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Date : 20040601

Dossier : T-1473-03

Référence : 2004 CF 797

Ottawa (Ontario), le 1er juin 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

                           L'ACTION DES NOUVELLES CONJOINTES DU QUÉBEC

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                      défenderesse

                                                                             et

                                                                                                                           Dossier : T-1474-03

ENTRE :

                                                            L'APRÈS-RUPTURE

                       FATHERS ARE CAPABLE TOO: PARENTING ASSOCIATION

                                                                  LEGAL KIDS

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                      défenderesse


                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une requête par laquelle il a été interjeté appel d'une ordonnance du protonotaire en date du 18 novembre 2003 radiant la déclaration dans les dossiers T-1473-03 et T-1474-03.

Question préliminaire

[2]                Les demanderesses ont présenté une requête visant à permettre aux parties dans les deux affaires d'être réunies dans une action commune.

[3]                Après avoir discuté de la question, étant donné que le dossier des demanderesses n'était pas complet, que l'avocat de la défenderesse s'opposait à la requête, mais qu'il ne voulait pas déposer son dossier tant que celui des demanderesses n'était pas complet, et eu égard aux circonstances particulières de l'affaire, les parties ont convenu d'ajourner la présente requête pour une période indéfinie.


LES FAITS

Les parties

Les demanderesses

(T-1473-03)

[4]                L'Action des nouvelles conjointes du Québec est une société enregistrée sous le régime des lois du Québec. Son objectif est de rassembler et d'aider les couples composés de conjoints antérieurement mariés qui ont subi un préjudice par suite des iniquités existant dans le système judiciaire.

(T-1474-03)

[5]                L'Après-Rupture est une société enregistrée sous le régime des lois du Québec. Sa mission est de défendre et de promouvoir les droits des enfants en maintenant des relations étroites avec leur famille naturelle et étendue et d'aider les pères et les parents à promouvoir la paternité et la famille. Le groupe s'intéresse également à la prise de conscience sociale des effets négatifs de la rupture de la famille conventionnelle.


[6]                Fathers are Capable Too: Parenting Association, également connue sous l'appellation F.A.C.T., est une société à but non lucratif enregistrée sous le régime des lois de l'Ontario. Son objectif est de soutenir et de conseiller les parents qui n'ont pas la garde et qui sont aux prises avec un divorce ou une séparation et de promouvoir un rôle parental partagé.

[7]                Legal Kids est une société à but non lucratif enregistrée sous le régime des lois de l'Alberta dont l'objectif est de veiller à ce que les droits des enfants soient respectés et protégés pendant le divorce de leurs parents.

La défenderesse

[8]                Étant donné que les demanderesses sollicitent un jugement déclaratoire d'invalidité d'une loi fédérale, la défenderesse est Sa Majesté la Reine du chef du Canada.

La déclaration


[9]                La demanderesse dans l'action T-1473-03 a sollicité un jugement déclaratoire portant que l'article 26.1 de la Loi sur le divorce, L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch. 3 (la Loi) et les Lignes directrices établies en vertu de cette loi sont incompatibles avec les articles 7, 15 et 28 de la Charte canadienne des droits et libertés, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.) 1982, ch. 11, (la Charte) et que, dans cette mesure, ils n'ont aucun effet. La demanderesse a également sollicité un jugement déclaratoire portant que l'article 26.1 et les Lignes directrices sont ultra vires du législateur fédéral étant donné qu'ils portent sur la propriété et les droits civils, un chef de compétence provinciale visé au paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867. Enfin, la demanderesse a sollicité un certain nombre d'autres déclarations, portant en général que la common law, la Déclaration canadienne des droits de 1960, ch. 44 (la Déclaration des droits) et la Charte exigent une autre approche que celle qui est adoptée dans les Lignes directrices pour déterminer les montants qui devraient être payés au titre de la pension alimentaire pour enfants. Ainsi, le parent qui touche une pension alimentaire pour le compte de l'enfant devrait être tenu de rendre compte de toutes les dépenses effectuées sur le montant obtenu, les deux conjoints devraient prendre ensemble les décisions relatives aux dépenses liées à la pension alimentaire pour enfants qui a été accordée en vertu de la Loi, ou un parent devrait être empêché d'intenter une action en vue d'obtenir une pension alimentaire pour enfants au nom d'un enfant majeur ayant la capacité juridique.


[10]            Dans l'action T-1474-03, les demanderesses ont sollicité un jugement déclaratoire portant que les critères énoncés aux paragraphes 16(1), 16(2), 16(8) et 16(10) de la Loi sont incompatibles avec les alinéas 2b) et 2d) ainsi qu'avec les articles 7, 12, 15 et 28 de la Charte et qu'ils vont également à l'encontre des alinéas 1a) et 1b) de la Déclaration des droits. Essentiellement, les dispositions de l'article 16 de la Loi qui sont contestées, en incorporant le critère de l' « intérêt de l'enfant » et en omettant de tenir compte du droit des parents d'être libres de toute ingérence étatique, nient à ces derniers leurs droits à une relation avec leurs enfants ainsi que les droits qui leur sont reconnus par la Charte, par la Déclaration des droits et par la common law, pour ce qui est de la propriété et de la protection des renseignements personnels. Selon les demanderesses, le critère démontre intrinsèquement l'existence d'une partialité à l'endroit des pères. En outre, ce critère porte atteinte au droit à la protection des renseignements personnels et au droit de ne pas être assujetti à une ingérence étatique qui est accordé aux familles intactes, mais qu'une famille qui fait face à une action en divorce perd.

[11]            La preuve dans les deux cas montre que les tribunaux judiciaires accordent la plupart du temps la garde exclusive à la mère; or, étant donné que le parent qui n'a pas la garde doit verser, en vertu des Lignes directrices, une pension alimentaire pour enfants au parent qui a la garde (à moins que sa situation financière ne le permette pas), les hommes sont beaucoup plus souvent que les femmes tenus de payer la pension alimentaire pour enfants.

[12]            Selon les demanderesses, le calcul du montant de la pension alimentaire pour enfants est fondé sur des hypothèses erronées et constitue un transfert inéquitable de la richesse, souvent au profit de l'ex-conjoint plutôt que de l'enfant pour lequel la pension est payée. Les demanderesses soutiennent également que la partialité manifestée par le système, qui favorise l'octroi de la garde exclusive à la mère plutôt que la garde conjointe, les prive d'une relation réelle avec leurs enfants.


[13]            Tels sont fort brièvement les arguments des demanderesses dans les deux cas, mais je crois que ce résumé indique également les éléments essentiels de leurs déclarations respectives : les articles 16 et 26.1 de la Loi, à cause de leur libellé et de leur mise en oeuvre, ont un effet discriminatoire pour les hommes et privent ceux-ci du droit à l'égalité et à la protection des renseignements personnels et du droit de propriété garantis par la Charte, par la common law et par la Déclaration des droits ainsi que du droit à la liberté d'association et d'expression reconnu par la Charte. En outre, en décidant des modalités de conclusion de contrats privés (à savoir les dispositions prises par les parents après le divorce) et en imposant des paiements aux pères, la Loi excède le pouvoir du législateur et empiète sur le domaine de la propriété et des droits civils, qui relève de la compétence provinciale.

La requête de la défenderesse

[14]            La défenderesse a présenté une requête en vue de faire rejeter les deux affaires; la requête a été entendue le 6 octobre 2003. La défenderesse a énoncé les motifs suivants à l'appui du rejet :

1)          Les demanderesses n'ont pas qualité pour agir dans les actions;

2)         La Cour fédérale n'est pas le tribunal devant lequel il convient de faire trancher l'affaire;

3)         Les demanderesses n'ont démontré aucune cause d'action valable.

La décision du protonotaire Morneau


[15]            Le protonotaire Morneau a accueilli la requête, en fondant sa décision principalement sur la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Conseil canadien des Églises c. Canada (M.E.I.), [1992] 1 R.C.S. 236 (Conseil canadien des Églises), et a conclu que les demanderesses n'avaient pas qualité pour agir.

