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Date : 20200122


Dossier : IMM-462-19

Référence : 2020 CF 98

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2020

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

EMMANUEL ADEDAYO ARABAMBI, ABIMBOLA AGNES ARABAMBI, ADEMIDALE PEARL ARABAMBI, OLUWANIFEMI MICAH ARABAMBI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  INTRODUCTION

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], à l’égard de la décision datée du 14 novembre 2018 par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a refusé de reconnaître aux demandeurs la qualité de réfugié et de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR [la décision contestée].

II.  LE CONTEXTE

[2]  Emmanuel Adedayo Arabambi et son épouse, Abimbola Agnes Arabambi, sont des citoyens du Nigéria. Leur fille, Ademidale Pearl Arabambi, née en 2014, est également citoyenne du Nigéria, tandis que leur fils, Oluwanifemi Micah Arabambi, né aux États-Unis en novembre 2017, est citoyen des États-Unis.

[3]  Mme Arabambi et sa fille sont arrivées aux États-Unis le 2 novembre 2017, tandis que M. Arabambi est arrivé aux États-Unis le 30 novembre 2017. La famille est restée chez la sœur de M. Arabambi en Californie grâce à des visas de visiteur.

[4]  Les demandeurs allèguent qu’ils sont allés aux États-Unis, parce qu’ils craignaient la famille de M. Arabambi, qui a menacé à plusieurs reprises d’infliger une mutilation génitale féminine à Mme Arabambi ainsi qu’à leur fille. Les demandeurs soutiennent que la famille a menacé de sacrifier les demanderesses si elles ne se conformaient pas à cette pratique. Les demandeurs expliquent que, bien qu’ils soient chrétiens, la famille de M. Arabambi continue de pratiquer les croyances religieuses des Yorubas, y compris la mutilation génitale féminine, que la famille de M. Arabambi estime devoir pratiquer sur les femmes mariées à un membre de la famille après l’accouchement, ainsi que sur les filles nées dans la famille avant leur cinquième anniversaire.

[5]  Les demandeurs soutiennent qu’ils ont tenté de se cacher de la famille de M. Arabambi en séjournant chez la mère de Mme Arabambi à Lagos, au Nigéria. Cependant, ils affirment que leurs persécuteurs les ont rapidement retrouvés. Cette crainte d’être de nouveau retrouvés par leurs persécuteurs a motivé leur départ pour les États-Unis, en novembre 2017.

[6]  Le 16 mars 2018, les demandeurs sont arrivés au Canada et ont demandé l’asile.

III.  LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[7]  Le 14 novembre 2018, la SPR a rejeté la demande présentée par les demandeurs en vue d’obtenir le statut de réfugié ou celui personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR, concluant : (1) qu’Oluwanifemi Micah Arabambi était un citoyen des États-Unis et qu’il n’avait donc pas besoin de protection; (2) qu’il existait de sérieuses préoccupations quant à la crédibilité du fait que les demandeurs n’avaient pas demandé l’asile aux États-Unis; et (3) qu’il existait une possibilité de refuge intérieur [PRI] viable au Nigéria, notamment à Port Harcourt.

A.  La citoyenneté américaine d’Oluwanifemi Micah Arabambi

[8]  Premièrement, la SPR a décidé qu’Oluwanifemi Micah Arabambi, le fils de M. et Mme Arabambi né en novembre 2017, n’était pas un réfugié ou une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR parce qu’il est citoyen américain. Compte tenu des Directives numéro 3 du président intitulées Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié, qui traitent de questions relatives à la procédure et à la preuve, la SPR a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve démontrant qu’il serait exposé à une possibilité sérieuse d’être persécuté aux États-Unis, car c’est un pays démocratique disposant de forces de sécurité aptes à protéger ses citoyens.

B.  Le défaut de présenter une demande d’asile aux États-Unis

[9]  La SPR a conclu que les autres demandeurs, qui détiennent la citoyenneté nigériane, ne sont pas des réfugiés ou des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR, en partie à cause de l’absence d’une crainte subjective et crédible de persécution.

[10]  La SPR a conclu que le fait que les demandeurs n’ont pas demandé l’asile aux États‑Unis démontre l’absence d’une crainte subjective, parce que s’ils craignaient vraiment pour leur vie, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’ils aient demandé l’asile dans le premier pays sûr où ils ont été admis.

