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Date : 20010608

Dossier : IMM-2747-00

Référence neutre : 2001 CFPI 635

ENTRE :

TARLOCHAN SINGH TAKHAR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE J. McKEOWN

[1]              Le demandeur veut obtenir le contrôle judiciaire de la décision rendue le 20 mars 2000 par laquelle un agent de visas en poste à New Delhi a établi que le demandeur nétait pas une « personne à charge » pour les fins de la demande de parrainage de la catégorie des parents faite par son père.


Question

[2]              La question est de savoir si le sous-alinéa 2(1)b)(i) du Règlement sur l'immigration de 1978 confère à l'agent des visas le pouvoir d'employer la qualité de la présence comme critère pour déterminer si une personne a « suivi des cours » lors de l'évaluation d'une présumée « personne à charge » qui était tenue de s'inscrire et de suivre des cours à titre d'étudiant à temps plein dans un programme de formation.

Faits

[3]              Le demandeur est un citoyen indien et il est né le 15 février 1971. Au moment où la demande de parrainage de la catégorie des parents a été faite (le 18 juin 1998), le demandeur était âgé de 27 ans. Le demandeur avait le fardeau de démontrer qu'il a été inscrit et a suivi des cours à temps plein dans un programme de formation d'un établissement d'enseignement depuis qu'il a atteint l'âge de 19 ans ( le 15 février 1990).

[4]              Le demandeur a fait l'objet d'une sélection administrative, a été interviewé par Immigration Canada et a fourni la documentation suivante :

Réussi « Plus un » en mars1989

Échoué « Plus deux » en mars1990, 1991 et 1992

Réussi « Plus deux » en mars1993

Échoué B.A. Partie I en avril 1994

Réussi B.A. Partie I en avril 1995

Réussi B.A. Partie II en avril 1996

Échoué B.A. Partie III en avril 1997 et 1998


Échoué B.A.A. en 1999

Les notes du STIDI de l'agent contenaient l'énoncé suivant (en page 5 du dossier d'Immigration) :

[traduction] L'IMMIGRANT ÉVENTUEL S'EST PRÉSENTÉ À 4 COURS SUR L'HISTOIRE DES ÉTATS-UNIS. IL A UNE CONNAISSANCE ÉLÉMENTAIRE DE L'HISTOIRE DES ÉTATS-UNIS, CE QUI PORTE À CROIRE QU'IL A SUIVI QUELQUES COURS. JE BASERAI MA DÉCISION FINALE QUANT À L'INCLUSION DE L'IMMIGRANT ÉVENTUEL DANS CETTE DEMANDE SUR LES RÉSULTATS DU B.A.A.

[5]              Dans une lettre en date du 20 mars 2000, l'agent des visas a déterminé que le demandeur n'était pas un « fils à charge » au sens du sous-alinéa 2(1)b)(i) du Règlement sur l'immigration de 1978 ni selon le sens du paragraphe 2(7) du Règlement sur                  l' immigration de 1978 puisque depuis qu'il a atteint l'âge de 19 ans, il n'a pas été inscrit et n'a pas suivi sans interruption et à temps plein des cours de formation générale ou professionnelle dans une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement.

[6]              L'agent des visas a cité l'arrêt Malkana c. Canada (MCI) (1996), 125 F.T.R. 71 (C.F. 1re inst.) à l'appui de sa décision et a ajouté ceci :


[traduction] À partir de la documentation fournie au soutien de sa demande et de ses déclarations à l'entrevue, j'ai appris que Tarlochan Singh a échoué à ses examens, dans plusieurs programmes, sept fois au cours des neuf années écoulées depuis qu'il a atteint l'âge de 19 ans. En fait, au moment de l'entrevue, il n'y avait toujours aucune indication que Tarlochan Singh avait complété son baccalauréat ès arts (un programme de trois ans qu'il a commencé en 1993.) Suite à l'entrevue, on m'a fourni un relevé de notes montrant un échec dans la première année d'un programme de baccalauréat en administration des affaires, en mai 1999. Lors de l'entrevue, on m'a dit que Tarlochan Singh a commencé un programme de maîtrise ès arts. Àpartir de tous ces faits, je suis d'avis que Tarlochan Singh ne répond pas à l'élément « qualitatif » inclus dans la notion de « suivre un cours » . Je suis également d'avis que Tarlochan ne « suit pas de cours » tel que ce terme est utilisé dans la définition de « fils à charge » .

Analyse

[7]              Bien que l'agent des visas semble s'interroger sur la crédibilité du demandeur et sur la question de savoir s'il a ou non suivi des cours, il n'entre pas dans les détails. En conséquence, je réexamine cette affaire en ce qui a trait à la présence ou non d'un élément qualitatif dans l'expression « suivre des cours » . La Cour Fédérale, Section de première instance, est partagée en ce qui concerne la notion de « suivre des cours » . Le juge Gibson dans l'arrêt Malkana c. Canada, précité, affirme ce qui suit à la page 75 :

Je conclus que l'obligation de « suivre » un cours qui est contenue dans la définition du « fils à charge » comporte à la fois un élément quantitatif et un élément qualitatif.

