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Date : 20010528

Dossier : T-2006-99

Référence neutre : 2001 CFPI 532

Entre :

                                                       CAMOPLAST INC.

                                                                                                                      Demanderesse/

                                                                                           défenderesse reconventionnelle

                                                                      ET

                                            SOUCY INTERNATIONAL INC.

                                                                                                                        Défenderesse/

                                                                                          demanderesse reconventionnelle

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

[1]                La Cour est saisie d'une requête de la défenderesse en vertu de la règle 75 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les règles) aux fins d'amender sa défense et demande reconventionnelle (la défense) de manière à ce que celle-ci contienne les paragraphes 16.1, 17(viii), (ix) et (x), 18.1 et 18.2. Ces derniers paragraphes peuvent se résumer ainsi:

Par. 16.1: la production du dossier du brevet américain correspondant au brevet en litige devant cette Cour;

Par. 17 viii, ix et x: ajouter la référence à trois autres chenilles, lesquelles supportent très fortement les arguments d'invalidité du brevet en litige;

Par. 18.1: un allégué à l'effet que le témoin a participé au projet de recherche qui a mené à la demande de brevet Lecours, laquelle est déjà alléguée en défense au paragraphe 18 d);

Par. 18.2: un allégué à l'effet que la demanderesse savait que les motoneiges de marque AKTIV ne sont plus produites depuis 1991-1992.

[2]                À l'égard des principes applicables en matière d'amendements d'actes de procédures, le passage suivant tiré de l'arrêt Canderel Ltée c. Canada, [1994] 1 C.F. 3 (C.A.), en page 10, reflète bien le libéralisme certain dont la Cour doit faire preuve en la matière:

... même s'il est impossible d'énumérer tous les facteurs dont un juge doit tenir compte en décidant s'il est juste, dans une situation donnée, d'autoriser une modification, la règle générale est qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice.

[3]                L'on peut rajouter à ces propos, en guise de toile de fond, qu'en matière d'amendement, à l'instar d'une demande de radiation d'une procédure, l'on doit permettre l'amendement à moins qu'il soit clair et évident que l'amendement est voué à l'échec (voir Raymond Cardinal et al. c. Her Majesty the Queen, décision non rapportée de la section d'appel de cette Cour en date du 31 janvier 1994, dossier A-294-77, juges Heald, Décary et Linden).

[4]                Dans l'arrêt Visx v. Nidek [1998] F.C.J. No 1766, la Cour d'appel fédérale a également remis à l'ordre du jour les propos suivants tirés d'un arrêt de 1886:

The rule of conduct of the Court in such a case is that, however negligent or careless may have been the first omission, and however late the proposed amendment, the amendment should be allowed, if it can be made without prejudice to the other side. There is no injustice if the other side can be compensated by costs; but, if the amendment will put them into such a position that they must be injured, it ought not to be made.

[5]                En l'espèce, la défenderesse a présenté sa requête une première fois en décembre 2000 par voie de requête écrite sous la règle 369. J'ai rejeté alors cette requête et le juge Blais en première instance a sur la base du dossier tel que constitué devant moi maintenu ma décision. (Il est à noter que la défenderesse a porté en appel la décision du juge Blais. Nous reviendrons plus loin sur l'impact de cet appel.)

[6]                Je considère que c'est cette décision du juge Blais alliée aux principes dégagés plus avant qui doivent essentiellement guider notre décision en l'espèce.

[7]                Dans sa décision, le juge Blais note que c'est entre autres par le biais de l'affidavit de André Deland daté du 2 février 2001 que des faits nouveaux se trouvaient alors portés à l'attention de la Cour. Tel que mentionné plus avant, le juge Blais n'a pu toutefois tenir compte de cet affidavit de Deland puisqu'il se devait d'évaluer ma décision en fonction du dossier tel qu'il était constitué devant moi. Il y a lieu de croire que cet affidavit de Deland du 2 février est similaire à celui de Deland du 3 avril 2001 soumis à l'appui de la présente requête.


[8]                Toutefois, il transpire des motifs du juge Blais que l'affidavit de Deland a porté puisque le juge prend la peine d'en décrire toute la teneur tout en sachant fort bien qu'il ne pourra le retenir pour les fins de sa décision.

[9]                Au paragraphe 20 de sa décision, il note que cet affidavit semble apporter, tel que mentionné plus avant, un certain nombre d'éléments nouveaux.

