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Date : 20200117


Dossier : T‑896‑15

Référence : 2020 CF 64

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2020

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

GEORGETOWN RAIL EQUIPMENT COMPANY

demanderesse

Et

TETRA TECH EBA INC.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  En 2011, la Georgetown Rail Equipment Company [Georgetown] a obtenu le brevet canadien 2,572,082 [le brevet 082] intitulé « Système et procédé d’examen de voie ferrée ». Selon l’« Abrégé de la divulgation » du brevet 082 :

L’invention divulguée concerne un système et un procédé d’examen de voie ferrée à base de lasers, de caméras et d’un processeur. Les lasers sont placés contre la voie. Un tel laser émet un faisceau de lumière en travers de la voie, la caméra prenant des vues de la voie recevant le faisceau de lumière émise. Le processeur formate les images de façon qu’elles puissent être analysées pour évaluer divers aspects mesurables de la voie. Le système de l’invention divulgué peut comporter un récepteur GPS ou un calculateur de distance pour déterminer des données d’emplacement. Les aspects mesurables qui peuvent être évalués par le système de l’invention peuvent notamment porter sur les distances entre travers, l’angle des traverses par rapport aux rails, les fissures et les défauts superficiels des traverses, les pièces d’éclissage manquantes ou désalignées, les éclissages enfoncés, les crampons ressortis, l’usure du rail, le calibre du rail, la hauteur de ballast par rapport aux traverses, le calibre des pierres de ballaste, ainsi que les cassures ou séparations dans le rail. Le système comporte un ou plusieurs algorithmes permettant de déterminer ces aspects mesurables de la voie ferrée.

[2]  En 2013, Georgetown a obtenu le brevet canadien 2,766,249 [brevet 249] intitulé « Système et procédé de correction de l’inclinaison pour abrasion d’appui de rail ». Selon la description « Abrégé de la divulgation » du brevet 249 :

[traduction
Les réalisations de l’invention qui ont été divulguées concernent un système qui comprend un appareil d’inspection contenant des lasers, des caméras et des processeurs adaptés dans le but de déterminer si un appui de rail présente une abrasion le long d’une voie ferrée. Le processeur emploie un algorithme à fondement mathématique qui compense l’inclinaison relevée à mesure que le système d’inspection se déplace le long d’une voie ferrée.

[…]


 

[traduction

Les dispositifs de mesure montés sur le véhicule d’inspection qui traverse la voie ferrée prennent des mesures précises de la hauteur de la voie, ainsi que de la traverse, et ajustent ces mesures d’après la ou les inclinaisons attendues, afin que toute abrasion de la voie puisse être prévue sans qu’on doive effectuer une élévation des voies qui s’avère dangereuse et qui donne des mesures manuelles non fiables et coûteuses en temps.

[3]  Tetra Tech EBA Inc [Tetra] a également élaboré un système d’inspection de voie ferrée appelé « Three Dimensional Track Assessment System » [3DTAS], soit un appareil d’évaluation tridimensionnelle monté sur un wagon qui se déplace sur une voie, qui est doté de deux lasers disposés à côté de cette dernière et qui emploie des algorithmes pour analyser l’assiette de voie, y compris les traverses, les rails, les patins, les pièces d’éclissage, le ballast et les crampons. Ces éléments sont représentés sur une carte tridimensionnelle des hauteurs, et un codeur ou un récepteur GPS peut servir à identifier des données d’emplacement géographique.

[4]  Le 29 mai 2015, Georgetown a intenté une action civile, alléguant que Tetra avait contrefait de nombreuses revendications du brevet 082 et du brevet 249. Tetra a nié avoir contrefait les revendications invoquées et a également soutenu que les brevets 082 et 249 dans leur intégralité étaient évidents, et donc invalides.

[5]  Le 31 janvier 2018, j’ai conclu dans Georgetown Rail Equipment Company c Rail Radar Inc., 2018 CF 70 [Georgetown], que les brevets 082 et 249 étaient valides et qu’ils avaient été contrefaits par Tetra. Par conséquent, j’ai fait droit à l’action en contrefaçon de Georgetown et j’ai rejeté la demande reconventionnelle de Tetra.

[6]  Le 9 juillet 2019, la Cour d’appel fédérale [CAF] a invalidé mon jugement en rendant l’arrêt Georgetown (Tetra Tech EBA Inc. c Georgetown Rail Equipment Company, 2019 CAF 203 [Tetra]). La CAF a conclu que j’avais omis d’analyser comment une personne moyennement versée dans l’art [la personne versée dans l’art] aurait réagi à l’invention divulguée dans le brevet 082 à la lumière des antériorités et des connaissances générales courantes. La CAF a conclu que la personne versée dans l’art aurait pu franchir l’écart entre les antériorités et les revendications émises en appliquant uniquement les connaissances générales courantes. D’après la CAF, il se serait agi d’une mesure évidente, parce que les inspecteurs humains avaient réglé ce même problème (c.àd. mesurer les vices des selles de rail) que l’invention brevetée no 082 était censée régler et qu’ils l’avaient fait de la même manière. Par conséquent, la CAF a conclu qu’il n’était pas inventif d’utiliser un système de visionique pour accomplir la même tâche que celle précédemment exécutée par des êtres humains.

