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Date : 20200123


Dossier : IMM‑2335‑19

Référence : 2020 CF 83

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2020

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

MUHAMMAD KALEEM ULLAH, NABEELA YASMEEN, MUSA KALEEM, MUHAMMAD ABDULLAH, EISA ROOH ULLAH et

FATIMA ZAHRA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Dans la présente demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), le décideur, la Section d’appel des réfugiés (la SAR), a rejeté l’appel interjeté à l’encontre de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR). Les demandeurs sont tous des ressortissants du Pakistan et ils ont demandé l’asile.

I.  Les faits

[2]  Les faits de l’espèce sont tout sauf simples, ne serait‑ce que parce que le demandeur principal a produit un exposé circonstancié qui, au fil du temps, a considérablement évolué. Cette « évolution » doit être détaillée.

[3]  La preuve en l’espèce commence par un [traduction« premier rapport d’information sur l’infraction punissable qui a été signalée à la police en vertu de l’article 154 du code de procédure pénale ». Ce rapport semble constituer la plainte qui a été déposée auprès de la police pakistanaise à la suite d’un événement tragique impliquant le demandeur principal, événement qui se serait produit le 8 août 2012.

[4]  Selon la plainte, le demandeur principal a envoyé un de ses employés chercher un chèque auprès d’une personne du nom de Qaiser Butt. Le demandeur principal et M. Butt exploitaient tous deux des magasins de vêtements dans un marché. Selon la plainte, M. Butt a tabassé l’employé et l’a insulté. De toute évidence, il ne lui a jamais remis le chèque. Après que l’employé eut signalé l’incident à son patron, le demandeur principal s’est rendu à la boutique de M. Butt pour le confronter à ce sujet. M. Butt a menacé le demandeur principal de [traduction« conséquences ». Le demandeur principal est retourné à son magasin, mais, peu de temps après, M. Butt et d’autres hommes armés sont arrivés et ils ont immédiatement commencé à tirer sur les personnes qui se trouvaient alors dans la boutique du demandeur. L’une des personnes présentes a été tuée et cinq autres, dont le demandeur, ont été blessées. En effet, le demandeur a dû être hospitalisé à Lahore parce qu’il a été touché à l’articulation de la hanche. La plainte indique que [traduction« la transaction financière avait déclenché l’hostilité » (décision de la SAR, au para 10). Dans la même plainte, il est dit que [traduction« les agresseurs ont semé la peur et la terreur dans la population en s’adonnant à des tirs non sélectifs dans le bazar » (décision de la SAR, au para 10). La plainte a été déposée le jour de la fusillade par le frère du demandeur principal.

[5]  La description de l’événement n’était plus la même dans le formulaire Fondement de la demande d’asile (le formulaire FDA), rempli à Vancouver le 21 novembre 2016, soit quelque jours après que le demandeur et sa famille eurent franchi la frontière en Colombie‑Britannique en provenance des États‑Unis, où ils restaient depuis leur départ du Pakistan, le 26 décembre 2015. En fait, selon le formulaire FDA, les demandeurs ont passé ces mois à New York, à l’exception d’un court séjour de [traduction« deux semaines » à Buffalo où, semble‑t‑il, ils espéraient traverser la frontière pour entrer au Canada. Toutefois, onze mois plus tard, la famille s’est plutôt rendue à Seattle par avion pour venir au Canada. Aucune explication n’a été fournie relativement à cette situation.

[6]  Le récit contenu dans le formulaire FDA offre une version sensiblement différente de l’événement du 8 août 2012. Cette fois‑ci, le demandeur principal déclare que son [traduction« problème était que j’étais un fabricant de vêtements occidentaux » (dossier certifié du Tribunal (DCT), p 103). Plus précisément, le demandeur principal affirme qu’il concevait des vêtements pour dames. Il dit que [traduction« je pose problème parce que je ne fabrique pas de vêtements culturels, mais plutôt conçois et confectionne des vêtements occidentaux, de sorte que des femmes ne portent pas de robes traditionnelles et je répands ainsi de la vulgarité » (DCT, p 103). Le demandeur principal affirme en outre qu’on lui a reproché de ne pas avoir versé de dons à Lashkar Taib. Dans cet exposé circonstancié, l’incident de la fusillade est décrit comme une dizaine de terroristes commençant à ouvrir le feu, ce qui a entraîné la mort d’un des clients du demandeur. Le demandeur principal affirme qu’aucune raison ne motivait l’agression à son endroit. Dans le formulaire FDA, le demandeur principal affirme que c’est bel et bien lui, et non son frère, qui a signalé l’attaque à la police. Pour le demandeur principal, il s’agit du premier rapport d’information, qui amènera les terroristes à [traduction« prendre toute mesure pour me tuer, moi et ma famille » (DCT, p 104). Il dit avoir changé de résidence et envoyé ses quatre enfants à une autre école. En effet, il affirme qu’il y a eu deux autres fusillades, l’une le 6 février 2015, près d’Islamabad, où une personne a pointé une arme à feu sur son fils. Il n’a pas été blessé. Puis, le 15 septembre 2015, deux personnes sur une moto ont tiré sur la voiture dans laquelle il se trouvait en compagnie de l’un de ses frères. Il n’a pas porté plainte à la police au sujet de cet incident.