[10]            Dès le paragraphe 24 de sa décision, le juge note: « La défenderesse aura tout le loisir de présenter une nouvelle requête pour amender si elle souhaite présenter de nouveaux faits à la Cour qui pourraient justifier un amendement; (...) » .

[11]            Je tire des motifs de la Cour que le juge Blais en parlant d'une requête basée sur des faits nouveaux invitait somme toute la défenderesse à soumettre de nouveau une requête en amendements sur la base du dossier entier tel que la défenderesse l'avait constitué devant lui. Les faits nouveaux dont fait état le juge Blais peuvent donc être vus comme les faits relatés par Deland mais malheureusement omis par la défenderesse lors de la présentation initiale de la requête sous la règle 369.

[12]            La décision du juge Blais de permettre la présentation d'une nouvelle requête pour amender écarte donc le caractère de chose jugée dont ma décision du 24 janvier 2001 aurait pu bénéficier.


[13]            Quant à la requête à l'étude, la demanderesse s'y oppose non pas parce qu'elle est tardive - ce moyen ne résisterait pas à l'arrêt Visx, supra - mais plutôt en raison du fait que serait fausse l'affirmation de Deland à l'effet qu'il n'aurait pris connaissance des faits nouveaux que lors des interrogatoires au préalable tenus de part et d'autre dans le dossier. Selon la demanderesse, la connaissance de Deland serait antérieure à cette époque.

[14]            Je ne puis retenir cet argument de la demanderesse en l'espèce puisqu'il ne m'a pas été démontré que l'appréciation de la demanderesse était clairement fondée. On ne peut assurément écarter d'une lecture des notes sténographiques de l'interrogatoire tenu sur l'affidavit de Deland daté du 3 avril 2001 que ce dernier a développé sa connaissance des faits nouveaux dans la période s'étant écoulée entre le 9 mai et le 15 juin 2000. On ne peut donc conclure que les affirmations de Deland à son affidavit sont fausses de manière à refuser la requête à l'étude.

[15]            Suivant les paramètres avancés dans l'arrêt Canderel, supra, je pense qu'il est juste et dans l'intérêt de la justice d'autoriser les amendements recherchés par la défenderesse. Il est à noter de plus que la demanderesse n'a pas établi en preuve que ces amendements lui causeraient un préjudice irréparable au sens de l'arrêt Canderel.


[16]            Enfin, je pense que l'avenue choisie ici - soit d'accueillir la présente requête - se rapproche le plus des principes dégagés dans la règle 3. Il est clair des propos des procureurs de la défenderesse en Cour que cette dernière se désistera de l'appel logé à l'encontre de la décision du juge Blais lorsque l'ordonnance jointe aux présents motifs aura acquis un caractère final. La conclusion sur la présente requête évite que l'on se barre les pieds dans le concept de litispendance. Si ce dernier concept avait finalement retenu notre attention comme point de départ de notre analyse, il aurait fallu sérieusement songer à ajourner sine die la requête de la défenderesse le temps que l'appel de la décision du juge Blais soit vidé. Tout ceci aurait retardé considérablement la progression expéditive et économique du dossier.

[17]            Quant aux dépens sur la présente requête, il y a lieu de les adjuger à la demanderesse puisque cette dernière a dû, entre autres, constituer un dossier de requête incluant bon nombre des documents pertinents vu que la défenderesse avait omis de les inclure à son dossier.

[18]            Une ordonnance sera émise en conséquence.

Richard Morneau                                  

protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC),

le 28 mai 2001


                                           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

        NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:


T-2006-99

CAMOPLAST INC.

                                                             Demanderesse/

                                     défenderesse reconventionnelle

ET

SOUCY INTERNATIONAL INC.

                                                               Défenderesse/

                                    demanderesse reconventionnelle


LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 14 mai 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 28 mai 2001

ONT COMPARU:


Me Jean Carrière

Me Annie Cormier

pour la demanderesse/défenderesse reconventionnelle



Me Philippe Leroux

Me Jean-Nicolas Delage


pour la défenderesse/demanderesse reconventionnelle

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Mendelsohn Rosentzveig Shacter

Montréal (Québec)

pour la demanderesse/défenderesse reconventionnelle


Brouillette Charpentier Fortin

Montréal (Québec)

pour la défenderesse/demanderesse reconventionnelle


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