[7]  En ce qui concerne le brevet 249, la CAF a jugé qu’il enseigne et revendique deux systèmes et procédés assez distincts pour déterminer la présence et l’ampleur d’abrasion des appuis de rail :

[traduction
[122] Le premier utilise des données indiquant la position du rail par rapport à la traverse. De plus, il enseigne et revendique au moins un processeur qui compense l’inclinaison de la voie ferrée (revendications 1 et 12). Le second système et la seconde méthode ne compensent pas l’inclinaison (revendications 7 et 18). Ils utilisent des données tridimensionnelles qui constituent une description de la géométrie de la voie ferrée et de ses composants, afin de déterminer la différence de hauteur entre le patin de rail et la traverse. Puisqu’une abrasion de l’appui de rail entraîne une diminution de la hauteur du rail à mesure que la traverse s’use, la différence de hauteur est proportionnelle à l’abrasion de l’appui de rail. De manière plus précise, en l’absence d’abrasion de l’appui de rail, la différence de hauteur entre le rail et la traverse atteint une valeur nominale. Après une abrasion, la hauteur du rail diminue et la différence de hauteur entre le patin de rail et la traverse s’avère inférieure à la valeur nominale.

[8]  La CAF a estimé que la détermination du « delta réel », c’est‑à‑dire la différence ou la distance entre deux points, fondée sur l’application d’un facteur de correction de l’inclinaison, n’était pas un élément essentiel des revendications visées par les allégations de contrefaçon contrefaites, plus précisément, les revendications 7, 11 et 18 (Tetra, au par. 123). À la lumière de cette interprétation, la CAF a conclu que le deuxième système (c.‑à‑d. celui qui n’effectue pas de correction de l’inclinaison) n’était pas inventif, et ses revendications étaient donc évidentes et invalides.

[9]  La CAF a renvoyé à la Cour les décisions relatives à l’évidence et à la validité des revendications restantes du brevet 249, à la lumière de ses conclusions et de son analyse dans l’arrêt Tetra.

[10]  Les revendications du brevet 249 que la CAF a jugées comme étant évidentes et invalides sont les revendications 7, 11 et 18 [les revendications invalides]. Les revendications du brevet 249 qui ont été renvoyées à des fins d’examen ultérieur par la Cour sont les revendications 1 à 6, 8 à 10 et 12 à 17 [les revendications renvoyées]. Les revendications invalides ne comprennent pas le facteur de correction de l’inclinaison; les revendications renvoyées le comprennent.

[11]  Je conclus, après application de la présomption de validité et du fardeau de la preuve, que Tetra n’a pas démontré que les concepts inventifs d’un facteur de correction de l’inclinaison ou d’un facteur de correction de l’inclinaison normalisé, à la manière dont ces termes sont utilisés dans le brevet 249, étaient divulgués dans les antériorités. La Cour ne dispose pas non plus d’éléments de preuve suffisants pour appuyer la conclusion selon laquelle ces concepts faisaient partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art à la date pertinente. Les revendications 2 à 6, 8 à 10 et 13 à 17 renvoient toutes précisément à un facteur de correction de l’inclinaison ou à un facteur de correction de l’inclinaison normalisé. Compte tenu du manque d’éléments de preuve mis à la disposition de la Cour, je ne suis pas en mesure de conclure que ces revendications sont évidentes et qu’elles sont donc invalides.

[12]  Les revendications 1 et 12 sont des revendications indépendantes. Elles concernent de façon générale un système d’inspection fixé à un véhicule qui corrige l’inclinaison rencontrée à mesure qu’il se déplace le long de la voie. Ces revendications ne comprennent pas un facteur de correction de l’inclinaison ou un facteur de correction de l’inclinaison normalisé, comme le précisent les revendications 2 à 6, 8 à 10 et 13 à 17. La CAF a conclu dans l’arrêt Tetra que tous les autres éléments des revendications 1 et 12 étaient évidents (aux par. 108 à 130); par conséquent, les seuls concepts inventifs restants des revendications 1 et 12 se rapportent, de façon générale, à la correction de l’inclinaison.

[13]  Comme je l’ai affirmé à l’alinéa 90b) de l’affaire Georgetown, le concept général de correction de l’inclinaison comme caractéristique d’un système de visionique qui pourrait être utilisé pour inspecter les voies ferrées et identifier les défauts a été divulgué dans les antériorités. Dans la décision Tetra, la CAF n’a pas remis en question cette conclusion. Par conséquent, le concept général de correction de l’inclinaison, de compensation ou de rajustement s’inscrivait dans les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art à la date pertinente, et cela aurait permis à la personne versée dans l’art de franchir l’écart entre les antériorités et les revendications 1 et 12 du brevet 249. Ces revendications sont donc évidentes et invalides.

II.  La question à trancher

[14]  La seule question que doit trancher la Cour est celle de savoir si les revendications renvoyées sont évidentes, et donc invalides.

