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Date : 20200204


Dossier : IMM‑3278‑19

Référence : 2020 CF 193

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 4 février 2020

En présence de madame la juge Roussel

ENTRE :

IMEDA SIMONISHVILI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario) le 3 février 2020. La syntaxe et la grammaire ont été corrigées et des renvois à la jurisprudence ont été incorporés.)

I.  Aperçu

[1]  Le demandeur, Imeda Simonishvili, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 8 mai 2019 par laquelle un agent d’immigration principal [l’agent] a refusé sa demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR].

[2]  Le demandeur est un citoyen de la Géorgie. Il est arrivé au Canada en 2014 et a présenté une demande d’asile, affirmant qu’il craignait le parti au pouvoir, le parti Rêve géorgien, en raison de son affiliation politique en tant que membre bien en vue du Mouvement national, un parti d’opposition.

[3]  Dans une décision datée du 16 juin 2015, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté la demande d’asile du demandeur. Les questions déterminantes étaient la crédibilité du demandeur et l’insuffisance de la preuve objective pour étayer sa demande. Le 31 août 2015, la Section d’appel des réfugiés a confirmé la décision de la SPR et a rejeté l’appel du demandeur. Celui-ci a par la suite déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, que la Cour a rejetée à l’étape de l’autorisation.

[4]  En mars 2019, le demandeur a présenté une demande d’ERAR. Il y allègue que depuis le rejet de sa demande d’asile, des membres du parti Rêve géorgien ont rendu visite à ses parents et ont tenté d’obtenir de l’information sur ses déplacements. La femme et le fils du demandeur ont quitté la Géorgie en octobre 2018 en raison de ces menaces. En décembre 2018, les individus en question ont battu son père, lui causant plusieurs blessures qui ont nécessité un traitement médical. Malgré le fait que ses parents aient déménagé le mois suivant, les agents de persécution les ont retrouvés et les ont attaqués de nouveau. Le demandeur soutient que les autorités policières ont refusé d’intervenir. Il a inclus quatre (4) lettres de membres de sa famille et d’amis qui corroborent ses allégations selon lesquelles des partisans du parti Rêve géorgien continuent de le cibler, lui et les membres de sa famille.

[5]  La demande d’ERAR du demandeur a été rejetée le 8 mai 2019.

[6]  Bien que l’agent ait accepté les lettres du père, de la sœur, d’un voisin et d’un ami du demandeur comme nouveaux éléments de preuve, il a conclu qu’elles n’avaient aucune valeur probante. L’agent a tiré cette conclusion après avoir noté que : 1) la traduction des lettres était de mauvaise qualité; 2) le libellé des lettres était essentiellement le même; 3) les lettres manquaient de détails et ne décrivaient pas certains des principaux événements en cause; 4) les lettres et leur traduction n’étaient pas datées; 5) aucune explication n’a été fournie quant au moment où les documents ont été envoyés au demandeur et à la façon dont ils ont été envoyés; 6) les lettres faisaient référence à des allégations que la SPR avait jugées non crédibles; et 7) les lettres n’étaient pas corroborées par d’autres éléments de preuve crédibles.

[7]  L’agent a également consulté la documentation objective et a conclu qu’il n’y avait pas eu de changement négatif important depuis le rejet de la demande d’asile du demandeur. Tenant compte du profil personnel du demandeur, l’agent a conclu qu’il ne serait pas exposé à un risque à son retour au pays et qu’il n’avait pas démontré qu’il aurait besoin de la protection de l’État. Enfin, l’agent a rejeté la demande d’audience du demandeur au motif qu’en l’absence de conclusions sur la crédibilité, les facteurs énoncés à l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, n’étaient pas remplis.

[8]  Le demandeur soutient que l’évaluation de la preuve effectuée par l’agent est déraisonnable et que l’agent était tenu de lui accorder une audience étant donné les conclusions relatives à la crédibilité tirées contre lui.

II.  Analyse

[9]  Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême du Canada a jugé que la norme de la décision raisonnable est présumée s’appliquer au contrôle des décisions administratives, même si cette présomption peut être réfutée dans deux (2) types de situations (Vavilov, aux par. 10, 16-17). Aucune de ces situations ne s’applique en l’espèce.

[10]  Lorsque la norme de la décision raisonnable s’applique, « [i]l incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (Vavilov, au par. 100). La cour de révision doit « s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision » (Vavilov, au par. 83) afin de déterminer si la décision est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au par. 85). Elle doit accorder une attention particulière aux motifs écrits du décideur et les interpréter de façon globale et contextuelle (Vavilov, au par. 97). Il ne s’agit pas d’une « chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » (Vavilov, au par. 102). Si « la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci », il n’appartient pas à la cour de révision de substituer à la décision rendue celle qu’elle aurait préférée (Vavilov, au par. 99).

[11]  Après examen du dossier et des motifs de l’agent, je suis convaincue que la décision de l’agent est raisonnable et qu’aucune audience n’était requise.

[12]  Contrairement à ce qu’a affirmé le demandeur, l’agent n’a pas jugé que les documents étaient frauduleux. Je ne suis pas non plus convaincue que l’agent a tiré des conclusions voilées concernant la crédibilité du demandeur. Je reconnais toutefois, comme le demandeur le prétend, qu’une conclusion d’insuffisance de preuve peut équivaloir à une conclusion voilée quant à la crédibilité et qu’il est parfois difficile de distinguer ces deux types de conclusions. Cependant, en l’espèce, les préoccupations de l’agent en ce qui concerne les lettres étaient valides et, lorsque je les lis dans leur ensemble, je suis convaincue qu’elles sont liées à la valeur probante de celles-ci. À mon avis, l’agent a raisonnablement conclu que les nouveaux éléments de preuve du demandeur ne suffisaient pas à étayer l’allégation selon laquelle lui et les membres de sa famille continuaient à être la cible des partisans du parti Rêve géorgien. L’agent n’a pas mis en doute la crédibilité générale du demandeur. En outre, je conclus que les éléments de preuve en question n’auraient pas appuyé une décision favorable quant à la demande d’ERAR. Par conséquent, aucune audience n’était requise.

[13]  Le demandeur demande essentiellement à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve, ce qui n’est pas son rôle (Vavilov, au par. 125).

[14]  En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale n’a été proposée aux fins de certification et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3278-19

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Aucune question d’importance générale n’est certifiée.

« Sylvie E. Roussel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 7e jour de février 2020.

Julie Blain McIntosh, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3278-19

INTITULÉ :

IMEDA SIMONISHVILI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 FÉVRIER 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ROUSSEL

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 4 FÉVRIER 2020

COMPARUTIONS :

Talia Joundi

POUR LE DEMANDEUR

 

Samina Essajee

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Poulton Law Office

Société professionnelle

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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