[7]  L’évolution du récit ne s’est pas arrêtée là. Une version modifiée de l’exposé circonstancié du formulaire FDA a été produite le 12 janvier 2017. Cette fois, l’exposé circonstancié commence au début du mois d’août 2012. Il y est allégué que des membres du Jamaat ul Dawa et Qaisar Butt l’ont approché dans son magasin et lui ont demandé un don d’un demi‑million de roupies. Le don était censé être une obligation, mais le demandeur principal a refusé de donner de l’argent. Ce refus a provoqué la colère de ces personnes qui sont sorties en trombe du magasin. Le demandeur principal déclare que Qaisar Butt est membre du Jamaat ul Dawa. L’exposé circonstancié modifié du formulaire FDA indique ensuite que [traduction« plusieurs jours plus tard, j’ai reçu un appel d’une personne s’identifiant comme Lashker‑e‑Tayyaba » qui se plaignait que [traduction« je concevais des vêtements vulgaires pour les femmes et favorisais l’immoralité chez elles ». On le qualifiait d’agent de l’Occident qui promouvait la vulgarité et détruisait la culture, ce qui constituait une guerre ouverte contre l’islam (voir l’exposé circonstancié modifié du formulaire FDA, para 5).

[8]  Ce n’est qu’au paragraphe 6 que l’on fait mention de l’événement tragique du 8 août 2012. Cependant, le récit n’est pas le même. Le demandeur y affirme cette fois‑ci que [traduction« l’un de mes employés se rendait à la banque pour déposer des chèques dans notre compte d’affaires lorsqu’il a été abordé par Qaisar Butt » (exposé circonstancié modifié du formulaire FDA, para 6). Le problème vient du fait que la version originale du premier rapport d’information parlait d’un employé du demandeur principal qui se rendait à la boutique de Qaisar Butt pour récupérer un chèque. Selon l’exposé circonstancié modifié du formulaire FDA, les chèques devaient être déposés à la banque et Butt avait volé les chèques. Alors que le premier rapport d’information mentionnait que le demandeur principal se rendait à la boutique de M. Butt pour le confronter, l’exposé circonstancié modifié du formulaire FDA indique que l’un des frères du demandeur principal (Naeem) et plusieurs commerçants sont allés confronter M. Butt à son magasin, lequel aurait été très désagréable à leur égard. Une heure plus tard, M. Butt, accompagné de membres du Jamaat ul Dawa, attaquait le magasin.

[9]  Ce n’est pas tout; au paragraphe 8 de l’exposé circonstancié modifié du formulaire FDA, le demandeur principal déclare qu’il a été opéré dans un hôpital de Lahore. Quelques mois plus tard, il a dû être opéré de nouveau alors qu’il souffrait de douleurs atroces. Il déclare [traduction« je suis resté cloué au lit pendant deux ans et n’ai pas pu travailler ».

[10]  Le demandeur principal indique qu’il a commencé à recevoir des appels téléphoniques menaçants, y compris des appels lui demandant de retirer le premier rapport d’information sans quoi il allait être abattu (exposé circonstancié modifié du formulaire FDA, para 9). Les mêmes appelants ont exigé qu’il renonce à concevoir des vêtements féminins de style occidental et fasse des dons à l’organisation. Il a affirmé qu’on l’avait prévenu que ses enfants seraient enlevés. Alors qu’il aurait été cloué au lit pendant deux ans à partir de l’automne 2012, le demandeur principal affirme que lui et sa famille ont de nouveau déménagé en novembre 2013 pour s’installer à Rahwali. La décision a été prise, dit‑il, de fermer son entreprise, qui était pourtant florissante. Au début de 2014, il a reçu un autre appel téléphonique lui demandant de faire un don d’un million de roupies au Jamaat ul Dawa. C’est ainsi qu’en avril 2014, le demandeur principal cloué au lit s’est réinstallé dans un autre quartier. En décembre 2014, le demandeur principal a vendu son deuxième point de vente (il avait à l’origine trois points de vente). Il a de nouveau réinstallé sa famille, cette fois dans la ville de Murree.

