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Date : 20200123


Dossier : T-1201-18

Référence : 2020 CF 119

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2020

En présence de madame la juge McDonald

RECOURS COLLECTIF ENVISAGÉ

ENTRE :

GEOFFREY GREENWOOD ET TODD GRAY

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

Introduction

[1]  Dans la présente requête en autorisation, les demandeurs, M. Greenwood et M. Gray, demandent l’autorisation d’intenter un recours collectif contre la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour négligence systémique sous la forme d’intimidation et de harcèlement général, en application de l’article 334.16 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. La présente requête en autorisation a été entendue les 18 et 19 juin 2019 et le 24 septembre 2019.

[2]  La défenderesse (la Couronne), au nom de la GRC, s’oppose à l’autorisation de l’instance en tant que recours collectif. Elle affirme que la demande ne relève pas d’une cause d’action valable, que les questions individuelles prédominent sur les questions communes et qu’un recours collectif ne constitue pas la meilleure procédure. Elle qualifie la demande de [traduction] « différends en milieu de travail » pour lesquels il existe plusieurs mesures de redressement et voies de recours prévues par le législateur au sein de la GRC.

[3]  Pour les motifs qui suivent, j’accueille la requête en autorisation. Même si le présent recours collectif est susceptible de poser des difficultés, à cette étape, ces difficultés ne constituent pas un motif de refus d’autorisation.

La demande proposée

[4]  La déclaration pour le présent recours collectif a été déposée le 22 juin 2018. La Couronne n’a pas déposé de défense.

[5]  Les demandeurs allèguent avoir fait l’objet d’intimidation et de harcèlement systémiques qui ont été encouragés et tolérés par la direction de la GRC. Ils affirment que ces comportements ont été rendus possibles par des obstacles légaux et institutionnels, ainsi que par ce qu’ils décrivent comme la [traduction] « structure paramilitaire » de la GRC. Ils allèguent que les voies de recours internes sont inefficaces, car elles dépendent de la [traduction] « chaîne de commandement » qui est composé des personnes responsables des comportements offensants ou de celles qui ont pris des mesures pour protéger d’autres personnes, entretenant ainsi l’intimidation et le harcèlement. Selon les demandeurs, cette situation a créé un environnement de travail toxique et caractérisé par des abus de pouvoir.

[6]  Les demandeurs allèguent que les tentatives de la GRC d’empêcher le harcèlement ont toutes échoué et qu’un recours collectif constitue le seul moyen d’apporter de véritables changements au sein de l’organisation.

[7]  La définition du recours collectif envisagé est vaste, mais elle exclut les personnes qui ont déjà participé à d’autres recours collectifs autorisés contre la GRC, comme la décision Merlo c Canada, 2017 CF 533 [Merlo], la décision Ross, Roy and Satalic c Her Majesty the Queen, action présentée en Cour fédérale portant le numéro de dossier T-370-17 [Ross et al] et la décision Tyler c Canada, 2019 CF 895 [Tyler].

[8]  Les demandeurs affirment que la progression de leur carrière a été limitée, qu’ils ont subi des blessures physiques et psychologiques, ainsi que des pertes financières.

La GRC

[9]  La GRC est la force de police nationale du Canada, qui est régie par la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10 (la Loi sur la GRC), par le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, 2014, DORS/2014-281 (le Règlement de la GRC) et par les Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289 (les CDC).

[10]  La GRC offre des services de police aux niveaux national, provincial et municipal, et elle sert plus de 600 collectivités autochtones. Elle est composée de 15 divisions et elle possède des détachements comprenant un millier de membres de son personnel, ainsi que quelques autres auxquels sont affectés deux membres de son personnel seulement. La GRC emploie actuellement plus de 28 000 personnes, qui sont réparties en trois groupes principaux : les membres réguliers, les membres civils et les fonctionnaires. Elle engage également des personnes en dehors de ces trois groupes, notamment des employés municipaux, des entrepreneurs, des bénévoles, des étudiants et des gendarmes auxiliaires.

[11]  En 2016, Bob Paulson, alors commissaire de la GRC, a reconnu l’existence d’une culture fondée sur « l’intimidation et le harcèlement en général » à la GRC.

[12]  Voici certains des rapports (les rapports) dans lesquels sont traités des problèmes de harcèlement à la GRC qui ont été présentés par les demandeurs :

  • Le rapport de décembre 2007 du président du Conseil du Trésor au ministre de la Sécurité publique, intitulé Rétablir la confiance – Groupe de travail sur la gouvernance et le changement culturel à la GRC (le rapport Brown).

  • Le rapport de février 2013 du président de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada, intitulé Enquête d’intérêt public sur le harcèlement en milieu de travail au sein de la GRC.

  • Le rapport de 2013 du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Des questions de conduite : la Gendarmerie royale du Canada doit transformer sa culture (le rapport Questions de conduite).

  • Un rapport de 2014 de l’honorable Grant Mitchell, sénateur, et de l’honorable Judy Sgro, députée, intitulé Rêves brisés – Le harcèlement et le mécontentement systématique à la Gendarmerie royale du Canada (le rapport Rêves brisés).

  • Le rapport d’avril 2017 de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, intitulé Rapport sur le harcèlement en milieu de travail à la GRC (le rapport de 2017 de la Commission).

  • Le rapport de mars 2017 de l’auditeur général au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, intitulé Examen de quatre cas de poursuites civiles contre la GRC pour des motifs de harcèlement au travail (le rapport Fraser).

Les éléments de preuve

[13]  Les deux parties ont présenté des dossiers de preuve détaillés quant à la présente requête et elles ont mené des contre-interrogatoires relativement aux éléments de preuve par affidavit.

[14]  Les demandeurs se fondent sur les éléments de preuve qui suivent :

  • L’affidavit de Geoffrey Greenwood souscrit le 4 octobre 2018. M. Greenwood est un représentant demandeur proposé. Il est un membre régulier de la GRC qui a commencé à y travailler en 1990. Il détient actuellement le grade sergent d’état-major et il occupe le poste de sous-officier responsable de la Section des enquêtes générales de Red Deer, en Alberta.

  • L’affidavit de Todd Gray souscrit le 1er octobre 2018. M. Gray est un représentant demandeur proposé. Il est un membre régulier de la GRC au rang de sergent et il effectue actuellement son service en tant sergent d’état-major, Soutien des opérations, au détachement d’Airdrie, en Alberta.

  • L’affidavit de Gigi Van Leeuwen souscrit le 9 octobre 2018. Mme Van Leeuwen est une associée au sein du cabinet Kim Spencer McPhee Barristers P.C., le cabinet d’avocats représentant les demandeurs. Dans son affidavit, elle fournit un aperçu de la structure de la GRC et de ses procédures de grief.

[15]  La Couronne se fonde sur les éléments de preuve qui suivent :

  • L’affidavit de Pierre Lebrun souscrit le 13 mars 2019. M. Lebrun a été le directeur général de la rémunération, des avantages sociaux et des relations de travail à la GRC de 2013 à 2018. Il est fonctionnaire au sein de la GRC depuis 2009. Dans chacun de ses rôles à la GRC, il a été responsable de la gestion d’employés des Ressources humaines qui élaboraient et mettaient en œuvre les politiques en matière de ressources humaines.