[11]  Bien que la SPR reconnaisse l’argument des demandeurs selon lequel ils n’ont jamais eu l’intention de demander l’asile aux États-Unis en raison des commentaires du président Trump concernant les immigrants d’Afrique, la SPR n’a pas accepté cette explication. La SPR a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles indiquant que les demandeurs seraient expulsés des États-Unis pour avoir présenté une demande d’asile alors qu’ils étaient détenteurs de visas valides, étant donné qu’il y a en place un processus légal semblable à celui qui existe au Canada.

C.  La PRI viable à Port Harcourt

[12]  Enfin, la SPR a appliqué le critère à deux volets établi dans l’arrêt Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706, 140 NR 138 (CAF), pour déterminer s’il existait une PRI viable. Ayant déterminé (1) qu’il était peu probable que les demandeurs soient persécutés ou personnellement exposés à un risque sérieux de mort ou à une peine cruelle et inusitée à Port Harcourt, et (2) qu’il était raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, que les demandeurs cherchent refuge à Port Harcourt, la SPR a conclu qu’il existait une PRI viable.

[13]  La SPR a fait remarquer qu’il était peu probable que les demandeurs soient persécutés ou exposés personnellement à un risque à Port Harcourt, étant donné qu’il s’agit d’une grande ville située à une grande distance de Lagos, au Nigéria, où vivaient auparavant les demandeurs. En outre, la SPR a conclu que les demandeurs n’ont pas été en mesure de fournir suffisamment d’éléments de preuve crédibles démontrant que les agents de persécution continueraient de vouloir les rechercher à Port Harcourt ou seraient en mesure de le faire.  

[14]  Bien que les demandeurs aient soutenu à l’audience que le frère de M. Arabambi avait été retrouvé par un membre de la famille alors qu’il se cachait à Port Harcourt, la SPR n’a pas jugé cette déclaration crédible, parce que les demandeurs n’avaient pas divulgué cette information dans leur formulaire Fondement de la demande d’asile [FDA] ni lorsqu’on leur a demandé au début de l’audience si les renseignements figurant dans le formulaire FDA étaient complets, véridiques et exacts. En outre, la SPR a conclu que l’argument des demandeurs, selon lequel la famille de M. Arabambi serait en mesure de les retracer à Port Harcourt, tout comme ils avaient pu les retracer pendant leur séjour chez la mère de Mme Arabambi, était hypothétique, et ce, parce que la mère de Mme Arabambi vivait à Lagos, au Nigéria, alors que la ville de Port Harcourt est située très loin de là.

[15]  La SPR a également conclu que les demandeurs pouvaient raisonnablement déménager à Port Harcourt, une grande ville, puisque M. et Mme Arabambi sont bien scolarisés, ont de l’expérience dans le domaine du génie des télécommunications et des technologies de l’information et parlent anglais. Bien que les demandeurs fassent remarquer que les routes dans la ville sont dangereuses et qu’il règne une activité criminelle importante à Port Harcourt, la SPR a conclu que les demandeurs pouvaient prendre l’avion pour se rendre à Port Harcourt et que la criminalité constitue un risque généralisé pour toute la population de Port Harcourt.

IV.  LES QUESTIONS EN LITIGE

[16]  Les questions à trancher en l’espèce portent uniquement sur la question de savoir si la décision de la SPR est déraisonnable. Plus précisément :

  1. La SPR a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité des demandeurs?

  1. La SPR a-t-elle commis une erreur dans son analyse visant à établir s’il existe une PRI viable à Port Harcourt?

V.  LA NORME DE CONTRÔLE

[17]  La présente demande a été plaidée avant que la Cour suprême du Canada rende sa décision dans les affaires Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] et Bell Canada c Canada (Procureur général), 2019 CSC 66. Le jugement de la Cour a été pris en délibéré. Les observations des parties sur la norme de contrôle ont donc été présentées selon le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]. Toutefois, compte tenu des circonstances de l’espèce et des directives de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov, au paragraphe 144, la Cour a conclu qu’il n’était pas nécessaire de demander aux parties de présenter des observations supplémentaires sur la norme de contrôle. J’ai appliqué le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Vavilov dans mon examen de la demande et cela ne change pas les normes de contrôle applicables en l’espèce ni mes conclusions.

