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Date : 20050803

Dossier : IMM-5151-04

Référence : 2005 CF 1060

ENTRE :

OSVALDO DE MATOS CORREIRA JR

(alias Osvaldo De Matos Correia Jun)

LARISSA BELTRAN CORREIA

(alias Correia, Larissa Beltran)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée suivant le paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 19 mai 2004, a conclu que les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

[2]                Les demandeurs sollicitent une ordonnance en vue d'annuler la décision selon laquelle ils ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger et une ordonnance en vue de renvoyer l'affaire devant un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.

Contexte

[3]                Les demandeurs, Osvaldo De Matos Correira Jr (alias Osvaldo De Matos Correia Jun) (le demandeur principal) et Larissa Beltran Correia (alias Correia, Larissa Beltran), sa fille (la demanderesse mineure), sont citoyens du Brésil.

[4]                Le demandeur principal a été baptisé comme témoin de Jéhovah en 1981. Le demandeur a dit que, conformément aux préceptes de sa religion, il devait demeurer neutre relativement aux conflits entre les nations. Cela inclut l'interdiction d'utiliser une arme à feu.

[5]                Le service militaire est obligatoire au Brésil. Quand il a été appelé, le demandeur principal a demandé d'en être exempté en invoquant ses convictions religieuses. L'exemption lui a été accordée, mais le demandeur allègue qu'il a perdu tous ses droits en tant que citoyen du Brésil, y compris le droit de vote, et qu'il lui est en outre devenu impossible d'obtenir un emploi dans un quelconque ministère de la fonction publique.

[6]                Le demandeur principal affirme également que sa fille n'est pas en sécurité au Brésil. Il a déclaré qu'en raison de l'augmentation de la violence au Brésil, la vie de sa fille était menacée même pendant qu'elle faisait le trajet entre son établissement scolaire et son domicile.

[7]                Les demandeurs sont arrivés au Canada le 19 juin 2003 et ils ont demandé le statut de réfugié au sens de la Convention le 31 juillet 2003.

[8]                Les demandes ont été entendues le 18 février 2004 et elles ont été rejetées le 19 mai 2004.

[9]                Il s'agit du contrôle judiciaire de cette décision.

Motifs de la Commission

[10]            La Commission a déclaré ce qui suit :

                Le tribunal reconnaît que les deux demandeurs sont des citoyens brésiliens : les passeports présentés par les demandeurs à l'audience en font foi. Le tribunal reconnaît également que les demandeurs sont des témoins de Jéhovah.

                En l'espèce, les points en litige sont la crédibilité et le délai mis à présenter la demande d'asile.

                Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur a écrit qu'à cause de son appartenance aux témoins de Jéhovah, il avait demandé d'être exempté du service militaire et qu'on avait acquiescé à sa demande. Il a ajouté qu'à cause de cela, tous ses droits de citoyen brésilien avaient été suspendus par le ministre de la Justice. Voilà la raison pour laquelle, selon son témoignage, il ne se sentait pas en sécurité au Brésil. Le tribunal souligne que le Brésil a délivré un passeport aux deux demandeurs. Tous deux ont leur carte d'identité nationale (CIN), ce qui leur donne droit aux soins médicaux et à l'éducation. Le demandeur a déclaré qu'il s'attend à être protégé (c'est un de ses droits) parce qu'il paie ses impôts; qu'il ne peut pas obtenir un emploi dans la fonction publique, mais qu'il n'en a jamais postulé un; qu'il a déjà présenté une soumission pour un contrat avec le gouvernement, mais qu'il n'a pas eu à cause de sa religion, a-t-il jugé; qu'il ne pouvait pas voter, mais qu'il n'avait jamais fait inscrire son nom sur la liste électorale, expliquant qu'il n'y avait pas droit et qu'il attendait encore la suspension de ses droits civils. Le demandeur a obtenu d'être exempté du service militaire en 1984. Selon une déclaration du commandement militaire de la région sud-est, le demandeur attend la suspension de ses droits politiques, pas de ses droits civils.