[16]            Dans l'arrêt Conseil canadien des Églises, la Cour suprême a notamment dit, en ce qui concerne le critère permettant de déterminer si un groupe d'intérêt public peut avoir qualité pour agir à titre de demandeur devant un tribunal judiciaire, qu'il ne doit y avoir aucune autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour. Dans cet arrêt, la Cour suprême a mis l'accent sur le fait que l'économie judiciaire et la nécessité d'assurer l'accès des demandeurs individuels aux tribunaux restreignent sérieusement la capacité des groupes représentant divers intérêts de se présenter devant les tribunaux pour faire trancher certaines questions. De l'avis de la Cour suprême, cette restriction doit continuer à s'appliquer. Il est donc préférable que ce soient les parties qui présentent les contestations constitutionnelles devant les tribunaux, étant donné que le temps et les ressources des tribunaux sont ainsi mieux employés.

[17]            Le protonotaire Morneau a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, les parties à une action en divorce ont de fait la possibilité d'invoquer devant le tribunal des arguments fondés sur la Charte et qu'en fait, c'est ce qu'elles ont fait à plusieurs reprises. Par conséquent, selon la décision rendue par le protonotaire, il n'est pas nécessaire que les demanderesses s'adressent à la présente cour pour débattre la constitutionnalité des dispositions de la Loi sur le divorce puisqu'il y a d'autres moyens raisonnables et efficaces de soulever ces questions dans des cas individuels.


[18]            Étant donné qu'il avait conclu que les demanderesses n'avaient pas qualité pour agir dans l'action, le protonotaire Morneau n'a pas abordé les deux autres motifs invoqués par la défenderesse à l'appui de la radiation de la demande, à savoir quel est le tribunal auquel il convient de s'adresser lorsqu'une telle action est intentée et si les demanderesses ont une cause d'action valable.

LES POINTS LITIGIEUX

[19]            Les demanderesses ont interjeté appel de la décision du protonotaire Morneau en alléguant qu'elle n'était pas fondée en droit; selon les demanderesses, il n'existe en droit aucun fondement permettant la radiation de la déclaration. Les demanderesses maintiennent qu'elles ont de fait qualité pour agir, qu'elles ont de fait une cause d'action valable et que la Cour fédérale est le tribunal devant lequel il convient d'intenter leur action.

[20]            Les deux parties ont convenu que la présente cour entend l'affaire à nouveau. La chose est conforme à l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), où la Cour a dit ce qui suit : « Si l'ordonnance discrétionnaire [du protonotaire] [...] porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début. »


[21]            On demande donc à la Cour d'examiner la question soulevée par les demanderesses, à savoir que rien ne permet en droit de radier la déclaration, ainsi que les questions soulevées par la défenderesse dans la requête sur laquelle le protonotaire Morneau s'est prononcé. Les questions qui se posent en l'espèce peuvent être énoncées comme suit :

1)         Existe-t-il un fondement en droit justifiant la radiation de la déclaration?

2)         Les demanderesses ont-elles qualité pour agir dans les actions?

3)         La Cour fédérale est-elle le tribunal auquel il convient de s'adresser pour faire trancher l'affaire?

4)         Les demanderesses ont-elles une cause d'action valable?

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[22]            Afin de faciliter la lecture de ces motifs, les dispositions législatives mentionnées sont reproduites dans l'appendice.

ANALYSE                              

1) Existe-t-il un fondement en droit justifiant la radiation de la déclaration?


[23]            Les demanderesses soutiennent qu'il n'existe aucun motif, que ce soit en vertu de l'article 208 ou de l'article 221 des Règles, permettant de radier la déclaration. Toutefois, dans l'affaire Conseil canadien des Églises, précitée, la requête introductive d'instance qui avait été à l'origine de la décision de la Cour suprême de radier la déclaration en raison du défaut de qualité pour agir était fondée sur l'article 419 des Règles, qui est devenu l'article 221 des Règles de la Cour fédérale (1998). La présente cour a depuis lors utilisé la décision de la Cour suprême pour interpréter l'article 221 des Règles. Dans la décision Munzel c. Canada, [1998] A.C.F. no 1231 (1re inst.), le protonotaire Hargrave dit ce qui suit, au paragraphe 15 :

Bien que je n'aie pas eu recours à l'article 221 des Règles de la Cour fédérale pour radier l'action comme ne révélant en elle-même aucune cause d'action valable, ou comme étant scandaleuse, frivole ou vexatoire, ou comme constituant un abus de procédure, cette règle (autrefois la règle 419) peut être utilisée pour radier des plaidoiries lorsque le demandeur n'a pas qualité : voir Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1989) 27 F.T.R. 129 (lre inst.); (1990) 106 N.R. 61 (C.A.F.), et [1992] 1 R.C.S. 236.

Je conclus donc qu'il existe un fondement en droit permettant de radier la déclaration.

2) Les demanderesses ont-elles qualité pour agir dans les actions?

[24]            Avant l'adoption de la Charte, la question de la qualité pour agir dans l'intérêt public avait été traitée à fond dans une série de trois arrêts de la Cour suprême du Canada : Thorson c. Procureur général du Canada, [1975] 1 R.C.S. 138; Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265; Ministre de la Justice du Canada c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575.

[25]            Dans la décision Daniels c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [2002] 4 C.F. 550 (1re inst.), le protonotaire Hargrave a résumé comme suit le critère qui a été élaboré dans ces trois arrêts :


[11]          La Cour suprême du Canada a examiné la question de la qualité pour agir dans trois arrêts, Thorson c. Procureur général du Canada et autres, [1975] 1 R.C.S. 138; Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265; et Ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575. Dans ce dernier arrêt, M. le juge Martland, au nom de la majorité de la Cour, a résumé les principes qui s'appliquent à la qualité pour agir par suite des arrêts Thorson et McNeil (à la page 598) :

Selon mon interprétation, ces arrêts décident que pour établir l'intérêt pour agir à titre de demandeur dans une poursuite visant à déclarer qu'une loi est invalide, si cette question se pose sérieusement, il suffit qu'une personne démontre qu'elle est directement touchée ou qu'elle a, à titre de citoyen, un intérêt véritable quant à la validité de la loi, et qu'il n'y a pas d'autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour.

Dans l'arrêt Borowski, le demandeur, en sa qualité de contribuable individuel, cherchait à obtenir un jugement déclaratoire portant que certaines dispositions du Code criminel [S.R.C. 1970, ch. C-34] étaient inopérantes. Pour ce faire, il devait satisfaire aux exigences, énoncées ci-dessus par le juge Martland, en ce qui concerne la qualité pour agir : premièrement, une question se posait sérieusement; deuxièmement, il était directement touché ou il avait à titre de citoyen un intérêt véritable; et troisièmement, il n'y avait pas d'autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour.

[26]            Après l'adoption de la Charte en 1982, le critère élaboré dans ces trois arrêts a été confirmé dans l'arrêt qui fait autorité sur la question de la qualité pour agir, Conseil canadien des Églises, précité. Dans cette affaire, le Conseil canadien des Églises avait cherché à faire invalider les nouvelles dispositions en matière d'immigration pour le motif qu'elles étaient inconstitutionnelles. La Couronne défenderesse avait sollicité la radiation de la requête, en invoquant le défaut de qualité pour agir. La requête a été rejetée en première instance, et elle a été accueillie en partie par la Cour d'appel fédérale. La Cour suprême du Canada a radié la demande en entier en raison du défaut de qualité pour agir.


[27]            Selon la Cour suprême du Canada, il avait été satisfait aux deux premiers aspects du critère : il y avait une question sérieuse à trancher et la demanderesse avait un intérêt véritable dans l'affaire. Toutefois, l'action avait échoué sous le troisième chef, parce qu'il y avait une autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour au moyen de revendications du statut de réfugiés individuelles. La Cour d'appel fédérale avait pris connaissance d'office du fait que des appels fondés sur des motifs constitutionnels étaient interjetés devant la Cour.

