Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Dossier : IMM-3074-19

Référence : 2020 CF 197

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 février 2020

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

MARGARITA ROSA CASTRO LOPEZ

HENRY RODRIGUEZ ZAMBRANO

LAURA SOPHIA RODRIGUEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  INTRODUCTION

[1]  À la suite du refus de leur demande d’asile, les demandeurs ont déposé un avis d’appel à la Section d’appel des réfugiés [la SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [la CISR]. La SAR a rejeté leur appel en raison d’un manquement lié à la mise en état. Alléguant une représentation inadéquate de la part de leur ancien conseil, les demandeurs ont demandé que leur appel soit rouvert et examiné sur le fond. Le 16 avril 2019, la SAR a conclu qu’il n’y avait eu aucun manquement à la justice naturelle et a refusé de rouvrir l’appel. S’appuyant sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], les demandeurs demandent maintenant le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la SAR a refusé de rouvrir leur appel.

II.  CONTEXTE

[2]  Les demandeurs, Mme Margarita Rosa Castro Lopez, M. Henry Rodriquez Zambrano, et leur enfant mineur sont citoyens de la Colombie. Ils ont présenté une demande d’asile fondée sur leur crainte d’être persécutés par les Forces d’autodéfense unies de Colombie [les AUC] et des groupes affiliés. Le 26 février 2012, les AUC se seraient emparés de leur ferme familiale dans la région de la vallée du Cauca après avoir accusé le père de Mme Castro Lopez d’appuyer les guérilleros. Les demandeurs ont cédé aux menaces de départ ou de mort et se sont enfuis à Cali, en Colombie. Après avoir signalé l’incident au Bureau du procureur général, ils auraient été informés que s’ils demeuraient au pays, ils seraient déclarés cibles militaires et l’État ne pourrait pas les protéger. Les demandeurs se sont enfuis aux États-Unis [les É.-U.] le 2 mars 2012 et se sont installés à Nashville, au Tennessee, où ils avaient déjà vécu pendant un certain nombre d’années. Entre‑temps, le père de Mme Castro Lopez a déménagé à Medellín, en Colombie.

[3]  Le 4 mai 2015 ou vers cette date, le père de Mme Castro Lopez a été retrouvé mort à la ferme, la cause de son décès étant inconnue. En 2017, à la suite des mesures de répression contre les immigrants clandestins aux É.-U, les demandeurs, qui n’avaient jamais demandé l’asile aux É.-U. à la suite des événements qui seraient survenus en Colombie, se sont rendus au Canada et ont présenté une demande d’asile.

A.  Rejet de leur demande d’asile par la Section de la protection des réfugiés

[4]  Dès le départ, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la CISR a conclu que l’enfant mineur, un citoyen américain de naissance, n’était pas personnellement un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger et qu’il n’augmentait pas le risque auquel les demandeurs adultes pouvaient être exposés en Colombie.

[5]  Constatant que les demandeurs étaient victimes d’un crime sans lien avec un motif énoncé dans la Convention, contrairement à ce qu’exige l’article 96 de la LIPR, la SPR a évalué le risque des demandeurs uniquement en fonction de l’article 97. Doutant au départ que les AUC aient continué de mener leurs activités, la SPR a néanmoins admis qu’une division des Bandas Criminales avait pu absorber les anciens membres des AUC et continué de mener ses activités après 2006. Par conséquent, la SPR s’est livrée à l’analyse en deux parties de la possibilité de refuge intérieur [la PRI] et a conclu que la menace alléguée était, selon la prépondérance des probabilités, située dans la région de la vallée du Cuaca et que les demandeurs pouvaient raisonnablement déménager à Bogota, en Colombie. Par conséquent, la SPR a rejeté la demande d’asile des demandeurs au motif qu’ils avaient accès à une PRI viable.

B.  Non mise en état de l’appel devant la SAR

[6]  La SAR a fait remarquer que l’alinéa 159.91(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR], exige que les demandeurs mettent en état leur appel dans les 30 jours suivant la réception des motifs écrits de la décision. Le 18 octobre 2018, soit la date limite à laquelle les demandeurs étaient tenus de mettre en état leur appel, la SAR n’avait pas reçu le dossier des demandeurs ni de demande de prolongation du délai. Par conséquent, la SAR a rejeté l’appel pour défaut de mise en état le 19 décembre 2018. Les demandeurs ont par la suite reçu un avis de convocation le 21 février 2019.

C.  Demande de réouverture de l’appel

[7]  Le 25 février 2019, les demandeurs ont déposé une demande à la SAR en vue de rouvrir leur appel en vertu des articles 37 et 49 des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257 [les RSAR]. Les demandeurs ont expliqué que leur ancien conseil, M. Luis Antonio Monroy, avait déposé leur avis d’appel le 4 octobre 2018 après avoir obtenu un financement limité de la part d’Aide juridique Ontario [AJO] pour rédiger une opinion sur le bien‑fondé de leur appel. Ils soulignent que, selon les politiques de financement d’AJO. il fallait que l’opinion soit favorable pour qu’ils puissent obtenir d’autres fonds. Malgré les efforts qu’ils ont déployés par la suite pour communiquer avec M. Monroy, ils soutiennent qu’ils n’ont jamais pu lui reparler de l’état d’avancement de leur appel. Mme Castro Lopez a juré qu’elle avait compris que M. Monroy procéderait à la mise en état de leur appel puisqu’il leur avait dit, après l’audience, qu’il pourrait faire infirmer une décision défavorable, qu’il avait déposé l’avis d’appel et qu’il ne les avait jamais avisés du contraire. Les demandeurs ont par la suite appris que M. Monroy avait omis par inadvertance de soumettre l’opinion à AJO, ce qui signifie qu’ils n’ont pas obtenu le financement nécessaire pour poursuivre leur appel.

[8]  Dans son affidavit en réponse, M. Monroy a expliqué qu’il avait avisé les demandeurs qu’il ne voyait aucun fondement à leur appel et qu’il ne s’attendait donc pas à ce que la demande de financement qu’ils avaient présentée à AJO soit accueillie. Il a également expliqué qu’il avait rédigé une opinion défavorable sur le bien‑fondé de leur appel à l’intention d’AJO, le 6 octobre 2018, conformément au certificat, et qu’il croyait avoir déposé cette opinion le même jour jusqu’à ce qu’il soit avisé du contraire. Néanmoins, M. Monroy a prétendu avoir avisé les demandeurs qu’il ne poursuivrait leur appel que s’ils le payaient, et qu’il leur a plutôt recommandé de déposer une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire puisque le coût était le même et que cette demande était susceptible de donner de meilleurs résultats. Il a expliqué qu’il avait signé leur avis d’appel pour maintenir leurs droits d’appel, mais qu’il n’avait délibérément pas mis son nom à titre de conseil inscrit au dossier, qu’il n’avait jamais avisé les demandeurs qu’il les représenterait dans le cadre de leur appel sans provision d’honoraires de leur part, étant donné la faible probabilité de succès, et que les demandeurs pouvaient communiquer avec lui s’ils décidaient de présenter une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

D.  Sursis à la mesure de renvoi

[9]  Le 15 mars 2019, les demandeurs se sont vu accorder un sursis en attendant l’issue du présent contrôle judiciaire (Castro Lopez c Canada (Immigration, Refugees and Citizenship), 2019 CanLII 21160 (CF)).