                Interdire à un citoyen de voter et de participer d'une autre façon à la vie politique de son pays ne constitue pas de la persécution : il jouit tout de même de nombreux autres droits. Le tribunal estime que même si le demandeur se trouvait privé de ses droits politiques, cela ne constituerait pas de la persécution.

                Les demandeurs sont arrivés au Canada le 19 juin 2003; ce n'est que le 31 juillet 2003 qu'ils ont demandé asile. Le demandeur principal a déclaré que leur intention était de demeurer au Canada, mais qu'ils ne savaient pas qu'ils pouvaient y demander asile. De toute façon, trois ou quatre semaines après son arrivée, le demandeur a consulté un avocat et il a attendu encore quelques semaines avant de présenter les demandes. Ce délai signifie que les demandeurs n'ont pas une crainte subjective d'être persécutés : il est raisonnable de penser, en effet, que quelqu'un qui craint vraiment d'être persécuté, s'empressera de demander asile à la première occasion, même s'il possède un visa. Le tribunal souligne que le recours à la demande d'asile n'a pas pour but de permettre de couper court aux procédures d'immigration.

                Le demandeur a déclaré que, depuis son divorce, il avait la responsabilité de sa fille âgée de quinze ans. Il blâme le système judiciaire de son pays pour l'augmentation de la violence qu'on y observe et la façon dont les criminels sont punis. Il craint pour la sécurité de sa fille quand elle va à l'école et que lui-même est au travail. Il a déclaré que la vie de sa fille est en danger quand elle se rend à l'école ou qu'elle en revient. Il en conclut que le Brésil n'est pas un pays assez sûr pour y vivre et y élever sa fille. Il s'inquiète de sa sécurité et de son bien-être, et il veut qu'elle vive dans un pays capable de lui offrir un avenir et de la sécurité, où elle se sentira en sécurité chez elle, à l'école et en ville.

                Le tribunal comprend que tous les parents souhaitent tout cela pour leurs enfants, mais qu'aucun de ces motifs n'a un lien quelconque avec les énoncés de la Convention. Aux termes du sous-alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi, le Canada assure protection à ceux qui font face à un risque précis auquel les autres citoyens du pays concerné ne font pas face, dans leur ensemble. Le risque encouru par l'intéressé et les autres ne doit pas être indéterminé et aléatoire. En l'espèce, le préjudice craint par le demandeur est celui que connaissent, en général, les autres citoyens de son pays. Le mandat juridique de la Section de la protection des réfugiés (SPR) est précis : il ne peut s'étendre à des personnes comme le demandeur. Le tribunal estime que la demande de ce dernier, selon laquelle il dit craindre avec raison d'être persécuté, n'est pas crédible.

                Après avoir examiné les trois motifs pour lesquels une protection pourrait être assurée aux demandeurs aux termes de l'article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi, le tribunal conclut qu'il n'existe pas de possibilité sérieuse que le demandeur subisse un préjudice au Brésil, que le prétendu préjudice soit assimilable à de la persécution, à un risque pour sa vie, à un traitement ou une peine cruels et inusités, ou à de la torture. Étant donné que la demande de la fille du demandeur est fondée sur celle de son père, elle est également rejetée.

Questions en litige

[11]            Voici les questions en litige en l'espèce :

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la loi brésilienne en matière de conscription ne constituait pas de la persécution à l'égard du demandeur principal?

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le délai écoulé avant que le demandeur dépose sa demande amenuisait sa crainte subjective de persécution?

3.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le risque auquel la fille du demandeur principal était exposée était un risque généralisé?

Prétentions des demandeurs

[12]            Les demandeurs prétendent que la Commission a commis une erreur en décidant que la loi brésilienne en matière de conscription ne constituait pas de la persécution à l'égard du demandeur principal. Le service militaire de remplacement que prévoit le Brésil ne respecte pas les règles du droit international et cela constitue le fondement de la demande d'asile présentée par le demandeur principal. Il est un objecteur de conscience au sens de la jurisprudence canadienne. Le demandeur prétend que le Brésil ne prévoit aucun service militaire de remplacement approprié.