[28]            Dans l'arrêt Conseil canadien des Églises, précité, la Cour suprême a souligné que, même si la qualité pour agir dans l'intérêt public peut être accordée dans certaines circonstances, les tribunaux judiciaires doivent veiller à établir un équilibre entre l'accès aux tribunaux et la préservation des ressources judiciaires. La cour hésite donc davantage à accorder la qualité pour agir s'il est possible de poursuivre l'affaire dans le contexte d'un litige privé. Aux paragraphes 35 et 36, le juge Cory, au nom de la Cour, a dit ce qui suit :

Toutefois, je tiens à souligner que la reconnaissance de la nécessité d'accorder qualité pour agir dans l'intérêt public dans certaines circonstances ne signifie pas que l'on reconnaîtra pour autant qualité pour agir à toutes les personnes qui désirent intenter une poursuite sur une question donnée. Il est essentiel d'établir un équilibre entre l'accès aux tribunaux et la nécessité d'économiser les ressources judiciaires. Ce serait désastreux si les tribunaux devenaient complètement submergés en raison d'une prolifération inutile de poursuites insignifiantes ou redondantes intentées par des organismes bien intentionnés dans le cadre de la réalisation de leurs objectifs, convaincus que leur cause est fort importante. Cela serait préjudiciable, voire accablant, pour notre système de justice et injuste pour les particuliers.

La reconnaissance de la qualité pour agir a pour objet d'empêcher que la loi ou les actes publics soient à l'abri des contestations. Il n'est pas nécessaire de reconnaître qualité pour agir dans l'intérêt public lorsque, selon une prépondérance des probabilités, on peut établir qu'un particulier contestera la mesure. Il n'est pas nécessaire d'élargir les principes régissant la reconnaissance de la qualité pour agir dans l'intérêt public établis par notre Cour.


[29]            Le but de l'octroi de la qualité pour agir est expressément énoncé : empêcher que la législation ou les actes publics soient à l'abri des contestations judiciaires. Par conséquent, s'il peut être démontré que les dispositions législatives en cause peuvent être ou ont de fait été contestées au moyen d'un litige privé, un groupe qui cherche à saisir la cour de l'affaire ne se verra pas accorder la qualité pour agir, parce que cela dépasserait les ressources des tribunaux.

[30]            Dans leur exposé, les demanderesses soutiennent qu'il serait inéquitable de s'attendre à ce que les plaideurs qui font face à une action en divorce pénible s'empêtrent encore plus dans une contestation constitutionnelle. Les demanderesses citent les remarques que le juge Cullen a faites dans la décision Friends of the Island Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1993] A.C.F. no 781, pour soutenir que la possibilité d'un litige privé ne devrait pas être simplement théorique, mais qu'il devrait plutôt y avoir un « degré raisonnable de probabilité » (paragraphe 214) avant que la qualité pour agir soit refusée pour le motif qu'il y a d'autres moyens de soumettre une question constitutionnelle à la cour.

[31]            Dans cette décision, le juge Cullen a conclu que l'organisation demanderesse avait de fait qualité pour soulever la question de la constitutionnalité du raccordement fixe entre le Canada et l'Île-du-Prince-Édouard parce que, selon toute probabilité, aucun autre plaideur n'allait soulever la question, qui était valable.

[32]            Les demanderesses énumèrent un grand nombre de décisions dans lesquelles des groupes se sont vu accorder la qualité voulue pour présenter des observations devant la cour. J'examinerai brièvement certaines de ces décisions.


Finlay c. Canada (Ministre des Finances) [1986] 2 R.C.S. 607

[33]            Monsieur Finlay cherchait à faire déclarer invalides les arrangements conclus entre le gouvernement fédéral et le gouvernement d'une province dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada parce qu'il croyait que la province utilisait mal les fonds. Il était lui-même bénéficiaire, et il était pénalisé par suite du remboursement d'une dette municipale. Monsieur Finlay voulait agir comme porte-parole des autres bénéficiaires, mais il était également lui-même directement concerné.

Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.S. no 6, 2004 CSC 4

[34]            Dans cette affaire, la Canadian Foundation for Children, Youth and the Law sollicitait un jugement déclaratoire à l'encontre d'une disposition du Code criminel prévoyant un moyen de défense fondé sur le recours à une force raisonnable de la part des parents et tuteurs qui voulaient discipliner les enfants. La question de la qualité pour agir n'avait pas été soulevée. Comme l'a fait remarquer la défenderesse dans l'exposé qu'elle a soumis en l'espèce, il n'y avait, selon toute probabilité, aucune autre manière raisonnable de soulever la question puisque les gens qui pourraient invoquer ce moyen de défense ne contesteraient probablement pas la disposition en cause et que les enfants n'ont pas qualité pour agir devant les tribunaux.


EGALE Canada Inc. c. Canada (Attorney General), [2003] B.C.J. no 994

[35]            Encore une fois, la question de la qualité pour agir n'avait pas été soulevée. Dans ce cas-ci, EGALE était l'un de plusieurs appelants; tous les autres étaient des gais et des lesbiennes qui voulaient se marier. Une seule question avait été soulevée, à savoir si l'interdiction de contracter un mariage homosexuel existant en common law était constitutionnelle en vertu de l'article 15 de la Charte.

Daniels c. Canada, (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [2002] 4 C.F. 550 (1re inst.)

[36]            Des Métis et des Indiens non inscrits demandaient au gouvernement de reconnaître leurs droits. Le ministre défendeur avait présenté une requête en radiation en alléguant qu'ils n'avaient pas qualité pour agir. Le protonotaire Hargrave a conclu qu'il y avait une question sérieuse, qu'il y avait un intérêt véritable et qu'il n'y avait aucune autre manière raisonnable pour les Métis et les Indiens non inscrits de faire valoir leurs droits :

[24]       Enfin, il faut déterminer s'il existe une autre manière raisonnable et efficace de soumettre à la Cour la question soulevée par les demandeurs. À coup sûr, ni la Couronne fédérale ni la Couronne provinciale ne sont le moindrement intéressées à négocier avec les Métis et avec les Indiens non inscrits, qui sont donc pris dans un vide juridictionnel entre le Canada et les provinces. Par conséquent, même si « la Couronne a l'obligation morale, sinon légale, d'entamer et de mener ces négociations de bonne foi » comme M. le juge en chef Lamer l'a souligné dans l'arrêt Delgamuukw c. Colombie-Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010, au paragraphe 186, il est fort peu probable que les questions qui se posent dans la présente instance soient soumises à la Cour dans le contexte d'une poursuite portant sur un droit précis.


Environmental Resource Centre c. Canada (Ministre de l'Environnement), [2001] A.C.F. no 1937 (1re inst.)

[37]            Un groupe environnementaliste voulait protéger l'habitat du poisson. La question de la qualité pour agir n'avait pas été soulevée. En pareil cas, il semblerait plutôt évident qu'à moins qu'un groupe environnementaliste ne soulève une question, personne d'autre ne prendrait la parole pour protéger l'environnement.

Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Agence des douanes et du revenu du Canada), [2001] A.C.F. no 104 (1re inst.)

[38]            La qualité pour agir n'était pas en cause. Le syndicat agissait pour le compte de ses membres à titre d'agent négociateur dûment accrédité.

Institut canadien des droits humains c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2000] 1 C.F. 475 (1re inst.)

[39]            Lorsque s'est posée une question d'expropriation de terres publiques, la Cour a statué que les demandeurs avaient qualité pour agir, étant donné qu'on ne pouvait s'attendre à ce qu'il y ait un litige privé dans ce cas-là. À la page 492, la Cour a cité les remarques que le juge Cory avait faites dans l'arrêt Conseil canadien des Églises (aux pages 252 et 253) :

Il n'est pas nécessaire de reconnaître qualité pour agir dans l'intérêt public lorsque, selon une prépondérance des probabilités, on peut établir qu'un particulier contestera la mesure.