III.  LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[10]  Le 16 avril 2019, la SAR a refusé de rouvrir l’appel des demandeurs, concluant qu’ils n’avaient pas démontré qu’il y avait eu manquement à un principe de justice naturelle lors du rejet initial : par 49(6) des RSAR. La SAR a fondé sa conclusion sur les éléments suivants :

  1. les demandeurs ont bénéficié de l’aide d’AJO lors de leur demande d’asile et de la première évaluation de leur appel, ainsi que du soutien d’un travailleur social;
  2. M. Monroy les a informés des délais d’appel après qu’ils eurent reçu la décision défavorable de la SPR, et il a maintenu la communication avec eux au sujet de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. La SAR a conclu que les demandeurs n’avaient pas divulgué l’existence de ces conversations continues au sujet de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et que leurs déclarations ne concordaient donc pas avec les faits au dossier et les déclarations de M. Monroy;
  3. Bien qu’il n’ait pas présenté l’opinion sur le bien‑fondé à AJO, M. Monroy s’était penché sur la demande des demandeurs et avait consulté ces derniers. La SAR a jugé que le défaut de M. Monroy de présenter l’opinion sur le bien‑fondé n’avait pas empêché les demandeurs d’obtenir un financement de la part de l’AJO;
  4. M. Monroy n’était pas inscrit à titre de conseil sur l’avis d’appel, et aucun document convaincant ne confirmait l’existence d’une quelconque relation contractuelle entre les demandeurs et M. Monroy pour ce qui est de la mise en état de leur appel.

IV.  QUESTIONS EN LITIGE

[11]  La seule question soulevée en l’espèce est de savoir si la SAR a commis une erreur en refusant de rouvrir l’appel.

V.  NORME DE CONTRÔLE

[12]  La norme de contrôle applicable à la décision par laquelle la SAR refuse de rouvrir une demande est celle de la décision raisonnable (Djilal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 812, par 6 et 7; Khakpou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 25, par 20 et 21; Atim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 695, par 30 et 31 [Atim]).

[13]  Tel qu’il a été mentionné récemment dans l’arrêt Vavilov, la norme de la décision raisonnable doit s’intéresser au raisonnement du décideur de même qu’au résultat de la décision (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, par 83 et 87 [Vavilov]). Pour satisfaire à cette norme, la décision doit être fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et justifiée à la lumière des contraintes factuelles et juridiques qui ont une incidence sur la décision, en plus de répondre suffisamment aux observations des parties de façon à démontrer qu’elle est adaptée aux préoccupations centrales soulevées par les demandeurs (Vavilov, par. 102 à 107, 127 et 128).

VI.  DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[14]  L’article 49 des RSAR régit les demandes de réouverture d’un appel devant la SAR :  

Demande de réouverture d’un appel

Application to reopen appeal

49 (1) À tout moment avant que la Cour fédérale rende une décision en dernier ressort à l’égard de l’appel qui a fait l’objet d’une décision ou dont le désistement a été prononcé, l’appelant peut demander à la Section de rouvrir cet appel.

49 (1) At any time before the Federal Court has made a final determination in respect of an appeal that has been decided or declared abandoned, the appellant may make an application to the Division to reopen the appeal.

Forme et contenu de la demande

Form and content of application

(2) La demande est faite conformément à la règle 37. Si la demande est faite par la personne en cause, celle-ci transmet à la Section l’original et une copie de la demande et indique dans sa demande ses coordonnées et, si elle est représentée par un conseil, les coordonnées de celui-ci et toute restriction à son mandat.

(2) The application must be made in accordance with rule 37. If a person who is the subject of an appeal makes the application, they must provide to the Division the original and a copy of the application and include in the application their contact information and, if represented by counsel, their counsel’s contact information and any limitations on counsel’s retainer.

Documents transmis au ministre

Documents provided to Minister

(3) La Section transmet sans délai au ministre une copie de la demande faite par la personne en cause.

(3) The Division must provide to the Minister, without delay, a copy of an application made by a person who is the subject of an appeal .

Allégations à l’égard d’un conseil

Allegations against counsel

(4) S’il est allégué dans sa demande que son conseil, dans les procédures faisant l’objet de la demande, l’a représentée inadéquatement :

(4) If it is alleged in the application that the person who is the subject of the appeal’s counsel in the proceedings that are the subject of the application provided inadequate representation,

a) la personne en cause transmet une copie de la demande au conseil, puis l’original et une copie à la Section;

(a) the person must first provide a copy of the application to the counsel and then provide the original and a copy of the application to the Division, and

b) la demande transmise à la Section est accompagnée d’une preuve de la transmission d’une copie au conseil.

(b) the application provided to the Division must be accompanied by proof that a copy was provided to the counsel.

Copie de la demande en instance

Copy of pending application

(5) La demande est accompagnée d’une copie de toute demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire en instance ou de toute demande de contrôle judiciaire en instance.

(5) The application must be accompanied by a copy of any pending application for leave to apply for judicial review or any pending application for judicial review.

Élément à considérer

Factor

(6) La Section ne peut accueillir la demande que si un manquement à un principe de justice naturelle est établi.

(6) The Division must not allow the application unless it is established that there was a failure to observe a principle of natural justice.

Éléments à considérer

Factors

(7) Pour statuer sur la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent, notamment :

(7) In deciding the application, the Division must consider any relevant factors, including

a) la question de savoir si la demande a été faite en temps opportun et la justification de tout retard;

(a) whether the application was made in a timely manner and the justification for any delay; and

b) si l’appelant n’a pas présenté une demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire ou une demande de contrôle judiciaire, les raisons pour lesquelles il ne l’a pas fait.

(b) if the appellant did not make an application for leave to apply for judicial review or an application for judicial review, the reasons why an application was not made.

Demande subséquente

Subsequent application

(8) Si l’appelant a déjà présenté une demande de réouverture d’un appel qui a été refusée, la Section prend en considération les motifs du refus et ne peut accueillir la demande subséquente, sauf en cas de circonstances exceptionnelles fondées sur l’existence de nouveaux éléments de preuve.

(8) If the appellant made a previous application to reopen an appeal that was denied, the Division must consider the reasons for the denial and must not allow the subsequent application unless there are exceptional circumstances supported by new evidence.

Autres recours

Other Remedies

(9) Si une demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire en instance ou une demande de contrôle judiciaire en instance est fondée sur des motifs identiques ou similaires, la Section, dès que possible, soit accueille la demande de réouverture si cela est nécessaire pour traiter avec célérité et efficacité les appels, soit rejette la demande.

(9) If there is a pending application for leave to apply for judicial review or a pending application for judicial review on the same or similar grounds, the Division must, as soon as is practicable, allow the application to reopen if it is necessary for the timely and efficient processing of appeals, or dismiss the application.

VII.  ARGUMENTATIONS

A.  Demandeurs

[15]  Les demandeurs soutiennent que la SAR a, de façon déraisonnable, écarté et dénaturé des éléments de preuve pertinents. En premier lieu, ils soutiennent qu’en adoptant sans réserve la version des événements de M. Monroy, la SAR n’a pas tenu compte du fait qu’ils aient pu avoir des interprétations différentes de ces mêmes événements. Par conséquent, la SAR n’a pas évalué la compréhension subjective et raisonnable des demandeurs selon laquelle M. Monroy s’occupait de leur appel, ce que M. Monroy n’a pas réfuté pas explicitement dans son témoignage. Les demandeurs soulignent que non seulement M. Monroy n’a jamais confirmé qu’il ne travaillait pas sur leur appel mais que, dans un courriel les informant des délais d’appel, il les avait invités à communiquer avec lui s’ils avaient des questions. Lorsqu’ils ont tenté d’obtenir des précisions sur leur appel, leurs questions sont demeurées sans réponse bien qu’ils aient pu communiquer avec M. Monroy au sujet d’autres questions.

[16]  En second lieu, les demandeurs soutiennent que la SAR a fait preuve d’un manque de connaissance et de compréhension à l’égard des procédures de financement d’AJO. Contrairement à ce que la SAR a conclu – que le défaut de M. Monroy de présenter l’opinion sur le bien-fondé « n’a pas empêché les demandeurs d’obtenir un financement de la part de l’aide juridique » – AJO n’accorderait en réalité aucun autre financement sans opinion favorable. De plus, les demandeurs font valoir que la phrase [traduction] « Vous devez trouver un avocat qui est disposé à accepter votre dossier d’aide juridique » (caractères gras ajoutés), qui se trouve sur le formulaire d’admissibilité d’AJO, donne à penser que, lorsque le conseil accepte un certificat d’AJO pour rédiger une opinion sur le bien-fondé d’une affaire, il doit croire au bien-fondé de cette affaire. Comme M. Monroy avait accepté leur certificat d’AJO, il était raisonnable pour les demandeurs de croire qu’il les représenterait tout au long du processus d’appel. Leur conviction à cet égard a été confirmée par le fait qu’ils n’ont pas communiqué avec un autre conseil. Les demandeurs soutiennent qu’en présentant son opinion défavorable (après avoir été avisé de son oubli), M. Monroy leur a encore une fois porté préjudice parce que leur nouveau conseil n’a pas pu obtenir de financement d’AJO par la suite.