  • L’affidavit de Gordon Cook souscrit le 13 mars 2019. M. Cook est directeur des relations de travail dans la fonction publique à la GRC depuis 2008 et il a occupé plusieurs postes des ressources humaines à la GRC depuis 1992. Dans son rôle actuel, il est le responsable des griefs au dernier palier, il formule des recommandations à l’intention du Commissaire à l’égard des cessations d’emploi et il donne des directives en matière de relations du travail. Il est également responsable de la modification de plusieurs politiques en matière de relations du travail pour les fonctionnaires au sein de la GRC.

  • L’affidavit de Stéphane Drouin souscrit le 13 mars 2019. M. Drouin est un membre régulier de la GRC, en service sans interruption depuis 1990. Il est directeur général des responsabilités liées au milieu de travail depuis juillet 2018. Il est également responsable de la surveillance de programmes aux centres nationaux des politiques et de la prestation des services. Voici les noms de ces programmes : le Bureau de l’intégrité professionnelle, la [traduction] Direction nationale des plaintes du public, la [traduction] Direction générale de la conduite des relations d’emploi, le Bureau de la coordination des plaintes de harcèlement, la [traduction] Section des droits de la personne et la [traduction] Section des exigences en matière d’emploi.

  • L’affidavit de James Lea souscrit le 14 mars 2019. M. Lea est un membre civil de la GRC depuis 1996. Il est gestionnaire des analyses et de la production de rapports à la Direction de la planification et des politiques stratégiques de la GRC depuis 2016. Il a également supervisé la production de rapports au gouvernement de la GRC sur la gestion des risques intégrés et il a dirigé le centre de sondage de la GRC.

  • L’affidavit de Chantal Boisclair-Dalton souscrit le 13 mars 2019. Mme Boisclair-Dalton est spécialiste des programmes de prestations d’invalidité à Anciens Combattants Canada depuis 2015. Elle travaille à Anciens Combattants Canada depuis 34 ans et elle a fourni dans son affidavit un aperçu des prestations et des services à la disposition des membres actuels et anciens de la GRC.

Questions en litige

[16]  Deux questions sont soulevées dans les présents motifs :

  1. La Cour devrait-elle refuser d’exercer sa compétence à l’égard du recours collectif envisagé?

  2. Si la Cour se déclare compétente, les demandeurs satisfont-ils au critère d’autorisation prévu au paragraphe 334.16(1) des Règles des Cours fédérales?

Analyse

A.  La Cour devrait-elle refuser d’exercer sa compétence à l’égard du recours collectif envisagé?

[17]  La Couronne affirme que la Cour devrait refuser d’autoriser la présente instance en tant que recours collectif, pour le motif qu’il existe des voies de recours et des procédures internes prévues par la loi au sein de la GRC pour traiter les questions pour lesquelles les demandeurs demandent une autorisation.

[18]  La Couronne a produit de longues observations sur cette question en litige. C’est pourquoi j’ai choisi de traiter cette question en litige en premier. Je souligne toutefois qu’une grande partie de l’analyse de cette question s’applique également aux considérations quant à la meilleure procédure, pour le critère d’autorisation en application du paragraphe 334.16(2) des Règles.

[19]  La Couronne affirme que les demandes en attente d’autorisation constituent essentiellement des différends en milieu de travail, que la GRC peut gérer de manière plus adéquate en interne. La Couronne affirme qu’autoriser le présent recours collectif aurait pour effet de donner à la Cour la position de statuer sur les plaintes en matière de harcèlement à la GRC.

[20]  La Couronne souligne les procédures prévues aux termes de la Loi sur la GRC, de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, LC 2003, c 22, art 2 (la LRTSPF), de la Loi sur les pensions, LRC 1985, c P‑6, et des CDC.

[21]  La procédure de grief actuelle pour les membres réguliers a été instaurée en 2014 et elle est définie et régie par la partie III de la Loi sur la GRC, le Règlement de la GRC, les CDC et la LRTSPF. Cette procédure comprend une procédure de résolution informelle et deux niveaux d’examen officiel des griefs, qui permettent de demander un contrôle judiciaire. La Couronne affirme que cette procédure protège les personnes contre les représailles.

[22]  En outre, une personne répondant à la définition du terme « fonctionnaire » aux termes de la LRTSPF (y compris un ancien fonctionnaire) sans toutefois être membre de la GRC peut présenter un grief en application de l’article 208 de la LRTSPF. Cette procédure est définie dans le règlement et les conventions collectives. Le dernier niveau de cette procédure de grief est le contrôle judiciaire.

[23]  Les membres réguliers ayant une affection médicale liée au service ont droit à une pension d’invalidité en application de la Loi sur les pensions, dont Anciens Combattants Canada assure la gestion.

[24]  La Couronne se fonde sur plusieurs affaires relativement auxquelles les cours ont décliné compétence, notamment l’arrêt Vaughan c Canada, 2005 CSC 11 [Vaughan]; la décision Lebrasseur c Canada, 2006 CF 852 (confirmée par l’arrêt 2007 FCA 330) [Lebrasseur]; la décision Desrosiers c Canada (Procureur général), 2004 CF 1601 [Desrosiers]; et la décision Galarneau c Canada (Procureur général), 2005 CF 39 [Galarneau].

[25]  Dans Vaughan, la Cour suprême du Canada a conclu qu’en général, la Cour devrait refuser d’exercer sa compétence résiduelle à l’égard des différends concernant des avantages accordés par un règlement dès lors que la loi habilitante « envoi[e] le message très clair » que la décision du sous-ministre devrait être finale (Vaughan, aux paragraphes 17 et 34).

[26]  Dans Lebrasseur, la Cour a conclu qu’étant donné que l’action de la demanderesse reposait sur les mêmes faits que sa demande de pension accueillie, cette action était empêchée par l’article 9 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, qui interdit les actions lorsqu’une pension ou une indemnisation a été payée (Lebrasseur, au paragraphe 31).

[27]  Dans Desrosiers, dans lequel le texte législatif confère à l’agent des griefs compétence pour accorder des dommages-intérêts et des mesures de redressement déclaratoire, la Cour a conclu que l’action des demandeurs était prématurée, car la demande pouvait être traitée au moyen de mécanismes internes (Desrosiers, aux paragraphes 36 et 37).

[28]  Dans Galarneau, la Cour a conclu qu’il existait une procédure interne pour le grief de la demanderesse quant à une question de santé ou de sécurité au travail et que le régime législatif excluait la « juridiction » de la Cour quant à la demande (Galarneau, au paragraphe 70).

[29]  Après avoir examiné les affaires susmentionnées et les avoir comparées à la présente demande envisagée, je ne peux pas conclure que les circonstances sont comparables. Il n’apparaît pas immédiatement que les demandes envisagées peuvent être compensées au moyen d’un programme d’avantages prévu par un règlement (Vaughan) ou d’une pension (Lebrasseur). Je ne peux pas non plus conclure que ces demandes pourraient être gérées intégralement au moyen des mécanismes internes existants de la GRC (Desrosiers et Galarneau). Je souligne de surcroît qu’aucune de ces affaires n’a été examinée à titre de recours collectif.