III.  Analyse

[15]  Le critère applicable à l’évidence demeure celui énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Apotex Inc. c SanofiSynthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, au par. 70 [Sanofi] :

  • a) Identifier la « personne versée dans l’art » et déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

  • b) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

  • c) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui soustend la revendication ou son interprétation;

  • d) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

[16]  La quatrième étape de l’analyse peut exiger de se demander si l’invention revendiquée résulte d’un « essai allant de soi ». Au paragraphe 114 de la décision Georgetown, j’ai fait observer que cette analyse « a tendance à se poser dans les domaines d’activité où les progrès sont [souvent] le fruit de l’expérimentation, et où de nombreuses variables interdépendantes peuvent influer sur le résultat, par exemple, le développement du domaine pharmaceutique (Sanofi‑Synthelabo, au paragraphe 68) ». J’ai jugé que les éléments de preuve présentés en l’espèce ne permettaient pas d’établir qu’un système de visionique et un système d’inspection des voies ferrées sont des domaines d’activité comparables. Tetra ne demande pas le réexamen de cette conclusion dans la présente procédure.

[17]  Les arguments de Tetra se résument comme suit :

  • a) La seule chose qui distingue les revendications renvoyées des revendications invalides est la correction de l’inclinaison. La CAF a conclu que les revendications invalides étaient évidentes. Par conséquent, le seul concept inventif restant possible est la correction de l’inclinaison.

  • b) Le témoin expert convoqué par Georgetown, M. Harley Myler, ne s’est pas prononcé sur le caractère inventif de la correction de l’inclinaison. Par conséquent, le témoignage du témoin expert convoqué par Tetra, M. Sébastien Parent, concernant la correction de l’inclinaison n’est pas contesté.

  • c) Dans son rapport d’expert, M. Parent mentionnait deux éléments d’art antérieurs qui sont pertinents en l’espèce : Liviu Bursanescu & François Blais, « Automated Pavement Distress Data Collection and Analysis: a 3‑D Approach » [collecte et analyse de données automatisées sur la dégradation de la chaussée : une approche tridimensionnelle] (1997) 41574 CNRC 311 [article de M. Blais]; et Denis Gingras, « Optics and Photonics Used in Road Transportation » [utilisation de l’optique et de la photonique dans le transport routier] (étude présentée dans Opto‑Contact : Workshop on Technology Transfers, Start‑Up Opportunities and Strategic Alliances [atelier sur les transferts technologiques, les débouchés créés par les entreprises en démarrage et les alliances stratégiques], 24 septembre 1998), 3414 SPIE 264 [l’article de M. Gingras]. Ces deux articles montrent que les techniques de correction de l’inclinaison ont été décrites dans l’art antérieur et qu’elles faisaient partie des connaissances générales courantes d’une personne versée dans l’art à la date pertinente.

  • d) La divulgation du brevet 249 n’enseigne aucune façon précise de quelle façon un facteur de correction de l’inclinaison est établi. Elle indique uniquement qu’une voie ferrée peut être inclinée et renvoie à un facteur de correction de l’inclinaison normalisé de 0,12, sans préciser comment cette valeur a été obtenue ou quand elle devrait être employée.

  • e) Par conséquent, la personne versée dans l’art saura comment calculer un facteur de correction de l’inclinaison en utilisant les techniques décrites dans l’article de M. Blais ou dans celui de M. Gingras, ou toute autre technique normalisée faisant partie de l’art antérieur ou des connaissances générales courantes.

[18]  Georgetown répond que la Cour n’est pas en mesure d’interpréter la signification d’un facteur de correction de l’inclinaison ou d’un facteur de correction de l’inclinaison normalisé tel que l’utilise le brevet 249 en se fondant uniquement sur l’article de M. Blais ou sur l’article de M. Gingras. Ni M. Parent ni M. Myler n’a traité de la pertinence des deux articles par rapport au concept de la correction de l’inclinaison tel qu’il est utilisé dans les revendications renvoyées. L’article de M. Blais ne renvoie pas explicitement à la [traduction« correction de l’inclinaison ». Il n’explique pas non plus quelle correction devrait être appliquée pour quiconque souhaite tenir compte du [traduction« tangage et du roulis du véhicule », comme le signale M. Parent au paragraphe 47 de son rapport.

[19]  Georgetown soutient que M. Parent n’a pas expliqué comment, dans l’article de M. Gingras, les mentions [traduction] « correction de l’étalonnage » ou [traduction« pré‑traitement » se rapportent aux revendications renvoyées ou la correction de l’inclinaison. Georgetown affirme également que le 3DTAS n’applique pas la correction de l’inclinaison de la manière enseignée par les revendications renvoyées.

A.  La personne moyennement versée dans l’art

[20]  La CAF ne s’est pas opposée à mes conclusions concernant la personne versée dans l’art. La personne versée dans l’art demeure un ingénieur électrique ou informatique qui possède au moins trois années d’expérience de travail avec les systèmes de traitement de l’image, ou qui détient une maîtrise, et les connaissances pratiques des techniques d’inspection des voies ferrées et des voies ferrées (Georgetown, aux par. 63‑67).

