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Date : 20020410

Dossier : T-2093-99

Référence neutre : 2002 CFPI 398

OTTAWA (Ontario), le 10 avril 2002

EN PRÉSENCE DE : Monsieur le juge MacKay

ENTRE :

                                                               JOHN E. CONNOLLY

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                               SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

                                                                                                                                               défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE MACKAY


[1]                 Par ordonnance datée du 20 février 2002, j'ai rejeté la demande présentée par M. Connolly pour obtenir le contrôle judiciaire et l'annulation d'une décision de la Commission canadienne des droits de la personne en date du 16 avril 1999, par laquelle la Commission a rejeté sa plainte contre son ancien employeur, la défenderesse Société canadienne des postes, sans la renvoyer pour examen à un tribunal. L'ordonnance du 20 février 2002 traitait aussi de la question des dépens :

[TRADUCTION] Les dépens sont adjugés à la défenderesse pour un montant fixe sur lequel les parties pourront s'entendre ou, à défaut d'une telle entente, que la Cour pourra déterminer après avoir pris en considération les observations écrites que les parties pourront présenter au greffe de la Cour au plus tard le 22 mars 2002.

[2]                 À l'audience, les deux parties ont demandé les dépens. À la suite de la décision et de l'ordonnance de février 2002, les parties ne se sont pas entendues sur les dépens. La Société canadienne des postes n'a pas fait d'observations écrites dans le délai imparti et le demandeur, M. Connolly, a présenté des observations écrites comportant trente-huit motifs numérotés qu'il désigne comme tels et pour lesquels des dépens ne devraient pas être adjugés à la défenderesse la Société canadienne des postes.

[3]                 Parmi les nombreux « motifs » énoncés aux observations de M. Connolly, rares sont ceux qui touchent à des facteurs normalement pris en compte pour l'adjudication de dépens dans une procédure judiciaire. Je résume comme suit mes commentaires sur ces questions.

a)          Les sous-paragraphes 1) à 7), sous le titre « Restrictions monétaires » , font état de la situation financière personnelle du demandeur, y compris la fin de ses prestations d'assurance-invalidité de longue durée en mars 2000, son invalidité et sa douleur chronique persistante ainsi que la reconnaissance d'un dépôt inattendu d'argent fait récemment par Postes Canada dans son compte bancaire, un soutien financier qu'il apprécie;


b)          Sous le titre « Le litige » , les sous-paragraphes 8) à 13) se rapportent, d'une part, aux difficultés découlant du fait qu'il agit pour son propre compte alors qu'il n'a ni formation juridique, ni les ressources nécessaires pour engager un avocat, ni aide juridique, et, d'autre part, au mal qu'il a eu à préparer et à rassembler les documents nécessaires à sa demande de contrôle judiciaire et à interpréter les règles de la Cour et, en conséquence, au besoin qu'il a eu de se tourner vers la justice par voie de demandes interlocutoires, ainsi qu'à l'inégalité des ressources dont il dispose par rapport à celles de Postes Canada;

c)          Les sous-paragraphes 14) à 19), sous le titre « La question des dépens » , traitent de questions diverses. Le sous-paragraphe 14) qui indique que « La question des dépens n'est pas [sic] mentionnée dans les Règles de la Cour fédérale » , est manifestement erroné : voir les articles 400 à 418 des Règles de la Cour fédérale (1998).

Le sous-paragraphe 15) porte sur la question des dépens traitée sur le site Web de Postes Canada, ce qui est non pertinent quant à la décision que doit rendre cette Cour. Les sous-paragraphes 16) à 19) font valoir que les dépens ne devraient pas être adjugés à Postes Canada puisque le demandeur avait donné à Postes Canada des occasions de répondre efficacement à ses préoccupations concernant ses blessures, mais que la Société n'avait rien fait de sorte que, bien que « très réticent » à s'engager dans le présent litige, il n'avait pas d'autre choix que de présenter une demande de contrôle judiciaire. Il avait en vain tenté d'obtenir qu'un représentant de la Commission assiste à l'audience et l'adjudication des dépens à Postes Canada est, selon lui, injustifiée. De plus, il soutient que sa plainte à la Commission ainsi que sa preuve justifiaient la tenue d'une audition, mais que sa cause n'a pas été entendue pour des motifs non précisés par la Commission. Dans ces circonstances, il fait valoir que les dépens ne devraient pas être adjugés à Postes Canada.

