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Date : 20200117


Dossier : IMM‑3646‑19

Référence : 2020 CF 71

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 17 janvier 2020

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

FIDAN HAJIYEVA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Mme Hajiyeva a présenté une demande de permis d’études, laquelle a été refusée par un agent (l’agent) à l’ambassade du Canada à Ankara, en Turquie, au motif qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences réglementaires. J’ai rendu ma décision à l’audience en expliquant pourquoi les conclusions de l’agent étaient à la fois raisonnables et justes et en ajoutant que les motifs suivraient. Voici donc mes motifs.

II.  Contexte

[2]  Mme Hajiyeva est une citoyenne de l’Azerbaïdjan âgée de 29 ans. Elle est mariée et a deux jeunes enfants. Elle a étudié le droit en Azerbaïdjan, et, depuis 2011, elle est une personne au foyer qui a consacré la majeure partie de son temps à élever ses enfants. En 2018, Mme Hajiyeva a été admise au programme de gestion des ressources humaines du Collège Seneca. Elle a présenté une demande de permis d’études, mais celle‑ci a été refusée en décembre 2018. Mme Hajiyeva a présenté une nouvelle demande au Collège Seneca et a de nouveau été admise l’année suivante. Toutefois, sa seconde demande de permis d’études a également été refusée dans une décision datée d’avril 2019 (la décision). C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle.

[3]  L’agent n’était pas convaincu que Mme Hajiyeva quitterait le Canada à la fin de son séjour, car elle avait des attaches familiales et des raisons économiques de rester au Canada susceptibles de l’emporter sur ses liens avec son pays d’origine. De plus, l’agent a noté que les raisons que Mme Hajiyeva avait invoquées pour entreprendre l’emploi proposé (en parlant sans doute des projets de son époux) étaient vagues et mal étayées. Par conséquent, l’agent a refusé la demande sur le fondement du paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227. Il a conclu ses motifs par la déclaration suivante : [traduction] « Vous pouvez présenter une nouvelle demande si vous estimez pouvoir répondre à ces préoccupations et démontrer que votre situation satisfait aux exigences. »

[4]  Mme Hajiyeva affirme que la décision était inéquitable, qu’elle était fondée sur des motifs insuffisants et qu’elle était erronée. La norme de contrôle qui s’applique aux questions de manquement à l’équité procédurale demeure celle de la décision correcte (Garces Caceres c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 4, au par. 23). La norme de contrôle qui régit l’évaluation factuelle d’un permis d’études est celle de la décision raisonnable, une norme qui dicte la retenue (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au paragraphe 10 [Vavilov]; Aghaalikhani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1080, au paragraphe 11, citant Kavugho‑Mission c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 597, au paragraphe 8). Là-dessus, je commencerai mon analyse.

III.  Analyse

A.  La décision était raisonnable

[5]  Mme Hajiyeva soutient que l’agent a ignoré des éléments de preuve et qu’il n’a pas fourni de motifs suffisants; elle s’appuie à cet égard sur la décision Omijie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 878, au paragraphe 26 [Omijie]. J’estime toutefois que l’espèce se distingue de l’affaire Omijie. Tout d’abord, alors que les parents et le frère de la demanderesse resteraient en Azerbaïdjan, sa famille immédiate (son époux et ses enfants) la rejoindrait au Canada; elle a déclaré que son époux obtiendrait un permis de travail et acquerrait une expérience de travail internationale, et que ses enfants iraient à l’école et seraient exposés aux valeurs canadiennes. La conclusion de l’agent concernant les incitatifs de la demanderesse à rester au Canada était raisonnable. En l’espèce, il était loisible à l’agent de conclure que le témoignage  et les documents à l’appui présentés par la demanderesse n’étaient pas suffisants pour démontrer qu’elle quitterait le Canada à la fin de sa période d’études.

[6]  En ce qui concerne l’argument selon lequel les motifs étaient insuffisants, il est compréhensible que, dans le contexte du bureau des visas, où de multiples décisions doivent être rendues quotidiennement, les motifs soient habituellement brefs (voir par exemple la décision Peiro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1146, au paragraphe 15). L’arrêt Vavilov explique que les motifs doivent être interprétés en fonction du contexte dans lequel ils ont été rendus (au paragraphe 94). Je conclus que les motifs liés au permis d’études étaient à la fois suffisants et justifiés, et donc raisonnables.

B.  Il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale

[7]  Mme Hajiyeva affirme que l’agent s’est appuyé sur des éléments de preuve extrinsèques. Cette affirmation n’est pas fondée, car l’agent a rendu sa décision en s’en remettant aux documents présentés à l’appui de la demande.

[8]  Mme Hajiyeva soutient également qu’elle aurait dû se voir offrir l’occasion de répondre au sujet des éléments de preuve, puisqu’il s’agissait là de conclusions déguisées sur la crédibilité. Les conclusions découlaient des éléments de preuve portés à la connaissance de l’agent. Lorsque les réserves qu’il entretient « découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre » (Hassani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283, au paragraphe 24). Une telle obligation s’impose seulement lorsque la crédibilité est remise en question, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, quoi qu’en dise Mme Hajiyeva.

[9]  En définitive, le demandeur de permis d’études doit satisfaire à toutes les exigences, et l’agent, quant à lui, n’est pas tenu de faire connaître au demandeur ses réserves quant au caractère suffisant des documents produits à l’appui de la demande (Al Aridi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 381, au paragraphe 20). Mme Hajiyeva n’a pas satisfait à toutes les exigences et, par conséquent, l’agent n’était pas tenu de l’informer des lacunes relevées dans sa demande.

[10]  Enfin, le défendeur dans la présente demande est plutôt le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, au paragraphe 5(2), et Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, au paragraphe 4(1)). L’intitulé sera modifié en conséquence.

IV.  Conclusion

[11]  Mme Hajiyeva n’a pas démontré que la décision était déraisonnable ou qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale envers elle. Par conséquent, sa demande sera rejetée.

[12]  En guise de post‑scriptum, comme l’agent l’a si bien dit, Mme Hajiyeva est libre de présenter une nouvelle demande. L’avocate du ministre l’a d’ailleurs répété à l’audience. Je remarque que Mme Hajiyeva est très instruite et que son langage écrit et parlé est impressionnant, à en juger par les actes de procédures qu’elle a déposés par écrit à la Cour et par les arguments qu’elle a présentés de vive voix (elle s’est représentée elle‑même, et a participé par téléphone depuis l’Azerbaïdjan). Une fois comblées les lacunes relevées dans sa demande, elle pourrait certainement vouloir en présenter une nouvelle.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3646‑19

LA COUR ORDONNE :

1.  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.  Aucune question à certifier n’a été soulevée, et je conviens qu’il ne s’en pose aucune.

3.  Aucuns dépens ne sont adjugés.

4.  L’intitulé est modifié de façon que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration soit inscrit à titre de défendeur.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 5e jour de février 2020.

Julie-Marie Bissonnette, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3646‑19

 

INTITULÉ :

FIDAN HAJIYEVA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE l’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 janvier 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

Le 17 janvier 2020

 

COMPARUTIONS :

Fidan Hajiyeva 

POUR LA DEMANDERESSE

en SON PROPRE nom

 

Judy Michaely

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 

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