[18]  Dans l’arrêt Vavilov, aux paragraphes 23 à 32, les juges majoritaires ont cherché à simplifier la manière dont les tribunaux choisissent la norme de contrôle applicable aux questions dont ils sont saisis. Les juges majoritaires ont exclu l’approche contextuelle et catégorique adoptée dans l’arrêt Dunsmuir au profit de la présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique. Toutefois, les juges majoritaires ont fait observer que cette présomption pouvait être réfutée dans deux types de situations : (1) celle où le législateur a indiqué qu’il souhaite l’application d’une norme de contrôle différente (Vavilov, par. 33 à 52); et (2) celle où la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte. C’est le cas pour les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs (Vavilov, par. 53 à 64).

[19]  Il n’y a pas de désaccord entre les parties sur le fait que la norme de contrôle applicable en l’espèce est la norme de la décision raisonnable.

[20]  Rien ne réfute la présomption suivant laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique en l’espèce. L’application de la norme de la décision raisonnable aux questions en litige est également conforme à la jurisprudence qui existait avant l’arrêt Vavilov. Voir Haastrup c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 711, au par. 9, et Aissa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1156, au par. 56, pour la question du contrôle des conclusions quant à la crédibilité d’un décideur, et Tagne c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 273, au par. 9, pour la question du contrôle de l’évaluation d’une PRI effectuée par un décideur.

[21]  Lors du contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse portera sur la question de savoir si elle « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, au par. 99). La norme de la décision raisonnable est une norme unique qui varie et qui « s’adapte au contexte » (Vavilov, au par. 89, citant Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au par. 59). Ces contraintes d’ordre contextuel « cernent les limites et les contours de l’espace à l’intérieur duquel le décideur peut agir, ainsi que les types de solution qu’il peut retenir » (Vavilov, au par. 90). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que lorsque la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au par. 100). La Cour suprême du Canada mentionne deux catégories de lacunes fondamentales qui rendent une décision déraisonnable : (1) le manque de logique interne du raisonnement du décideur; et (2) le caractère indéfendable d’une décision « compte tenu des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision » (Vavilov, par. 101).

VI.  LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[22]  Voici les dispositions de la LIPR qui s’appliquent à la présente demande de contrôle judiciaire :

Définition de réfugié

Convention refugee

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

VII.  LES ARGUMENTS DES PARTIES

A.  Les arguments des demandeurs

[23]  Les demandeurs soutiennent que la décision contestée est déraisonnable en raison des erreurs de fait importantes que la SPR a commises dans son évaluation de la crédibilité des demandeurs et du caractère adéquat de la PRI proposée à Port Harcourt.

(1)  La conclusion quant à la crédibilité

[24]  Les demandeurs soutiennent que la conclusion de la SPR quant à la crédibilité est déraisonnable, car l’analyse de la SPR comportait des erreurs de fait fondamentales. Ils font valoir que la décision contestée n’appartient pas aux issues raisonnables étant donné les faits établis en l’espèce. Les demandeurs invoquent deux erreurs de fait commises par la SPR, sur lesquelles la SPR aurait fondé à tort sa conclusion quant à la crédibilité.

[25]  Premièrement, les demandeurs font remarquer que la SPR a affirmé à tort que les demandeurs sont restés aux États-Unis pendant 15 mois avant de demander l’asile au Canada, alors qu’ils n’y sont restés que trois ou quatre mois. Les demandeurs soutiennent qu’il s’agit d’une erreur importante, car la durée perçue de leur séjour aux États-Unis était l’une des principales raisons pour lesquelles la SPR a décidé que le défaut des demandeurs de demander l’asile aux États-Unis entachait leur crédibilité.

[26]  Deuxièmement, les demandeurs soutiennent que la SPR a mal interprété leur explication quant à la raison pour laquelle ils n’ont pas demandé l’asile aux États-Unis, car elle n’a pas mentionné qu’ils avaient aussi invoqué les déclarations claires du président Trump selon lesquelles les immigrants africains n’étaient pas les bienvenus. Ils font valoir que, puisque leur explication sur la raison pour laquelle ils n’ont pas demandé l’asile aux États-Unis était fondée sur les déclarations politiques largement rapportées du président américain, il était raisonnable pour eux de croire que les politiques anti-immigration des États-Unis aboutiraient à leur retour au Nigéria s’ils demandaient l’asile dans ce pays. Selon les demandeurs, le fait que la SPR n’a pas tenu compte de leur explication complète quant à la raison pour laquelle ils n’ont pas demandé l’asile aux États-Unis était une erreur importante au cœur de la conclusion de la SPR quant à la crédibilité.