[11]  L’exposé circonstancié modifié du formulaire FDA donne quelques détails sur la tentative de tirer son fils, survenue le 6 février 2015. Le lecteur apprend qu’alors qu’ils cherchaient des logements à louer à Murree, un [traduction« homme barbu armé s’est approché de nous. Il a tiré sur mon fils Musa, mais mon fils a miraculeusement évité les blessures » (exposé circonstancié modifié du formulaire FDA, para 13). En conséquence, la famille a déménagé à Wazirabad. C’est là que, le 15 septembre 2015, [traduction« deux barbus à moto » qui suivaient le demandeur et son frère se sont approchés et ont commencé à tirer sur la voiture, cassant la fenêtre.

[12]  Comme on peut le constater, l’exposé circonstancié a évolué, voire considérablement évolué. En fait, il a évolué une dernière fois lorsque le demandeur principal a présenté un deuxième exposé circonstancié modifié du FDA en ajoutant un 17e paragraphe aux 16 paragraphes du premier exposé circonstancié du FDA. Ce paragraphe est libellé ainsi :

[traduction]
17.  En janvier 2016, mon frère Naeem a commencé à recevoir des menaces anonymes l’avertissant de retirer le premier rapport d’information qu’il avait déposé en mon nom en août 2012 et me demandant où j’étais. Il a continué de recevoir de telles menaces, ce qui l’a obligé à changer de résidence à deux reprises, une fois en 2015 et une fois en 2016. Il s’est rendu à la police pour obtenir de l’aide et on lui a finalement conseillé, dans une lettre de la police, d’installer une grille devant son entreprise (qui est le dernier magasin de German Suitors) et de se procurer une arme pour sa sécurité personnelle.

Il est assez surprenant que Naeem ait été contraint de changer de résidence à deux reprises, une fois en 2015 et une fois en 2016, en raison d’un appel téléphonique reçu en 2016. En tout état de cause, il ne semble pas que l’autre frère du demandeur, qui tient le magasin avec Naeem, ait été contraint de déménager à quelque moment que ce soit, et il semble en fait que les frères ont continué à tenir le magasin et, semble‑t‑il, sans aucune difficulté particulière. Je remarque qu’il n’y a au dossier aucune preuve directe de la part de Naeem ou de quiconque. C’est le demandeur qui en fait mention.

II.  La décision de la SAR

[13]  La SAR a déclaré que la question déterminante dans l’appel qu’elle devait trancher est la possibilité de refuge intérieur (la PRI) qui existe au Pakistan. La SPR a examiné deux questions. Premièrement, elle a conclu que les allégations n’étaient pas crédibles. Le récit ayant évolué au fil de trois exposés circonstanciés, la SPR était très préoccupée par l’allégation selon laquelle les ennuis que le demandeur principal avait rencontrés étaient attribuables au fait qu’il était un fabricant de vêtements occidentaux. Le tribunal a jugé que [traduction« les questions qui découlent de cette allégation comportent deux volets : pourquoi le demandeur principal subissait‑il ces difficultés alors que des centaines d’autres créateurs de mode au Pakistan n’en rencontrent manifestement pas? et, deuxièmement, pourquoi les frères du demandeur d’asile principal sont‑ils encore capables d’exploiter leur magasin ouvertement, alors que le demandeur principal ne pouvait pas? » (décision de la SPR, au para 21). En ce qui concerne le refus de verser des dons, la SPR a constaté l’évolution par rapport à l’exposé circonstancié original du formulaire FDA, dans lequel le refus de verser un don était à peine mentionné. La SPR n’a même pas mentionné que la version originale du premier rapport d’information ne faisait même pas allusion à un refus de faire un don ou, d’ailleurs, à la question de confection de vêtements, seulement pour dire que [traduction« la transaction financière avait déclenché l’hostilité ». En fait, la SPR fait remarquer que l’accent a de nouveau été déplacé dans les deux exposés circonstanciés modifiés du formulaire FDA, pour être mis sur le refus de verser des dons. Finalement, la SPR a conclu que la demande d’asile était déficiente en raison du manque de crédibilité et a conclu qu’il existait une PRI au Pakistan.

[14]  C’est dans ce contexte que la SAR a rendu sa décision et a déclaré que la PRI constitue la question déterminante. Les parties conviennent, et la Cour est du même avis, que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, qu’il s’agisse d’examiner la crédibilité de la demande d’asile ou l’existence d’une PRI. Par conséquent, il incombe aux demandeurs d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la décision relative à la PRI est déraisonnable, car la décision n’est pas justifiée et les motifs qu’elle expose ne rendent pas compte de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité qui doit s’attacher au processus décisionnel.