[17]  En troisième lieu, les demandeurs font valoir que la SAR n’a pas reconnu qu’ils avaient une relation contractuelle avec M. Monroy. Ils soulignent que M. Monroy leur a expliqué l’avis d’appel au moment où il l’a déposé et que rien ne prouve qu’il leur a alors dit clairement qu’il ne s’inscrivait pas comme conseil. Les demandeurs ont continué de communiquer avec lui après que l’avis ait été déposé, ce qui tend également à démontrer qu’ils croyaient qu’il les représenterait tout au long de l’appel. En outre, les demandeurs soulignent que le certificat d’AJO est semblable à un mandat de représentation en justice : en acceptant de fournir une opinion sur le bien‑fondé, M. Monroy a créé une relation contractuelle pour ce qui est de l’appel. Ils font également valoir qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour se retirer du dossier auprès d’AJO.

[18]  Enfin, les demandeurs soutiennent que la SAR n’a pas tenu compte du fait qu’ils avaient toujours maintenu leur intention de poursuivre leur appel et que le ministre ne subirait aucun préjudice en rouvrant le dossier. Les demandeurs soulignent que les Règles de la SAR doivent être interprétées de façon libérale de sorte que les demandes puissent être instruites sur le fond (Andreoli c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1111, par 20 à 23; Febles c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CSC 68, par 27). Ainsi, les vices de procédure ne devraient pas à eux seuls empêcher les tribunaux de se prononcer sur le fond (Huseen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 845, par 23 et 35). Malgré cela, la SAR a donné du paragraphe 49(6) des RSAR une interprétation trop stricte en mettant uniquement l’accent sur les délais, et elle n’a pas tenu compte de l’intention continue des demandeurs, des problèmes qu’ils ont eus avec M. Monroy comme conseil, de leurs barrières linguistiques et de leurs difficultés à obtenir du financement d’AJO.

[19]  En réponse aux observations du ministre, les demandeurs affirment qu’ils ont implicitement soulevé la question des actes de M. Monroy qui avaient porté davantage préjudice à leur capacité de demander du financement d’AJO et à leur intention continue de poursuivre leur appel devant la SAR. Reconnaissant que dans la décision Atim, la Cour affirme que de tels arguments ne peuvent pas être soulevés en contrôle judiciaire s’ils ne l’ont pas été devant la SAR, les demandeurs soutiennent que la présente affaire peut être distinguée de celle dans Atim parce que, contrairement à cette décision et aux décisions qui la sous‑tendent, aucun nouvel élément de preuve n’a été présenté à la Cour (Atim, par. 38); Dougal & Co Inc c Canada (Procureur général), 2017 CF 1075, par 21 à 25). Étant donné que les services de M. Monroy n’étaient plus retenus, il était également implicite qu’il n’avait pas le pouvoir de présenter d’autres observations à AJO et qu’en cherchant à rouvrir l’appel, les demandeurs avaient maintenu leur intention d’interjeter appel.

B.  Défendeur

[20]  Le ministre fait valoir qu’il était raisonnable pour la SAR de rejeter la demande de réouverture et que la demande des demandeurs ne représente rien de plus qu’une demande pour que la Cour soupèse à nouveau la preuve. Au bout du compte, la SAR a conclu à juste titre que, sans les actes de l’ancien conseil des demandeurs, l’issue de l’audience sur le fond n’aurait pas été différente (Etik c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 762, par. 9).

[21]  Le ministre soutient que, contrairement à ce que les demandeurs font observer, le certificat d’AJO ne conférait pas à M. Monroy un droit illimité à un financement permanent. Il lui permettait plutôt d’évaluer le bien‑fondé de l’affaire et de donner son avis sur le sujet. À cet égard, la preuve démontre que M. Monroy a examiné le dossier et a conclu que les chances de succès étaient insuffisantes. Le ministre souligne qu’il n’appartenait pas à la SAR de décider si M. Monroy était (in)compétent : Atim, par. 37. La SAR a plutôt raisonnablement confirmé que M. Monroy s’était penché sur le bien-fondé de l’appel, avait consulté les demandeurs et leur avait fait part de leurs options et de sa recommandation de déposer une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, autant de mesures qui démontrent un respect à l’égard de la justice naturelle. Que les demandeurs aient interprété ces événements différemment ne constitue pas en soi un manquement à la justice naturelle. De même, le ministre souligne que M. Monroy a continué de communiquer avec les demandeurs au sujet de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, ce qui vient corroborer sa version des événements, et qu’il était raisonnable pour la SAR de s’en remettre à son appréciation.

[22]  Le ministre affirme que les demandeurs n’ont pas soulevé devant la SAR la question de savoir si, en présentant tardivement son avis défavorable sur le bien‑fondé de l’appel, M. Monroy avait écarté une opinion potentiellement favorable. Cet argument ne saurait donc maintenant servir à contester la décision de la SAR. En outre, le ministre fait valoir que, bien que M. Monroy ait déposé tardivement son avis, cela ne changeait rien au fait que, selon lui, l’appel des demandeurs était peu susceptible d’être accueilli.

[23]  Enfin, le ministre soutient que le critère applicable en matière de réouverture d’un appel exige des demandeurs qu’ils établissent l’existence d’un manquement à la justice naturelle ou à l’équité. Il importe donc peu de savoir si les demandeurs ont démontré une intention continue d’interjeter appel, s’ils avaient le droit d’interjeter appel ou si le ministre ne subirait pas de préjudice (Atim, par 39). Pas plus qu’il n’était pertinent de soulever ces questions devant la SAR dans le cadre de la réouverture de l’appel.

VIII.  ANALYSE

A.  Introduction

[24]  Dans leur demande de réouverture de leur appel devant la SAR, les demandeurs ont fait valoir que leur appel était bien‑fondé et que la façon inadéquate dont leur ancien conseil les avait représentés serait à l’origine de leur défaut de mettre leur appel en état.

[25]  Les motifs et les observations énoncés dans leur demande de réouverture fondée sur la représentation inadéquate de l’ancien conseil étaient les suivants :

[TRADUCTION]

46.  Il est soutenu que la représentation inadéquate des demandeurs de la part du conseil après l’audience devant la SAR a entraîné un manquement à la justice naturelle.

47.  L’ancien avocat des demandeurs, M. Monroy, n’a pas présenté d’évaluation du bien-fondé d’un appel à l’AJO. Par conséquent, les demandeurs n’ont pas réussi à obtenir du financement pour leur processus d’appel.

48.  M. Monroy prétend qu’il croyait avoir présenté une opinion à AJO, mais AJO a confirmé à Grice & Associates n’avoir jamais reçu d’évaluation du bien‑fondé dans le cadre de l’appel des demandeurs. De plus, M. Monroy a confirmé son erreur à Grice & Associates dans un courriel daté du 21 janvier 2019.

49.  En outre, comme la demanderesse principale le jure dans l’affidavit ci-joint, le conseil, M. Monroy, n’a pas clairement dit aux demandeurs qu’il ne mettrait pas leur appel en état.

50.  M. Monroy n’a pas communiqué clairement aux demandeurs son intention de ne pas mettre l’appel en état et il ne s’est pas acquitté de son obligation professionnelle de consulter les demandeurs. En omettant de les conseiller, il a manqué à son devoir de conseil.

51.  Le critère permettant de déterminer si une représentation inadéquate de la part du conseil constitue un manquement à la justice naturelle est énoncé dans l’arrêt R. c G.D.B. Dans un premier temps, il faut démontrer que les actes ou omissions de l’avocat ne se situaient pas à l’intérieur de l’éventail de l’assistance professionnelle raisonnable, et, dans un deuxième temps, qu’une erreur judiciaire en a résulté.