[30]  Avant 2015, les membres de la GRC n’étaient pas autorisés à se syndiquer aux termes du Règlement de la GRC et ils devaient avoir recours au Programme des représentants des relations fonctionnelles. La Cour suprême du Canada a toutefois conclu dans l’arrêt Association de la police montée de l’Ontario c Canada (Procureur général), 2015 CSC 1 (APMO) que ce système n’était pas indépendant de la direction, de sorte que l’interdiction des négociations collectives pour les membres de la GRC portait atteinte à leur droit à la liberté d’association prévu au paragraphe 2(d) de la Charte canadienne des droits et libertés. Dans cet arrêt, la Cour a mentionné que cette structure de griefs était inadéquate (APMO, aux paragraphes 113 à 116).

[31]  Les demandeurs affirment par ailleurs qu’il n’existe aucun régime complet à la GRC pour gérer les questions qu’ils soulèvent dans le présent recours envisagé. Les demandeurs soulignent les conclusions des rapports et ils affirment qu’en réalité, les mécanismes internes de la GRC constituent le problème.

[32]  Par exemple, le rapport Fraser de 2017 sur le système des griefs à la GRC est rédigé ainsi :

69. […] [M]algré les très bonnes intentions de nombre des personnes concernées, l’organisation en tant qu’entité a du mal à officiellement reconnaître que certaines de ses unités de travail sont dysfonctionnelles.

[...]

70. En essayant de discerner des liens de causalité, je suis amenée à conclure qu’il y a une forte prédisposition au sein de la GRC à défendre les mesures prises afin de protéger son image. […]

73. Ma conclusion globale est que ces quatre personnes croyaient ne pas avoir d’autre choix que d’intenter un procès contre leur employeur. À de nombreux égards, il s’agit d’une indication de la défaillance des mécanismes internes établis pour gérer le conflit en milieu de travail. Le harcèlement en milieu de travail existe depuis longtemps à la GRC. On a l’impression qu’il est généralisé et, selon nombre de personnes, il est le fruit de la culture et de la structure hiérarchique. Par ailleurs, on a le sentiment que, comme le problème est culturel, il est peu probable que la GRC puisse le régler elle-même.

[33]  Il est conclu dans le rapport Fraser que :

[d]es poursuites civiles contre un employeur ne peuvent pas être prises à la légère. Les coûts sont importants tant sur le plan financier que sur le plan émotionnel. Le fait que ces femmes considèrent qu’il est nécessaire de le faire indique que la GRC n’a pas été en mesure de traiter efficacement leurs cas. Ces personnes avaient accès à d’autres mécanismes de recours, mais aucun d’entre eux n’a été considéré efficace (rapport Fraser, aux paragraphes 2 et 3). [Non souligné dans l’original.]

[34]  Le rapport de 2017 de la Commission (affidavit de Mme Van Leeuwen, pièce 49) a été préparé à la demande du ministre de la Sécurité publique de l’époque, Ralph Goodale, qui avait demandé que soit entrepris un examen complet des politiques et des procédures relatives au harcèlement en milieu de travail de la GRC, et plus précisément, d’étudier et d’examiner la mise en œuvre des recommandations issues du Rapport de la Commission de 2013. Il a été conclu dans le rapport de 2017 que la GRC n’a pas correctement mis en œuvre les recommandations qui avaient été formulées dans le rapport de 2013 de la Commission, et que les efforts déployés par les dirigeants principaux de la GRC pour lutter contre le harcèlement « se sont [avérés] de portée limitée et de nature ponctuelle et n’ont pas reçu l’appui nécessaire de la Direction générale ».

[35]  Dans ce contexte, je ne considère pas les demandes envisagées comme des différends en matière d’emploi [traduction] « ordinaires ». Les auteurs des rapports appuient l’allégation des demandeurs selon laquelle les procédures internes de règlement des différends au sein de la GRC posent des problèmes systémiques. Ils appuient également les arguments des demandeurs selon lesquels ces problèmes systémiques vont au-delà des questions de genre et d’orientation sexuelle, et qu’ils sont généralisés et omniprésents.

[36]  Les procédures internes de la GRC semblent ne pas pouvoir offrir des recours ou des indemnisations relativement à des schémas de carrière défavorisés ou les dommages causés aux membres des familles touchées par les comportements allégués. Par conséquent, les procédures internes peuvent ne pas offrir de mesure de redressement adéquate, voire n’en fournir aucune, pour certaines des demandes présentées. Enfin, les procédures internes et la manière dont elles sont ou ne sont pas gérées constituent une composante essentielle des demandes présentées par les demandeurs.

[37]  Le recours collectif envisagé constitue une attaque à l’encontre des procédures de la GRC et il les remet directement en question, y compris le système des griefs dans son ensemble. L’une des questions communes présentées consiste à savoir si la GRC a fait preuve de négligence dans l’exécution de sa procédure des griefs.

[38]  Je m’arrête ici pour souligner qu’en autorisant la présente instance, la Cour n’examine ni n’évalue le bien-fondé des demandes envisagées. La Couronne pourrait obtenir gain de cause dans sa défense contre ces demandes, mais à cette étape, il serait prématuré d’examiner le bien-fondé des demandes envisagées ou des défenses possibles.

[39]  Enfin, la Couronne ne fait pas valoir que la Cour n’a pas compétence, mais elle affirme que la Cour devrait refuser d’exercer cette compétence au profit d’autres procédures. Pour les motifs énoncés précédemment, je ne peux toutefois conclure que les solutions internes, qui ont été reconnues comme problématiques et défectueuses, fournissent une mesure de redressement complète, si tant est qu’elles en fournissent une, pour les demandes que les demandeurs souhaitent présenter dans le contexte de ce recours collectif.

B.  Les demandeurs satisfont-ils au critère d’autorisation prévu au paragraphe 334.16(1) des Règles des Cours fédérales?

[40]  Le paragraphe 334.16(1) des Règles des Cours fédérales est rédigé ainsi :

334.16(1) Sous réserve du paragraphe (3), le juge autorise une instance comme recours collectif si les conditions suivantes sont réunies :

334.16(1) Subject to subsection (3), a judge shall, by order, certify a proceeding as a class proceeding if

a) les actes de procédure révèlent une cause d’action valable;

(a) the pleadings disclose a reasonable cause of action;

b) il existe un groupe identifiable formé d’au moins deux personnes;

(b) there is an identifiable class of two or more persons;

c) les réclamations des membres du groupe soulèvent des points de droit ou de fait communs, que ceux-ci prédominent ou non sur ceux qui ne concernent qu’un membre;

(c) the claims of the class members raise common questions of law or fact, whether or not those common questions predominate over questions affecting only individual members;

d) le recours collectif est le meilleur moyen de régler, de façon juste et efficace, les points de droit ou de fait communs;

(d) a class proceeding is the preferable procedure for the just and efficient resolution of the common questions of law or fact; and

e) il existe un représentant demandeur qui :

(e) there is a representative plaintiff or applicant who

(i) représenterait de façon équitable et adéquate les intérêts du groupe,

(i) would fairly and adequately represent the interests of the class,

(ii) a élaboré un plan qui propose une méthode efficace pour poursuivre l’instance au nom du groupe et tenir les membres du groupe informés de son déroulement,

(ii) has prepared a plan for the proceeding that sets out a workable method of advancing the proceeding on behalf of the class and of notifying class members as to how the proceeding is progressing,

(iii) n’a pas de conflit d’intérêts avec d’autres membres du groupe en ce qui concerne les points de droit ou de fait communs,

(iii) does not have, on the common questions of law or fact, an interest that is in conflict with the interests of other class members, and

(iv) communique un sommaire des conventions relatives aux honoraires et débours qui sont intervenues entre lui et l’avocat inscrit au dossier.