[15]  La SAR a relevé le critère à deux volets qu’il faut appliquer pour évaluer le caractère approprié d’une PRI. L’un des volets concerne la sécurité de la région où le demandeur d’asile pourrait trouver refuge tandis que l’autre traite des conditions dans cette partie du pays qui rendraient la PRI déraisonnable. Récemment, la Cour a résumé le critère de la façon suivante dans l’affaire Photskhverashvili c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 415, au para 29 :

[29]  Pour conclure à l’existence d’une PRI, la SAR doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que :  1) l’appelant ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la région constituant la PRI; 2) compte tenu de toutes les circonstances, dont celles qui sont propres à l’appelant, la situation dans la région où se trouve la PRI est telle qu’il ne serait pas déraisonnable pour l’appelant de s’y réfugier (Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), [1992] 1 CF 706, aux paragraphes 5 et 6).

Dans l’arrêt Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.), [2001] 2 CF 164 [Ranganathan], la Cour d’appel fédérale, examinant l’arrêt dans l’arrêt Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)(C.A.), [1994] 1 CF 589 [Thirunavukkarasu], qu’elle avait rendu antérieurement, a conclu que la barre doit être placée très haute pour le deuxième volet du critère :

[15]  Selon nous, la décision du juge Linden, pour la Cour d’appel, indique qu’il faille placer la barre très haute lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui est déraisonnable. Il ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions. L’absence de parents à l’endroit sûr, prise en soi ou conjointement avec d’autres facteurs, ne peut correspondre à une telle condition que si cette absence a pour conséquence que la vie ou la sécurité du revendicateur est mise en cause. Cela est bien différent des épreuves indues que sont la perte d’un emploi ou d’une situation, la diminution de la qualité de vie, le renoncement à des aspirations, la perte d’une personne chère et la frustration des attentes et des espoirs d’une personne.

[Non souligné dans l’original.]

La Cour d’appel fédérale a expressément refusé d’abaisser la barre.

[16]  Pour la SAR, qu’il s’agisse d’un différend avec un homme d’affaires local ou d’un risque posé par des groupes terroristes, le résultat est le même. Une réinstallation dans le pays est possible au Pakistan. Pour arriver à une telle conclusion, la SAR s’appuie sur la documentation relative au pays du ministère de l’Intérieur du Royaume‑Uni, où l’on fait état de la taille et de la diversité de la population au Pakistan, de sorte qu’il existe des options de réinstallation viables pour un membre de la plupart des minorités ethniques et religieuses.

[17]  La SAR a abordé directement l’affirmation de l’appelant principal selon laquelle les demandeurs ne seront en sécurité nulle part au Pakistan, au motif que le groupe particulier qui serait impliqué dans la persécution dispose d’un très bon réseau en mesure de retrouver quiconque au Pakistan. Pour sa part, « [l]a SAR estime que le témoignage de l’appelant au sujet de la capacité de l’agent de persécution à le trouver était vague et manquait de précision » (décision de la SAR, para 32). En outre, au paragraphe 34, on peut lire ce qui suit : « [s]i une personne ou une organisation était suffisamment puissante et influente pour pouvoir apprendre qu’un individu est retourné au Pakistan ou qu’il est présent dans une quelconque ville au Pakistan, la SAR estime qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que cela soit appuyé par des éléments de preuve objectifs sur les conditions dans le pays ». Les demandeurs n’ont présenté aucune preuve documentaire de ce genre et les preuves documentaires disponibles ne permettent pas d’établir qu’ils ont la portée géographique ou la capacité nécessaire pour suivre les déplacements des demandeurs dans un pays comme le Pakistan.

[18]  La SAR cite longuement le ministère des Affaires étrangères et du Commerce sur la situation à Lahore, Islamabad et Karachi. Elle conclut que « l’appelant [le demandeur devant la Cour] n’est pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution de la part des agents de persécution à Karachi, à Lahore et à Islamabad » (décision de la SAR, para 38).

[19]  Quant au deuxième volet, il est indiqué au paragraphe 40 de la décision que « [l]e seul argument proposé contre la réinstallation à l’intérieur du pays des appelants est qu’ils ont été pris pour cible par un individu associé avec des organisations extrémistes et qu’ils le trouveront n’importe où au Pakistan. La SAR a déjà conclu que l’agent de persécution ne détient pas cette capacité ».

[20]  La question de savoir si la demande d’asile est crédible n’est qu’un faux‑fuyant dès lors qu’il a été établi qu’il existe une PRI au Pakistan. Néanmoins, la SAR a pris le temps d’examiner la crédibilité de la demande d’asile. Ainsi, la SAR a fait remarquer que le premier rapport d’information ne mentionnait aucune association avec le terrorisme ou un agent de persécution, ni que l’extorsion au profit d’une organisation terroriste était au cœur du tragique événement du 8 août 2012.

[21]  En ce qui concerne une autre fusillade, ce que l’avocat a qualifié de rapport de police lors de l’audience est en fait une lettre concernant la fusillade du 15 septembre 2015 rédigée par le frère du demandeur principal. Il est difficile d’établir clairement si elle a été envoyée aux autorités policières ou si ces dernières l’ont reçue. Comme pour le premier rapport d’information, peu de poids est accordé à cette lettre. Enfin, la SAR conclut qu’il existe une preuve selon laquelle les deux frères qui tiennent le dernier magasin sont toujours en mesure de vivre et de faire des affaires au Pakistan.