[13]            Les demandeurs ont en outre affirmé que la privation de droits politiques, notamment le droit de vote, à cause du refus d'effectuer le service militaire, constitue de la persécution puisqu'il s'agit de la violation d'un droit fondamental de la personne (voir Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), [2002] 3 R.C.S. 519). Le demandeur principal a été privé du droit de vote parce qu'il a refusé de faire son service militaire ou un service de remplacement à titre d'objecteur de conscience et cette privation entraîne un préjudice grave qui constitue de la persécution.

[14]            Les demandeurs font valoir qu'il n'était pas justifié de limiter les possibilités du demandeur principal de trouver un emploi dans la fonction publique puisque les objectifs visés par la loi brésilienne ne sont pas « suffisamment importants pour justifier une atteinte à des droits » (Sauvé, précité). L'État ne peut à bon droit avoir comme objectif d'encourager ses citoyens, objecteurs de conscience, à renier leurs croyances et à faire leur service militaire ou un service de remplacement pour obtenir un emploi dans la fonction publique. Quoi qu'il en soit, les Nations Unies ont déclaré que toute forme de discrimination à l'endroit d'un objecteur de conscience était inacceptable, que telle discrimination pouvait même constituer de la persécution à l'égard d'un objecteur de conscience, notamment en matière de droit de vote ou d'emploi.

[15]            Les demandeurs allèguent que la Commission a commis une erreur en omettant de tenir compte du fait qu'ils avaient un statut juridique en tant que visiteurs pour une période de six mois quand ils ont demandé l'asile au Canada et qu'ils ne pouvaient donc pas être renvoyés du Canada à ce moment.

[16]            Les demandeurs prétendent en outre que la Commission a commis une erreur en n'appréciant pas le risque auquel la demanderesse mineure était exposée à cause de son âge, de son sexe et de ses activités. Cette analyse aurait pu amener la Commission à juger que la demanderesse était exposée à un risque différent de celui auquel était exposé l'ensemble de la population.

Prétentions du défendeur

[17]            Le défendeur prétend qu'aucun des arguments invoqués par le demandeur principal concernant le service militaire obligatoire ne s'applique à sa situation personnelle. Le demandeur a été exempté du service militaire il y a 20 ans et il n'a encore été privé d'aucun droit.

[18]            Le défendeur soutient que le fait qu'il s'écoule un délai avant la présentation d'une demande d'asile est pertinent lors de l'appréciation de l'existence d'une crainte subjective. Inversement, la possession d'un visa de visiteur n'a pas habituellement pour effet de renverser la présomption selon laquelle un réfugié véritable demanderait l'asile à la première occasion.

[19]            Le défendeur prétend que les demandeurs n'ont allégué aucune circonstance où la fille du demandeur avait été exposée à un risque et que, par conséquent, la Commission ne pouvait pas tenir compte de circonstance à cet égard.

Dispositions pertinentes de la loi

[20]            L'article 96 et le paragraphe 97(1) de la LIPR définissent les notions de réfugié au sens de la Convention et de personne à protéger en ces termes :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention - le réfugié - la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes - sauf celles infligées au mépris des normes internationales - et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Analyse et décision

[21]            Norme de contrôle

En matière de crédibilité, la norme de contrôle applicable est la décision manifestement déraisonnable. Une conclusion relative à un délai est une question mixte de fait et de droit et, par conséquent, la norme applicable est la décision raisonnable simpliciter.

[22]            Question 1

La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la loi brésilienne en matière de conscription ne constituait pas de la persécution à l'égard du demandeur principal?

Le demandeur principal a dit, à l'audience devant la Commission, que les seuls droits dont il alléguait avoir été privé au Brésil comme objecteur de conscience étaient le droit d'obtenir un emploi dans la fonction publique et le droit de vote.

[23]            Droit d'obtenir un emploi dans la fonction publique

Dans son témoignage, le demandeur principal a dit, au sujet de la possibilité d'obtenir un emploi dans la fonction publique :

[TRADUCTION]

APR :                       Et de 1984 jusqu'à votre départ en 2003, avez-vous demandé un emploi à la fonction publique?

Demandeur :           Oui.