B.  Les connaissances générales courantes

[21]  Dans l’arrêt Tetra, la CAF a décrit les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art de la façon suivante :

[50] Comme je l’ai expliqué précédemment, la personne versée dans l’art possède des connaissances des voies ferrées et des techniques d’inspection des rails suffisantes pour être en mesure d’assurer l’application de techniques de visionique à l’inspection des rails. Les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art comprennent la connaissance du fait que les systèmes de visionique peuvent servir à détecter les vices de rails. Cette conclusion sous‑entend que la personne versée dans l’art possède des connaissances suffisantes des vices de rails énumérés pour être en mesure de comprendre comment un système de visionique s’appliquerait à ces vices et permettrait de les détecter.

[22]  Comme je l’indique au paragraphe 86 de Georgetown, les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art englobent l’application de la visionique à « l’inspection des voies ferrées, ainsi que d’autres surfaces comparables telles que les rues et la chaussée ».

[23]  À l’alinéa 90b), j’ai conclu qu’une personne versée dans l’art comprendrait, d’après des connaissances générales courantes, que les surfaces pourraient être inspectées et les défauts décelés à l’aide d’un système dont les attributs consistent notamment (vi) en un inclinomètre de pente et de cambrure et (vii) en la correction du profil en fonction du tangage et du roulis du véhicule.  

[24]  À l’alinéa 90c), j’ai conclu qu’une personne versée dans l’art s’appuyant sur l’art antérieur et les connaissances générales courantes aurait su qu’un « système de [visionique] avec ces caractéristiques peut être utilisé pour inspecter les voies ferrées et leurs composantes afin d’identifier les défauts ».

C.  Les concepts inventifs des revendications renvoyées

[25]  L’interprétation des revendications est une question de droit qu’il appartient au juge de trancher (Whirlpool Corp c Camco Inc., 2000 CSC 67, au par. 61). Quand le juge peut interpréter le brevet comme le comprendrait une personne versée dans l’art, une preuve d’expert n’est pas nécessaire (Canmar Foods Ltd. c TA Foods Ltd., 2019 CF 1233, aux par. 80‑94 [Canmar], citant Pfizer Canada Inc. c Canada (Santé), 2007 CF 446, aux par. 25 et 35‑36 et Excalibre Oil Tools Ltd c Advantage Products Inc., 2016 CF 1279, au par. 119).

[26]  Voici ce que dit Tetra relativement aux concepts inventifs des revendications renvoyées :

[traduction
41. Les revendications 3, 6, 14 et 17 constituent des revendications dépendantes qui n’ajoutent que des limites déjà visées par les revendications précédemment jugées évidentes. De manière plus particulière et comme indiqué dans la revendication évidente 18, les revendications 3 et 14 ajoutent des limites relatives au dénombrement et à la normalisation de pixels selon un indice de mesure. Comme indiqué dans la revendication évidente 11, les revendications 6 et 17 reposent sur une détermination de l’abrasion de l’appui de rail d’après le delta réel. Les revendications 3, 6, 14 et 17 n’ajoutent ainsi aucune limite constituant une activité inventive, si bien que leur validité repose sur celle de l’une des revendications dont elles dépendent.

42. Pour ce qui est de chaque revendication restante, la Cour doit déterminer si l’inclusion de la limite d’inclinaison s’avère suffisamment inventive pour qu’elle ne soit pas traitée comme les revendications précédentes. Tous les autres éléments des revendications restantes ont déjà été jugés comme des composants qui n’établissent aucune différence non évidente par rapport à l’état de la technique. En bref, les éléments à prendre en considération sont les suivants :

i. → le processeur compense l’inclinaison de la voie ferrée (revendication 1);

ii. .→ la mesure de l’abrasion de l’appui de rail est ajustée en fonction de l’inclinaison relevée pendant que le système d’inspection se déplace le long de la voie ferrée, et la détermination de l’existence d’une abrasion de l’appui de rail selon la mesure ajustée (revendication 12);

iii. .→ la détermination d’un facteur de correction de l’inclinaison (revendications 2, 8 et 13);

iv. .→ la détermination d’un facteur de correction de l’inclinaison d’après la hauteur des patins de rail gauche et droit, ainsi que d’un facteur de correction de l’inclinaison normalisé (revendications 4, 9 et 15);

v.  → la détermination d’un delta réel d’après un facteur de correction de l’inclinaison (revendications 5, 10 et 16).

[27]  Georgetown affirme qu’il n’y a pas d’éléments de preuve suffisants au sujet des revendications renvoyées pour soutenir les arguments de Tetra à ce moment-ci de l’analyse, ou à quelque moment que ce soit. M. Parent et M. Myler ont fourni des opinions qui ne concernaient que les revendications invalides. La Cour est donc incapable d’évaluer les concepts inventifs des revendications renvoyées de la manière proposée par Tetra.

[28]  Dans son exposé écrit, Georgetown dit ce qui suit au sujet des éléments de preuve à la disposition de la Cour concernant les revendications renvoyées :

[traduction

33. Il y avait peu d’éléments de preuve, voire aucun, concernant les revendications renvoyées. M. Parent n’a pas fourni d’opinion sur ce qu’il estimait être le concept inventif des revendications renvoyées et il ne les a pas non plus interprétées. De même, l’opinion de M. Parent concernant la validité se limitait aux revendications 7, 11 et 18. Il ne lui a pas été demandé – et il n’a pas expressément fourni – d’opinion sur la validité des revendications renvoyées.