III.  Les arguments et l’analyse

[22]  Comme il a été indiqué précédemment, la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable. À mon avis, les demandeurs n’ont pas démontré le caractère déraisonnable de la conclusion de la SAR (et aussi celle de la SPR), selon laquelle il existe une PRI dans certaines grandes villes du Pakistan, ni du raisonnement qui y a abouti.

[23]  Il me semble que l’on oublie souvent trop facilement en quoi consiste la justification d’une PRI. Dans l’arrêt Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.), [1992] 1 CF 706, la Cour d’appel fédérale a rappelé l’origine du concept :

[…] puisque, par définition, le réfugié au sens de la Convention doit être un réfugié d’un pays, et non d’une certaine partie ou région d’un pays, le demandeur ne peut être un réfugié au sens de la Convention s’il existe une possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Il s’ensuit que la décision portant sur l’existence ou non d’une telle possibilité fait partie intégrante de la décision portant sur le statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur. Je ne vois aucune raison de déroger aux normes établies par les lois et la jurisprudence et de traiter de la question de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays comme s’il s’agissait d’un refus d’accorder ou de maintenir le statut de réfugié au sens de la Convention.

(page 710)

En fait, avant de revendiquer le statut de réfugié à l’étranger, il faut chercher une possibilité dans son pays d’origine (Thirunavukkarasu, précité, p 599). Le demandeur doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est réfugié, notamment qu’il existe une possibilité sérieuse de persécution dans la zone qui est censée constituer une PRI.

[24]  Les propos du juge Linden dans l’arrêt Thirunavukkarasu, précité, en 1994, ont été expressément repris dans Ranganathan, précité. Ils servent de rappel au sujet de ce que l’on attend d’un demandeur d’asile :

Ainsi, le demandeur du statut est tenu, compte tenu des circonstances individuelles, de chercher refuge dans une autre partie du même pays pour autant que ce ne soit pas déraisonnable de le faire. Il s’agit d’un critère souple qui tient compte de la situation particulière du demandeur et du pays particulier en cause. C’est un critère objectif et le fardeau de la preuve à cet égard revient au demandeur tout comme celui concernant tous les autres aspects de la revendication du statut de réfugié. Par conséquent, s’il existe dans leur propre pays un refuge sûr où ils ne seraient pas persécutés, les demandeurs de statut sont tenus de s’en prévaloir à moins qu’ils puissent démontrer qu’il est objectivement déraisonnable de leur part de le faire.

Permettez‑moi de préciser. Pour savoir si c’est raisonnable, il ne s’agit pas de déterminer si, en temps normal, le demandeur choisirait, tout compte fait, de déménager dans une autre partie plus sûre du même pays après avoir pesé le pour et le contre d’un tel déménagement. Il ne s’agit pas non plus de déterminer si cette autre partie plus sûre de son pays lui est plus attrayante ou moins attrayante qu’un nouveau pays. Il s’agit plutôt de déterminer si, compte tenu de la persécution qui existe dans sa partie du pays, on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il cherche refuge dans une autre partie plus sûre de son pays avant de chercher refuge au Canada ou ailleurs. Autrement dit pour plus de clarté, la question à laquelle on doit répondre est celle‑ci : serait‑ce trop sévère de s’attendre à ce que le demandeur de statut, qui est persécuté dans une partie de son pays, déménage dans une autre partie moins hostile de son pays avant de revendiquer le statut de réfugié à l’étranger?

La possibilité de refuge dans une autre partie du même pays ne peut pas être seulement supposée ou théorique; elle doit être une option réaliste et abordable. Essentiellement, cela veut dire que l’autre partie plus sûre du même pays doit être réalistement accessible au demandeur. S’il y a des obstacles qui pourraient se dresser entre lui et cette autre partie de son pays, le demandeur devrait raisonnablement pouvoir les surmonter. On ne peut exiger du demandeur qu’il s’expose à un grand danger physique ou qu’il subisse des épreuves indues pour se rendre dans cette autre partie ou pour y demeurer. Par exemple, on ne devrait pas exiger des demandeurs de statut qu’ils risquent leur vie pour atteindre une zone de sécurité en traversant des lignes de combat alors qu’il y a une bataille. On ne devrait pas non plus exiger qu’ils se tiennent cachés dans une région isolée de leur pays, par exemple dans une caverne dans les montagnes, ou dans le désert ou dans la jungle, si ce sont les seuls endroits sûrs qui s’offrent à eux. Par contre, il ne leur suffit pas de dire qu’ils n’aiment pas le climat dans la partie sûre du pays, qu’ils n’y ont ni amis ni parents ou qu’ils risquent de ne pas y trouver de travail qui leur convient. S’il est objectivement raisonnable dans ces derniers cas de vivre dans une telle partie du pays sans craindre d’être persécuté, alors la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays existe et le demandeur de statut n’est pas un réfugié.