(iv) provides a summary of any agreements respecting fees and disbursements between the representative plaintiff or applicant and the solicitor of record.

 

Cause d’action valable

[41]  Dans une requête en autorisation, la Cour n’a pas pour tâche de trancher des faits ou des éléments de preuve contradictoires ni d’examiner la solidité du dossier. Sa tâche consiste simplement à vérifier, à un certain niveau, si l’instance peut se poursuivre en tant que recours collectif (arrêt Wenham c Canada (Procureur général), 2018 CAF 199, au paragraphe 28 [Wenham] citant l’arrêt Pro‑Sys Consultants Ltd c Microsoft Corporation, 2013 CSC 57, aux paragraphes 99 et 102 [Pro‑Sys Consultants]).

[42]  Les faits pertinents pour appuyer les demandes présentées par M. Greenwood et M. Gray figurent aux paragraphes 40 à 106 de la déclaration. L’examen d’une « cause d’action raisonnable » est fondé sur la présomption selon laquelle les faits présentés dans la déclaration sont véridiques (Condon c Canada, 2015 CAF 159, au paragraphe 13).

[43]  Outre les circonstances factuelles qui leur sont propres, les demandeurs se fondent également sur les constatations des rapports mentionnés précédemment.

[44]  Les Cours ont reconnu des allégations de [traduction] « négligence systémique » dans les arrêts Davidson c Canada (Attorney General) (2015 ONSC 8008) [Davidson] et Rumley c Colombie‑Britannique (2001 CSC 69) [Rumley]. De même, des allégations de harcèlement systémique au sein de la GRC ont satisfait à l’exigence de cause d’action dans les Merlo et Tiller.

[45]  La demande à l’encontre de la Couronne est fondée sur sa responsabilité du fait d’autrui pour les actes collectifs de la direction de la GRC. Autrement dit, la GRC a fait preuve de négligence systémique dans des actes, des omissions et des décisions prises par des membres individuels (consulter l’arrêt White v Canada (Attorney General), 2002 BCSC 1164, au paragraphe 47 [White]).

[46]  La Couronne fait valoir que les demandeurs plaident une cause d’action qui n’a pas de possibilité raisonnable d’être accueillie (R. c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, et AIC Limitée c Fischer, 2013 CSC 69 [Fischer]). La Couronne affirme que cette affaire est semblable à celle de l’arrêt Merrifield v Canada (Attorney General), 2019 ONCA 205, [Merrifield], dans lequel la Cour d’appel de l’Ontario a conclu à l’absence de délit de harcèlement.

[47]  La Couronne affirme en outre que la Cour devrait suivre les directives de la Cour d’appel de l’Ontario qui, dans l’arrêt Piresferreira v Ayotte, 2010 ONCA 384, a rejeté l’allégation d’infliction de souffrances morales par négligence à un employé par son employeur. La Cour a conclu que, puisque l’employé avait accès à d’autres voies de recours, par exemple une demande de congédiement déguisé, la Cour devait par conséquent s’abstenir d’offrir une voie de recours. La Couronne affirme que ce principe énoncé dans Piresferreira a été confirmé de nouveau dans Merrifield et dans les arrêts Colistro c Tbaytel (2019 ONCA 197) et Boucher v Wal‑Mart Canada Corp (2014 ONCA 419).

[48]  Je suis d’avis que la Couronne, en se fondant sur ces arrêts (Piresferreira et Merrifield), a adopté une interprétation trop étroite de la nature des demandes envisagées dans le présent recours collectif. Ces demandes ne constituent pas de [traduction] « simples » différends en milieu de travail. Elles sont fondées sur une négligence systémique en matière d’intimidation et de harcèlement, et elles attaquent les procédures et les systèmes mêmes qui, selon la Couronne, peuvent et devraient offrir une voie de recours.

[49]  Par conséquent, je ne peux pas conclure qu’il est [traduction] « évident et manifeste » que les demandes seront rejetées (arrêt Bennett v Hydro One, 2017 ONSC 7065, au paragraphe 62 [Hydro One]). Même si la Couronne s’oppose au fait que les demandeurs se fondent sur les divers rapports susmentionnés, pour obtenir une autorisation, et sur l’exigence d’un [traduction] « certain fondement factuel », je suis d’avis que les faits énoncés dans la déclaration jointe aux rapports offrent les éléments de preuve nécessaires pour confirmer l’existence d’une cause d’action valable.

[50]  Je conclus qu’une cause d’action valable a été établie conformément à l’alinéa 334.16(1)a) des Règles des Cours fédérales.

Groupe identifiable

[51]  Un groupe identifiable nécessite « […] “ un certain fondement factuel ” à l’appui d’une définition objective du groupe qui a un lien rationnel avec les questions communes et qui ne dépend pas de l’issue du litige » (Wenham, au paragraphe 69, citant l’arrêt Western Canadian Shopping Centres Inc c Dutton, 2001 CSC 46, au paragraphe 38 [Western Canadian Shopping Centres] et l’arrêt Hollick c Toronto (Ville), 2001 CSC 68, aux paragraphes 19 et 25 [Hollick]).

[52]  Dans Pro‑Sys Consultants, la Cour suprême du Canada a confirmé (au paragraphe 108) qu’il n’est pas nécessaire que les membres du groupe soient tous dans la même situation, mais qu’ils doivent tous profiter du dénouement favorable de l’action. Dans l’arrêt Cloud v Canada (Attorney General), 247 DLR (4th) 667, au paragraphe 45, la Cour d’appel de l’Ontario a expliqué l’exigence ainsi :

[traduction]
[…] une obligation, quoique légère, de démontrer que le groupe n’est pas inutilement grand et qu’il ne peut être réduit sans exclure de manière arbitraire certaines personnes qui ont les mêmes intérêts à l’égard du règlement des questions communes.

[53]  La définition du groupe proposé par les demandeurs se lit comme suit :

[traduction]
Toute personne résidant au Canada qui est ou a été un membre régulier, un membre des gendarmes spéciaux, un réserviste, un gendarme spécial à titre surnuméraire, un membre civil ou un fonctionnaire fédéral aux termes de l’article 10 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R‑10, un bénévole, un gendarme auxiliaire, l’employé d’un organisme à but non lucratif, un employé civil temporaire, un employé occasionnel, un employé pour une durée déterminée, un cadet, un précadet, un étudiant, un employé contractuel, un employé municipal ou une autre personne qui collabore ou a collaboré avec la GRC (le groupe).

Toute personne ayant le droit de faire valoir une demande en application de la Loi sur le droit de la famille, LRO 1990, c F.3, ou d’une loi équivalente ou comparable en vigueur dans une autre province ou un autre territoire (le groupe de familles).

[54]  Le groupe exclut toute personne étant concernée par d’autres règlements liés à la GRC (en particulier celles ayant présenté des demandes fondées sur le harcèlement sexuel ou lié au genre dans le contexte de Merlo et des demandes fondées sur le harcèlement lié à l’orientation sexuelle dans le contexte de Ross et al).

