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Date : 20191218


Dossier : IMM‑3122‑19

Référence : 2019 CF 1634

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 18 décembre 2019

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

LHENARD ALDAY VILLANUEVA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  M. Villanueva était une personne à charge qui accompagnait sa famille quand celle‑ci est partie des Philippines pour immigrer au Canada en 2013. Il avait 21 ans à l’époque et il n’a pas déclaré son fils, tant après sa naissance en août 2012 qu’au moment de son établissement au Canada en mars 2013. La Section de l’immigration [SI] a conclu que M. Villanueva était interdit de territoire en raison de cette fausse déclaration et a pris une mesure d’exclusion contre lui en 2017. M. Villanueva a interjeté appel de la mesure d’exclusion auprès de la Section d’appel de l’immigration [SAI ou tribunal], qui a refusé d’interférer avec la mesure. Le présent contrôle judiciaire concerne ce refus de la SAI. Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’analyse de la SAR est erronée, ce qui rend la décision déraisonnable.

I.  Contexte

[2]  La sœur de M. Villanueva a immigré au Canada en octobre 2009 et elle a présenté une demande afin de parrainer ses parents. M. Villanueva était inclus dans la demande, en tant que personne à charge qui accompagne. En août 2012, M. Villanueva et sa future épouse ont eu un fils. Leurs familles étaient mécontentes de la nouvelle, car le couple était jeune et n’était pas marié à l’époque.

[3]  Comme il a été mentionné ci‑dessus, quand M. Villanueva est arrivé au Canada en mars 2013, il n’a pas déclaré la naissance de son fils aux autorités canadiennes de l’immigration. En mars 2014, M. Villanueva a écrit une lettre informant les autorités de l’immigration de ce qu’il croyait être sa relation de conjoint de fait et de la naissance de son fils. Dans la lettre, il a expliqué pourquoi il n’avait pas déclaré cette information auparavant. M. Villanueva est retourné aux Philippines en décembre 2014 pour se marier. Il a présenté une demande pour parrainer son épouse et son fils au Canada vers la fin de 2015.

II.  Décision faisant l’objet du contrôle

[4]  Dans sa décision du 23 avril 2019 [décision], la SAI a rejeté l’appel que M. Villanueva a interjeté purement pour des motifs d’ordre humanitaire. Après avoir affirmé que la mesure d’exclusion était valide en droit, la SAI a évalué ses circonstances en tenant compte des facteurs énoncés dans la décision Ribic c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] IABD no 4 (Commission d’appel de l’immigration), à savoir : (1) la gravité des fausses déclarations et les circonstances les entourant; (2) le remords exprimé par le demandeur; (3) la durée du séjour et le degré d’établissement du demandeur au Canada; (4) la famille du demandeur au Canada et les répercussions que le renvoi du demandeur aurait sur celle‑ci; (5) le soutien offert au demandeur par sa famille et la communauté; (6) les difficultés que subirait le demandeur en raison de son renvoi; et (7) l’intérêt supérieur de tout enfant directement touché par la décision.

[5]  La SAI a conclu que la fausse déclaration était grave. Même s’il était jeune, M. Villanueva n’était pas un mineur au moment de son établissement et de sa fausse déclaration, et il a fait le choix conscient de ne pas déclarer son fils en temps opportun. Pour appuyer cette conclusion, la SAI a souligné le fait que M. Villanueva a admis, au cours d’un contre‑interrogatoire, que sa famille avait discuté de la question de savoir s’il devait déclarer son fils ou non, et il craignait que cette déclaration ait une incidence négative sur la décision de l’agent des visas concernant la délivrance de visas au Canada.

[6]  Pour ce qui est des remords, la SAI a reconnu que M. Villanueva regrettait ses actions, mais elle a conclu que cela n’équivalait pas à une expression authentique de remords, car il n’a pas reconnu leurs répercussions plus larges sur le système de l’immigration du Canada et sur sa famille. Comme il sera expliqué ci‑après, cette analyse erronée nuit à l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire menée par le tribunal.

[7]  La SAI a ensuite conclu que M. Villanueva était établi au Canada, ce qui constituait un facteur positif, compte tenu de ses six années de résidence, de son emploi stable depuis son établissement, du fait qu’il était copropriétaire d’un appartement dans immeuble en copropriété, ainsi que de la présence de plusieurs membres de sa famille. Cependant, la SAI a noté que M. Villanueva ne subirait pas de difficultés s’il devait retourner aux Philippines, car il serait en mesure de s’y trouver un emploi, compte tenu de ses compétences linguistiques et de ses études, et ses parents pouvaient continuer de visiter ce pays.