[27]  À la lumière de ces deux erreurs de fait graves, les demandeurs soutiennent que la conclusion de la SPR quant à la crédibilité est déraisonnable parce qu’elle est fondée sur une compréhension erronée des faits et une représentation déformée du témoignage des demandeurs. Les demandeurs font remarquer que la Cour a statué à maintes reprises qu’une conclusion quant à la crédibilité est déraisonnable si elle a été rendue sans tenir compte de la preuve. Voir, par exemple, Maruthapillai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 761, au par. 13.

(2)  La viabilité de la PRI

[28]  Les demandeurs soutiennent également que Port Harcourt n’est pas une PRI viable. Ils font valoir que M. Arabambi vient d’une grande famille polygame qui est dispersée dans tout le Nigéria, et que leurs persécuteurs les retrouveraient s’ils déménageaient à Port Harcourt, tout comme ils ont retrouvé le frère de M. Arabambi.

[29]  En outre, ils soutiennent qu’il serait déraisonnable pour eux de déménager à Port Harcourt en raison du manque de perspectives d’emploi prometteuses, de l’insécurité générale dans la région, du coût élevé du déménagement et du fait qu’ils ne connaissent personne dans la région.

B.  Les arguments du défendeur

[30]  Le défendeur soutient que : (1) les erreurs de fait commises par la SPR dans son évaluation de la crédibilité des demandeurs n’étaient pas importantes; (2) la SPR a résumé avec exactitude le témoignage des demandeurs; (3) les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer le caractère déraisonnable de la conclusion de la SPR selon laquelle une PRI viable existait à Port Harcourt.

(1)  La conclusion quant à la crédibilité

[31]  Le défendeur fait d’abord valoir que les conclusions relatives à la crédibilité sont au cœur de la compétence de la SPR, compte tenu de son expertise et du fait qu’elle est la mieux placée pour évaluer le témoignage d’un demandeur. À ce titre, il y a lieu de faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de la SPR quant à la crédibilité. Les conclusions quant à la crédibilité ne sauraient être jugées déraisonnables à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve (Ikeme c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 21, au par. 15).

[32]  Le défendeur reconnaît que la SPR a commis une erreur lorsqu’elle a déclaré que les demandeurs avaient séjourné aux États-Unis pendant quinze mois au lieu de quatre. Toutefois, étant donné que la SPR a indiqué les bonnes dates d’entrée et de sortie, le défendeur soutient que ce n’était qu’une erreur arithmétique. En outre, le défendeur soutient qu’il ne s’agissait pas d’une erreur importante, étant donné que la SPR n’a pas remis en question la durée du séjour des demandeurs aux États-Unis; c’est plutôt leur choix de ne pas demander l’asile aux États-Unis qui était en question et la façon dont cela a entaché leur crédibilité. Le défendeur s’appuie sur la décision de la Cour dans l’affaire Hernandez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 659, au par. 8.

[33]  Deuxièmement, le défendeur soutient que la SPR n’a pas mal interprété le témoignage des demandeurs; elle a plutôt résumé les principaux points importants : (1) la crainte des demandeurs d’être expulsés vers le Nigéria pour avoir demandé l’asile; et (2) les commentaires anti‑immigrants faits par le président Trump à l’égard des Africains.

[34]  Enfin, le défendeur fait remarquer que les articles cités par les demandeurs pour justifier leur explication quant à la raison pour laquelle ils ont décidé de ne pas demander l’asile aux États-Unis démontrent le caractère raisonnable de la décision de la SPR. Les articles font directement référence au fait que, malgré les commentaires du président Trump, les tribunaux ont assuré le maintien du régime d’immigration existant.

(2)  La viabilité de la PRI

[35]  Selon le défendeur, la Cour a reconnu que le lourd fardeau de démontrer que la PRI proposée est déraisonnable revient aux demandeurs d’asile (Iyere c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 67, aux par. 32 à 35 [Iyere]).

[36]  Compte tenu de ce qui précède, le défendeur soutient que l’argument des demandeurs ne traite pas spécifiquement du caractère raisonnable des conclusions de la SPR concernant la possibilité de persécution à Port Harcourt ni du caractère raisonnable de leur déménagement à Port Harcourt. Le défendeur fait remarquer que les demandeurs demandent simplement à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve dont était saisie la SPR.