[55]  Même si les demandeurs reconnaissent que le groupe, ainsi défini, peut comprendre des milliers de personnes, ils affirment néanmoins qu’il est identifiable. Les demandeurs soutiennent que la GRC connaît ces personnes, car elles ont toutes eu un lien quelconque avec la GRC et qu’elles devraient figurer dans le Système d’information sur la gestion des ressources humaines.

[56]  La définition du groupe comprenant les personnes qui ont travaillé pour la GRC ou collaboré avec elle comprend les caractéristiques communes de l’intervention professionnelle auprès de la GRC et de l’assujettissement aux politiques internes de la GRC. Je suis d’avis que ces caractéristiques communes ont un lien rationnel avec l’allégation de négligence systémique caractérisée par l’intimidation et le harcèlement en milieu de travail.

[57]  La Couronne affirme que le groupe est trop vaste et qu’il comprend des personnes qui ont l’interdiction de présenter une demande en application de la LRTSPF. Je suis d’avis que la taille du groupe ne constitue pas à elle seule un motif pour refuser d’autoriser le groupe. L’argument selon lequel certaines demandes pourraient être prescrites constitue une défense que la Couronne peut soulever, mais pas un motif de refus d’autorisation.

[58]  En l’espèce, la définition du groupe, même si elle peut inclure un groupe de personnes important, satisfait aux critères de l’alinéa 334.16(1)b) des Règles des Cours fédérales, de sorte que les demandeurs ont satisfait à l’exigence de « groupe identifiable » du critère d’autorisation.

Questions communes

[59]  Dans l’arrêt Vivendi Canada Inc c Dell’Aniello, 2014 CSC 1, au paragraphe 46 (Vivendi), la Cour suprême du Canada a expliqué ce qui suit :

[…] une question sera considérée comme commune si elle permet de faire progresser le règlement de la réclamation de chacun des membres du groupe. En conséquence, la question commune peut exiger des réponses nuancées et diverses selon la situation de chaque membre. Le critère de la communauté de questions n’exige pas une réponse identique pour tous les membres du groupe, ni même que la réponse bénéficie dans la même mesure à chacun d’entre eux. Il suffit que la réponse à la question ne crée pas de conflits d’intérêts entre les membres du groupe.

[60]  Dans Vivendi, au paragraphe 72, la Cour suprême du Canada a confirmé que le seuil requis pour conclure à la présence de questions communes « est peu élevé ». De même, les Cours devraient adopter une approche téléologique lorsqu’elles évaluent les questions communes (arrêt Pro-Sys Consultants, au paragraphe 108). Il doit toutefois exister un certain fondement probatoire ou « un certain fondement factuel » démontrant que les questions communes constituent plus qu’une simple affirmation à l’audience (Hollick, au paragraphe 25).

[61]  Les demandeurs proposent les questions communes qui suivent :

[traduction]
Négligence

1) La GRC, par l’entremise de ses agents, de ses préposés et de ses employés, a-t-elle un devoir de diligence envers les demandeurs et les autres membres du groupe principal, consistant à prendre des mesures raisonnables d’exploitation et de gestion de la Force afin de fournir à ces personnes un environnement de travail exempt d’intimidation et de harcèlement?

2) Dans l’affirmative, la GRC a-t-elle manqué à ce devoir du fait de ses agents, de ses préposés et de ses employés?

3) Dans l’affirmative, la Couronne est-elle responsable du fait d’autrui à l’égard du manquement de ses agents, de ses préposés et de ses employés à la GRC, à savoir de prendre des mesures raisonnables d’exploitation et de gestion de la Force afin de fournir un environnement de travail exempt d’intimidation et de harcèlement?

Dommages-intérêts

4) La Cour peut-elle procéder à une évaluation globale de tous les dommages-intérêts dans le contexte du procès sur les questions communes? Dans l’affirmative, au profit de qui? Dans quelle mesure?

5) Le comportement en cause justifie-t-il l’adjudication de dommages-intérêts majorés, exemplaires et/ou punitifs?

[62]  En l’espèce, comme dans Rumley, la question consiste à savoir si les membres du groupe bénéficient d’une obligation de diligence de la part de la GRC et s’il y a eu manquement à cette obligation du fait de l’inefficacité alléguée de la politique en matière de harcèlement de la GRC. Les demandeurs prétendent que les questions sont communes à chacun des membres du groupe, car tous ont été exposés à la [traduction] « culture générale fondée sur l’intimidation et le harcèlement en général ». Les demandeurs affirment qu’il existe à la GRC une politique en matière de harcèlement commune à tout l’organisme. Par conséquent, le devoir de diligence s’applique à l’ensemble du groupe.

[63]  La deuxième question concerne le manquement à l’obligation, qui constitue l’élément central de la demande des demandeurs. Je suis d’avis qu’il pourrait s’agir de l’aspect le plus complexe de la demande. Toutefois, quel que soit son degré de complexité, à ce stade, il ne constitue pas un motif de refus d’autorisation (Cloud, au paragraphe 97).

[64]  Les demandeurs prétendent que la détermination de la responsabilité du fait d’autrui est commune à tous les membres du groupe, car il s’agit de déterminer si la Couronne est responsable ou non du manquement de la GRC. La question de la responsabilité du fait d’autrui est liée à la nature systémique des demandes de la GRC.

[65]  Les demandeurs soulignent que le harcèlement à caractère non sexuel a été reconnu dans les rapports, notamment le rapport de 2017 de la Commission, le rapport Brown de 2007 et le rapport Rêves brisés de décembre 2014. Les demandeurs soutiennent que ces rapports fournissent [traduction] « certains » éléments de preuve relativement à la question commune. Plus précisément, dans ces rapports, il est souligné que le harcèlement va au-delà d’un harcèlement fondé sur le genre.

[66]  En ce qui concerne la question des dommages-intérêts, les demandeurs affirment qu’il est possible de procéder à leur évaluation globale (Cloud, au paragraphe 70). Les auteurs des rapports soutiennent également qu’il pourrait être adéquat d’adjuger des dommages-intérêts punitifs, compte tenu des connaissances et du comportement des personnes responsables à la GRC.

[67]  Les demandeurs prétendent que les questions communes satisfont aux exigences, puisque le seuil requis est peu élevé (Wenham et Pro‑Sys Consultants). Je suis d’accord avec les demandeurs pour dire qu’ils satisfont au seuil peu élevé à l’égard des éléments de preuve pour ce volet du critère, même s’il y existe des questions en litige individuelles. La présence de questions individuelles n’invalide pas les questions communes; ce point est plus pertinent pour l’analyse de la meilleure procédure que pour l’analyse des questions communes (Cloud, aux paragraphes 61 et 65).

[68]  La Couronne fait valoir le nombre faible, voire nul, de questions communes. Elle affirme que le groupe proposé en l’espèce est semblable à celui dans Hydro One où la demande portait sur les prix excessifs demandés par la société Hydro One à ses clients. Dans cet arrêt, l’inadéquation de la conception du système n’a pas été considérée comme un élément essentiel dans la demande de chaque membre, de sorte que la négligence systémique ne constitue pas une question commune à tous les membres du groupe. Par conséquent, la Cour a conclu que tous les membres du groupe n’auraient pas profité du dénouement favorable de l’action et que certains seraient même exposés à un préjudice en cas de demande reconventionnelle (Hydro One, au paragraphe 96).