En conclusion, il ne s’agit pas de savoir si l’autre partie du pays plait ou convient au demandeur, mais plutôt de savoir si on peut s’attendre à ce qu’il puisse se débrouiller dans ce lieu avant d’aller chercher refuge dans un autre pays à l’autre bout du monde. Ainsi, la norme objective que j’ai proposée pour déterminer le caractère raisonnable de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays est celle qui se conforme le mieux à la définition de réfugié au sens de la Convention. Aux termes de cette définition, il faut que les demandeurs de statut ne puissent ni ne veuillent, du fait qu’ils craignent d’être persécutés, se réclamer de la protection de leur pays d’origine, et ce, dans n’importe quelle partie de ce pays. Les conditions préalables de cette définition ne peuvent être respectées que s’il n’est pas raisonnable pour le demandeur de chercher et d’obtenir la protection contre la persécution dans une autre partie de son pays.

(pages 597‑598‑599)

[Non souligné dans l’original.]

[25]  Dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, 2015 RCS 909, la Cour suprême a fait observer que la dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire n’est pas censée être un régime d’immigration parallèle. On peut en dire autant de la protection offerte aux réfugiés. Une personne qui dispose d’une PRI n’est pas un réfugié et la préférence pour rester au Canada ne suffit pas.

[26]  L’argumentation des demandeurs ne s’élève jamais au‑delà d’un désaccord avec la SAR au sujet de la preuve présentée par le demandeur principal. J’ai examiné la transcription de l’audience devant la SPR tenue le 15 février 2018. Bien que le demandeur principal se fonde sur son témoignage plus détaillé, ce témoignage était loin d’être éclairant. En effet, l’évolution du récit, qui a commencé avec le premier rapport d’information, s’est poursuivie devant la SPR.

[27]  Contrairement à ce qu’ont prétendu les demandeurs, la SAR a, à mon avis, respecté scrupuleusement le critère permettant d’établir l’existence d’une PRI. Le demandeur principal ne s’est pas acquitté du fardeau qu’il lui incombait d’établir qu’il est un réfugié.

[28]  Les demandeurs ont fait valoir que la SAR s’attendait à ce qu’ils établissent « comment quelqu’un serait capable de le trouver parmi des millions de personnes au Pakistan », comme s’il s’agissait d’un seuil supérieur à ce à quoi on pouvait raisonnablement s’attendre, lorsqu’elle a fait référence, au paragraphe 31, à l’argument selon lequel le demandeur ne pouvait être en sécurité nulle part au Pakistan, car l’agent de persécution serait en mesure de le trouver. En contexte, cette interprétation n’est pas celle qu’il est possible d’accorder à ces propos. À l’appui de son argument selon lequel il pouvait être retrouvé, le demandeur a laissé entendre devant la SPR que quelqu’un l’a agressé alors qu’il cherchait un logement à louer, loin de là où il vivait auparavant (à Murree, près d’Islamabad). La première moitié du paragraphe 31 de la décision de la SAR traitait de la question de savoir comment le demandeur savait que la personne qui a tenté d’agresser son fils, l’« homme barbu », était un terroriste; la seule explication du demandeur était que cette personne portait une barbe et de longs vêtements. La SPR a ensuite ajouté « [l]orsqu’il lui a été demandé s’il pouvait fournir d’autres éléments de preuve à cet égard ou comment quelqu’un serait capable de le trouver parmi des millions de personnes au Pakistan, l’appelant a répondu qu’il ne le savait pas ». Il ne s’agit pas là d’une exigence très rigoureuse. En fait, ce n’est qu’une remarque de la SPR : comment peut‑on raisonnablement prétendre qu’il est possible de retrouver le demandeur parmi des millions de Pakistanais? Elle fait plutôt référence à la population de villes comme Karachi, Lahore ou Islamabad; c’est une façon de dire qu’il n’y a pas de risque sérieux que le demandeur soit persécuté dans des villes comme celles‑ci. La SAR a plutôt remis en question le caractère vague et le manque de précision du témoignage (décision de la SAR, para 32) quant à la façon dont il pourrait être retrouvé.

[29]  Fondamentalement, les demandeurs laissent entendre que dans sa décision, la SAR a appliqué une norme de certitude à la question de la persécution. Au contraire, la SAR a conclu que le témoignage du demandeur principal au sujet de la capacité de l’agent de persécution à le trouver était vague et manquait de précision. L’affirmation du demandeur se résume à dire simplement qu’« [i]ls ont un très bon réseau, ils sont en mesure de me trouver. Rien ne leur échappe au Pakistan » (décision de la SAR, para 32). On ne peut guère prétendre que le fait de ne pas être convaincu par ces éléments de preuve établit une norme de certitude quant à la persécution.