[29]  Tetra décrit ainsi les éléments de preuve à la disposition de la Cour concernant la correction de l’inclinaison :

[traduction

21. Étant donné qu’il a interprété que les revendications 7, 11 et 18 du brevet 249 nécessitaient une correction de l’inclinaison, M. Parent a tenu compte de l’évidence des systèmes et des méthodes qui comprennent la correction de l’inclinaison. Selon le témoignage de M. Parent, il n’y avait rien d’inventif dans ces revendications comparativement aux connaissances générales courantes et à la divulgation contenue dans le brevet 082.

22. À titre de comparaison, M. Myler a interprété les revendications 7, 11 et 18 du brevet 249 comme ne nécessitant aucune correction de l’inclinaison. Par conséquent, il n’a pas fourni d’opinion quant à savoir si l’utilisation d’une correction de l’inclinaison était évidente ou inventive.

[30]  Tetra cite le rapport d’expert de M. Parent ainsi :

[traduction

49. Selon mon point de vue, l’article de M. Blais résume ce qui est décrit dans le brevet 082 et le brevet 249, sauf pour ce qui est des algorithmes précis utilisés pour déterminer les caractéristiques physiques liées aux traverses de chemin de fer.

50. [L’article de M. Gingras] est un exemple de système d’inspection des rues qui emploie un système de triangulation avec laser installé sur un véhicule, et un odomètre et un GPS pour la localisation des scanographies. Il convient de souligner que le traitement inclut la correction de l’étalonnage en raison de l’inclinaison et du roulement du véhicule, un sujet lié au brevet 249.

[31]  Toutefois, M. Parent ajoute ceci aux paragraphes 135 et 138 à 139 de son rapport d’expert :

[traduction
135. Dans la revendication 11, laquelle dépend de la revendication 7, on précise que la dernière étape de la revendication 7 (étape d) consiste à déterminer l’abrasion de l’appui de rail « d’après le delta réel des patins de rail gauche et droit ». La revendication 11 semble maladroite, car elle donne l’impression de sous‑entendre que le delta réel a été calculé, mais pas employé, à l’étape d) de la revendication 7, ainsi que de préciser que la valeur d’abrasion d’appui de rail doit absolument tenir compte des valeurs de delta réel. Je retiendrais la seconde option, car sans celle‑ci, la revendication 11 ne pourrait résoudre le problème décrit dans le sommaire de l’invention, soit la compensation de l’inclinaison relevée pendant que le système d’inspection se déplace le long de la voie ferrée. Il est crucial aux revendications 7 et 11 que l’abrasion de l’appui de rail nécessite une fonction de correction de l’inclinaison.

138. Selon la description, il me semble qu’une personne versée dans l’art pourrait comprendre que la correction de l’inclinaison doit être déterminée pour établir l’abrasion de l’appui de rail. Les exemples fournis montrent tous qu’il faut appliquer la correction de l’inclinaison ou le delta déterminés. En outre, plusieurs affirmations figurant dans la description indiquent que des résultats erronés découleraient d’une détermination de l’abrasion d’appui de rail qui ne tient pas compte de l’inclinaison ou de la pente des voies ferrées. Un exemple figure au paragraphe [0072].

139. Je suis d’avis que l’inclusion de la correction de l’inclinaison est essentielle à la revendication, car sans celleci, elle ne présenterait pas assez d’information pour s’avérer utile ou utilisable. Une personne versée dans l’art ne pourrait pas déterminer l’abrasion de l’appui de rail en se fondant uniquement sur les caractéristiques de voie ferrée mesurées à l’étape de la détermination de la hauteur.

[Souligné dans l’original; caractères gras ajoutés.]

[32]  Ces conclusions ont été rejetées par la Cour et la CAF (Georgetown, aux par. 108 et 186; Tetra, aux par. 115, 117 et 123). L’avocat de Tetra reconnaît que la déclaration de M. Parent quant au caractère essentiel de la correction de l’inclinaison pour les revendications invalides était erronée ou confuse.

[33]  La divulgation du brevet 249 ne présente aucun enseignement utile quant à la manière de compenser l’inclinaison. Le brevet 249 enseigne que la voie ferrée, y compris des traverses, peut être inclinée de façon à ce qu’un côté s’avère plus haut que l’autre. Dans le brevet 249, on renvoie à des [traduction« travaux de recherche empiriques et mathématiques dans lesquels on établit un [TRADUCTION] « facteur de correction de l’inclinaison normalisé de 0,12 », mais on ne fournit aucune information sur la manière dont cette valeur a été obtenue ou sur les circonstances dans lesquelles elle peut être utilisée adéquatement.  

[34]  La revendication 1 se rapporte à un système de détermination de l’abrasion d’appui de rail qui comporte un processeur [traduction« qui compense l’inclinaison d’une voie ferrée ».