VIII.  ANALYSE

[37]  Les demandeurs invoquent deux erreurs susceptibles de contrôle :

  1. la décision contestée est fondée sur des erreurs de fait concernant la durée de leur séjour aux États-Unis et sur une interprétation erronée du témoignage des demandeurs quant à la raison pour laquelle ils n’ont pas demandé l’asile aux États-Unis;
  2. l’analyse de la PRI effectuée par la SPR est déraisonnable.

[38]  La plainte des demandeurs au sujet de l’analyse de la PRI effectuée par la SPR est détaillée dans leurs observations écrites :

[traduction]
Les demandeurs ont témoigné que, bien que Port Harcourt soit une grande ville de plus de 1,8 million d’habitants, ils ne pourraient pas y vivre en toute sécurité sans craindre d’être repérés par les membres de leur famille qui les persécutent. Le demandeur a déclaré qu’il vient d’une grande famille polygame dispersée dans tout le Nigéria. Son frère avait déménagé à Port Harcourt par crainte pour la vie des membres de sa famille, qui devaient elles aussi se soumettre à une mutilation génitale féminine, mais sa famille et lui ont dû quitter Port Harcourt précipitamment pour se rendre dans un endroit inconnu, parce que leurs persécuteurs avaient réussi à les retrouver à Port Harcourt. Les demandeurs ont aussi affirmé qu’ils ne connaissent personne dans la ville de Port Harcourt et qu’ils devront engager beaucoup de dépenses pour s’y installer. Les perspectives d’emploi et de travail ne sont pas non plus très prometteuses. Les demandeurs craignent également l’insécurité générale dans la région du delta du Niger et à Port Harcourt en particulier. Leur témoignage montre qu’il ne serait pas raisonnable de s’attendre à ce qu’ils puissent s’installer à Port Harcourt sans que les membres de leur famille les retrouvent et que cette ville ne constitue pas une PRI viable. Sudhahini c MCI (CF, no IMM-7068-03), 2003 CF 1075.

[39]  À l’audience qui a eu lieu devant moi, l’avocat des demandeurs a aussi fait valoir qu’il était déraisonnable de s’attendre à ce que le formulaire FDA indique que le frère du demandeur avait été retrouvé, car M. Arabambi ne l’avait appris de sa sœur qu’une semaine avant l’audience. Cependant, mon interprétation du témoignage de M. Arabambi quant au moment où M. Arabambi a pris connaissance de ce fait et à la façon dont il en a pris connaissance révèle que M. Arabambi a donné un témoignage très vague sur ce point important. Par conséquent, il n’était pas déraisonnable pour la SPR de conclure qu’elle ne disposait pas « d’éléments de preuve clairs et convaincants de la sœur [de M. Arabambi] attestant qu’un tel événement est survenu ». Par ailleurs, M. Arabambi a « répondu par l’affirmative au début de l’audience à une question visant à savoir si les renseignements figurant dans le formulaire FDA étaient complets, véridiques et exacts ». Comme l’a déclaré la SPR, M. Arabambi « avait à ce moment-là l’occasion d’aviser [la SPR] de ce nouvel élément d’information et n’en a rien fait ». Les préoccupations de la SPR quant à la crédibilité à cet égard étaient donc raisonnables et justifiées.

[40]  L’avocat des demandeurs a également soulevé certains points généraux à l’audience concernant ce que la SPR aurait pu examiner de façon plus détaillée lorsqu’elle a évalué l’existence d’une PRI à Port Harcourt. L’avocat des demandeurs affirme en outre que le dossier comprenait des éléments de preuve portant notamment sur les avis aux voyageurs publiés par le gouvernement du Canada, la situation instable en matière de sécurité, les difficultés à trouver un emploi en dehors de l’industrie pétrolière, les enlèvements d’enfants, l’absence de protection de l’État et la prévalence de différents groupes linguistiques.

[41]  Il faut toujours garder à l’esprit que, si une PRI est proposée, le demandeur a le lourd fardeau de démontrer qu’il serait déraisonnable de s’attendre à ce qu’il y cherche refuge. Voir l’aperçu de la jurisprudence que la Cour a donné à cet égard dans la décision Iyere, aux par. 32 à 35. Lors de l’audience devant la SPR, l’avocat des demandeurs a présenté les observations suivantes au sujet de la PRI :

[traduction]
Relativement à la dernière question, celle de la possibilité de refuge intérieur, Madame la Commissaire, vous avez mentionné deux endroits, en particulier ou plus précisément je devrais dire, Port Harcourt et la région d’Ogun. Il existe maintenant une décision faisant autorité, qui est de nature très convaincante, et si vous décidez de ne pas la suivre – ce que vous avez le droit de faire – vous devez fournir les raisons pour lesquelles vous faites une distinction entre cette affaire et celle qui nous occupe. <inaudible>.