[30]  La PRI étant la question déterminante, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Mais ce n’est pas tout. Les questions soulevées par les demandeurs concernant la crédibilité de la demande d’asile sont des faux‑fuyants. À mon avis, il y avait de nombreux éléments de preuve permettant de conclure que cette demande d’asile n’était pas crédible. Du premier rapport d’information au premier formulaire FDA, en passant par les exposés circonstanciés du formulaire FDA, jusqu’au témoignage du demandeur principal devant la SPR, le récit a connu une telle évolution qu’il est devenu impossible de savoir ce qu’est la véritable histoire. Le premier rapport d’information concerne une transaction financière. Ce n’est que bien plus tard qu’elle est dépeinte comme un cas de terroristes qui tentent d’extorquer de l’argent au demandeur principal. La crédibilité de cette affirmation était préoccupante dès le début. La difficulté de comprendre l’histoire du demandeur n’avait rien de nouveau lorsque la SAR en a été saisie. En fait, la SPR a expressément fait remarquer que [traduction« le récit du demandeur principal a évolué au fil de ses trois exposés circonstanciés » (décision de la SPR, para 21).

[31]  Il est tout à fait évident que la SPR n’a pas cru au récit tel qu’il a été raconté, en grande partie parce que le récit « évolue » considérablement. Le SAR était d’accord sur ce point. Je ne vois pas comment la SAR s’est trompée.

[32]  Le demandeur fait valoir que la mention du premier rapport d’information par la SAR constitue une violation de l’équité procédurale, puisque le document n’a pas été mentionné par la SPR. Le demandeur soutient qu’on aurait dû lui permettre de présenter des observations. Je ne partage pas ce point de vue.

[33]  Comme l’a constaté la SPR, l’exposé circonstancié du demandeur principal a considérablement évolué au fil du temps. En soi, cette évolution pose problème lorsque la crédibilité est un enjeu, ce qui a été déclaré dès le début en l’espèce. Comme le souligne la Cour dans l’arrêt Koffi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 4, la SAR n’a pas fait fi d’éléments de preuve contradictoires figurant au dossier ni tiré d’autres conclusions sur des questions dont le demandeur n’a pas eu connaissance (au para 38). En fait, l’« évolution » était manifeste au vu du premier rapport d’information, lequel était déposé en preuve. Il n’y avait rien de nouveau. Il était bien connu que la crédibilité était au cœur de cette affaire, tout comme la PRI. En fait, aucune nouvelle question ni aucun nouvel argument exigeant qu’on lui donne la possibilité de présenter des observations n’a été soulevé (Ching c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 725). Comme dans l’affaire Sary c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 178, le premier rapport d’information n’est rien d’autre qu’un « autre élément de preuve contenu au dossier du tribunal et qui venait appuyer les conclusions de la SPR sur le manque de crédibilité de M. Sary […]. Ce n’est pas une situation où le décideur a consulté un élément de preuve extrinsèque sans avoir donné la chance à M. Sary d’en prendre connaissance. Au contraire, la crédibilité de M. Sary constituait le fondement même de la décision de la SPR et de l’appel logé [sic] par M. Sary » (para 30). Ce raisonnement s’applique également en l’espèce.

[34]  En l’espèce, les demandeurs eux‑mêmes ont mentionné le premier rapport d’information dans leurs observations présentées à la SAR. Il est dit au paragraphe 6 du mémoire présenté à la SAR que [traduction« l’événement [du 8 août 2012] a été signalé à la police et un premier rapport d’information a été déposé, mais n’a jamais abouti » (au para 6). Le récit rapporté dans les paragraphes précédents du mémoire ne correspondait pas à l’exposé circonstancié du premier rapport d’information. Il est un peu exagéré d’affirmer ensuite que [traduction« l’appréciation de la crédibilité faite par la SPR a été extrêmement brève et superficielle » (mémoire devant la SAR, para 17). En fait, les demandeurs font valoir que le premier rapport d’information constituait une preuve corroborante (mémoire devant la SAR, au para 31). La SAR a simplement fait remarquer que le premier rapport d’information ne liait pas l’incident au terrorisme, la question même présentée par les demandeurs dans leur mémoire dont elle était saisie. Il n’y a pas de nouvelle question ni de nouvel argument. La SAR n’a pas soulevé de questions qui n’avaient pas été avancées par les demandeurs; elle n’a fait que traiter des questions soulevées par les demandeurs (Kwakwa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 600). Il n’y a pas eu violation des principes d’équité procédurale.