52.  Il est allégué que ce critère a manifestement été rempli eu égard aux circonstances de l’espèce. Le fait que le conseil n’a pas consulté les demandeurs et ne les a pas conseillés, qu’il n’a pas mis l’appel en état et qu’il n’a pas présenté d’évaluation du bien‑fondé de l’appel à AJO avant la date limite pour mettre l’appel en état constitue une représentation inadéquate. Il est soutenu que ces erreurs ont donné lieu à un manquement manifeste à l’équité procédurale, et ont ainsi privé les demandeurs de la possibilité d’être entendus à l’étape de l’appel, et que les principes d’équité et de justice naturelle militent en faveur de la réouverture de l’appel.

[Renvois omis.]

[26]  En examinant leur demande de réouverture de l’appel fondée sur l’article 49 des RSAR, la SAR s’est appuyée sur le paragraphe 49(6) des RSAR, qui est ainsi libellé :

[27]  Essentiellement, la SAR a conclu qu’« il incombe aux demandeurs de démontrer qu’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle ou d’équité » (par. 8) et que les demandeurs n’ont pas démontré l’existence d’un tel manquement eu égard à la preuve et aux observations présentées à la SAR.

[28]  Pour en arriver à cette conclusion, la SAR a évalué la preuve et les observations des demandeurs en regard de la preuve présentée par l’ancien conseil quant à son interaction avec les demandeurs et à son rôle dans l’appel interjeté devant la SAR. Je constate que la SAR a reçu l’avis d’appel transmis par les demandeurs à l’égard de la décision de la SPR le 4 octobre 2018 et que le dossier des demandeurs devait donc être déposé au plus tard le 18 octobre 2018. Par conséquent, le défaut de mettre la demande d’appel en état au plus tard à cette date a entraîné le rejet pour manquement lié à la mise en état le 19 décembre 2018.

[29]  En ce qui concerne la demande de réouverture de leur appel, la SAR a examiné la preuve versée au dossier, qui comprenait la preuve et les observations écrites des demandeurs, ainsi qu’un affidavit de l’ancien conseil. Voici l’analyse de la SAR :

[9]  Le nouveau conseil des demandeurs a communiqué avec la SAR et fait observer que l’ancien conseil de l’appelant était négligent, ce qui a engendré un manquement au principe de justice naturelle. Les demandeurs ont rencontré le conseil (Luis Monroy), qui les a représentés devant la SPR le 3 octobre 2018. À la demande du nouveau conseil, l’ancien conseil, M. Monroy, a présenté un affidavit faisant état des dispositions prises auprès des demandeurs en ce qui a trait à leur appel. Il affirme qu’il a expliqué aux demandeurs, en espagnol, ce qui suit :

  Il avait examiné les motifs d’appel et il ne serait pas en mesure d’offrir une aide juridique favorable quant au bien‑fondé de leur affaire.

  Il n’était pas en mesure de les représenter dans le cadre de leur appel devant la SAR, car il jugeait leur appel sans fondement et estimait que l’aide juridique ne financerait pas leur appel.

  Si les demandeurs choisissaient d’avoir recours à ses services dans le privé, ses honoraires seraient de 4 500 $, mais il a expliqué qu’il n’était pas logique pour les demandeurs d’investir dans un appel sans fondement.

  Les demandeurs auraient peut‑être une meilleure possibilité d’obtenir la résidence permanente au Canada en présentant une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures.

  Si les demandeurs décidaient d’aller de l’avant avec une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, il leur facturerait également 4 500 $ pour préparer leur demande.

  Le conseil a offert déposer l’avis d’appel au nom des demandeurs pour s’assurer qu’ils respectent l’échéance et ne perdent pas leur droit d’interjeter appel à la SAR, dans l’éventualité où ils choisiraient d’aller de l’avant avec leur appel.

  Le conseil a rempli l’avis d’appel destiné à la SAR, mais il n’a pas mis son nom à titre de conseil inscrit au dossier. L’adresse postale donnée pour la correspondance de la SAR était celle des demandeurs.

  Le conseil a confirmé auprès des demandeurs qu’il ne ferait aucune autre démarche relativement à leur appel à la SAR, mais que, s’ils décidaient d’aller d’avant avec une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, il pourrait discuter de questions découlant de cette demande.

[10]  Les demandeurs font valoir que M. Monroy a discuté [traduction] « d’aide juridique » avec eux, mais ils affirment qu’ils n’ont pas compris ce que signifiait [traduction] « aide juridique ». La SAR a examiné l’affidavit de leur ancien conseil, dans lequel celui‑ci déclare qu’il est invraisemblable qu’ils n’aient pas compris ce que signifiait [traduction] « aide juridique », étant donné qu’ils avaient eu recours à l’aide juridique dans le cadre de leur demande d’asile et qu’ils avaient demandé l’aide d’un travailleur social pour présenter une demande aux fins de l’obtention d’un certificat de l’aide juridique quant à l’évaluation de leur appel. La SAR fait en outre observer que l’affidavit de leur ancien conseil confirme que cette communication avec les demandeurs à la suite du 3 octobre 2018 avait été effectuée sous forme de courriel, daté du 5 octobre 2018, visant à leur rappeler que, s’ils avaient l’intention de poursuivre leur appel à la SAR, ils avaient quinze (15) jours pour préparer leurs arguments. Il leur a également rappelé qu’il y avait des délais à respecter s’ils souhaitaient préparer une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[11]  L’ancien conseil des demandeurs a en outre confirmé dans son affidavit et dans les éléments de preuve connexes qu’il avait communiqué avec les demandeurs le 17 octobre 2018 en ce qui a trait à leur potentielle demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. La SAR souligne que les déclarations des demandeurs, dans les affidavits présentés à l’appui de leur demande de réouverture, ne mentionnent pas cette interaction. Toutefois, les demandeurs ont présenté des copies de saisies d’écran d’une série de messages texte, qui ont été envoyés à leur ancien conseil du 15 au 22 octobre 2018, donnant à penser que M. Monroy ne répondait pas. À l’issue de son évaluation des éléments de preuve, la SAR constate que, même s’il se peut que l’ancien conseil des demandeurs ait reçu ces messages, il a uniquement continué d’examiner la possibilité de présenter une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire pour le compte des demandeurs.

[12]  La SAR constate en outre que les demandeurs soutiennent que le défaut de leur ancien conseil de présenter l’avis aux fins de l’évaluation du bien-fondé de l’appel à l’aide juridique avant janvier]9,4 [sic] les a empêchés d’obtenir le financement de leur appel. La SAR estime que les éléments de preuve confirment que l’ancien conseil des demandeurs a décidé d’évaluer la question et les a consultés. Le fait que M. Monroy n’a pas présenté cet avis en temps opportun n’a pas empêché les demandeurs d’obtenir un financement de la part de l’aide juridique.

[13]  La SAR a examiné et considéré les observations des demandeurs à cet égard. La SAR est d’avis que les déclarations des demandeurs ne concordent pas avec les faits au dossier et les déclarations sous serment de leur ancien conseil. La SAR fait observer que l’ancien conseil des demandeurs n’était pas inscrit à titre de conseil sur leur avis d’appel déposé à la SAR. La SAR estime en outre qu’aucun document convaincant ne confirme une relation contractuelle quelconque entre les demandeurs et leur ancien conseil pour ce qui est de la mise en état de leur appel à la SAR.

[14]  La SAR reconnaît qu’elle doit tenir compte du facteur que constitue le principe de la justice naturelle. La SAR a examiné les éléments de preuve et les observations des demandeurs et de leur ancien conseil. La SAR juge qu’aucun manquement au principe de la justice naturelle n’a été commis.

[Renvois omis.]

B.  Erreurs susceptibles de révision

[30]  C’est dans ce contexte, les demandeurs ont soulevé un certain nombre de motifs d’erreur susceptible de révision.

1)  Éléments de preuve écartés et dénaturés

[31]  Les demandeurs affirment que la SAR a écarté et dénaturé des éléments de preuve pertinents. Ils soutiennent que la SAR [traduction] « semble être entièrement d’accord avec les déclarations sous serment de M. Monroy, sans tenir compte des déclarations des demandeurs et de la preuve corroborante » (italiques ajoutés).