Ce courant de jurisprudence a été suivi par le juge Sharlow dans l'arrêt Chen c. MCI, [2000] (A.C.F. no1552) (C.F. 1re inst.) au paragraphe 9 lorsqu'elle indique :


À mon avis, l'agent des visas doit tenir compte de la crédibilité du demandeur qui prétend être inscrit et suivre des cours en tant qu'étudiant à temps plein. Le fait que le demandeur n'ait pas appris la discipline qu'il étudie peut résulter d'une faiblesse intellectuelle ou d'une situation personnelle difficile. De tels facteurs n'appuient pas, à mon avis, la conclusion que la demanderesse ne suit pas des cours à temps plein. Mais, le fait que la demanderesse n'ait pas appris peut également indiquer qu'elle n'est pas sincère lorsqu'elle prétend suivre des cours à temps plein,et, à cet égard, j'accepte la proposition formulée dans les décisions Khaira et Malkana selon laquelle le fait de « suivre des cours » suppose nécessairement une présence physique et mentale.

[8]              L'opinion contraire a d'abord été exprimée par le juge Tremblay- Lamer dans l'arrêt Patel c. Canada (MCI), [1998] (A.C.F. no 1423) (C.F. 1re inst.), lorsqu'elle a refusé d'inclure un élément qualitatif puisque, selon elle, cela aurait eu pour effet d'ajouter une notion au règlement. Selon elle, la présence physique à titre d'étudiant à temps complet devrait suffire comme preuve d'inscription et de présence. Le juge Dubé s'est conformé à cette décision dans l'arrêt Sandhu c. MCI [2001] (A.C.F. no 81) (C.F. 1re inst.). Il a conclu que le sens ordinaire du sous-paragraphe 2(1) ne comprend pas un élément qualitatif. Il s'exprime comme suit :

Certes, lorsque l'agent d'immigration a des doutes sur le fait de savoir si le demandeur suit des cours, il peut le questionner pour déterminer s'il a, oui ou non, satisfait à l'exigence de suivre des cours. L'agent peut disqualifier le demandeur au motif que celui-ci n'a pas été inscrit et n'a pas suivi sans interruption des cours à temps plein, mais il ne peut évaluer la qualité du rendement d'un étudiant. Le Règlement ne prévoit pas que le demandeur doit être un bon étudiant.


Il s'exprime par la suite ainsi au paragraphe 11 :

Si le Parlement avait l'intention de donner à l'agent d'immigration le pouvoir d'évaluer, pour un étudiant qui suit des cours, la qualité de sa fréquentation aux termes du paragraphe 2(1) du Règlement, il l'aurait prévu expressément.

[9]              À mon avis, l'agent des visas a eu raison de tenir compte de l'aspect qualitatif de l'expression « suivre un cours » . S'il y a lieu de croire que le demandeur s'est simplement inscrit mais n'a pas vraiment suivi les cours d'une manière engagée, alors il serait raisonnable d'affirmer qu'il n'a pas « suivi de cours » pour les fins du Règlement. À mon avis, les étudiants doivent, pour suivre un cours, être présents à la fois physiquement et mentalement. Conséquemment, l'agent des visas a eu raison de conclure que le demandeur ne se conformait pas à l'élément qualitatif que comprend le fait de suivre un cours.

[10]             La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[11]             La Cour étant partagée lorsqu'il s'agit de savoir si l'expression « suivre un cours » comporte à la fois un élément quantitatif et qualitatif, j'ai certifié la question suivante comme étant d'intérêt public général :


Le sous-alinéa 2(1)b)(i) du Règlement sur l'immigration de 1978 confère-t-il à un agent d'immigration le pouvoir de se référer à la qualité de la présence comme critère pour déterminer si une personne « a suivi des cours » lors de son évaluation d'un présumé « fils à charge » qui prétend avoir été inscrit et avoir suivi des cours à titre d'étudiant à temps plein dans un programme de formation?

William P. McKeown                                                                                                 juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 8 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


                                             COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               IMM-2747-00

INTITULÉ:                                              Tarlochan Singh Takhar c. Le ministre de la

                Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 5 juin 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

DE LA COUR :                              Le juge McKeown

DATE :                                                      Le 8 juin 2001

COMPARUTIONS

Massood Joomratty                                    POUR LE DEMANDEUR     

Helen Park                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Kang Abrahams Chahal                            POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le sous-procureur général du Canada    POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la justice

Vancouver (Colombie-Britannique)

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