Harris c. Canada, [2000] 4 C.F. 37 (C.A.)

[40]            Monsieur Harris demandait un jugement déclaratoire, en alléguant que Revenu Canada administrait mal la Loi de l'impôt sur le revenu; en effet, des décisions anticipées selon lesquelles on autorisait le transfert d'actifs, sans imposition, hors du Canada avaient été rendues. La Cour a statué que M. Harris avait de fait qualité pour agir à titre de contribuable intéressé puisque la question était sérieuse et qu'il était peu probable que la personne en faveur de laquelle la décision anticipée avait été rendue conteste cette décision devant la Cour.

[41]            La règle, telle qu'elle a été énoncée par la Cour suprême du Canada et interprétée par les tribunaux d'instance inférieure, semble être que la qualité pour agir dans l'intérêt public sera accordée lorsqu'on ne peut pas s'attendre à ce qu'un plaideur individuel aille de l'avant en présentant une contestation constitutionnelle. Comme le montre l'arrêt Conseil canadien des Églises, précité, les difficultés personnelles ne sont pas un critère dont la Cour suprême tiendra compte en appréciant la qualité pour agir. À la page 254, le juge Cory dit ce qui suit en parlant des réfugiés :

[...] Chacun d'entre eux a qualité pour contester la constitutionnalité de la loi afin de faire assurer le respect des droits que lui garantit la Charte. Le Conseil requérant reconnaît que ces actions pourraient être intentées, mais soutient que les désavantages que subissent les réfugiés en tant que groupe les empêchent d'utiliser efficacement l'accès qu'ils ont aux tribunaux. Je ne peux accepter cette prétention.


[42]            Le fait que la Cour d'appel fédérale a pris connaissance d'office des contestations présentées par des revendicateurs du statut de réfugié était un facteur dans l'arrêt Conseil canadien des Églises, précité. Dans sa décision, le protonotaire Morneau a dit que, selon la prépondérance des probabilités, on pouvait s'attendre à ce que des plaideurs privés dans une action en divorce présentent des contestations constitutionnelles si la chose était justifiée. Le protonotaire a cité quelques décisions de la Cour suprême à l'appui de cette assertion. Je souscris à son avis. Un examen rapide des affaires dont les cours supérieures et les cours d'appel des provinces ont été saisies confirme que les questions constitutionnelles sont de fait soulevées dans le cadre d'une action en divorce. Voici une liste partielle de ces décisions :

Whalley c. Barsalou, [1990] N.B.J. no 1148 (C.B.R.N.-B.)

Koch c. Koch, [1985] S.J. no 760 (C.B.R.S.)

Thurber c. Thurber, [2002] A.J. no 992 (C.B.R. Alb.)

G.B. c. M.B.,Droit de la famille - 955 (SOQUIJ), [1991] A.Q. no 202 (C.A.Q.)

Qually c. Qually, [1988] S.J. no 736 (C.A. Sask.)

Kelman c. Stibor, [1998] O.J. no 2999 (C.J.O.)

Michie c. Michie, [1997] S.J. no 668 (C.B.R.S.)

Souliere c. Leclair, [1998] O.J. no 1393 (C.J. Div. gén. Ont.)

Massingham-Pearce c. Konkolus, [1995] A.J. no 404 (C.B.R. Alb.)

Dirk c. Dirk, [2002] S.J. no 437 (C.B.R.S.)

Keyes c. Keyes, [1995] M.J. no 441 (C.A. Man.)

Hockey c. Hockey, [1989] O.J. no 1036 (H.C.J. Ont. (C. div.))

[43]            Par conséquent, même s'il se peut que des questions sérieuses soient en jeu et que les groupes aient un intérêt véritable dans l'affaire, je conclus que les demanderesses n'ont pas satisfait au troisième aspect du critère, à savoir qu'il n'y a aucune manière raisonnable et efficace de soumettre les questions aux tribunaux si ce n'est au moyen de l'action intentée par les demanderesses. Au contraire, je crois que ces questions peuvent être soumises et ont dans une certaine mesure été soumises aux tribunaux.


[44]            Je comprends bien l'argument des demanderesses selon lequel le fait de débattre des questions constitutionnelles constitue un fardeau additionnel à un moment où les plaideurs font face à des difficultés émotives et cherchent à faire ce qui est le mieux pour leurs enfants, mais on n'a pas réussi à me convaincre, selon la prépondérance des probabilités, qu'une telle contestation constitutionnelle ne peut jamais être présentée. Le fait que fort peu de parents soulèveraient certaines des questions soumises par les demanderesses à cause de la longueur de la procédure et de la possibilité qu'une décision soit rendue trop tard pour être pertinente est, quant à moi, une pure conjecture. En effet, les tribunaux judiciaires ont été saisis de certains cas et ont rendu des décisions et les deux parties ont mentionné un certain nombre d'affaires en ce sens.

[45]            Je conclus donc que les demanderesses n'ont pas qualité pour agir dans les actions.

3) La Cour fédérale est-elle le tribunal auquel il convient de s'adresser pour faire trancher l'affaire?


[46]            La Cour fédérale n'est pas le tribunal auquel il convient de s'adresser pour contester les dispositions de la Loi sur le divorce, et ce, pour deux raisons : premièrement, le législateur fédéral a accordé aux cours supérieures des provinces la compétence en matière de divorce, ces dernières ayant donc beaucoup plus d'expérience que la Cour fédérale lorsqu'il s'agit d'entendre des affaires en vertu de la Loi et d'appliquer la loi. En second lieu, selon l'arrêt Reza c. Canada, [1994] 2 R.C.S. 394, même s'il existe une compétence concurrente en la matière, il est préférable que le tribunal qui s'est vu conférer un mandat par le régime réglementaire de la Loi entende les affaires fondées sur cette loi. Il serait possible de soutenir que le « tribunal compétent » , soit les termes employés à l'article 24 de la Charte et à l'article 16 de la Loi sur le divorce, est fort probablement la cour supérieure d'une province plutôt que la Cour fédérale.

[47]            La Loi sur le divorce confère un mandat fort restreint à la Cour fédérale. Dans le cas peu vraisemblable où une action en divorce est intentée le même jour dans deux provinces différentes et où, après un délai de 30 jours, l'une ou l'autre partie ne s'est pas désistée de son action, la Cour fédérale a compétence pour entendre l'affaire. Or cela arrive fort rarement (on en trouve un exemple dans Quick Law, Williamson c. Williamson, [1977] 1 C.F. 38). Les demanderesses soutiennent que la Cour fédérale a compétence pour entendre les contestations se rapportant à une loi fédérale. C'est indubitablement le cas, mais une contestation judiciaire ne peut pas être séparée de son objet.


[48]            Dans l'affaire Reza, précitée, le demandeur avait sollicité une réparation devant les tribunaux judiciaires de l'Ontario après avoir perdu sa cause, qui était fondée sur la Loi sur l'immigration, devant la Cour fédérale. La Cour suprême du Canada a statué que le juge des requêtes avait eu raison de refuser d'exercer sa compétence sur la question au nom de la cour de l'Ontario. En effet, la cour de l'Ontario avait compétence concurrente lorsqu'il s'agissait de protéger les droits garantis par la Charte, mais il n'était pas dans l'intérêt de la justice de permettre aux demandeurs de laisser la compétence de la Cour fédérale être exercée par un autre tribunal, puisque tout le régime de la Loi avait été établi de façon à accorder la compétence à la Cour fédérale, et par conséquent à concentrer l'expertise au sein de la Cour fédérale. En l'espèce, le même raisonnement s'applique, quoique dans le sens inverse. La Cour fédérale a peu d'expertise dans les affaires de divorce, alors que toutes les cours supérieures, à cause de la compétence qui leur est conférée par la Loi, ont une connaissance approfondie et une vaste expérience en matière de divorce et à l'égard de toutes les questions accessoires. C'est clairement le cas lorsque le forum conveniens est la cour supérieure des provinces, plutôt que la Cour fédérale du Canada.