[69]  J’estime que l’analyse dans Hydro One ne s’applique pas aux allégations présentées en l’espèce, pour le motif que les intérêts des membres du groupe concordent en ce qui a trait au dénouement de l’action. Même si je reconnais que la GRC exerce ses activités dans plusieurs environnements différents, la caractéristique commune en l’espèce est que la GRC est un organisme [traduction] « unique » qui applique la même politique en matière de harcèlement à l’échelle de l’organisation. Contrairement à Hydro One, tous les membres du groupe envisagé profiteraient d’un verdict sur les questions communes. De même, aucun scénario de demande reconventionnelle n’est possible en l’espèce, contrairement à ce qui était le cas dans Hydro One.

[70]  Les faits présentés dans la déclaration et dans les rapports sont suffisants pour satisfaire à l’exigence d’un « certain fondement factuel ». Je conclus par conséquent que l’objectif à l’égard des questions communes, tel qu’il est exigé à l’alinéa 334.16(1)c) des Règles des Cours fédérales, est atteint en l’espèce.

Meilleure procédure

[71]  Les critères pertinents pour décider si un recours collectif constitue la meilleure procédure sont définis comme suit au paragraphe 334.16(2) des Règles des Cours fédérales :

(2) Pour décider si le recours collectif est le meilleur moyen de régler les points de droit ou de fait communs de façon juste et efficace, tous les facteurs pertinents sont pris en compte, notamment les suivants :

(2) All relevant matters shall be considered in a determination of whether a class proceeding is the preferable procedure for the just and efficient resolution of the common questions of law or fact, including whether

a) la prédominance des points de droit ou de fait communs sur ceux qui ne concernent que certains membres;

(a) the questions of law or fact common to the class members predominate over any questions affecting only individual members;

b) la proportion de membres du groupe qui ont un intérêt légitime à poursuivre des instances séparées;

(b) a significant number of the members of the class have a valid interest in individually controlling the prosecution of separate proceedings;

c) le fait que le recours collectif porte ou non sur des réclamations qui ont fait ou qui font l’objet d’autres instances;

(c) the class proceeding would involve claims that are or have been the subject of any other proceeding; 

d) l’aspect pratique ou l’efficacité moindres des autres moyens de régler les réclamations;

(d) other means of resolving the claims are less practical or less efficient; and

e) les difficultés accrues engendrées par la gestion du recours collectif par rapport à celles associées à la gestion d’autres mesures de redressement.

(e) the administration of the class proceeding would create greater difficulties than those likely to be experienced if relief were sought by other means.

 

[72]  Outre les critères qui précèdent, l’analyse de l’adéquation prend également en compte trois principaux objectifs : 1) l’économie des ressources judiciaires, 2) la modification des comportements et 3) l’accès à la justice (Fischer, au paragraphe 22). Les demandeurs n’ont pas à prouver que le recours collectif réalisera pleinement ces objectifs, mais seulement qu’il s’agit d’un meilleur moyen que d’autres (Fischer au paragraphe 23). Par ailleurs, « […] le critère du meilleur moyen est assez large pour englober “ tous les moyens raisonnables offerts pour régler les demandes des membres du groupe ”, notamment les voies de droit autre que les poursuites judiciaires » (Fischer, au paragraphe 19). Un autre moyen n’a pas besoin de trancher « les aspects juridiques ou factuels précis des questions communes », dans la mesure où il « permet de régler les demandes des membres du groupe » (Fischer, au paragraphe 19). Par conséquent, l’approche adéquate consiste à vérifier quelle est la solution permettant d’atteindre au mieux les trois objectifs, en gardant à l’esprit qu’il n’est pas nécessaire de tous les atteindre ou de faire participer la Cour à la résolution, mais qu’il faut régler les demandes des membres du groupe envisagé.

[73]  Aux termes de l’alinéa 334.16(2)a) des Règles des Cours fédérales, la Cour examine la prédominance des questions communes de droit ou de fait sur les autres questions en litige. La cause d’action en l’espèce est présentée comme une négligence systémique, de sorte que les questions communes de fait ou de droit prédominent nécessairement, car ce point découle de l’effet cumulé de [traduction] « décisions, omissions ou actes isolés [qui ont été] dirigés contre un ensemble de situations en général, et non des situations précises » (White, au paragraphe 47). Par exemple, l’allégation selon laquelle le défaut ou l’omission de la GRC de mettre en place une politique efficace de lutte contre le harcèlement constitue une [traduction] « question fondamentale » en l’espèce, autrement dit la question de savoir si la GRC aurait dû intervenir différemment afin de lutter contre l’intimidation et le harcèlement (voir Rumley, au paragraphe 36). Cette omission est de nature générale et elle rassemble tous les membres du groupe, car ils ont tous été assujettis à la politique défaillante.

[74]  Concernant les alinéas 334.16(2)b) et c) des Règles des Cours fédérales, aucun élément de preuve en l’espèce n’indique que d’autres personnes ont essayé ou essaient de présenter une demande similaire. En outre, les membres participant à d’autres recours collectifs à l’encontre de la GRC sont écartés du présent recours collectif.

[75]  Concernant l’alinéa 334.16(2)d) des Règles des Cours fédérales, les seules autres procédures [traduction] « offertes » aux demandeurs sont les procédures internes de la GRC que j’ai déjà examinées en détail précédemment. Outre ces observations, je souligne qu’il est probablement plus pratique de traiter les questions liées aux polices et à l’administration d’un organisme vaste tel que la GRC au moyen d’un recours collectif, au lieu de recours individuels (Rumley, au paragraphe 38). Un recours collectif réduit le fardeau financier qui pèse sur les personnes et il leur permet « […] de payer des avocats spécialisés en recours collectif et des experts médicaux chevronnés qui peuvent aider la Cour à comprendre l’affaire » (Wenham, au paragraphe 86).

[76]  Les considérations concernant l’alinéa 334.16(2)e) des Règles des Cours fédérales, à savoir si le recours collectif engendrerait des difficultés accrues par rapport à celles associées à d’autres mesures de redressement, penchent elles aussi en faveur d’une autorisation. Selon les éléments de preuve, l’intimidation et le harcèlement ont eu des effets néfastes sur la santé physique et mentale de M. Greenwood et de M. Gray. M. Greenwood souffre d’un syndrome de stress post-traumatique. M. Gray souffre quant à lui de dépression et d’un trouble de stress. Il est probable que d’autres membres du groupe souffrent de troubles semblables. Par conséquent, je conclus qu’un recours collectif atténuerait probablement les difficultés que les membres du groupe doivent surmonter pour présenter leur demande, sans craindre de représailles. Tous ces éléments sont considérés comme des obstacles à l’accès à la justice (Fischer, au paragraphe 27).