[32]  Une simple lecture de la décision révèle qu’il n’en est rien. La SAR précise qu’elle a examiné les éléments de preuve contradictoires et, comme il lui incombe de le faire, a apprécié la preuve et est parvenue à une conclusion. Rien n’indique que la SAR a écarté la preuve et les observations des demandeurs. En fait, une grande partie de ce qu’ont soutenu les demandeurs sous cette rubrique n’est rien de plus qu’une invitation à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve et de parvenir à une conclusion qui leur serait favorable. Ce n’est pas le rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Vavilov, par 125, citant Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31, par 55).

[33]  Ce qui est important dans ce contexte, c’est l’affirmation des demandeurs selon laquelle ils ont été lésés et contrecarrés dans leurs efforts pour interjeter appel parce que l’ancien conseil n’a pas répondu à leurs questions qui portaient expressément sur leur appel à la SAR, en dépit d’efforts répétés pour obtenir des réponses de sa part. Dans leurs observations écrites, ils résument leurs arguments comme suit :

[traduction]

39.  En fait, le groupe de messages envoyés par les demandeurs à M. Monroy au cours de la période du 15 au 22 octobre 2019 était l’un des faits les plus importants qui ont été écartés par le commissaire de la SAR. Les motifs du commissaire de la SAR ne sont pas clairs ou intelligibles quant à la raison pour laquelle ces éléments de preuve n’ont pas eu plus de poids. Le seul commentaire formulé par le commissaire de la SAR concernant ces messages est le suivant :

À l’issue de son évaluation des éléments de preuve, la SAR constate que, même s’il se peut que l’ancien conseil des demandeurs ait reçu ces messages, il a uniquement continué d’examiner la possibilité de présenter une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire pour le compte des demandeurs.

40.  Même jusqu’au 22 octobre 2018, les demandeurs ont envoyé des messages à leur ancien conseil au sujet de leur appel. Cet élément, à tout le moins, révèle que les demandeurs ne savaient pas vraiment où en était leur appel. La preuve montre qu’il y avait une possibilité très réelle qu’ils n’aient pas pleinement compris que M. Monroy, qui était toujours en possession du certificat de l’aide juridique l’autorisant à rédiger une opinion sur le bien‑fondé de leur appel à la SAR et représentant donc la seule façon d’obtenir du financement de la part d’AJO, ne travaillait en fait pas sur leur appel. La preuve montre plutôt que M. Monroy n’a répondu à aucune de ces demandes de renseignements et n’a envoyé aux demandeurs qu’un message concernant une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, pour laquelle il toucherait un paiement de la part des demandeurs plutôt que par l’intermédiaire d’AJO.

41.  La moindre des choses que M. Monroy aurait pu faire était d’aviser les demandeurs qu’il ne travaillait pas sur leur appel. Toutefois, il n’existe aucune preuve de communication par M. Monroy au sujet de l’appel dans ces messages texte échangés au cours de la période du 15 au 22 octobre 2018, à l’exception du message texte non pertinent concernant les honoraires relatifs à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

42.  Il est certain qu’à compter du 18 octobre 2018, il n’y a eu aucune communication de la part de M. Monroy.

43.  M. Monroy n’a pas contesté ce point ni présenté d’éléments de preuve pour le démentir, malgré son obligation de faire clairement comprendre aux demandeurs qu’il ne travaillait pas sur leur dossier, même s’il était l’avocat autorisé des demandeurs auprès d’AJO.

44.  Alors que la preuve montre que les demandeurs ont communiqué avec M. Monroy et qu’ils croyaient toujours être ses clients, pourquoi n’a-t-il pas simplement clarifié la question avec eux, même à ce moment-là? Le commissaire de la SAR n’a pas compris ce fait et a conclu de façon déraisonnable que cela ne constituait pas de la négligence ou une représentation inadéquate.

45.  Le commissaire de la SAR a également souligné le courriel de M. Monroy envoyé aux demandeurs le 5 octobre 2018, dans lequel il a rappelé aux demandeurs qu’ils avaient 15 jours pour préparer leurs arguments en vue de l’appel. Toutefois, le commissaire de la SAR n’a fait aucune remarque quant au fait que M. Monroy avait terminé le courriel en disant que les demandeurs devraient communiquer avec lui s’ils avaient des questions. Comme le montrent les messages du 15 au 22 octobre 2018, les demandeurs ont effectivement posé des questions au sujet de leur appel, mais elles sont demeurées sans réponse.

46.  En fait, le message texte du 17 octobre 2018 corrobore davantage le fait que M. Monroy a choisi de répondre aux demandeurs, et qu’il était ainsi en mesure de le faire, mais qu’il a choisi de ne pas répondre à leurs questions concernant l’appel devant la SAR. Dans leur réponse envoyée par message texte, les demandeurs ont reconnu que ce message ne concernait que la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, mais qu’ils ont été laissés dans l’ignorance lorsqu’il était question de leur appel.

[Caractères gras dans l’original, renvois omis.]

[34]  Il ressort clairement de la décision que la SAR a parfaitement tenu compte des messages texte que les demandeurs ont envoyés à leur ancien conseil et qu’elle a concédé qu’ils pouvaient avoir été reçus par l’ancien conseil, mais qu’« il a uniquement continué d’examiner la possibilité de présenter une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire pour le compte des demandeurs » (par. 11).

[35]  Dans son affidavit, l’ancien conseil a présenté des éléments de preuve concernant le rôle qu’il a joué – ou n’a pas joué – dans l’appel de la décision de la SPR interjeté par les demandeurs à la SAR. Tel qu’il a été résumé précédemment, l’ancien conseil a dit aux demandeurs qu’il ne les représenterait pas dans le cadre de l’appel à la SAR parce que l’appel n’était pas fondé, et qu’il estimait qu’ils seraient plus susceptibles d’atteindre leurs objectifs s’ils déposaient une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Toutefois, plutôt que de laisser les demandeurs en plan, et pour leur donner le temps de trouver un autre conseil et de décider s’ils souhaitent poursuivre l’appel, il a déposé un avis d’appel en leur nom afin qu’ils respectent le délai prescrit pour ce faire. Il n’y a rien d’invraisemblable ou de peu convaincant dans le fait que l’ancien conseil ait décidé d’agir ainsi. Ce dernier était tout à fait libre de dire aux demandeurs qu’il ne les représenterait pas dans le cadre de l’appel, mais qu’il déposerait un avis d’appel afin qu’ils respectent le délai prescrit pour ce faire et qu’ils aient le temps de trouver un autre conseil. En fait, il est difficile de voir comment un conseil responsable agirait ou pourrait agir d’une autre façon.

[36]  La thèse de l’ancien conseil était étayée par d’autres éléments de preuve. Lorsqu’il a rempli l’avis d’appel, il n’a pas mis son nom à titre de conseil inscrit au dossier et il a donné l’adresse postale des demandeurs pour la correspondance de la SAR. La preuve montre en outre que, dans un courriel daté du 5 octobre 2018, il a rappelé aux demandeurs que s’ils décidaient d’aller de l’avant avec leur appel à la SAR, ils disposaient de 15 jours pour préparer leurs arguments et qu’il y avait d’autres délais à respecter s’ils souhaitaient qu’il prépare une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. La SAR fait expressément mention de ces éléments de preuve et les compare aux déclarations et à la preuve des demandeurs selon lesquelles l’ancien conseil ne répondait pas à leurs demandes de renseignements au sujet de l’appel à la SAR.

[37]  L’argument le plus solide des demandeurs à cet égard est que, s’ils ont envoyé des messages à l’ancien conseil au sujet de leur appel à la SAR, c’est parce qu’ils n’étaient pas certains de bien comprendre le processus et le rôle de l’ancien conseil dans cet appel. Les demandeurs font remarquer que l’ancien conseil leur avait dit qu’ils pouvaient communiquer avec lui s’ils avaient des questions et que leurs messages du 15 au 22 octobre 2018 montrent que des questions au sujet de l’appel sont demeurées sans réponse. Les demandeurs affirment maintenant que leur ancien conseil aurait dû, à tout le moins, se rendre compte qu’ils étaient perplexes au sujet de l’appel, qu’ils se demandaient s’il agissait en leur nom dans cette affaire et qu’il aurait dû mieux les informer.