4) Les demanderesses ont-elles une cause d'action valable?

[49]            Dans l'arrêt Conseil canadien des Églises, précité, le juge Cory mentionne l'arrêt Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607, pour dire que les questions de qualité pour agir et de cause d'action valable sont souvent étroitement liées l'une à l'autre. Le passage suivant est tiré de l'arrêt Finlay, au paragraphe 38 :

La qualité pour agir et l'existence d'une cause raisonnable d'action sont manifestement liées de près et, comme l'a reconnu l'avocat des appelants, tendent dans une espèce comme celle-ci à se confondre. D'ailleurs je me demande s'il existe vraiment une cause d'action raisonnable qu'on puisse distinguer, à titre de moyen subsidiaire, de la question de la qualité pour agir.

Je crois que la présente affaire constitue un bon exemple de cette proposition.


[50]            La défenderesse a signalé qu'en sa qualité de société constituée sous le régime des lois du Québec, la demanderesse dans le dossier T-1473-03, L'Action des nouvelles conjointes du Québec, n'avait pas qualité pour contester les Lignes directrices fédérales qui ne s'appliquent pas au Québec. En vertu du paragraphe 2(1) de la Loi, un gouvernement provincial peut adopter des lignes directrices relatives à la pension alimentaire pour enfants, ce qui a été fait dans le cas du Québec en 1997 (voir l'appendice). La demanderesse n'a donc pas qualité pour agir puisqu'elle n'est pas régie par les Lignes directrices fédérales et elle n'a aucune cause d'action puisque les Lignes directrices fédérales ne s'appliquent pas au Québec.

[51]            Les demanderesses ont cherché à me convaincre qu'en réunissant les deux actions, le problème serait surmonté, et que L'Action des nouvelles conjointes pourrait donc contester les lacunes d'un règlement fédéral. Cet argument ne me convainc pas, car il ressort clairement de leurs plaidoiries que les demanderesses n'ont pas tenu compte du fait que le Québec avait de fait établi des Lignes directrices. Cela étant, la demanderesse n'a aucune cause d'action dans le dossier T-1473-03.

[52]            En outre, il existe plusieurs raisons pour lesquelles je ne crois pas que les demanderesses aient une cause d'action valable :

1)         Certaines des questions soulevées ont déjà été réglées


[53]            Les demanderesses soulèvent des questions qui ont déjà été réglées par la loi, notamment le pouvoir du législateur fédéral de légiférer sur toutes les questions liées au divorce, qui est un chef de compétence fédérale visé au paragraphe 91(26) de la Loi constitutionnelle de 1867. En fait, dans l'arrêt Zacks c. Zacks, [1973] R.C.S. 891, la Cour suprême a examiné la question :

Je vais à présent examiner la première question. L'article 91, par. 26 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique donne au Parlement du Canada le pouvoir de légiférer quant aux matières de « mariage et divorce » , et l'art. 92, par. 13 donne aux provinces le pouvoir de légiférer quant aux matières de « propriété et droits civils dans la province » . Les articles 91 et 92 ne font ni l'un ni l'autre spécifiquement mention de pension alimentaire, d'entretien et de garde d'enfants. La question est de savoir si ces sujets qui, en eux-mêmes, peuvent être considérés comme des droits civils, peuvent faire l'objet de lois votées par le Parlement du Canada, lorsqu'il s'agit des conséquences d'un divorce, pour le motif qu'ils seraient inséparables de sa compétence à promulguer des lois régissant le changement de statut résultant de la dissolution d'un mariage.

On a déjà répondu en grande partie à cette question dans les motifs de jugement de cette Cour que le Juge Ritchie a rédigés dans l'affaire Jackson c. Jackson, [1973] R.C.S. 205, lorsqu'il a déclaré, page 211 :

[...] J'ai la conviction que le pouvoir de rendre une ordonnance visant l'entretien des enfants du mariage est nécessairement accessoire à la compétence en matière de divorce et que le Parlement du Canada a donc agi conformément à la compétence législative que lui a conférée l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, art. 91(26), en légiférant en ce sens.

Bien que cette déclaration soit relative à l'entretien sous le régime de l'art. 11 de la Loi sur le divorce, ci-après appelée « la Loi » , le principe qui y est énoncé s'applique également aux matières de garde, d'administration et d'éducation des enfants du mariage, sous le régime de l'art. 11 (1), al. c), aux dispositions de l'art. 10, ayant trait aux ordonnances provisoires, et à celles de l'art. 12, qui permettent à un tribunal d'ordonner le versement de paiements prescrits en vertu de l'art. 10 ou de l'art. 11 à un « trustee » ou administrateur et d'imposer des modalités ou restrictions dans une ordonnance rendue en vertu de l'un ou l'autre de ces articles.

[54]          Les demanderesses soutiennent que la Loi sur le divorce, et plus précisément les dispositions de l'article 16 et le critère concernant l'intérêt de l'enfant, vont à l'encontre des articles 2 et 15 de la Charte. Dans l'arrêt Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, la Cour suprême du Canada a déjà conclu que les paragraphes 16(8) (et 17(5)) de la Loi sur le divorce ne portent pas atteinte aux alinéas 2a), b) ou d) ni au paragraphe 15(1) de la Charte.


2)         La Cour suprême a souvent souligné l'importance de situations factuelles précises dans le cas de contestations fondées sur la Charte et d'actions en divorce.

[55]            Dans une décision unanime, MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357, la Cour suprême a souligné l'importance des faits en se prononçant sur une contestation fondée sur la Charte :

[9]            Les décisions relatives à la Charte ne doivent pas être rendues dans un vide factuel. Essayer de le faire banaliserait la Charte et produirait inévitablement des opinions mal motivées. La présentation des faits n'est pas, comme l'a dit l'intimé, une simple formalité; au contraire, elle est essentielle à un bon examen des questions relatives à la Charte. Un intimé ne peut pas, en consentant simplement à ce que l'on se passe de contexte factuel, attendre ni exiger d'un tribunal qu'il examine une question comme celle-ci dans un vide factuel. Les décisions relatives à la Charte ne peuvent pas être fondées sur des hypothèses non étayées qui ont été formulées par des avocats enthousiastes.

[56]            En outre, je ne crois pas qu'un jugement déclaratoire général en pareil cas constitue une solution satisfaisante pour régler les problèmes qui peuvent se poser par suite de l'application de la Loi sur le divorce. Dans l'arrêt Talsky c. Talsky, [1976] 2 R.C.S. 292, à la page 296, la Cour suprême du Canada a expliqué pourquoi il est important de conférer au juge qui siège dans une action en divorce le pouvoir discrétionnaire voulu pour décider de la façon dont la garde doit être accordée :

[...] la garde d'un enfant en bas âge est une question relevant surtout de l'appréciation du juge qui entend l'affaire et qui a l'occasion, ne s'offrant pas généralement à la Cour d'appel, de voir les parties et d'étudier la situation de l'enfant et sa décision ne devrait pas être modifiée à moins qu'il ne se soit fondé sur un principe erroné ou ait négligé des preuves importantes.

Ce passage s'applique à la norme de contrôle applicable à une cour d'appel, mais elle vaut également pour le juge qui essaie de déterminer de l'extérieur, pour des demandeurs inconnus, si les Lignes directrices sont équitables et si l'intérêt de l'enfant est de fait servi.