[35]  La revendication 2 indique plus particulièrement que le système visé par la revendication 1 doit suivre les étapes ci‑après pour compenser l’inclinaison d’une voie ferrée :

  • a) déterminer la hauteur des patins de rail gauche et droit, ainsi que des traverses gauche et droite;

  • b) déterminer un facteur de correction de l’inclinaison;

  • c) déterminer le delta réel des patins de rail gauche et droit;

  • d) déterminer une valeur d’abrasion d’appui de rail relative aux patins de rail gauche et droit.

[36]  La revendication 3 apporte davantage de précisions sur la première étape de la revendication 2, en indiquant que l’étape de détermination des hauteurs de patin de rail et de traverse implique l’étape a), soit la détermination du nombre de pixels verticaux liés à la hauteur des patins gauche et droit et des traverses gauche et droite, ainsi que l’étape b), soit la normalisation de ce nombre d’après un indice de mesure. Dans Tetra, la CAF soutient que ce fait est évident (à l’alinéa 108a) et aux paragraphes 116, 118‑119 et 126‑130).

[37]  La revendication 4 apporte davantage de précisions sur la seconde étape de la revendication 2, soit la détermination d’un facteur de correction de l’inclinaison, en indiquant que cette étape [traduction« est réalisée en se fondant sur la hauteur des patins de rail gauche et droit, de même que sur un facteur de correction de l’inclinaison normalisé ».

[38]  La revendication 5 apporte davantage de précisions sur la troisième étape de la revendication 2, soit la détermination d’un delta réel lié aux patins de rail gauche et droit, en indiquant que cette étape [traduction« est accomplie en fonction du facteur de correction de l’inclinaison ». 

[39]  La revendication 6 apporte davantage de précisions sur la quatrième et dernière étape de la revendication 2, soit la détermination d’une valeur d’abrasion d’appui de rail liée aux patins de rail gauche et droit, en indiquant que cette étape [traduction« est effectuée en se fondant sur un delta réel », c’est‑à‑dire celui qui est mentionné dans la revendication 5 et qui nécessite également un facteur de correction de l’inclinaison.

[40]  La revendication 12 est rattachée à une méthode de détermination de l’abrasion d’appui de rail qui comprend les étapes suivantes :

  • a) déplacer un système d’inspection le long d’une voie ferrée;

  • b) recevoir des données d’imagerie qui correspondent à au moins une partie de la voie ferrée;

  • c) mesurer l’abrasion d’appui de rail sur une partie de la voie ferrée et ajuster la mesure en fonction de l’inclinaison relevée pendant que le système d’inspection se déplace le long de la voie;

  • d) déterminer la présence d’une abrasion d’appui de rail selon la mesure ajustée.

[41]  La revendication 13 apporte davantage de précisions sur la méthode de la revendication 12 en indiquant que l’étape de mesure d’abrasion d’appui de rail qui consiste à ajuster l’inclinaison relevée durant le déplacement du système d’inspection le long de la voie comprend des étapes presqu’identiques à celles de la revendication 2 :

  • a) déterminer la hauteur de patins de rail gauche et droit, ainsi que de traverses gauche et droite;

  • b) déterminer un facteur de correction de l’inclinaison;

  • c) déterminer un delta réel lié aux patins de rail gauche et droit;

  • d) déterminer une valeur d’abrasion d’appui de rail.

[42]  La revendication 14 apporte davantage de précisions sur la première étape de la revendication 13, comme la revendication 3 le fait pour celle de la revendication 2 : la détermination de la hauteur des patins de rail comprend également l’étape a), soit la détermination du nombre de pixels verticaux lié à la hauteur des patins gauche et droit et des traverses gauche et droite, ainsi que l’étape b), soit la normalisation de ce nombre d’après un indice de mesure. Comme je l’ai relevé précédemment, la CAF a statué dans Tetra que ce fait est évident.

[43]  La revendication 15 apporte davantage de précisions sur la seconde étape de la revendication 13, comme la revendication 4 le fait pour celle de la revendication 2 : [traduction« détermination d’un facteur de correction de l’inclinaison d’après la hauteur des patins de rail gauche et droit, ainsi que d’un facteur de correction de l’inclinaison normalisé ».

[44]  La revendication 16 apporte davantage de précisions sur la troisième étape de la revendication 13, comme la revendication 5 le fait pour celle de la revendication 2 :[traduction« détermination d’un delta réel d’après un facteur de correction de l’inclinaison ».

[45]  La revendication 17 apporte davantage de précisions sur la quatrième étape de la revendication 13, comme la revendication 6 le fait pour celle de la revendication 2 : [traduction« détermination d’une valeur d’abrasion d’appui de rail en se fondant sur un delta réel. Ce delta réel est celui mentionné dans la revendication 16, lequel exige aussi un facteur de correction de l’inclinaison ».

[46]  Dans le reste des revendications renvoyées, on décrit un [traduction« facteur de correction de l’inclinaison » ou un [traduction« facteur de correction de l’inclinaison normalisé ». Aucun de ces termes n’est défini ou décrit dans le brevet 249.