[8]  En ce qui a trait à l’intérieur supérieur de l’enfant, la SAI a conclu qu’il serait positif pour l’enfant que M. Villanueva conserve son statut de résident permanent au Canada. De même, s’il devait retourner aux Philippines, l’enfant pourrait ne plus être en mesure de fréquenter l’école privée. Cependant, le poids accordé à ce facteur était réduit par le fait qu’une réunification avec son père à l’étranger aurait aussi une incidence positive. De plus, même si M. Villanueva n’était peut‑être plus en mesure d’envoyer son fils à l’école privée, le tribunal a fait remarquer que le système d’éducation public est une option de rechange viable aux Philippines.

[9]  En fin de compte, la SAI a conclu que les facteurs positifs notés au sujet des motifs d’ordre humanitaire étaient insuffisants pour l’emporter sur la mesure d’exclusion.

III.  Analyse

[10]  Les décisions de la SAI sur l’octroi de mesures spéciales en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27, peuvent faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 58; Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Wu, 2019 CF 1491, au paragraphe 14). M. Villanueva fait valoir que le membre du tribunal n’a pas mené une évaluation raisonnable de a) ses remords, et b) la gravité de la fausse déclaration.

A.  Remords

[11]  En ce qui a trait aux remords, la SAI a conclu que M. Villanueva :

[traduction]

[…] a déclaré qu’il comprend la gravité et qu’il a menti aux responsables de l’immigration parce qu’il craignait qu’ils ne le renvoient chez lui. Il n’a pas reconnu l’atteinte à l’intégrité du système d’immigration du Canada ou les préjudices et la frustration qu’il a fait subir à son épouse et à son enfant. La réponse de l’appelant indique qu’il se soucie peu du système de l’immigration du Canada et ne comprend pas que l’honnêteté fait partie intégrante de notre système.

[12]  M. Villanueva s’appuie sur la décision Li c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 451 [Li], pour étayer sa position. Dans cette décision, le juge Shore a fait remarquer, au paragraphe 10, que « [l]’examen de la gravité des fausses déclarations et de l’authenticité du remords du demandeur a amené la SAI à conclure que le stratagème orchestré par le demandeur était grave, important et fait de façon consciente et délibérée ». Le juge Shore a noté que la SAI doutait de l’authenticité des remords du demandeur en parvenant à une conclusion sur la plausibilité « qui repose uniquement sur le point de vue personnel des membres du tribunal à l’égard du comportement humain » (au paragraphe 28), lorsque le tribunal a formulé la conclusion suivante :

[35]  Le remords est difficile à évaluer étant donné que les gens admettront presque n’importe quoi quand ils sont acculés au mur, et le remords qu’elles expriment est souvent l’expression de leurs regrets d’avoir été pris. D’après ce que le tribunal a entendu, il est convaincu que si ses fausses déclarations n’avaient pas été découvertes, le demandeur n’aurait jamais eu l’intention de se repentir, et que sa coopération avec les autorités de l’immigration est principalement due au fait qu’il ait été pris et non pas d’un désir inné d’enfin bien se conduire.

[13]  Même si la SAI a souligné que le demandeur avait exprimé des remords, la Commission a conclu que M. Li n’était « pas disposé à assumer l’entière responsabilité de ses gestes en admettant ses fausses déclarations à toutes les parties concernées » (au paragraphe 10). Le juge Shore a estimé que cette conclusion était déraisonnable quand il a formulé les observations suivantes aux paragraphes 32 et 33 :

Premièrement, il était déraisonnable que la SAI doute des remords du demandeur sans tirer de conclusions défavorables quant à la crédibilité du demandeur. Bien qu’il soit pertinent que la SAI considère que le demandeur a bien fait de fausses déclarations en contractant un mariage de convenance, la conclusion de la SAI selon laquelle le demandeur n’est pas honnête et authentique dans ses remords à cause de ses fausses déclarations antérieures n’est pas étayée par la preuve présentée à la SAI. Le rapport de l’agent montre le contraire : le demandeur exprime des remords pour son geste, a facilement admis avoir contracté un mariage de convenance, a pleinement participé à l’enquête lorsque requis et a au cours des ans offert des dizaines d’heures par mois de bénévolat pour être utile à la société canadienne.

Deuxièmement, la SAI a conclu de façon déraisonnable qu’un demandeur ne peut démontrer du remords que s’il raconte à son employeur et à sa famille ses actes répréhensibles. Alors que cela peut constituer l’un des nombreux facteurs à considérer, il est déraisonnable de mettre en doute les remords du demandeur tout simplement parce qu’il n’a pas dit à son employeur et à tous ses proches qu’il a commis une fausse déclaration dans le passé.