[57]            Étant donné que chaque situation est différente, le juge doit exercer son pouvoir discrétionnaire. Dans l'arrêt Young c. Young, précité, la Cour suprême a statué que pareil pouvoir discrétionnaire était dans l'intérêt de l'enfant et qu'il ne pouvait pas être considéré comme allant à l'encontre des valeurs consacrées par la Charte :

[74]          Les décisions relatives à la garde et à l'accès relèvent principalement de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Ce processus se caractérise par l'examen cas par cas des circonstances propres à chaque enfant. Dans l'arrêt Moge c. Moge, précité, où il était question de pension alimentaire au conjoint, notre Cour a reconnu que le pouvoir discrétionnaire conféré au juge de première instance était essentiel aux fins mêmes de la Loi. La grande latitude que laisse le critère de l'intérêt permet aux tribunaux de tenir compte de toute la gamme des facteurs susceptibles d'avoir sur un enfant une influence à la fois positive et négative. Ce pouvoir discrétionnaire permet également au juge de concentrer son attention sur les besoins de l'enfant qu'il a devant lui, en reconnaissant que ce qui peut être cause de stress ou de préjudice pour l'un ne l'est pas nécessairement pour l'autre.

[...]

[157]        Les libertés de religion et d'expression sont des valeurs fondamentales que protège la Charte. Cependant, la norme de l'intérêt de l'enfant énoncée dans la Loi sur le divorce ne va pas à l'encontre des valeurs consacrées dans la Charte; elle est au contraire entièrement compatible avec les objectifs qui la sous-tendent.

3)         Les faits présentés par les demanderesses sont d'une nature générale et donnent un aperçu partiel de la réalité. En outre, leur raisonnement va à l'encontre du droit de la famille tel qu'il a évolué au moyen de la législation et de la jurisprudence.

[58]            La preuve soumise par les demanderesses au sujet du libellé partial et de la mise en oeuvre partiale de la Loi sur le divorce est en soit partiale et non satisfaisante. On nous a soumis des chiffres qui montrent que la garde est accordée exclusivement à la mère dans environ 80 p. 100 des cas. On ne nous dit rien au sujet des cas qui sont réglés extrajudiciairement - lorsque les parents s'entendent sur la garde conjointe et prennent d'autres dispositions en privé, sans recourir aux tribunaux. La connaissance de ce qui arrive lorsque les gens ne s'entendent pas et doivent s'adresser au juge pour régler l'affaire ne constitue qu'une partie du tableau.


[59]            Les remarques suivantes figurent dans l'arrêt Young c. Young, précité, aux paragraphes 44 et 45 :

[...] Par-dessus tout, [la garde partagée] suppose que les deux parents veuillent bien collaborer afin d'assurer le succès de l'entente. Cette bonne volonté doit être sincère et authentique; par nature, cette solution ne saurait être imposée par le tribunal aux deux personnes si l'une d'elles ou si toutes deux ne sont pas disposées ou rechignent à l'accepter avec toutes ses conséquences. Comme le mariage lui-même, cet arrangement ne peut réussir que s'il est arrêté par deux personnes déterminées à le faire réussir, de leur plein gré et de bonne foi.

Quand les parents sont disposés à partager les responsabilités parentales, et capables de le faire, ils concluent habituellement un accord, que le tribunal approuve généralement (Kruger c. Kruger; Baker c. Baker, précités; Keyes c. Gordon (1985), 45 R.F.L. (2d) 177 (C.A.N.-É.); Dussault c. Ladouceur, précité; Droit de la famille -- 316, [1986] R.D.F. 651 (C.A. Qué.)). Les tribunaux hésitent, en outre, à modifier les accords de garde partagée qui ont survécu durant un certain laps de temps après la séparation ou le divorce (voir J. D. Payne et B. Edwards, « Co-operative Parenting After Divorce: A Canadian Perspective » (1989), 11 Advocates' Q. 1, aux pp. 13 à 15; S. M. Holmes, « Imposed Joint Legal Custody: Children's Interests or Parental Rights? » (1987), 45 U.T. Fac. L. Rev. 300).

[60]            On nous a présenté des calculs qui tendent à démontrer le présumé enrichissement des femmes qui touchent une pension alimentaire pour enfants. On ne nous donne aucune statistique au sujet de la question de savoir qui est le principal pourvoyeur de soins dans la plupart dès ménages canadiens et au sujet de la question de savoir si ce sont les hommes ou les femmes qui mettront probablement leur carrière au second plan pendant plusieurs années pour élever des enfants, de sorte qu'ils perdent de précieuses possibilités d'avancer dans leur carrière. Dans l'arrêt Moge c. Moge, [1992] 3 R.C.S. 813, la juge L'Heureux-Dubé, au nom de la majorité, a peint un tableau plutôt différent de celui que les demanderesses ont brossé au sujet de la réalité économique à laquelle font face les femmes après le divorce :

[...] Il y a plusieurs années, L. J. Weitzman a publié sa remarquable étude sur le divorce, The Divorce Revolution: The Unexpected Social and Economic Consequences for Women and Children in America (1985), dans laquelle elle a conclu, à la p. 323 :


[traduction] Pour la plupart des femmes et des enfants, le divorce signifie une chute rapide dans l'échelle tant économique que sociale. La baisse du revenu amène un changement de résidence, un logement de qualité inférieure, une baisse marquée ou la disparition du budget de loisirs et les pressions intenses liées au manque de temps et d'argent. Les difficultés financières créent ensuite un bouleversement social et donnent lieu à une perte des réseaux familiers de soutien affectif et de services sociaux ainsi qu'à un accroissement du stress psychologique chez les femmes et les enfants. Du point de vue social, le divorce accroît la pauvreté chez les femmes et les enfants et crée un écart de plus en plus important entre le bien-être économique des hommes divorcés d'une part, et des enfants et des ex-épouses, d'autre part.

(Voir aussi J. B. McLindon, « Separate But Unequal: The Economic Disaster of Divorce for Women and Children » (1987), 21 Fam. L.Q. 351.)

[57]          Au Canada, la situation semble suivre une évolution semblable. Dans la publication du ministère fédéral de la Justice (Bureau de l'examen), Évaluation de la Loi sur le divorce -- Étape II: Contrôle et évaluation (1990), on indique, à partir d'entrevues, que 59 pour 100 des femmes et des enfants visés par l'étude avaient, après un divorce, un niveau de vie inférieur au seuil de la pauvreté, pourcentage qui tombait à 46 pour 100 lorsque la pension alimentaire était incluse dans le calcul de leur revenu (voir pp. 103 et 104). Toutefois, c'est une image plus réaliste, puisque non limitée au segment le mieux nanti des divorcés, qui se dégage probablement d'une analyse des dossiers judiciaires dans laquelle on a constaté qu'en 1988, deux tiers des femmes divorcées avaient un revenu total qui les plaçait au-dessous du seuil de pauvreté. En excluant la pension alimentaire, cette proportion passait à 74 pour 100 (voir pp. 105 et 106). Il est évident que la pension alimentaire, à supposer qu'elle soit versée, ne contribue que de façon limitée à réduire les difficultés économiques qu'éprouvent les femmes par suite du divorce. À titre de comparaison, dans une étude antérieure publiée en 1986 et intitulée Évaluation de la Loi de 1985 sur le divorce -- Phase I: Cueillette des données de base, on avait constaté que seulement 10 pour 100 des hommes avaient un niveau de vie inférieur au seuil de la pauvreté après avoir versé la pension alimentaire, et que le revenu moyen excédait de 13 500 $ le seuil de la pauvreté chez ces hommes seuls, après le versement de la pension alimentaire. (paragraphes 56 et 57)

[61]            En résumé, dans ce cas-ci, les demanderesses semblent tenter d'obtenir un renvoi à la Cour suprême du Canada sur la question constitutionnelle. Le gouvernement peut renvoyer une telle question en vertu de l'article 53 de la Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, ch. S-26, mais ce n'est pas le cas pour un plaideur individuel ou pour un groupe d'intérêt. On ne saurait régler le problème en s'adressant à la Cour fédérale.


[62]            Je conclus que les parties n'ont pas qualité pour agir, que la Cour fédérale du Canada n'est pas le tribunal auquel il convient de s'adresser pour faire régler les questions soulevées et enfin, que les parties n'ont révélé aucune cause d'action valable. Pour ces motifs, l'appel devrait être rejeté.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

-           L'appel est rejeté dans les deux actions, T-1473-03 et T-1474-03;

-          Un seul mémoire de frais est accordé à la défenderesse, les demanderesses devant payer le montant y afférent conjointement et solidairement.