[47]  Ni Tetra ni Georgetown n’a consacré beaucoup de temps ou d’efforts à ces questions au moment du procès, ce qui a constitué un obstacle de taille à la capacité de la Cour de comprendre les concepts inventifs des revendications renvoyées. Après avoir pris en considération l’article de M. Blais et celui de M. Gingras, l’orientation limitée fournie par M. Parent dans son rapport d’expert et son témoignage ainsi que les arguments du conseil, je demeure fort perplexe quant à la façon dont un [traduction« facteur de correction de l’inclinaison » ou un [traduction« facteur de correction de l’inclinaison normalisé », tels qu’ils sont utilisés dans les revendications renvoyées, doivent être interprétés.

D.  La question de savoir si les revendications 2 à 6, 8 à 10 et 13 à 17 sont évidentes

[48]  Les revendications 2, 4, 5, 8, 9, 10, 13, 15 et 16 apportent chacune des précisions sur le système visé par la revendication 1, sur la méthode liée à la revendication 12 ou sur celle liée à la revendication 7, y compris un facteur de correction de l’inclinaison, sa détermination ou un facteur de correction de l’inclinaison normalisé. La divulgation du brevet 249 ne présente aucun enseignement relatif à un [traduction« facteur de correction de l’inclinaison » ou à un [traduction« facteur de correction de l’inclinaison normalisé ». Aucune divulgation n’indique comment Georgetown en est arrivée à son exemple de facteur de correction de l’inclinaison normalisé de 0,12 ou à une plage de circonstances dans lesquelles ce dernier est applicable. 

[49]  Les revendications 3 et 6 renvoient expressément au système décrit dans la revendication 2. Les revendications 14 et 17 renvoient expressément à la méthode décrite dans la revendication 13. Bien que dans Tetra, la CAF ait conclu que les autres éléments des revendications 3, 6, 14 et 17 sont évidents, les revendications 2 et 13 impliquent toutes deux la détermination d’un [traduction« facteur de correction de l’inclinaison », de sorte que les revendications 3, 6, 14 et 17 sont dépendantes des revendications 2 et 13.

[50]  Il m’est impossible d’identifier ou d’envisager les concepts inventifs des revendications renvoyées 2 à 6, 8 à 10 et 13 à 17 en l’absence d’une preuve d’expert. Aucune preuve n’a été soumise devant la présente cour relativement à la signification d’un [traduction« facteur de correction de l’inclinaison » ou d’un [traduction« facteur de correction de l’inclinaison normalisé » dans le brevet 249. De plus, hormis la conclusion générale présentée par M. Parent, aucune preuve d’expert n’indique que ces termes diffèrent de ceux se rapportant à l’utilisation d’un [traduction« inclinomètre de pente et de cambrure », à la [traduction« correction du profil en fonction du tangage et du roulis du véhicule » ou à des concepts similaires divulgués dans des antériorités ou les connaissances générales d’une personne versée dans l’art.

[51]  Comme je l’ai souligné dans la décision Georgetown au paragraphe 109, un brevet est présumé être valide en l’absence de preuve contraire (Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4, par. 43(2)). Il incombe à la partie qui fait valoir l’invalidité de la prouver selon la prépondérance des probabilités. Tetra ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que les antériorités, y compris l’article de M. Blais et l’article de M. Gingras, décrivaient le contexte d’un facteur de correction de l’inclinaison, son établissement ou un facteur de correction de l’inclinaison normalisé tel que le prévoit le brevet 249. La Cour ne dispose pas d’éléments de preuve suffisants pour appuyer la conclusion selon laquelle les concepts inventifs des revendications renvoyées 2 à 6, 8 à 10 et 13 à 17 s’inscrivaient dans les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art à la date pertinente.

E.  Le fait de savoir si les revendications 1 et 12 sont évidentes

[52]  Les revendications 1 et 12 du brevet 249 englobent toute forme de correction de l’inclinaison employée dans un système de visionique conçu pour inspecter des voies ferrées et en identifier des défauts. La revendication 1 vise généralement un système qui comprend un processeur servant à compenser l’inclinaison pour déterminer l’abrasion d’un appui de rail. La revendication 12 renvoie généralement à une méthode de détermination de l’abrasion d’un appui de rail dans le cadre de laquelle la mesure de l’abrasion est ajustée en fonction de l’inclinaison relevée pendant que le système d’inspection se déplace le long d’une voie ferrée.

[53]  Il existe une présomption réfutable selon laquelle les revendications dans un brevet ne sont pas redondantes. Il s’agit du principe de la « différenciation des revendications » (Halford c Seek Hawk Inc., 2004 CF 88, au par. 92, décision infirmée en partie pour d’autres motifs, 2006 CAF 275 [Halford]) :

[93] Dans sa forme la plus simple, la différenciation des revendications exige uniquement que « les restrictions d’une revendication ne soient pas considérées comme faisant partie d’une revendication générale ». Un commentaire plus approfondi sur la différenciation des revendications est donné dans D.M.I., Inc. c. Deere & Co. :

 