[77]  Comme je l’ai mentionné précédemment, la question de l’économie des ressources de la justice a été soulevée par la Couronne comme fondement de la Cour pour refuser l’autorisation. Toutefois, même si certains des membres du groupe ont la possibilité de recourir à des mécanismes internes, d’autres ne l’ont peut-être pas. Ceux qui ont accès à des mécanismes internes pourraient demander l’examen judiciaire des décisions individuelles les concernant ou intenter une action civile. L’avocate spécialisée en recours collectif affirme avoir communiqué avec des centaines de membres du groupe potentiels. Si chacun introduisait sa propre instance, il y aurait très probablement un chevauchement des recherches de fait et des analyses juridiques. Cela serait contraire à l’objectif du recours collectif qui consiste à économiser les ressources de la justice (Hollick, au paragraphe 15).

[78]  L’accès à la justice est souvent présenté comme une question économique, ce qui constitue très certainement une préoccupation pour la plupart des membres du groupe proposé, car peu de personnes peuvent assumer les frais liés à une procédure contentieuse. Une instance sous la forme d’un recours collectif permet de régler cette question économique en répartissant les coûts, et cela peut, dans une certaine mesure, remédier à la vulnérabilité de certains membres du groupe. En permettant à des représentants demandeurs de représenter le groupe, les autres se voient épargner le stress lié à la présentation de leur propre instance. En outre, les membres du groupe pourraient éprouver moins de crainte de représailles personnelles, car un recours collectif comprend une part d’anonymat.

[79]  Le présent recours collectif pourrait également servir l’objectif de modification des comportements. Les rapports démontrent que la GRC n’a pas réussi à introduire des changements importants. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer, notamment le fait que la haute direction est composée en majeure partie d’officiers qui ont gravi les échelons au cours d’une période à laquelle la GRC avait un problème de culture. De même, il est possible que les problèmes persistent du fait que la GRC n’a pas assuré le suivi des données sur les niveaux de harcèlement, l’efficacité des mesures de lutte contre les représailles, l’absentéisme pour cause de harcèlement ou encore le nombre de bénéficiaires d’une pension à cause du harcèlement.

[80]  Même si la GRC a pris des mesures positives en créant un comité de surveillance civile, qui a été annoncé en janvier 2019, ces mesures sont orientées vers l’avenir et elles pourraient ne pas offrir de recours à ceux qui ont déjà souffert de mauvais comportements.

[81]  Compte tenu de la nature de l’allégation, à savoir la négligence systémique, je suis d’avis qu’un recours collectif est justifié par les motifs sous-jacents d’économie des ressources de la justice, de modification des comportements et d’accès à la justice.

Adéquation des représentants demandeurs

[82]  Le demandeur, M. Greenwood, est un membre régulier de la GRC actuellement sergent d’état-major. Il a commencé sa carrière en 1990. Au paragraphe 9 de son affidavit, il décrit sa collaboration avec d’autres personnes au sein de la GRC comme suit :

[traduction]
Tout au long de ma carrière dans des détachements et à des postes divers, j’ai collaboré avec des membres civils, des fonctionnaires, des employés municipaux (y compris des employés municipaux temporaires ou occasionnels), des employés civils temporaires, des gendarmes spéciaux, des membres spéciaux, des gendarmes spéciaux à titre surnuméraire (stagiaire d’été), des commissaires, des gendarmes auxiliaires et d’autres volontaires, tels que ceux des services aux victimes. La GRC ne pourrait pas fonctionner sans le travail de ces personnes. Je pense que, collectivement, elles assument environ 80 % de la charge de travail de la GRC, qu’elles baignent dans la culture de la GRC et que l’on attend d’elles un comportement conforme aux normes fondamentales de la GRC.

[83]  M. Greenwood affirme dans son affidavit avoir souffert de limitations dans la progression de sa carrière et de blessures physiques et psychologiques en raison de la manière dont il a été traité par la GRC. Il explique avoir été ridiculisé, avoir fait l’objet de plaintes sans fondement et subi les conséquences de violations du Code de conduite, ainsi qu’avoir reçu des évaluations de rendement injustement négatives.

[84]  Aux paragraphes 41, 42 et 43 de son affidavit, M. Greenwood explique les répercussions physiques et psychologiques de ce harcèlement. Au paragraphe 50, il affirme avoir craint des représailles, des sanctions et des punitions pour avoir dénoncé le système. Il souligne également que le coût financier de sa propre procédure contentieuse l’a empêché d’intenter une action civile, ce qui explique sa demande actuelle de recours collectif au nom des autres personnes qui ont subi le même sort.

[85]  Le demandeur Todd Gray est un membre régulier de la GRC qui détient actuellement un grade de sergent. Il a commencé sa carrière en 1988. Au paragraphe 8 de son affidavit, il décrit les fonctions diverses qu’il a occupées au sein de la GRC :

[traduction]
J’ai eu l’occasion, au cours de ma carrière, de travailler à la GRC et d’observer sa culture partout au pays. J’ai travaillé au détachement de Clinton, en Colombie-Britannique, de 1989 à 1990, et au détachement de Coquitlam, en Colombie-Britannique, de 1990 à 1995. En 1995, j’ai commencé à travailler au Carrousel de la GRC. Après cela, j’ai intégré l’équipe d’intervention d’urgence (EIT) d’Ottawa, en Ontario, de 1998 à 2000. En 2000, j’ai été muté au détachement de Kugluktuq, au Nunavut. En 2002, j’ai réintégré l’EIT jusqu’en 2005. En 2005, je suis allé travailler à la division Depot, en Saskatchewan, d’abord en tant qu’animateur en Sciences policières appliquées, puis dans le domaine des Tactiques de défense policières jusqu’en 2010. En 2010, j’ai été muté à Prince George, en Colombie-Britannique, où j’ai travaillé en tant que sergent jusqu’en 2014. En 2014, je suis allé à Hinton, en Alberta. J’ai travaillé au détachement de Hinton jusqu’en 2017, où j’ai été envoyé au détachement de Fox Creek en tant qu’officier d’état-major responsable. J’ai intégré récemment le détachement d’Airdrie, comme je l’ai indiqué précédemment.

[86]  Au paragraphe 11, il décrit ses expériences en ce qui a trait à la question commune :

[traduction]
Au cours de ma carrière, j’ai été le témoin ou la victime de plusieurs cas d’intimidation et de harcèlement. Trois affaires m’ont marqué : 1) mes expériences au Carrousel de la GRC, 2) la manière dont j’ai été traité pour avoir signalé mes préoccupations quant au comportement de mon commandant divisionnaire à l’égard des peuples des Premières Nations de Kugluktuq, au Nunavut, et 3) l’environnement dans lequel j’ai travaillé à Hinton, en Alberta, après le dépôt d’une plainte à mon encontre, qui s’est avérée sans fondement.

[87]  M. Gray estime avoir subi des blessures physiques et psychologiques en raison de la manière dont il a été traité tout au long de sa carrière. Il affirme avoir été forcé de monter à cheval alors qu’il souffrait d’une blessure au dos. Il explique également avoir subi des représailles sous la forme de violations du Code de conduite. Il affirme avoir été agressé physiquement et obligé à se mettre nu devant une superviseuse.

[88]  Au paragraphe 37 de son affidavit, M. Gray explique le stress psychologique qu’il a enduré. Aux paragraphes 43 et 44 de son affidavit, il explique les répercussions que son traitement a eues sur l’emploi de son épouse. Il explique que son épouse et son fils ont souffert du fait de son traitement.