                                                                                                                                     « Pierre Blais »                  

                                                                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


APPENDICE


Loi sur le divorce

2. [...]

« tribunal » Dans le cas d'une province, l'un des tribunaux suivants :

Divorce Act

Jurisdiction:

2. ...

"court", in respect of a province, means

a) la Cour supérieure de justice de l'Ontario;

(a) for the Province of Ontario, the Superior Court of Justice,

a.1) la section de première instance de la Cour suprême de l'Île-du-Prince-Édouard ou de Terre-Neuve;

(a.1) for the Province of Prince Edward Island or Newfoundland, the trial division of the Supreme Court of the Province,

b) la Cour supérieure du Québec;

(b) for the Province of Quebec, the Superior Court,

c) la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique;

c) for the Provinces of Nova Scotia and British Columbia, the Supreme Court of the Province,

d) la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick, du Manitoba, de la Saskatchewan ou de l'Alberta;

(d) for the Province of New Brunswick, Manitoba, Saskatchewan or Alberta, the Court of Queen's Bench for the Province, and

e) la Cour suprême du Yukon, la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest ou la Cour de justice du Nunavut.

(e) for Yukon or the Northwest Territories, the Supreme Court, and in Nunavut, the Nunavut Court of Justice,

Est compris dans cette définition tout autre tribunal d'une province dont les juges sont nommés par le gouverneur général et qui est désigné par le lieutenant-gouverneur en conseil de cette province comme tribunal pour l'application de la présente loi.

and includes such other court in the province the judges of which are appointed by the Governor General as is designated by the Lieutenant Governor in Council of the province as a court for the purposes of this Act;




3. (1) Dans le cas d'une action en divorce, a compétence pour instruire l'affaire et en décider le tribunal de la province où l'un des époux a résidé habituellement pendant au moins l'année précédant l'introduction de l'instance.

3. (1) A court in a province has jurisdiction to hear and determine a divorce proceeding if either spouse has been ordinarily resident in the province for at least one year immediately preceding the commencement of the proceeding.(2) Lorsque des actions en divorce entre les mêmes époux sont en cours devant deux tribunaux qui auraient par ailleurs compétence en vertu du paragraphe (1), que les instances ont été introduites à des dates différentes et que l'action engagée la première n'est pas abandonnée dans les trente jours suivant la date d'introduction de l'instance, le tribunal saisi en premier a compétence exclusive pour instruire l'affaire et en décider, la seconde action étant considérée comme abandonnée.

(2) Where divorce proceedings between the same spouses are pending in two courts that would otherwise have jurisdiction under subsection (1) and were commenced on different days and the proceeding that was commenced first is not discontinued within thirty days after it was commenced, the court in which a divorce proceeding was commenced first has exclusive jurisdiction to hear and determine any divorce proceeding then pending between the spouses and the second divorce proceeding shall be deemed to be discontinued.

(3) Lorsque des actions en divorce entre les mêmes époux sont en cours devant deux tribunaux qui auraient par ailleurs compétence en vertu du paragraphe (1), que les instances ont été introduites à la même date et qu'aucune des actions n'est abandonnée dans les trente jours suivant la date d'introduction de l'instance, la Cour fédérale a compétence exclusive pour instruire ces affaires et en décider, les actions étant renvoyées à cette section sur son ordre.

(3) Where divorce proceedings between the same spouses are pending in two courts that would otherwise have jurisdiction under subsection (1) and were commenced on the same day and neither proceeding is discontinued within thirty days after it was commenced, the Federal Court has exclusive jurisdiction to hear and determine any divorce proceeding then pending between the spouses and the divorce proceedings in those courts shall be transferred to the Federal Court on the direction of that Court.



16. (1) Le tribunal compétent peut, sur demande des époux ou de l'un d'eux ou de toute autre personne, rendre une ordonnance relative soit à la garde des enfants à charge ou de l'un d'eux, soit à l'accès auprès de ces enfants, soit aux deux.

16. (1) A court of competent jurisdiction may, on application by either or both spouses or by any other person, make an order respecting the custody of or the access to, or the custody of and access to, any or all children of the marriage.

(2) Le tribunal peut, sur demande des époux ou de l'un d'eux ou de toute autre personne, rendre une ordonnance provisoire relative soit à la garde des enfants à charge ou de l'un d'eux, soit à l'accès auprès de ces enfants, soit aux deux, dans l'attente d'une décision sur la demande visée au paragraphe (1).

(2) Where an application is made under subsection (1), the court may, on application by either or both spouses or by any other person, make an interim order respecting the custody of or the access to, or the custody of and access to, any or all children of the marriage pending determination of the application under subsection (1).


(8) En rendant une ordonnance conformément au présent article, le tribunal ne tient compte que de l'intérêt de l'enfant à charge, défini en fonction de ses ressources, de ses besoins et, d'une façon générale, de sa situation.

(8) In making an order under this section, the court shall take into consideration only the best interests of the child of the marriage as determined by reference to the condition, means, needs and other circumstances of the child.(10) En rendant une ordonnance conformément au présent article, le tribunal applique le principe selon lequel l'enfant à charge doit avoir avec chaque époux le plus de contact compatible avec son propre intérêt et, à cette fin, tient compte du fait que la personne pour qui la garde est demandée est disposée ou non à faciliter ce contact.

(10) In making an order under this section, the court shall give effect to the principle that a child of the marriage should have as much contact with each spouse as is consistent with the best interests of the child and, for that purpose, shall take into consideration the willingness of the person for whom custody is sought to facilitate such contact.



26.1 (1) Le gouverneur en conseil peut établir des lignes directrices à l'égard des ordonnances pour les aliments des enfants, notamment pour :

26.1 (1) The Governor in Council may establish guidelines respecting the making of orders for child support, including, but without limiting the generality of the foregoing, guidelines

a) régir le mode de détermination du montant des ordonnances pour les aliments des enfants;

(a) respecting the way in which the amount of an order for child support is to be determined;

b) régir les cas où le tribunal peut exercer son pouvoir discrétionnaire lorsqu'il rend des ordonnances pour les aliments des enfants;

(b) respecting the circumstances in which discretion may be exercised in the making of an order for child support;

c) autoriser le tribunal à exiger que le montant de l'ordonnance pour les aliments d'un enfant soit payable sous forme de capital ou de pension, ou des deux;

(c) authorizing a court to require that the amount payable under an order for child support be paid in periodic payments, in a lump sum or in a lump sum and periodic payments;

d) autoriser le tribunal à exiger que le montant de l'ordonnance pour les aliments d'un enfant soit versé ou garanti, ou versé et garanti, selon les modalités prévues par l'ordonnance;

(d) authorizing a court to require that the amount payable under an order for child support be paid or secured, or paid and secured, in the manner specified in the order;

e) régir les changements de situation au titre desquels les ordonnances modificatives des ordonnances alimentaires au profit d'un enfant peuvent être rendues;

(e) respecting the circumstances that give rise to the making of a variation order in respect of a child support order;

f) régir la détermination du revenu pour l'application des lignes directrices;

(f) respecting the determination of income for the purposes of the application of the guidelines;

g) autoriser le tribunal à attribuer un revenu pour l'application des lignes directrices;

(g) authorizing a court to impute income for the purposes of the application of the guidelines; and


h) régir la communication de renseignements sur le revenu et prévoir les sanctions afférentes à la non-communication de tels renseignements.

(h) respecting the production of income information and providing for sanctions when that information is not provided.(2) Les lignes directrices doivent être fondées sur le principe que l'obligation financière de subvenir aux besoins des enfants à charge est commune aux époux et qu'elle est répartie entre eux selon leurs ressources respectives permettant de remplir cette obligation.

(2) The guidelines shall be based on the principle that spouses have a joint financial obligation to maintain the children of the marriage in accordance with their relative abilities to contribute to the performance of that obligation.