[Souligné dans l’original.]

[14]  M. Villanueva fait remarquer que, contrairement à M. Li, il a volontairement informé les autorités de l’immigration de son erreur, ce qui démontrait ses remords; il n’a pas attendu de se faire prendre. Toutefois, M. Villanueva soutient que comme c’était le cas dans l’affaire Li, la SAI a minimisé ses remords de façon déraisonnable. En l’espèce, le tribunal a conclu que M. Villanueva a exprimé des « regrets », et non des « remords ». À son avis, la SAI l’a essentiellement pénalisé parce qu’il s’est excusé de la mauvaise façon.

[15]  Je suis d’accord pour dire que cette conclusion est déraisonnable compte tenu des actions de M. Villanueva, y compris la lettre de divulgation qu’il a écrite, et des mots qu’il a utilisés, notamment dans son témoignage durant l’audience de la SAI. L’admission volontaire de M. Villanueva un an après son établissement et son témoignage contrit reconnaissent tous deux qu’il aurait dû avoir déclaré son fils avant son établissement, mais qu’il craignait d’être expulsé s’il le faisait. Sa lettre de divulgation expliquait qu’il avait présenté sa demande quand il était [traduction« encore un étudiant célibataire » et que [traduction« quand j’ai conçu l’enfant en dehors des liens du mariage, nos parents étaient très déçus en raison des projets qu’ils avaient pour moi. »

[16]  Dans le cadre de l’appel auprès de la SAI en 2017, M. Villanueva a déclaré ce qui suit dans son témoignage :

[traduction]

Q :  Donc, vous n’avez pas été honnête avec cet agent d’immigration. Vous n’avez pas dit la vérité.

R :  Oui, Monsieur.

Q :  Oui, Monsieur? Oui, vous n’avez pas dit la vérité?

R :  Oui, je n’ai pas dit la vérité.

Q :  Et la raison pour laquelle vous n’avez pas dit la vérité est la même raison que celle pour laquelle vous n’avez pas inscrit l’enfant sur la demande?

R :  J’avais simplement peur à cette époque. Je ne savais pas quoi faire. J’en suis vraiment désolé. Donnez‑moi seulement une deuxième chance de rester ici.

[17]  Puis, au cours d’un contre‑interrogatoire, M. Villanueva a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Q :  Est‑il juste de dire que vos parents étaient au courant du bébé, qu’ils vous ont dit de ne pas le déclarer, que votre sœur, qui parrainait la demande, vous a dit de ne pas le déclarer, que vous avez choisi de ne pas le déclarer et, encore une fois, que vous ne l’avez pas déclaré au point d’entrée?

R :  Ouais, je les ai seulement suivis.

Q :  Mais vous aviez 21 ans, vous étiez un adulte et vous n’avez pas déclaré votre fils en toute connaissance de cause.

R :  Ouais. Oui, Madame. Je suis vraiment désolé de ne pas avoir déclaré mon fils.

[18]  Manifestement, de façon inarticulée (comme on peut s’y attendre de quelqu’un qui témoigne dans une situation où les enjeux sont importants et dans une langue seconde), M. Villanueva a admis ses erreurs, il a expliqué la raison de sa fausse déclaration initiale et il s’est excusé pour ses actions.

[19]  En bref, le remords peut être plus complexe qu’une combinaison conventionnelle et précise de mots. Il y a d’autres facteurs à évaluer, y compris les actions de la personne. Même si, comme le tribunal l’a indiqué, il n’a peut‑être pas [traduction« reconnu l’atteinte à l’intégrité du système d’immigration du Canada » ou [traduction« les préjudices et la frustration qu’il a fait subir à son épouse et à son enfant », il a montré qu’il éprouvait du regret pour ses actions et leurs répercussions tant par ses actions (divulgation volontaire) que par les mots qu’il a utilisés (de vive voix et par écrit). Par conséquent, je n’estime pas qu’il soit raisonnable de conclure que la réponse de M. Villanueva [traduction« indique qu’il se soucie peu du système de l’immigration du Canada et ne comprend pas que l’honnêteté fait partie intégrante de notre système ». Les actions, comme les images, valent mille mots. Bien sûr, le vieil adage dirait que les gestes sont plus éloquents que les mots.