Il y a donc des documents… possibilité de refuge intérieur, la possibilité de refuge intérieur en général, il est bien établi que le critère applicable est un critère à deux volets et que vous devez être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque sérieux que les demandeurs soient persécutés à Port Harcourt ou dans l’État d’Ogun et qu’ils ne seront pas non plus exposés à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou à un danger. Donc, en gros, cela veut dire que vous devez désigner un endroit où il existe une possibilité de refuge intérieur, puis passer à la deuxième étape, examiner les conditions dans cet endroit et déterminer que, compte tenu de l’ensemble des circonstances, y compris la situation particulière des demandeurs, il ne serait pas déraisonnable pour eux d’y chercher refuge.

Le demandeur, en fait les deux demandeurs ont mentionné la situation en matière de sécurité dans ces endroits, qui fait en sorte que même le trajet pour s’y rendre serait risqué. Et le risque pour la sécurité <inaudible> au Nigéria. Ce n’est pas moi qui le dis, Madame la Commissaire, des avis aux voyageurs ont été publiés et recommandent essentiellement aux gens de ne pas se rendre dans certaines régions à cause des enlèvements, des crimes violents, des troubles civils. L’avis publié par le Canada mentionne expressément Port Harcourt. Il prévoit : « dans la région du delta du Niger, les États d’Abia, d’Akwa Ibom [ph], d’Abura [ph], d’Elalici [ph], d’Imo [ph] et <inaudible> (à l’exception de la capitale de <inaudible>, Port Harcourt, où nous recommandons aux voyageurs d’éviter les voyages non essentiels), en raison des conditions de sécurité imprévisibles et de l’important risque d’enlèvements ». Donc il y a cela, les troubles civils et la violence qui en découle, mais il y a aussi le virus Zika.

Mais en plus de cela, si vous dites qu’il s’agit d’une possibilité de refuge intérieur viable, cela signifie qu’il serait également sûr pour les membres de la famille de l’époux de s’y rendre. Et selon la demanderesse, même s’il n’y a pas de risque pour la sécurité, ce qui n’est qu’hypothétique, il y a en fait un risque pour la sécurité, mais même s’il n’y en avait pas… elle aurait tout de même peur des membres de la famille de son mari. Et l’exemple qu’elle a donné était qu’ils avaient réussi à savoir où elle se trouvait, chez sa mère je crois, même si elle ne l’avait jamais dit à personne. Ils l’ont quand même retrouvée. Ils ont découvert qu’elle était enceinte même si son mari et elle ne l’avaient dit à personne. Un des membres de la famille l’avait peut-être vue et avait signalé sa grossesse aux autres membres de la famille. Donc, sa dernière phrase, c’était que s’ils peuvent la retrouver là, chez sa mère ou chez une amie, ils peuvent la retrouver partout.

Lorsqu’il est question d’une possibilité de refuge intérieur, on ne s’attend pas à ce que les demandeurs vivent dans une grotte; ils doivent pouvoir vaquer normalement à leurs occupations. Les demandeurs pourraient donc peut-être trouver un emploi à Port Harcourt, mais ça donne quoi s’ils sont obligés d’être constamment aux aguets pour s’assurer que les membres de leur famille ne savent pas où ils sont? Et s’ils les retrouvent? Que se passerait‑il alors? Prenez le frère du demandeur. Il est resté dans un endroit pendant un an et il a dû partir parce qu’ils ont découvert où il se trouvait. Les demandeurs sont dans la même situation. Le frère du demandeur, malheureusement, n’a pas réussi à quitter le Nigéria. Les demandeurs, eux, ont réussi et <inaudible> parce que la demanderesse affirme qu’elle avait une vie là-bas.

Quitter le Nigéria n’était pas leur premier choix. Leur premier choix était d’essayer de résoudre le problème lié à cette tradition familiale qui est étrangère à la demanderesse, qui n’a rien à voir avec sa famille. Elle voulait résoudre le problème, rester au Nigéria et élever sa famille dans un environnement sûr. Et donc elle a donné l’impression qu’un ultimatum avait été lancé.