[38]  À mon avis, il s’agit là de l’essentiel des arguments des demandeurs dans la présente demande, comme il est devenu évident lors de l’audience devant moi à Toronto. Autrement dit, la véritable question à trancher est celle de savoir si la SAR a tenu compte ou non du fait que l’ancien conseil des demandeurs ne les avait pas, à plusieurs reprises, avisés qu’il ne les représentait pas dans le cadre de l’appel et qu’ils devaient prendre d’autres mesures pour mettre l’appel en état, et que cela constituait un manquement à la justice naturelle.

[39]  Dans les observations écrites qu’il a présentées à la SAR en vue de rouvrir l’appel, le conseil actuel a présenté les faits qu’il souhaitait que la SAR prenne en considération. En ce qui concerne la question de la représentation inadéquate, le conseil présent a fait valoir ce qui suit :

[traduction]

M. Monroy n’a pas fait savoir aux demandeurs qu’il n’avait jamais eu l’intention de mettre l’appel en état.

[40]  Pour ce qui est de la question du manquement à la justice naturelle, le conseil actuel a fait valoir ce qui suit :

[traduction]

49.  En outre, comme la demanderesse principale le jure dans l’affidavit ci-joint, le conseil, M. Monroy, n’a pas clairement dit aux demandeurs qu’il ne mettrait pas leur appel en état.

50.  M. Monroy n’a pas communiqué clairement aux demandeurs son intention de ne pas mettre l’appel en état et il ne s’est pas acquitté de son obligation professionnelle de consulter les demandeurs. En omettant de les conseiller, il a manqué à son devoir de conseil.

[41]  La preuve présentée par l’ancien conseil était la suivante :

[traduction]

15.  Lors de cette même réunion du 3 octobre 2018, nous avons discuté de façon plus approfondie du fait qu’à mon avis, une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire serait plus susceptible d’être accueillie, et j’ai expliqué très clairement aux appelants, en espagnol, que je ne les représenterais pas dans leur appel parce que, à mon avis, l’aide juridique ne financerait pas les frais juridiques qu’ils engageraient puisque, selon mon évaluation, leur appel n’avait aucun fondement légal.

[…]

17.  Ce jour-là, les appelants et moi nous sommes rencontrés pendant environ une heure et demie et ils ont eu l’occasion de me poser autant de questions qu’ils le souhaitaient, et j’ai répondu à leurs préoccupations de mon mieux. J’ai également offert aux appelants de déposer leur avis d’appel en leur nom afin qu’ils ne perdent pas leur droit d’interjeter appel au cas où ils décideraient de retenir les services d’un autre conseil, compte tenu du fait que le certificat que l’aide juridique leur avait délivré couvrait les coûts liés au dépôt de cet avis.

18.  Il est important de noter que je n’ai pas signé leur avis d’appel à titre de conseil inscrit au dossier ni même indiqué mon adresse comme adresse postale des appelants. Je leur ai très bien fait comprendre que je ne ferais aucune autre démarche pour eux relativement à leur appel, mais que je serais disposé à discuter avec eux de toute question liée à la préparation d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire s’ils le souhaitaient.

[…]

22.  En ce qui concerne les allégations contenues aux paragraphes 11, 18, 19, 33 et 34 de l’affidavit de Mme Castro selon lesquelles ils ne sont pas rendu compte que je cesserais de travailler sur leur dossier, je répète que je leur ai expliqué très clairement, en espagnol, que je ne ferais aucune autre démarche dans le cadre de leur appel et que j’ai répondu à toutes leurs questions à cet égard. Quant à la déclaration selon laquelle, après l’audience, je leur ai dit que « je pouvais faire infirmer une décision défavorable », je tiens simplement à souligner que cette déclaration est aussi tout à fait inexacte, ce que je leur ai dit, c’est qu’ils auraient le droit d’interjeter appel au cas où leur demande serait rejetée, mais que les possibilités qu’un appel soit accueilli varient d’une affaire à l’autre.

[…]

24.  Je sais que les appelants ont tenté de communiquer avec moi après que j’eus déposé l’avis d’appel en leur nom; toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, je leur avais déjà expliqué que je ne les représenterais pas ni ne ferais de démarches pour eux concernant leur appel.

25.  Il est important pour moi de souligner que j’ai effectivement communiqué avec les appelants le 17 octobre 2018 par message texte afin de leur expliquer que les frais de traitement de leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire étaient de 550 $ pour chaque demandeur adulte et de 150 $ pour l’enfant mineur. Ces renseignements ne figurent pas dans l’affidavit de Mme Castro et, à mon avis, ils confirment le fait que je communiquais avec les appelants dans le seul but de discuter de leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[…]

26.  En fait, en examinant le courriel que je leur ai envoyé le 5 octobre 2018, qui se trouve à la page 14 de la demande de réouverture de l’appel des appelants, on peut constater que j’ai clairement indiqué : « Vous avez 15 jours à compter d’aujourd’hui pour présenter vos arguments, si vous le jugez pertinent. Je profite également de l’occasion pour vous rappeler la nécessité de commencer à préparer une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, ce qui pourrait vous permettre d’obtenir votre résidence permanente ». (Soulignement et caractères gras ajoutés.)

27.  Selon le message ci-dessus, pour moi, il est clair que le langage que j’ai utilisé était très précis et reflète clairement notre entente que je ne représenterais pas les appelants dans leur appel et qu’ils devaient prendre leurs propres décisions à cet égard. Toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, la déclaration reflète également notre conversation relative à ce que je considérais comme étant la meilleure option pour eux, soit une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[42]  Bien que les demandeurs soulèvent des points valables, rien n’indique que ces points ont été négligés dans la décision. La SAR fait expressément mention des messages invoqués par les demandeurs, mais souligne la preuve claire de l’ancien conseil selon laquelle il avait pleinement expliqué qu’il n’agirait pas pour eux dans le cadre de l’appel et que dans les communications ultérieures, il n’avait abordé que la possibilité d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Ce n’est pas parce qu’il a indiqué qu’il était disposé à répondre aux questions qu’il n’a pas bien fait comprendre aux demandeurs qu’il ne les représenterait pas en appel de sorte qu’ils seraient tenus de trouver un autre conseil pour respecter les délais qu’il avait portés à leur attention.

[43]  M. Monroy n’a pas été contre-interrogé au sujet de cet affidavit. Il faudrait donc que la Cour ainsi que la SAR acceptent qu’un officier de justice ait menti sous serment si ces mots ne sont pas véridiques. Par conséquent, nonobstant la preuve des demandeurs et les affirmations contraires, la SAR disposait d’éléments de preuve substantiels et fiables lui permettant de conclure raisonnablement que l’ancien conseil avait bien fait comprendre aux demandeurs qu’il ne les représentait pas dans le cadre de l’appel et qu’ils devaient trouver un autre conseil.

[44]  Tel qu’il a été mentionné, les demandeurs soutiennent maintenant que, même si leur ancien conseil leur avait clairement fait part de sa position, leurs messages montrent qu’ils étaient perplexes, de sorte que l’ancien conseil aurait dû les informer de nouveau, ou leur rappeler, qu’il ne les représentait pas dans le cadre de l’appel et qu’ils devaient retenir les services d’un autre conseil. J’estime toutefois que ces arguments subsidiaires n’ont pas été soulevés dans les observations du conseil à la SAR.

