obtenir des documents pertinents se trouvant en la possession de la partie adverse. Enfin, il est évident que, comme le témoin n'est pas la représentante légale de la partie qui l'a appelée à témoigner, elle ne peut exposer la thèse de cette dernière quant à l'un ou l'autre des faits en cause. Dans l'affaire Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), (1997) 146 F.T.R. 249 ou (1997) 80 C.P.R (3d) 550, j'ai eu l'occasion d'exprimer de manière approfondie mon point de vue sur les différences qui existent entre un interrogatoire préalable et un contre-interrogatoire concernant un affidavit :

Il convient tout d'abord de rappeler certaines notions élémentaires. Le contre-interrogatoire n'est pas un interrogatoire préalable et il diffère de celui-ci sous plusieurs rapports importants. Plus particulièrement,

a)              la personne interrogée est un témoin, et non une partie;

b)              les réponses données sont des éléments de preuve, et non des aveux;

c)              le témoin peut légitimement répondre qu'il ignore quelque chose; il n'est pas tenu de se renseigner;

d)              on ne peut exiger d'un témoin qu'il produise un document que s'il en a la garde ou la possession, les mêmes règles s'appliquant à tous les témoins;

e)              les règles relatives à la pertinence sont plus restreintes.

[4]                 Par conséquent, je suis d'avis que la requête est dénuée de fondement et qu'elle devrait être rejetée avec dépens.


                                           ORDONNANCE

La requête est rejetée avec dépens.

                                                                                                                                                                                 

                                                                                                             Juge                     

Ottawa (Ontario)

Le 5 septembre 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

NO DU GREFFE :                                                   T-1244-92

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                PERCY RICHARD WARD ET AL.

c.

LA NATION CRIE DE SAMSON NO 444 ET AL.

c.

SA MAJESTÉ LA REINE ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                     Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                   le 5 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                                  Monsieur le juge Hugessen

DATE DES MOTIFS :                                           le 6 septembre 2001

ONT COMPARU:

Ron Johnson                                                               POUR LES INTIMÉS

(DEMANDEURS)

Priscilla Kennedy                                                        POUR LES DEMANDEURS

(DÉFENDEURS)

Patrick Hodgkinson                                                   POUR LES DÉFENDEURS

Kathleen Kohlman                                                     (DÉFENDEURS)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Roddick and Johnson                                                POUR LES INTIMÉS

Edmonton (Alberta)                                                   (DEMANDEURS)

Parlee McLaws                                                          POUR LES DEMANDEURS

Edmonton (Alberta)                                                   (DÉFENDEURS)

Morris A. Rosenberg                                                 POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada                          (DÉFENDEURS)

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