[42]  Dans leurs observations écrites, les demandeurs disent simplement à la Cour ce qui a été dit au sujet de la PRI de Port Harcourt et affirment qu’il ne serait pas raisonnable qu’ils y déménagent. Cela ne soulève ni ne justifie aucune erreur susceptible de contrôle de la part de la SPR. Les demandeurs demandent simplement à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve et de souscrire à leur argument, selon lequel Port Harcourt ne constitue pas une PRI viable. La Cour ne peut le faire. Voir la décision de la Cour dans l’affaire Gutierrez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 266, au par. 42, ainsi que la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov, précité, au par. 83.

[43]  À la lumière des observations présentées de vive voix par les demandeurs, j’ai examiné en détail l’analyse de la PRI faite par la SPR compte tenu de la preuve dont elle était saisie et je ne trouve aucune erreur susceptible de contrôle. L’existence d’une PRI viable est déterminante quant à l’issue de la demande d’asile des demandeurs, même si la SPR a commis une erreur en évaluant leur défaut de demander l’asile aux États-Unis.

[44]  J’ai également examiné l’allégation des demandeurs selon laquelle la SPR aurait commis une erreur en ce qui concerne le défaut de demander l’asile aux États-Unis, mais je ne trouve aucune erreur susceptible de contrôle. Comme l’a souligné le défendeur dans ses observations, la conclusion de la SPR quant à la crédibilité n’était pas liée à la durée du séjour des demandeurs aux États-Unis. La SPR était préoccupée par le choix des demandeurs de ne pas demander l’asile aux États-Unis et par les raisons qui sous-tendaient ce choix, à savoir le fait qu’ils avaient des visas de visiteur valides et qu’ils craignaient d’être renvoyés au Nigéria s’ils demandaient l’asile, en raison des commentaires du président Trump selon lesquels les Africains n’étaient pas les bienvenus aux États-Unis.

[45]  La SPR a abordé la question en ces termes :

[23]  Les deux demandeures d’asile se sont rendues aux É.-U., munies de visas de touriste valides le 2 novembre 2017, afin de fuir la famille de l’époux ou du père. [M. Arabambi] est arrivé aux É.-U. le 30 novembre 2017. Les demandeurs d’asile se sont rendus au Canada pour y présenter une demande d’asile le 16 mars 2018. Ils ont vécu aux É.-U. pendant un an et trois mois. Les demandeurs d’asile ont affirmé dans le cadre de leur témoignage n’avoir jamais voulu faire une demande d’asile aux É.-U. Étant donné qu’ils étaient munis de visas de visiteur valides, ils avaient également peur d’être expulsés après que le président des É.-U. eut déclaré que les Nigérians n’étaient pas les bienvenus. [La SPR] n’accepte pas cette explication. Il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles donnant à penser que les demandeurs d’asile seraient expulsés du fait qu’ils étaient détenteurs de visas valides. Un processus légal, similaire à celui qui existe au Canada, y est par ailleurs en place, qui permet d’établir si une personne peut se prévaloir d’une protection. [La SPR] estime que si les demandeurs d’asile craignent vraiment pour leur vie, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’ils cherchent à obtenir l’asile dans le premier pays sûr où ils sont admis, soit les É.-U. Ce défaut de demander l’asile fait en sorte que [la SPR] a des préoccupations quant à la crédibilité des allégations des demandeurs d’asile et témoigne d’une absence de crainte subjective.

[46]  Je ne trouve rien qui soit substantiellement déraisonnable dans cette analyse ni dans les conclusions de la SPR.

[47]  Néanmoins, les conclusions de la SPR sur l’existence d’une PRI viable sont déterminantes et, bien qu’il soit possible d’être en désaccord avec ces conclusions, comme le sont les demandeurs en l’espèce, il n’est pas possible, à mon avis, de dire que la SPR a commis une erreur déraisonnable dans son analyse.

[48]  Les parties conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier, et la Cour est du même avis.


JUGEMENT dans le dossier IMM-462-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18e jour de février 2020.

Julie Blain McIntosh, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-462-19

 

INTITULÉ :

EMMANUEL ADEDAYO ARABAMBI ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 OCTOBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Russell

 

DATE DES MOTIFS :

Le 22 janvier 2020

 

COMPARUTIONS :

Solomon Orjiwuru

Pour les demandeurs

 

Nicholas Dodokin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Solomon Orjiwuru

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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