[45]  Une question semblable a récemment été examinée dans la décision Soultani Kanawati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 12. Bien que le juge Norris ait dû se pencher sur un appel interjeté à la SAR d’une décision de la SPR, je ne vois aucune raison pour laquelle le même principe ne devrait pas s’appliquer aux faits en l’espèce :

[23]  Encore une fois, la décision de la SAR doit être examinée dans le contexte de la manière dont les demandeurs ont formulé leurs motifs d’appel. Les demandeurs n’ont soulevé aucune erreur relativement à l’évaluation faite par la SPR des rapports médicaux ou de police. Il est bien établi que la SAR n’est pas tenue d’examiner les erreurs potentielles qu’un appelant n’a pas soulevées : voir les décisions Dhillon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 321, aux par. 18 à 20; Ilias c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 661, au par. 39; Broni c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 365, au par. 15; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Chamanpreet Kaur Kaler, 2019 FC 883 (CanLII), 2019 CF 883, aux par. 11 à 13 (IMM5719).

[24]  La commissaire de la SAR était tenue de se pencher sur les erreurs particulières alléguées par les demandeurs (Dahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1102, au par. 30). C’est exactement ce qu’elle a fait. Elle n’avait pas l’obligation d’aller audelà du cadre des motifs d’appel avancés par les demandeurs et d’examiner d’autres erreurs potentielles. Par conséquent, il n’était pas déraisonnable qu’elle statue sur l’appel comme elle l’a fait.

[46]  En l’espèce, la SAR était tenue de se pencher sur les erreurs particulières soulevées dans la demande de réouverture présentée par le présent conseil. Je ne peux pas dire que la décision de la SAR est déraisonnable parce que celle‑ci n’a pas tranché une question qui n’a pas été clairement énoncée dans la demande de réouverture. La SAR n’est pas tenue d’examiner les erreurs potentielles que les demandeurs n’ont pas clairement soulevées dans leurs observations. Dans leur témoignage devant la SAR, les demandeurs ont affirmé que jamais l’ancien conseil ne leur avait dit clairement qu’il ne les représentait pas en appel, ce qui explique pourquoi ils ont continué de communiquer avec lui à ce sujet. Au vu de la preuve, il était raisonnable pour la SAR de conclure que l’ancien conseil leur avait bien fait comprendre ce point et qu’ils avaient besoin d’un autre conseil pour les représenter en appel afin de respecter les délais à venir. Les tentatives répétées des demandeurs en vue d’obtenir l’aide de l’ancien avocat dans le cadre de l’appel s’expliquent tout aussi bien par une réticence à trouver un autre conseil ou par une volonté que M. Monroy continue d’agir en leur nom et de les guider dans le cadre de l’appel. Cela ne signifie pas forcément qu’ils étaient perplexes et cela ne prouve en aucun cas que M. Monroy n’a pas bien fait comprendre aux demandeurs qu’il ne les représenterait pas en appel.

[47]  En outre, il semble qu’aucune preuve ne tende à démontrer de façon convaincante que les demandeurs n’ont pas compris qu’ils devaient mettre leur appel en état au plus tard le 18 octobre 2018, ou que l’ancien conseil leur a dit que, s’ils n’avaient pas recours aux services d’un autre conseil pour les aider, il comblerait le vide. Tout porte à croire le contraire, et les demandeurs ont effectivement fini par recourir aux services d’un autre avocat. Rien n’indique que cela n’aurait pas pu être fait d’une manière qui leur aurait permis de respecter le délai de dépôt. Bien que je reconnaisse qu’ils affirment maintenant que la preuve qu’ils ont présentée montre qu’ils étaient, à tout le moins, perplexes quant à la question de savoir si l’ancien conseil agissait en leur nom dans le cadre de l’appel, j’estime que cette preuve est tout aussi compatible avec un refus ou une réticence de leur part pour ce qui est de recourir aux services de l’ancien conseil jusqu’à ce qu’il soit trop tard et que cette question n’a pas été clairement présentée à la SAR.

2)  Interprétation erronée des procédures de financement de l’aide juridique

[48]  Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis des erreurs dans les conclusions de fait qu’elle a tirées au sujet des procédures de financement d’AJO, de sorte que sa décision est déraisonnable. Plus particulièrement, cet argument est résumé par les demandeurs comme suit :

[traduction]

55.  Quoi qu’il en soit, M. Monroy a accepté le certificat l’autorisant à présenter une opinion à AJO. Cette opinion représentait le seul moyen pour les demandeurs d’obtenir du financement supplémentaire. Le fait que M. Monroy n’ait pas fourni l’évaluation du bien‑fondé en temps opportun les a directement empêchés d’obtenir du financement d’AJO et leur a porté préjudice. Voilà qui contredit directement la déclaration du commissaire de la SAR, qui a conclu que le défaut de M. Monroy de présenter l’évaluation du bien‑fondé « n’a pas empêché les demandeurs d’obtenir un financement de la part de l’aide juridique ». Cette déclaration témoigne de la profonde incompréhension qu’a le commissaire de la SAR de l’AJO et de son processus de financement.

56.  Les demandeurs ne pouvaient pas facilement changer de conseil puisque cela avait été reconnu par M. Monroy. Le fait que les demandeurs n’ont pas communiqué avec un autre conseil ou demandé un changement de conseil auprès d’AJO constitue une preuve solide du fait qu’ils : a) ne comprenaient pas pleinement le fonctionnement d’AJO, conformément à leur déclaration dans leur affidavit, et b) ne savaient pas que M. Monroy ne les représentait pas en appel.

57.  Il est soutenu que si le commissaire de la SAR avait reconnu ce fait très déterminant concernant AJO, il n’aurait pas rendu une décision déraisonnable.

[Renvois omis.]

[49]  Rien ne prouve que la SAR a mal compris les procédures de financement d’AJO. Les demandeurs se méprennent simplement sur les motifs qui sous‑tendent la décision de la SAR et ses conclusions :

[12]  La SAR constate en outre que les demandeurs soutiennent que le défaut de leur ancien conseil de présenter l’avis aux fins de l’évaluation du bien-fondé de l’appel à l’aide juridique avant janvier]9,4 [sic] les a empêchés d’obtenir le financement de leur appel. La SAR estime que les éléments de preuve confirment que l’ancien conseil des demandeurs a décidé d’évaluer la question et les a consultés. Le fait que M. Monroy n’a pas présenté cet avis en temps opportun n’a pas empêché les demandeurs d’obtenir un financement de la part de l’aide juridique.

[50]  Il ressort clairement du formulaire d’admissibilité d’AJO que les demandeurs ont reçu que, selon le financement accordé, l’ancien conseil ne disposait que de quatre heures pour évaluer s’il convenait d’interjeter appel. L’ancien conseil est arrivé à la conclusion qu’il ne pouvait pas présenter une opinion favorable à AJO parce qu’il avait examiné l’affaire et conclu que l’appel n’était pas fondé. C’est pourquoi il a recommandé aux demandeurs de présenter une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[51]  Le conseil actuel des demandeurs estime que l’appel de la décision de la SPR est fondé. Or, cela ne veut pas dire que l’avocat précédent n’a pas examiné la question ou que son opinion voulant que l’appel soit non fondé était erronée ou déraisonnable.

[52]  Les demandeurs ont reçu de l’aide juridique pour que son ancien conseil puisse évaluer le bien‑fondé de leur appel. L’ancien conseil n’était pas obligé de dire que l’appel était fondé s’il croyait qu’il ne l’était pas. Cela a été expliqué aux demandeurs. Si l’ancien conseil avait présenté son opinion plus tôt, les demandeurs n’auraient pas obtenu de financement pour interjeter appel sur le fondement de cette opinion. Ce n’est donc pas la présentation tardive de l’opinion qui a fait en sorte que les demandeurs n’ont pas obtenu de financement pour interjeter appel.

[53]  Les demandeurs ne m’ont pas convaincu que la SAR a mal compris le processus de financement d’AJO. Ils se plaignent en fait de que leur ancien conseil n’aurait dû accepter le certificat l’autorisant à présenter son opinion sur le bien-fondé de l’appel qu’à la condition qu’il appuie la cause de ses clients en appel. Toutefois, cela ne signifie pas que la SAR a mal interprété le système de financement d’AJO, et le point que défendent maintenant les demandeurs devant moi – que leur ancien conseil n’aurait pas dû accepter de donner son opinion s’il ne croyait pas que l’appel était fondé – ne repose sur aucun fondement législatif ni sur aucun élément de preuve présentés à la SAR ou à la Cour en l’espèce. Le financement correspondant à quatre heures de travail n’a pas été accordé à la condition que l’ancien conseil fournisse une opinion favorable. Il a été accordé afin qu’il puisse évaluer le bien‑fondé de l’appel et informer les demandeurs et AJO de ses conclusions.