APR :                       Quel poste avez-vous postulé?

Demandeur :           La prestation de services.

APR :                       Non, mais avez-vous posé votre candidature à un poste en tant qu'employé du gouvernement?

Demandeur :           Non.

[24]            L'incident dont parlait le demandeur principal était le refus du gouvernement d'accepter une proposition de services du demandeur qui en a déduit que c'était à cause de sa religion. Cette allégation n'était fondée sur aucune preuve. Je suis d'avis que le demandeur principal n'a pas démontré qu'il n'avait pas obtenu un marché public à cause de sa religion. Quant à la possibilité d'un emploi dans la fonction publique, le demandeur n'en a postulé aucun. Il n'y a aucune raison de croire qu'il a été persécuté à cet égard.

[25]            Droit de vote

La Constitution du Brésil prévoit en partie ce qui suit :

[TRADUCTION]

Titre II Chapitre I Article 5.VIII : [...] aucune personne ne sera privée d'un droit du fait de ses convictions religieuses ou politiques, sauf si elle invoque ces convictions pour être exemptée d'une obligation légale universelle et sauf si elle refuse de remplir une obligation de remplacement établie par la loi.

Chapitre IV Article 14, paragraphe 2 : Un étranger ne peut s'inscrire sur la liste électorale non plus qu'un conscrit pendant son service militaire obligatoire.

Article 15 : Il est interdit de priver une personne d'un droit politique, telle perte ou suspension ne pouvant se produire qu'en cas de [...] IV. Refus de s'acquitter d'une obligation universelle ou de faire un service de remplacement, en conformité avec l'Article 5. VIII.

[26]            Le demandeur principal a obtenu la lettre ci-dessous du ministre de la Défense (de l'armée) du Brésil, lettre qui devait décrire sa situation actuelle au Brésil :

[TRADUCTION]

Dans le cadre d'une demande de passeport, je déclare que le citoyen Oswaldo De Matos Corriera Junior, promotion de 1966, fils de [...] a demandé d'être exempté du service militaire obligatoire et du service de remplacement à cause de ses convictions religieuses, et qu'il est en attente de la suspension de ses droits politiques par le ministère de la Justice - San Paolo, le 18 octobre 2002.

[27]            Selon moi, cette lettre révèle que le demandeur principal n'a pas été privé de son droit de vote. Le demandeur principal a dit qu'il ne s'était jamais inscrit sur la liste électorale. J'ajouterais que le demandeur a été exempté du service militaire en 1984. Même si plusieurs années se sont écoulées, le demandeur n'a pas été privé de son droit de vote et il ne peut donc s'agir de persécution.

[28]            Question 2

La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le délai écoulé avant que le demandeur dépose sa demande amenuisait sa crainte subjective d'être persécuté?

Les demandeurs ont attendu six semaines après leur arrivée au Canada pour demander l'asile. La Cour d'appel fédérale a statué qu'un simple délai avant de demander l'asile était un facteur relatif et non décisif (voir Saez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 65 F.T.R. 317). En outre, le tribunal doit tenir compte des explications données pour le délai (voir Hue c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 283).

[29]            Un examen de la décision de la Commission révèle que la Commission a effectivement tenu compte du délai; cependant, ce délai ne semble pas avoir été déterminant dans la décision de la Commission. La Commission a pris connaissance de l'explication présentée par le demandeur principal, mais elle a jugé que cette explication était inacceptable. Je suis d'avis que la Commission n'a pas commis une erreur susceptible de contrôle à cet égard.

[30]            Question 3

La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le risque auquel la fille du demandeur principal était exposée était un risque généralisé?

Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en omettant d'évaluer le risque auquel la demanderesse mineure était exposée en tenant compte de son âge, de son sexe et de ses activités. Je ne partage pas leur opinion. La Commission n'était saisie d'aucune preuve (orale ou écrite) qui étayait la prétention selon laquelle un quelconque aspect du risque allégué auquel était exposée la demanderesse mineure n'était pas un risque généralisé. Voici le témoignage du demandeur principal concernant le risque allégué auquel la demanderesse mineure était exposée :

[TRADUCTION]

APR :                                       Quand votre avocat vous a interrogé, vous avez dit qu'il n'était pas prudent d'élever votre fille au Brésil. Qu'entendez-vous par cela?