[35]  Il en va de même d’un « rapport de police » concernant l’agression alléguée du 15 septembre 2015. Si j’ai bien compris, l’argument avancé est que la SAR a évalué l’authenticité du « rapport de police » sans soulever la question auprès des demandeurs. Le problème avec l’argument est que son postulat n’est pas établi. La SAR a conclu essentiellement que le conseil des demandeurs, à l’audience devant la SPR, a qualifié le document de premier rapport d’information, ce qui n’est pas possible, pour ensuite le qualifier de « rapport de police ». À première vue, le document ne peut pas être un « rapport de police » puisqu’il prend la forme d’une lettre d’une personne qui s’identifie comme le frère du demandeur principal et qui rend compte de l’incident du 15 septembre. La SAR juge qu’il ne s’agit pas d’un « rapport de police », mais plutôt d’une simple lettre, et qu’aucun document à l’appui confirmant que la lettre a été reçue ne figure au dossier. La SAR conclut qu’elle doit accorder peu de poids à ce document. Cette conclusion se rapporte au caractère suffisant ou non de la preuve; il n’y a pas eu violation d’un principe d’équité procédurale (Farooq c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 164; Procedural Fairness Where Credibility is an Issue, par Steven Meurrens, meurrensonimmigration.com).

[36]  Les autres arguments invoqués par les demandeurs sont également dénués de fondement. Il ne s’agit que d’un désaccord avec l’évaluation faite par la SAR (les frères du demandeur principal qui ont continué à exploiter le magasin) et les motifs qui, selon les allégations, seraient viciés. Ils ne le sont pas. Lorsqu’ils sont lus à la lumière du dossier, ils permettent amplement à la cour siégeant en révision de comprendre le fondement de la décision.

[37]  La Cour suprême a, à plus d’une occasion, approuvé ce passage tiré de la décision Komolafe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 431 :

[11]  L’arrêt Newfoundland Nurses ne donne pas à la Cour toute la latitude voulue pour fournir des motifs qui n’ont pas été donnés, ni ne l’autorise à deviner quelles conclusions auraient pu être tirées ou à émettre des hypothèses sur ce que le tribunal a pu penser. C’est particulièrement le cas quand les motifs passent sous silence une question essentielle. Il est ironique que l’arrêt Newfoundland Nurses, une affaire qui concerne essentiellement la déférence et la norme de contrôle, soit invoqué comme le précédent qui commanderait au tribunal ayant le pouvoir de surveillance de faire le travail omis par le décideur, de fournir les motifs qui auraient pu être donnés et de formuler les conclusions de fait qui n’ont pas été tirées. C’est appliquer la jurisprudence à l’envers. L’arrêt Newfoundland Nurses permet aux cours de contrôle de relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent être facilement discernées. Ici, il n’y a même pas de points sur la page.

[Non souligné dans l’original.]

La Cour suprême du Canada a renvoyé à ce passage dans l’arrêt Williams Lake Indian Band c Canada (Affaires autochtones et du Développement du Nord), 2018 CSC 4, [2018] 1 RCS 83, au paragraphe 154. Par ailleurs, ce même paragraphe a été cité dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au paragraphe 97. Les motifs en l’espèce sont bien plus que des points sur une page. Ceux qui ne sont pas d’accord avec les motifs les trouveront toujours déficients. Je n’ai pas été convaincu qu’il y ait une quelconque déficience significative en l’espèce.

[38]  Dans la mesure où une PRI existe, comme l’a conclu la SAR, cette conclusion permet de trancher définitivement la question du caractère raisonnable de la demande d’asile. Il n’est pas nécessaire d’examiner la crédibilité de la demande d’asile, mais la conclusion concernant la crédibilité de la demande d’asile est amplement étayée et donc raisonnable. En ce qui concerne les violations de l’équité procédurale, les allégations relatives aux erreurs commises par la SAR n’ont pas été établies; celles‑ci ne constituent rien de plus qu’un désaccord avec les conclusions de la SAR, maquillées en un refus d’entamer le dialogue. Il vaut la peine de le répéter : la question déterminante était l’existence d’un autre endroit au Pakistan où le demandeur principal se sentirait en sécurité.

[39]  Les parties conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier au titre de l’article 74 de la LIPR.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2335‑19

LA COUR ORDONNE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Yvan Roy »

Juge

 

 

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COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2335‑19

INTITULÉ :

MUHAMMAD KALEEM ULLAH, NABEELA YASMEEN, MUSA KALEEM, MUHAMMAD ABDULLAH, EISA ROOH ULLAH, FATIMA ZAHRA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 DÉCEMBRE 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

DATE DES MOTIFS :

Le 23 janvier 2020

COMPARUTIONS :

Christina M. Gural

Pour les demandeurs

Nicholas Dodokin

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocate

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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