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Date : 20020509

Dossier : IMM-3389-00

Référence neutre : 2002 CFPI 538

Ottawa (Ontario), le jeudi 9 mai 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                    LILIJA KATINAUSKIENE

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]         Un agent des visas a attribué à Mme Katinauskiene 70 points d'appréciation à l'égard de la demande que cette dernière avait présentée en vue de résider en permanence au Canada à titre de membre de la catégorie des immigrants indépendants envisageant d'exercer la profession d'ingénieure mécanicienne, no 2132.0 de la Classification nationale des professions (la CNP). Mme Katinauskiene a obtenu le nombre de points qui est normalement nécessaire pour qu'une décision favorable soit prise, mais sa demande a été refusée parce qu'elle n'avait pas obtenu de points d'appréciation pour l'expérience; l'agent des visas n'a pas exercé en faveur de la demanderesse le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement). Le paragraphe 11(1) du Règlement prévoit qu'en pareil cas, sous réserve de certaines exceptions qui ne s'appliquent pas au cas de Mme Katinauskiene, l'agent des visas ne délivre pas de visa d'immigrant.

[2]         Cette demande de contrôle judiciaire se rapporte donc à la question de savoir si l'agent des visas a commis une erreur en n'attribuant pas de points d'appréciation pour l'expérience.


[3]         Mme Katinauskiene déclare que l'agent des visas a commis une erreur parce qu'en appréciant son expérience, il ne lui a pas demandé les renseignements qui convenaient à l'entrevue, parce qu'il a commis une erreur en tirant ses conclusions au sujet de la transférabilité de ses compétences et parce qu'il n'a pas exercé le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) du Règlement compte tenu de sa capacité de réussir son installation au Canada. Mme Katinauskiene affirme également que l'agent des visas a commis une erreur en appréciant sa personnalité parce qu'il a compté en double la transférabilité de ses compétences.

[4]         Je crois qu'il est de droit constant que l'agent des visas devrait examiner chaque facteur pertinent à apprécier et qu'il devrait obtenir des réponses suffisantes du demandeur, de façon qu'une appréciation appropriée puisse être effectuée en ce qui concerne la question de savoir si le demandeur satisfait aux critères pertinents. Voir par exemple Dhaliwal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration ), 52 F.T.R. 311 (1re inst. ).

[5]         En l'espèce, les notes que l'agent des visas a consignées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (le STIDI) au moment de l'entrevue indiquent ce qui suit au sujet des renseignements que celui-ci a demandés en ce qui concerne les qualités, les compétences et l'expérience de Mme Katinauskiene :

[TRADUCTION] DIPLÔME DE 5 ANS EN GÉNIE MÉCANIQUE. SAL 200 LITAS PCM. QUE FAITES-VOUS? PRINCIPALEMENT DES DESSINS POUR LES COMMANDES D'ÉLECTRICITÉ : SYSTÈMES DE CHAUFFAGE ET DE VENTILATION. DE QUELLE FAÇON DÉTERMINEZ-VOUS LA CHAUDIÈRE QU'IL FAUT POUR UN SC DE 100 MÈTRES CARRÉS? JE NE PUIS LE DIRE EXACTEMENT, ÉTANT DONNÉ QUE POUR CERTAINES DONNÉES, JE NE CONNAIS PAS LES UNITÉS THERMIQUES -- ELLE DÉCLARE QUE SON TRAVAIL NE CONSISTE PAS À DÉTERMINER LA CHOSE, QU'ELLE EST POUR AINSI DIRE GÉRANTE, QU'ELLE DÉCIDE OÙ INSTALLER LE SYSTÈME, QU'ELLE TRAVAILLE DANS UNE ENTREPRISE FAMILIALE AVEC SON PÈRE.

[...]


EXPÉRIENCE EN CE QUI CONCERNE LES OP? AUTOCAD? LES ORDINATEURS SONT TROP VIEUX. ELLE SUIVRA DES COURS D'INFORMATIQUE; ELLE NE SAIT PAS CE QU'ON ENTEND PAR FORTRAN OU ALGOL. À QUELS JOURNAUX OU REVUES ÊTES-VOUS ABONNÉE? JE LE LUI AI DEMANDÉ À TROIS REPRISES,... ENVIRON. LE TRADUCTEUR A POSÉ LA QUESTION EN LITHUANIEN. ELLE AFFIRME AVOIR L'INTENTION DE S'ABONNER. [...] L'INTÉRESSÉE NE SATISFAIT PAS AUX CRITÈRES; JE L'AI INFORMÉE DE MES PRÉOCCUPATIONS : ELLE N'A PAS L'EXPÉRIENCE PERTINENTE, SES COMPÉTENCES NE SONT PAS TRANSFÉRABLES, ELLE A PEU D'ARGENT, SA CONNAISSANCE DE LA LANGUE EST INSUFFISANTE POUR LUI PERMETTRE DE TROUVER DU TRAVAIL. ELLE A RÉPONDU QUE SA SOEUR AVAIT APPRIS L'ANGLAIS ET QU'ELLE N'AVAIT PLUS DE PROBLÈMES. J'AI ENCORE UNE FOIS INFORMÉ L'INTÉRESSÉE DES MOTIFS, MAIS ELLE ÉTAIT PASSABLEMENT NERVEUSE.

[6]         Je suis convaincue que ni l'affidavit de Mme Katinauskiene ni le contre-interrogatoire de l'agent des visas ne remettaient vraiment en question l'exactitude des notes consignées dans le STIDI.