Demandeur :                           Je suis seul responsable de son éducation et dans les grandes villes, notamment à Sao Paolo où je vivais, il y a beaucoup de violence; cela m'inquiétait beaucoup puisque je devais travailler et elle allait seule à l'école et j'ai compris que c'était très risqué et pour moi et pour elle, particulièrement pour elle.

Président :                              Pourquoi dites-vous particulièrement pour elle?

Demandeur :                           Parce qu'elle est une jeune femme. Elle est sans défense.

APR :                                       Et pourquoi ne pouviez-vous pas vivre dans une ville plus petite?

Demandeur :                           Parce que je travaillais à Sao Paolo.

APR :                                       Et combien de témoins de Jéhovah vivent au Brésil, le savez-vous?

Demandeur :                           Environ 600 000 témoins de Jéhovah.

APR :                                       Il y a combien de personnes dans votre congrégation?

Demandeur :                           Environ 100 personnes.

APR :                                       Et de ces 100 personnes, combien d'entre elles n'ont pas fait leur service militaire?

Demandeur :                           Je ne sais pas.

APR :                                       Bien. Les personnes qui n'ont pas fait leur service militaire sont-elles toujours au Brésil?

Demandeur :                           Un grand nombre d'entre elles, oui.

APR :                                       Et comment font-elles pour continuer de vivre au Brésil?

Demandeur :                           Je ne sais pas.

APR :                                       Qui craignez-vous exactement au Brésil?

Demandeur :                           Je crains de ne pas pouvoir obtenir la protection dont j'aurais besoin et je crains que quand j'en aurai besoin, je ne pourrai me fier sur rien du tout.

APR :                                       Qu'est-ce que ça veut dire?

Demandeur :                           Malheureusement, aujourd'hui, le Brésil est un pays très violent, particulièrement les grandes villes comme celle dans laquelle je vivais et la police n'est pas assez efficace pour nous protéger, et je me suis maintes fois posé la question, je ne jouis pas de tous les droits du citoyen ordinaire de sorte que je me demande jusqu'à quel point je suis en sécurité?

APR :                                       Quand vous dites que vous ne seriez peut-être pas protégé, à quoi référez-vous?

Demandeur :                           Par exemple, à la protection des militaires ou de la police militaire.

APR :                                       Pourquoi n'y auriez-vous pas droit?

Demandeur :                           Je ne sais pas si je pourrais. Je n'en ai jamais eu besoin, donc je ne sais pas.

APR :                                       Et qui craint Larissa au Brésil?

Demandeur :                           Pardon?

APR :                                       De qui a peur Larissa au Brésil?

Demandeur :                           Larissa craint la violence parce que nous entendons beaucoup parler de viol et de violence et bien des jeunes filles meurent parce que la vie est un psychopathe et il y a beaucoup de psychopathes).

[31]            Selon moi, la Commission n'était saisie d'aucune preuve lui permettant de tirer une conclusion autre que celle d'un risque généralisé. La Commission n'a donc pas commis une erreur susceptible de contrôle.

[32]            La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[33]            Les parties disposeront de cinq jours à compter de la date de la présente décision pour soumettre une question grave de portée générale aux fins de certification et trois jours supplémentaires pour présenter leur réponse.

« John A. O'Keefe »

Juge

Toronto (Ontario)

Le 29 juillet 2005

Traduction certifiée conforme

D. Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-5151-04

INTITULÉ :                                                                OSVALDO DE MATOS CORREIRA JR

(alias Osvaldo De Matos Correia Jun)

LARISSA BELTRAN CORREIA

(alias Correia, Larissa Beltran)

                                                                                    c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 17 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           LE JUGE O'KEEFE.

DATE DES MOTIFS :                                               LE 3 AOÛT 2005

COMPARUTIONS :

Ronald Shacter                                                              POUR LES DEMANDEURS

Marina Stefanovic                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ronald Shacter                                                              POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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