[54]  Fait peut-être encore plus important, l’argument avancé par les demandeurs en l’espèce – que leur ancien conseil n’aurait pas dû présenter une opinion défavorable, mais qu’il aurait dû laisser leur conseil actuel se charger de l’affaire – n’a pas été présenté à la SAR d’une manière qui permettrait à la Cour d’affirmer qu’il était déraisonnable pour la SAR de ne pas en avoir tenu compte. Il incombait aux demandeurs de présenter la preuve et les motifs sur lesquels repose leur demande de réouverture.

3)  Relation contractuelle continue

[55]  Les demandeurs soutiennent que des éléments de preuve établissaient l’existence d’une relation contractuelle continue avec l’ancien conseil et que la SAR a commis une erreur en concluant qu’il n’y avait aucune preuve en ce sens.

[56]  En fait, la SAR affirme ce qui suit à ce sujet :

[13]  La SAR a examiné et considéré les observations des demandeurs à cet égard. La SAR est d’avis que les déclarations des demandeurs ne concordent pas avec les faits au dossier et les déclarations sous serment de leur ancien conseil. La SAR fait observer que l’ancien conseil des demandeurs n’était pas inscrit à titre de conseil sur leur avis d’appel déposé à la SAR. La SAR estime en outre qu’aucun document convaincant ne confirme une relation contractuelle quelconque entre les demandeurs et leur ancien conseil pour ce qui est de la mise en état de leur appel à la SAR.

[57]  La SAR indique clairement que la preuve documentaire n’établit pas l’existence d’une relation contractuelle continue. Cette conclusion n’a pas été tirée sans que la preuve présentée à la SAR ne comporte d’éléments solides et raisonnables. Les demandeurs ne partagent peut‑être pas les conclusions de la SAR au sujet de cette preuve, mais cela ne signifie pas que la SAR a conclu qu’il n’y avait [traduction] « aucune preuve », comme l’allèguent maintenant les demandeurs, ou encore que sa conclusion quant à la preuve était déraisonnable.

4)  Intention continue d’interjeter appel

[58]  Les demandeurs affirment que la SAR n’a pas remis en cause leur intention continue d’interjeter appel de la décision de la SPR, mais qu’elle a omis d’en tenir compte. Cette prétention n’a pas été présentée à la SAR et rien dans la décision ne permet de croire que la SAR a mis en doute l’intention continue des demandeurs d’interjeter appel de la décision de la SPR.

[59]  Les demandeurs semblent citer l’un des facteurs qui sont énoncés dans l’arrêt Canada (Procureur Général) c Hennelly, (1999) 244 NR 399 (CAF) et d’autres décisions pertinentes, et dont il faut tenir compte pour proroger un délai prévu par les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.

[60]  Comme la SAR l’indique clairement dans sa décision, elle est liée par l’article 49 des RSAR, dont voici le passage pertinent :  

Élément à considérer

Factor

(6) La Section ne peut accueillir la demande que si un manquement à un principe de justice naturelle est établi.

(6) The Division must not allow the application unless it is established that there was a failure to observe a principle of natural justice.

Éléments à considérer

Factors

(7) Pour statuer sur la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent, notamment :

(7) In deciding the application, the Division must consider any relevant factors, including

a) la question de savoir si la demande a été faite en temps opportun et la justification de tout retard;

(a) whether the application was made in a timely manner and the justification for any delay; and

b) si l’appelant n’a pas présenté une demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire ou une demande de contrôle judiciaire, les raisons pour lesquelles il ne l’a pas fait.

(b) if the appellant did not make an application for leave to apply for judicial review or an application for judicial review, the reasons why an application was not made.

[61]  Il est difficile de dire si l’intention continue d’interjeter appel est un « élément pertinent » pour l’examen de la question de savoir s’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle en raison d’une représentation inadéquate de la part d’un ancien conseil. En l’espèce, l’ancien conseil a clairement informé les demandeurs qu’il ne les représenterait pas en appel parce qu’il ne croyait pas au bien‑fondé de leur cause. Il les a également avisés que, s’ils interjetaient appel, ils devraient respecter des délais serrés. Il les a par ailleurs aidés à cet égard en déposant l’avis d’appel requis afin qu’ils aient le temps de mettre le dossier en état.

[62]  Dans leurs observations présentées à la SAR, les demandeurs soutiennent, entre autres, que ce n’est pas ce qu’ils ont compris, mais la SAR a examiné la preuve et a conclu qu’elle ne pouvait pas accepter les raisons pour lesquelles ils n’avaient pas déposé leur demande dans les délais prescrits. Ce n’est pas parce qu’ils avaient l’intention continue d’interjeter appel que les demandeurs ne pouvaient pas comprendre qu’ils devaient mettre leur dossier en état au plus tard à la date limite ou que leur défaut de le faire découlait d’un manquement à un principe de justice naturelle, soit la question dont la SAR était saisie.

[63]  Ce point a été clairement énoncé par la Cour dans la décision Atim, précitée :

[39]  Par conséquent, je suis d’avis qu’il était loisible à la SAR de refuser la requête de la demanderesse de rouvrir l’appel à la lumière des éléments de preuve et des arguments présentés et en fonction de son application de ces éléments de preuve et de ces faits aux principes de droit (c.-à-d. les Règles de la SAR). Je reconnais qu’il s’agit d’une issue difficile pour la demanderesse qui, en tout temps, selon le dossier, semblait sincèrement souhaiter poursuivre cet appel. Toutefois, après avoir considéré tous les aspects de cette question à l’intérieur des paramètres du rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire, je n’ai pas été convaincu que la décision de la SAR n’appartient pas aux issues possibles raisonnables.

[64]  Il en va de même en l’espèce et rien dans la décision n’indique que la SAR n’a pas compris ou reconnu que les demandeurs souhaitaient poursuivre leur appel. Si l’intention continue avait été un élément important à considérer pour déterminer si, en l’espèce, il y a eu manquement à la justice naturelle, les demandeurs auraient dû soulever cet élément et en expliquer l’importance dans les observations qu’ils ont présentées à la SAR. Quoi qu’il en soit, rien ne prouve que la SAR n’a pas reconnu qu’ils avaient cette intention continue et qu’elle n’en a pas tenu compte. La SAR n’est pas tenue d’aider les demandeurs en examinant les questions qu’ils n’ont pas soulevées. Il incombe au conseil de veiller à ce que cela soit fait dans les observations écrites.

C.  Autres questions

[65]  Les demandeurs soulèvent également d’autres facteurs et questions qui, selon eux, n’ont pas été examinés par la SAR, notamment qu’ils n’étaient pas en mesure de communiquer en anglais et que la réouverture de leur demande ne causait aucun préjudice au défendeur. Tel que l’ancien conseil l’indique clairement dans sa preuve, il a communiqué en espagnol avec les demandeurs relativement aux points importants.

[66]  Ces autres éléments n’ont pas été soulevés, débattus ou établis par les demandeurs dans leurs observations à la SAR et il est difficile de voir en quoi une absence de préjudice à l’endroit du défendeur est pertinente pour déterminer si, en vertu de l’article 49 des RSAR, il y a eu manquement à un principe de justice naturelle. Le défendeur a certainement un intérêt et une obligation légitimes pour ce qui est de veiller au respect des délais. Sinon, ce serait le chaos. C’est pourquoi la loi et les règles applicables prévoient des délais. Obliger un demandeur à respecter ces délais ne constitue pas un manquement à un principe de justice naturelle. De même, les demandeurs n’ont pas expliqué ni établi à la satisfaction raisonnable de la SAR qu’il s’agissait d’un manquement à la justice naturelle les empêchant de se conformer au délai de mise en état de leur appel en l’espèce.

[67]  Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est du même avis.




 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.