[7]         Je suis en outre convaincue que l'agent des visas a demandé des renseignements raisonnables en ce sens qu'il a posé un nombre suffisant de questions pour donner à Mme Katinauskiene la possibilité de s'acquitter de la charge qui lui incombait d'établir qu'elle avait l'expérience nécessaire et pour permettre une appréciation appropriée de l'expérience.

[8]         Quant à la question de la transférabilité, il est affirmé pour le compte de Mme Katinauskiene que l'interprétation donnée par l'agent des visas à la transférabilité des compétences en génie était telle qu'il faudrait que la demanderesse ait acquis dans son pays d'origine, la Lithuanie, une expérience semblable à celle qu'elle aurait acquise au Canada. Toutefois, une lecture minutieuse des notes consignées dans le STIDI, de l'affidavit de l'agent des visas et de la transcription du contre-interrogatoire de l'agent des visas ne me permet pas de conclure que celui-ci exigeait de Mme Katinauskiene une expérience semblable à celle qu'elle aurait acquise au Canada.


[9]         En appréciant l'expérience conformément à la CNP, il convient de se demander si les compétences qu'un demandeur a acquises par expérience sont si désuètes ou par ailleurs si peu pertinentes qu'elles n'ont aucun rapport avec les conditions énoncées dans la CNP.

[10]       L'agent des visas peut également tenir compte de la transférabilité en tant que facteur financier et en tant qu'obstacle à l'installation au Canada dans le cadre de l'examen de la question de la personnalité.

[11]       Il a également été soutenu que l'agent des visas n'avait pas exercé d'une façon favorable le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement, même s'il savait que la soeur de Mme Katinauskiene s'était établie avec succès au Canada et qu'elle avait obtenu un emploi pour cette dernière au Canada.

[12]       Dans la décision Turcinovica c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 164; [2002] A.C.F. no 216, j'ai dit ce qui suit, paragraphe 35 :

À mon avis, hormis la demande d'un requérant, ou hormis des faits laissant voir qu'il existe une bonne raison expliquant pourquoi les points d'appréciation accordés ne rendent pas véritablement compte des chances d'un requérant de réussir son installation au Canada, un agent des visas n'est pas tenu automatiquement d'exercer le pouvoir discrétionnaire favorable que lui confère le paragraphe 11(3) du Règlement. Voir les précédents : Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1239; Behzad Razavi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1388; Savvateev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 2 Imm. L.R. (3d) 207.


[13]       Étant donné que l'agent des visas a conclu que Mme Katinauskiene n'avait pas l'expérience pertinente aux fins de la profession envisagée, que ses compétences n'étaient pas transférables, qu'elle avait peu d'argent et que sa connaissance de la langue était insuffisante pour lui permettre de trouver du travail au Canada, il n'y avait pas à mon avis de faits indiquant l'existence de bonnes raisons de croire que l'appréciation ne refléterait pas d'une façon appropriée les chances de Mme Katinauskiene de réussir son installation au Canada. En l'absence de pareils faits ou d'une demande visant à assurer l'exercice favorable du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré, l'agent des visas n'a commis aucune erreur susceptible de révision en omettant d'envisager d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'une façon favorable.

[14]       Par conséquent, en application du paragraphe 11(1) du Règlement, l'agent des visas n'a pas commis d'erreur susceptible de révision en refusant la demande. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[15]       L'avocat de Mme Katinauskiene a proposé la certification de la question ci-après énoncée :

[TRADUCTION] Lorsque l'agent des visas attribue à la personne qui présente une demande de résidence permanente à titre de membre de la catégorie des immigrants indépendants le nombre nécessaire de points d'appréciation pour que la demande soit acceptée, mais qu'il n'attribue aucun point d'appréciation pour le facteur « expérience » et qu'il invoque le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration en vue de rejeter la demande :

1.                    L'obligation d'équité et d'agir d'une façon raisonnable qui incombe à l'agent exige-t-elle que celui-ci inclue, dans son avis écrit de décision, les motifs précis à l'appui de sa décision ou suffit-il qu'il dise que la personne concernée n'a pas les compétences et l'expérience pertinentes pour exercer la profession envisagée?

2.                    Ladite obligation empêche-t-elle l'agent de laisser le demandeur lui fournir une description démontrant qu'il satisfait aux conditions d'accès à la profession au lieu d'enquêter lui-même à l'entrevue sur les renseignements fournis par le demandeur?


3.                    Ladite obligation est-elle plus lourde lorsque le facteur « expérience » est apprécié en pareil cas?

[16]       Le ministre s'est opposé à la certification pour le motif qu'il s'agit de questions de fait précises et qu'aucune question grave de portée générale n'est soulevée.

[17]       Je suis d'accord; aucune question ne sera certifiée.

ORDONNANCE

[18]       LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES:

1.                    La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                    Aucune question n'est certifiée.

                        « Eleanor R. Dawson »            

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                               IMM-3389-00

INTITULÉ :                                                              LILIJA KATINAUSKIENE

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                   le 2 mai 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                     Madame le juge Dawson

DATE DES MOTIFS :                                        le 9 mai 2002

COMPARUTIONS :

M. Daniel Fine                                                            POUR LA DEMANDERESSE

M. James Todd                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Daniel Fine                                                            POUR LA DEMANDERESSE

M. Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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