d)          Les sous-paragraphes 20) à 38) suivent sous le titre « La décision de rejeter ma demande. »


Certains sous-paragraphes montrent une mauvaise compréhension du processus de contrôle judiciaire. Par exemple, ce que le demandeur perçoit comme un retard dû au défaut de la défenderesse d'accepter plus tôt un compromis pour résoudre ses problèmes, l'idée que Postes Canada n'a pas besoin de l'argent qu'elle obtiendrait si les dépens lui étaient attribués (sous-paragraphe 23)), le fait que la conduite de Postes Canada n'ait pas été directement prise en compte lors du contrôle de la décision de la Commission (sous-paragraphes 23), 27) et 28)), sont autant de facteurs non pertinents dans le processus de contrôle d'une décision de la Commission et de l'adjudication des dépens. Le sous-paragraphe 24) laissant entendre que l'adjudication des dépens en l'espèce vise à mettre en garde les tiers qui auraient des plaintes à formuler contre Postes Canada et à les prévenir qu'ils s'exposent à voir les dépens adjugés contre eux, témoigne du manque de compréhension du processus d'attribution des dépens dans les actions en justice. Le sous-paragraphe 22) qui note que M. Connolly se souvient que l'avocat de la défenderesse n'a pas demandé les dépens à la fin de l'audience, contredit, en toute déférence, mes notes prises à l'audience et ne tient pas compte de la demande formulée aux observations écrites de la défenderesse concernant les dépens, laquelle n'a pas été retirée à l'audience, pour autant que je me rappelle. De nombreux autres sous-paragraphes, à savoir les numéros 26) et 30) à 36), traitent essentiellement de certains aspects de la preuve déposée devant la Commission et de l'impression qu'a M. Connolly que ces questions n'ont pas été valablement prises en compte par la Commission ou par la Cour pour le contrôle judiciaire. Comme l'indiquent mes motifs précédents, je n'ai pas eu la conviction que la façon dont la Commission a exercé sa discrétion pour apprécier la preuve et conclure sur les faits ait été manifestement déraisonnable ou qu'il y ait eu quelqu'autre motif pour lequel la Cour devrait annuler la décision en question.

[4]                 J'ai exposé sommairement les nombreuses observations du demandeur concernant l'adjudication des dépens à la défenderesse en l'espèce. En toute déférence, je conclus que presque toutes ne sont pas pertinentes pour la taxation des dépens.

[5]                 Parmi les facteurs dont la Cour peut tenir compte selon l'article 400 des Règles, il y a ceux-ci :

a)          le résultat de l'instance;

g)          la charge de travail;

h)          le fait que l'intérêt public dans la résolution judiciaire de l'instance justifie une adjudication particulière des dépens;

i)           la conduite d'une partie qui a eu pour effet d'abréger ou de prolonger inutilement la durée de l'instance;

k)          la question de savoir si une mesure prise au cours de l'instance était inappropriée, vexatoire ou inutile;

o)         toute autre question qu'elle juge pertinente.

[6]                 Par les motifs et l'ordonnance datés du 20 février 2002, j'ai rejeté la demande de M. Connolly et adjugé les dépens à la défenderesse. Dans ces motifs, j'ai indiqué que normalement les dépens suivaient l'issue de la cause et que je ne voyais pas de raison pour laquelle les dépens ne devraient pas être adjugés à la défenderesse en l'instance.