[TRADUCTION] La Cour de district a dit ce qui suit : « En règle générale, une restriction ne peut être attribuée à une revendication afin d’éviter la contrefaçon » [...] Puisque, comme dans le cas présent, la restriction qui ferait partie d’une revendication se trouve déjà dans une autre revendication, la règle est beaucoup plus que « générale ». Elle est fixe. Elle est établie depuis longtemps. Elle a un statut immuable et universellement applicable assez rare parmi les règles de droit. Sans cette règle, toute la structure législative et réglementaire régissant la rédaction, la présentation, l’examen, la reconnaissance et la force exécutoire des revendications s’effondrerait. Cette cour a confirmé le maintien de la règle. [...] En fait, dans Kalman, cette cour a cité avec approbation cet énoncé clair de la règle trouvée dans Deere & Co. c. International Harvester Co. :

Lorsque certaines revendications sont étendues et d’autres limitées, les restrictions de la revendication limitée ne peuvent pas être considérées comme faisant partie de la revendication étendue pour éviter l’invalidité ou la contrefaçon.

[Renvois omis.]

[54]  Le juge George Locke a récemment dit ce qui suit en ce qui concerne le principe de différentiation des revendications au paragraphe 103 de la décision Camso Inc. c Soucy International Inc., 2019 CF 255 :

[] Il est reconnu que lorsque deux revendications diffèrent l’une de l’autre à un seul égard, il est difficile de prétendre que l’on n’a pas fait de la caractéristique différente un élément essentiel de la revendication : Whirlpool, au para 79. Par conséquent, la revendication dépendante, qui comprend tous les éléments de la revendication indépendante sur laquelle elle repose, fera généralement l’objet d’une interprétation plus limitée que celle donnée à la revendication indépendante : Halford c Seed Hawk Inc, 2004 CF 88, au para 90 [Halford], conf. par 2006 CAF 275. Les restrictions d’une revendication dépendante ne sont généralement pas considérées comme faisant partie d’une revendication indépendante : Halford, au para 93. En outre, l’interprétation de la revendication indépendante ne doit pas être en contradiction avec celle de la revendication dépendante : Halford, aux para 91, 95.

[55]  Si j’applique le principe de la différenciation des revendications, les revendications 1 et 12 du brevet 249 ne doivent pas être interprétées d’une manière qui les limite à un [TRADUCTION] « facteur de correction de l’inclinaison » ou à un [TRADUCTION] « facteur de correction de l’inclinaison normalisé » qui se trouve ailleurs dans le brevet 249. Les revendications 1 et 12 ne donnent pas de renseignements particuliers sur les moyens, quels qu’ils soient, permettant d’accomplir une correction de l’inclinaison. Elles ne mentionnent pas précisément un facteur de correction de l’inclinaison, encore moins un facteur de correction de l’inclinaison normalisé. De plus, les revendications 2 à 6 et 13 à 17 envisagent et revendiquent les méthodes et systèmes précisés qui comprennent un facteur de correction de l’inclinaison, son établissement ou un facteur de correction de l’inclinaison normalisé. Les revendications 1 et 12 deviendraient redondantes si je devais les interpréter comme si elles comprenaient un facteur de correction de l’inclinaison, normalisé ou non.

[56]  Par conséquent, les revendications 1 et 12 sont indépendantes des revendications qui donnent des renseignements particuliers sur un système ou une méthode permettant de compenser ou de rajuster une inclinaison de la voie ferrée à l’aide d’un facteur de correction de l’inclinaison, de son établissement ou d’un facteur de correction de l’inclinaison normalisé. L’antériorité décrivait un concept général de correction de l’inclinaison comme un aspect des systèmes de visionique qui pouvaient être utilisés pour inspecter les voies ferrées et identifier les défauts. La personne versée dans l’art, qui utilise les connaissances générales courantes, aurait donc été en mesure de franchir l’écart entre les antériorités et les revendications 1 et 12 à la date pertinente. Les revendications 1 et 12 sont évidentes et invalides.

IV.  Conclusion

[57]  Suivant l’application de la présomption de validité et du fardeau de la preuve, Tetra n’a pas établi que les revendications renvoyées 2 à 6, 8 à 10 et 13 à 17 sont évidentes et donc invalides. La demande reconventionnelle de Tetra est rejetée relativement à ces revendications.

[58]  Suivant l’application du principe de différenciation des revendications, Tetra a établi que les revendications renvoyées 1 et 12 sont évidentes et qu’elles sont donc invalides. La demande reconventionnelle de Tetra est accueillie relativement à ces revendications.

V.  Dépens

[59]  Conformément à l’entente entre les parties, étant donné qu’aucune des parties n’a entièrement obtenu gain de cause, aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La demande reconventionnelle de Tetra est rejetée relativement aux revendications renvoyées 2 à 6, 8 à 10 et 13 à 17.

  2. La demande reconventionnelle de Tetra est accueillie relativement aux revendications renvoyées 1 et 12.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 19e jour de février 2020

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

T‑896‑15

 

INTITULÉ :

GEORGETOWN RAIL EQUIPMENT COMPANY c TETRA TECH EBA INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

3 DÉCEMBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DES MOTIFS :

17 JANVIER 2020

 

COMPARUTIONS :

Donald Cameron

Anastassia Trifonova

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Bruce Stratton

Bentley Gaikis

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bereskin & Parr LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

DLA Piper (Canada) LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSe

 

 

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