[89]  Aux paragraphes 46 et 49 de son affidavit, M. Gray affirme avoir été préoccupé par les répercussions qu’aurait eue une action intentée contre la GRC. Il souligne également que d’un point de vue financier, il ne pourrait pas assumer les frais liés à une procédure contentieuse si le présent recours collectif n’était pas autorisé.

[90]  M. Grey et M. Grenwood déclarent tous les deux être prêts à surveiller la progression de l’instance, à consulter l’avocat et à transmettre des instructions, ainsi qu’à participer si nécessaire. Ils s’engagent également à veiller à ce que les membres du groupe soient tenus au courant des événements importants à mesure que l’instance progressera et qu’ils feront de leur mieux pour protéger les intérêts des membres du groupe.

[91]  La Couronne soutient que M. Greenwood et M. Gray ont tous les deux l’interdiction de présenter une demande en application des dispositions de la Loi sur les pensions, et que par conséquent, leurs demandes ne sont pas valables. La Couronne se fonde sur l’article 9 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C‑50, selon lequel l’État n’est pas susceptible de poursuites en cas de paiement d’une pension (Sarvanis c Canada, 2002 CSC 28, au paragraphe 28). Toutefois, dans Sarvanis, la Cour suprême du Canada souligne également au paragraphe 27 qu’il « importe de reconnaître que la perte dont l’indemnisation est écartée par la loi doit être la même que celle qui crée le droit à la pension ou à l’indemnité pertinente ». La Cour poursuit comme suit au paragraphe 28 :

[…] [B]ien que libellé en termes larges, l’art. 9 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif n’en exige pas moins que, pour qu’elle fasse obstacle à une action contre l’État, la pension ou l’indemnité payée ou payable ait le même fondement factuel que l’action.

[92]  Il est prématuré en l’espèce d’examiner la faisabilité de la mise en application de l’article 9. Même si M. Greenwood touche une pension, il n’est pas évident qu’il la reçoive pour des motifs dont le fondement factuel est le même que celui de la question commune envisagée. De même, bien que M. Gray ne touche aucune pension, l’arrêt Sarvanis ne s’appliquerait pas à son cas pour le même motif, à savoir qu’il n’est pas évident qu’il reçoive une pension pour des motifs dont le fondement factuel est le même que celui qui sous-tend la question commune.

[93]  Quoi qu’il en soit, la Couronne aura l’occasion de soulever ces questions à titre de défense.

[94]  Je conclus par conséquent que M. Greenwood et M. Gray représenteront le groupe de manière satisfaisante et qu’ils répondent aux exigences de l’alinéa 334.16(1)e) pour être des représentants demandeurs.

Plan de déroulement de l’instance

[95]  Dans Wenham, la Cour d’appel fédérale a souligné qu’un plan de déroulement de l’instance est un travail en constante évolution, que les Cours doivent reconnaître qu’il n’est pas « coulé dans le béton » et qu’il peut être modifié au fur et à mesure du déroulement du litige (Wenham, au paragraphe 103).

[96]  Même si la Cour ne doit pas examiner dans les moindres détails le plan de déroulement de l’instance, elle doit vérifier qu’il satisfait aux exigences minimales et qu’il démontre la faisabilité de l’instance (Griffin v Dell Canada Inc, [2009] OJ No 418, au paragraphe 102).

[97]  Le plan de déroulement de l’instance présenté en l’espèce comprend les éléments essentiels pour les prochaines étapes du présent dossier, notamment un plan des communications, un programme des notifications, des plans pour les interrogatoires préalables et les communications préalables de documents, le choix des experts et l’évaluation des dommages-intérêts.

[98]  Même si je prévois que plusieurs requêtes seront nécessaires pour mettre au point le plan de déroulement de l’instance, à cette étape, il satisfait aux exigences minimales.

Conclusion

[99]  Pour les motifs qui précèdent, j’accueille la requête et j’ordonne que l’instance soit autorisée en tant que recours collectif.


ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T-1201-18

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La présente instance est par la présente autorisée en tant que recours collectif.

  2. La définition du groupe est la suivante :

Toute personne résidant au Canada qui est ou a été un membre régulier, un membre des gendarmes spéciaux, un réserviste, un gendarme spécial à titre surnuméraire, un membre civil ou un fonctionnaire fédéral aux termes de l’article 10 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10, un bénévole, un gendarme auxiliaire, l’employé d’un organisme à but non lucratif, un employé civil temporaire, un employé occasionnel, un employé pour une durée déterminée, un cadet, un précadet, un étudiant, un employé contractuel, un employé municipal ou une autre personne qui collabore ou a collaboré avec la GRC (le groupe).

Toute personne ayant le droit de faire valoir une demande en application de la Loi sur le droit de la famille, LRO 1990, c F.3, ou d’une loi équivalente ou comparable en vigueur dans une autre province ou un autre territoire (le groupe de familles).

  1. Geoffrey Greenwood et Todd Gray sont nommés à titre de représentants demandeurs pour le groupe.

  2. Les questions communes sont approuvées comme suit :

[traduction]
Négligence

  • 1) La GRC, par l’entremise de ses agents, de ses préposés et de ses employés, a-t-elle un devoir de diligence envers les demandeurs et les autres membres du groupe principal, consistant à prendre des mesures raisonnables d’exploitation et de gestion de la Force afin de fournir à ces personnes un environnement de travail exempt d’intimidation et de harcèlement?

  • 2) Dans l’affirmative, la GRC a-t-elle manqué à ce devoir du fait de ses agents, de ses préposés et de ses employés?

  • 3) Dans l’affirmative, la Couronne est-elle responsable du fait d’autrui à l’égard du manquement de ses agents, de ses préposés et de ses employés à la GRC, à savoir de prendre des mesures raisonnables d’exploitation et de gestion de la Force afin de fournir un environnement de travail exempt d’intimidation et de harcèlement?

Dommages-intérêts

  • 4) La Cour peut-elle procéder à une évaluation globale de tous les dommages-intérêts dans le contexte du procès sur les questions communes? Dans l’affirmative, au profit de qui? Dans quelle mesure?

  • 5) Le comportement en cause justifie-t-il l’adjudication de dommages-intérêts majorés, exemplaires et/ou punitifs?

  1. Le plan de déroulement de l’instance, y compris l’avis d’autorisation et le projet de distribution, est approuvé. Ces documents devront être fournis dans les deux langues officielles.

  2. Aucun autre recours collectif ne peut être intenté à l’égard des questions en litige traitées dans la présente instance, sauf sur autorisation de la Cour.

  3. En application du paragraphe 334.39(1) des Règles des Cours fédérales, aucuns dépens ne sont adjugés.

« Ann Marie McDonald »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1201-18

 

INTITULÉ :

GEOFFREY GREENWOOD ET TODD GRAY c SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 18 et 19 juin 2019 et le 24 septembre 2019

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

 

DATE DES MOTIFS :

Le 23 janvier 2020

 

COMPARUTIONS :

Won J. Kim

Megan B. McPhee

Aris Gyamfi

Rachael Sider

 

Pour les demandeurs

Christine Mohr

Derek Allen

Marilyn Venney

Jacob Pollice

 

Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kim Spencer McPhee Barristers P.C.

Toronto (Ontario)

 

Pour les DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Bureau régional de l’Ontario

Toronto (Ontario)

 

Pour la DÉFENDERESSE

 

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