[7]                 Je ne suis pas libre de changer ma décision d'adjuger les dépens à la défenderesse. Un tel changement ne peut être fait que s'il était fait droit à un appel de cette décision par M. Connolly. Je répète qu'à mon avis, dans la présente affaire, l'adjudication des dépens devrait suivre l'issue de la cause et la pratique habituelle de la Cour, à savoir que les dépens vont à la partie qui a gain de cause. Il s'agissait en l'instance de la défenderesse, Postes Canada.


[8]                 Conformément au paragraphe 400(4) des Règles, je fixe les dépens devant être adjugés. Je le fais afin d'éviter aux deux parties les dépenses supplémentaires qui seraient engagées si les dépens devaient faire l'objet de taxation par un officier taxateur. Je le fais en tenant compte des facteurs suivants : à mon avis, une charge supplémentaire de travail a été imposée à la défenderesse à cause du volumineux dossier produit par le demandeur, dont la plus grande partie n'était pas pertinente quant à l'appréciation de la décision rendue par la Commission vu la preuve et les informations qui lui avaient été soumises; de plus, les deux demandes de décision interlocutoire entendues par la Cour étaient, du point de vue du droit, non nécessaires et elles ont inutilement retardé l'audition de la demande de contrôle judiciaire. Ces facteurs, qui pourraient donner une mauvaise impression de la documentation de M. Connolly et de la façon dont il a préparé sa cause, ne peuvent pas être écartés puisqu'ils ont occasionné du travail et des dépenses supplémentaires à la défenderesse, mais la Cour reconnaît qu'ils ne résultent pas de l'intention du demandeur d'entreprendre du travail inutile. À mon avis, ils sont plutôt le fruit de sa mauvaise compréhension, en tant que plaideur profane, des exigences d'une demande de contrôle judiciaire.

[9]                 De plus, la Cour reconnaît que, dans les circonstances de l'espèce, il était clairement dans l'intérêt public que cette affaire soit réglée après le retard inattendu de la Commission à traiter la plainte, soit plus de quatre ans. J'estime que ce retard a en partie mené indirectement à l'imposant dossier écrit produit par M. Connolly et aux difficultés que celui-ci a éprouvées à rassembler de façon raisonnablement concise des observations à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire. Dans la mesure où ce retard imputable à la Commission peut avoir contribué à l'augmentation des dépens, il n'est pas, à mon avis, approprié que les dépens soient adjugés contre le demandeur à cause des frais plus élevés imposés à Postes Canada dans la présente instance.

[10]            Vu ces considérations, tout en reconnaissant que les frais engagés par Postes Canada seraient considérablement supérieurs à ceux normalement taxés dans une ordonnance rendue sur la base des frais entre parties, je fixe les dépens au-dessous du barème normal, soit à 500 $, devant être payés à l'avocat de la défenderesse, en fiducie, conformément au paragraphe 400(7) des Règles.


                                                               O R D O N N A N C E

À la suite de l'ordonnance de la Cour du 20 février 2002, les parties n'ayant pas réussi à s'entendre sur le montant des dépens à payer à la défenderesse et compte tenu des observations écrites du demandeur;

IL EST ORDONNÉ que les dépens soient adjugés à la défenderesse pour un montant fixé à 500 $, payable à l'avocat de la défenderesse, en fiducie.

                                                        « W. Andrew MacKay »

                                                                                                     _______________________________

JUGE

     

Traduction certifiée conforme

Nicole Michaud, LL.L., M. Trad.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                             T-2093-99

  

INTITULÉ DE LA CAUSE :             John E. Connolly c. Société canadienne des postes

  

OBSERVATIONS SUR LES DÉPENS SELON L'ORDONNANCE DU 20 FÉVRIER 2002 DE MONSIEUR LE JUGE MACKAY

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE MACKAY

DATE DES MOTIFS :                                     le 10 avril 2002

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

John E. Connolly                            DEMANDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John E. Connolly                                EN SON PROPRE NOM

66, Glenwood Avenue

Dartmouth (N.-É.)

B2Y 3G7

Tél. : (902) 466-4791

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