Déclaration canadienne des droits

1. Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droits de l'homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont existé et continueront à exister pour tout individu au Canada quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa religion ou son sexe :

Canadian Bill of Rights

1. It is hereby recognized and declared that in Canada there have existed and shall continue to exist without discrimination by reason of race, national origin, colour, religion or sex, the following human rights and fundamental freedoms, namely,

a) le droit de l'individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ainsi qu'à la jouissance de ses biens, et le droit de ne s'en voir privé que par l'application régulière de la loi;

(a) the right of the individual to life, liberty, security of the person and enjoyment of property, and the right not to be deprived thereof except by due process of law;

b) le droit de l'individu à l'égalité devant la loi et à la protection de la loi;

[...]

(b) the right of the individual to equality before the law and the protection of the law;...

2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s'interpréter et s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, (...)

2. Every law of Canada shall, unless it is expressly declared by an Act of the Parliament of Canada that it shall operate notwithstanding the Canadian Bill of Rights, be so construed and applied as not to abrogate, abridge or infringe or to authorize the abrogation, abridgment or infringement of any of the rights or freedoms herein recognized and declared, ...



Charte canadienne des droits et libertés

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

Canadian Charter of Rights and Freedoms

2. Everyone has the following fundamental freedoms:

a) liberté de conscience et de religion;

a) freedom of conscience and religion;

b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

b) freedom of thought, belief, opinion and expression, including freedom of the press and other media of communication;

c) liberté de réunion pacifique;

c) freedom of peaceful assembly; and


d) liberté d'association.

d) freedom of association. 7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.

12. Everyone has the right not to be subjected to any cruel and unusual treatment or punishment.

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

15. (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

(2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.

(2) Subsection (1) does not preclude any law, program or activity that has as its object the amelioration of conditions of disadvantaged individuals or groups including those that are disadvantaged because of race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

24. (1) Anyone whose rights or freedoms, as guaranteed by this Charter, have been infringed or denied may apply to a court of competent jurisdiction to obtain such remedy as the court considers appropriate and just in the circumstances.

28. Indépendamment des autres dispositions de la présente charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes.

28. Notwithstanding anything in this Charter, the rights and freedoms referred to in it are guaranteed equally to male and female persons.


Décret désignant la province de Québec pour l'application de la définition de

« lignes directrices applicables » au paragraphe 2(1) de la Loi sur le divorce

Order Designating the Province of Quebec for the Purposes of the Definition "applicable guidelines" in Subsection 2(1) of the Divorce ActDORS/97-237

Enregistrement 22 avril 1997

LOI SUR LE DIVORCE

C.P. 1997-644 22 avril 1997

Attendu que, conformément au paragraphe 2(5)a) de la Loi sur le divorce, la province de Québec a établi, relativement aux aliments pour enfants, des lignes directrices complètes qui traitent des questions visées à l'article 26.1c de cette loi,

SOR/97-237

Registration 22 April, 1997

DIVORCE ACT

P.C. 1997-644 22 April, 1997

Whereas the Province of Quebec, pursuant to subsection 2(5)(a) of the Divorce Act, has established comprehensive guidelines for the determination of child support that deal with the matters referred to in section 26.1 of the Divorce Act;

À ces causes, sur recommandation du ministre de la Justice et en vertu du paragraphe 2(5)a) de la Loi sur le divorce, Son Excellence le Gouverneur général en conseil prend le Décret désignant la province de Québec pour l'application de la définition de « lignes directrices applicables » au paragraphe 2(1) de la Loi sur le divorce, ci-après.

L.C. 1997, ch. 1, par. 1(4)b L.R., ch. 3 (2e suppl.), L.C. 1997, ch. 1, art. 11

Therefore, His Excellency the Governor General in Council, on the recommendation of the Minister of Justice, pursuant to subsection 2(5)(a) of the Divorce Act, hereby makes the annexed Order Designating the Province of Quebec for the Purposes of the Definition "applicable guidelines" in Subsection 2(1) of the Divorce Act. S.C. 1997, c. 1, s. 1(4)b R.S., c. 3 (2nd Supp.), S.C. 1997, c. 1, s. 11

DÉSIGNATION

1. La province de Québec est désignée pour l'application de la définition de « lignes directrices applicables » au paragraphe 2(1) de la Loi sur le divorce.

DESIGNATION

1. The Province of Quebec is hereby designated for the purposes of the definition "applicable guidelines" in subsection 2(1) of the Divorce Act.

LIGNES DIRECTRICES

2. Aux fins du paragraphe 2(5) de la Loi sur le divorce, les textes législatifs suivants constituent les lignes directrices complètes de la province de Québec :

GUIDELINES

2. For the purposes of subsection 2(5) of the Divorce Act, the following legislative texts are the laws that constitute the comprehensive guidelines for the Province of Quebec:

a) la Loi modifiant le Code civil du Québec et le Code de procédure civile relativement à la fixation des pensions alimentaires pour enfants, L.Q. 1996, ch. 68;

(a) An Act to amend the Civil Code of Québec and the Code of Civil Procedure as regards the determination of child support payments, S.Q. 1996, c. 68;

b) le Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants, édicté par le décret 484-97 du 9 avril 1997;

(b) the Regulation respecting the determination of child support payments, made by Order 484-97 of April 9, 1997;


c) le Titre Troisième du Livre Deuxième du Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64;

(c) Title Three of Book Two of the Civil Code of Quebec, S.Q. 1991, c. 64; andd) le Chapitre VI.1 du Titre IV du Livre V du Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C-25.

(d) Chapter VI.1 of Title IV of Book V of the Code of Civil Procedure, R.S.Q., c. C-25.

ENTRÉE EN VIGUEUR

3. Le présent décret entre en vigueur le 1er mai 1997.

Loi sur le divorce, par. 2(1)

« lignes directrices applicables » S'entend :

COMING INTO FORCE

3. This Order comes into force on May 1, 1997.

Divorce Act, section 2 (1)

"applicable guidelines" means

a) dans le cas où les époux ou les ex-époux résident habituellement, à la date à laquelle la demande d'ordonnance alimentaire au profit d'un enfant ou la demande modificative de celle-ci est présentée ou à la date à laquelle le nouveau montant de l'ordonnance alimentaire au profit d'un enfant doit être fixée sous le régime de l'article 25.1, dans la même province -- qui est désignée par un décret pris en vertu du paragraphe (5) --, des textes législatifs de celle-ci précisés dans le décret;

(a) where both spouses or former spouses are ordinarily resident in the same province at the time an application for a child support order or a variation order in respect of a child support order is made, or the amount of a child support order is to be recalculated pursuant to section 25.1, and that province has been designated by an order made under subsection (5), the laws of the province specified in the order, and ...

(5) Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner une province pour l'application de la définition de « lignes directrices applicables » au paragraphe (1) si la province a établi, relativement aux aliments pour enfants, des lignes directrices complètes qui traitent des questions visées à l'article 26.1. Le décret mentionne les textes législatifs qui constituent les lignes directrices de la province.

(5) The Governor in Council may, by order, designate a province for the purposes of the definition "applicable guidelines" in subsection (1) if the laws of the province establish comprehensive guidelines for the determination of child support that deal with the matters referred to in section 26.1. The order shall specify the laws of the province that constitute the guidelines of the province.



                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                                        T-1473-03 et T-1474-03

INTITULÉ :                                                          L'ACTION DES NOUVELLES CONJOINTES DU QUÉBEC

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

et

L'APRÈS-RUPTURE

FATHERS ARE CAPABLE TOO:

PARENTING ASSOCIATION

LEGAL KIDS

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                 LE 27 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                     LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                                        LE 1er JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Gerald D. Chipeur                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Ivan Bernardo

Pascale-Catherine Guay                                                             POUR LA DÉFENDERESSE

André Lespérance

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet d'avocats Chipeur                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg                                                                      POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

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