[20]  Ensemble, les actions et les mots sont puissants et peuvent en dire beaucoup. Un tribunal doit être conscient que d’autres obstacles humains peuvent nuire à l’articulation des mots utilisés pour exprimer le remords, y compris l’utilisation d’une langue seconde, le manque de sophistication, ou les pressions et les enjeux qui pèsent sur un demandeur participant à des procédures judiciaires devant un tribunal. Ces points faibles s’appliquaient peut‑être dans le cas de M. Villanueva, compte tenu de la situation dans laquelle il s’est placé au moment de son entrée, situation qu’il a volontairement divulguée après avoir consulté un conseiller en immigration (et il convient de noter que M. Villanueva et sa famille n’étaient pas représentés au moment de la présentation de leur demande d’immigration et de leur établissement au Canada).

[21]  Comme il a été évoqué ci‑dessus, et comme dans l’affaire Li, de nombreux cas de fausses déclarations font intervenir des demandeurs qui expriment des regrets seulement après qu’ils se font prendre dans leur stratagème d’immigration ou leurs mensonges, plutôt que de déclarer volontairement leur erreur. Dans ces situations, il est facile de comprendre pourquoi les membres du tribunal ne croient peut‑être pas l’authenticité de leurs prétendus remords. En fait, ces cas se retrouvent devant la Cour fédérale assez fréquemment, comme l’affaire que j’ai entendue il y a environ 18 mois dans le cadre de la décision Pu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 600, aux paragraphes 18 à 20 :

La SAI a conclu que les remords exprimés par la demanderesse n’étaient pas authentiques, pour les raisons suivantes : a) elle a réitéré les fausses déclarations faites en 2009; b) lors de l’audience de la SAI, elle a tenté de se disculper de sa conduite antérieure pour les gestes commis auparavant. La SAI a pris acte des remords exprimés par la demanderesse lors de l’appel, mais elle a conclu que depuis 2009, celle‑ci avait eu amplement de temps pour en venir à admettre et à assumer la responsabilité de ses actes. Or, elle s’est dite contrite uniquement après avoir été prise en flagrant délit lors de l’audience, soit très longtemps après l’entrevue initiale de l’ASFC, au cours de laquelle elle avait réitéré ses fausses déclarations à propos des circonstances de son mariage.

Même si la demanderesse nie avoir tenté de minimiser sa responsabilité lors de l’audition de son appel, j’estime qu’il était raisonnablement loisible à la SAI de parvenir à cette conclusion compte tenu de la preuve à sa disposition. Je souligne en outre que la SAI a suivi un raisonnement conforme à celui qui est appliqué dans d’autres domaines du droit, selon lequel l’admission tardive de la responsabilité joue en défaveur d’une partie sollicitant une mesure de réparation discrétionnaire.

Pour clore ce volet de mon analyse, je citerai les remarques formulées par la SAI dans la décision Lin c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CanLII 26505 (CA CISR), qui m’apparaissent très à propos en l’espèce :

51  Les remords sont définis ainsi : [traduction] « vif regret ou culpabilité d’avoir mal agi » et [traduction] « un sentiment de regret d’avoir commis quelque chose de mal dans le passé : un sentiment de culpabilité ». Dans le contexte d’une fausse déclaration, les remords ont deux composantes : la première concerne les actions antérieures à l’appel devant la SAI; et l’autre, l’expression des remords lors du témoignage au moment de l’appel lui‑même. L’expression des remords lors de l’appel devant la SAI est moins significative si l’appelante a continué d’avoir une conduite malhonnête au cours de l’enquête en application de l’article 44 et pendant l’audience devant la SI.

[Renvois omis.]

[22]  Le juge O’Reilly a écrit ce qui suit au sujet d’un autre exemple de remords après le fait dans la décision Thavarasa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 625, au paragraphe 23 :

De plus, la conclusion de la SAI selon laquelle les demandeurs n’éprouvaient pas de remords était raisonnable. M. Ratnasingam a admis avoir fait des présentations erronées seulement après que l’agent l’eut mis en présence d’une preuve contradictoire. De même, Mme Thavarasa a déclaré avoir décidé d’attendre de voir si les faux renseignements figurant dans la demande de son époux poseraient problème. À mon avis, cette preuve appuyait la conclusion de la SAI selon laquelle les demandeurs n’éprouvaient pas de remords à l’égard de leurs présentations erronées.

[23]  Pour tous les motifs énumérés ci‑dessus, je n’estime pas que la conclusion de la SAI sur les remords soit raisonnable.

B.  Gravité de la fausse déclaration

[24]  M. Villanueva fait également valoir que l’évaluation effectuée par la SAI de la gravité de la fausse déclaration était déraisonnable parce qu’elle n’a pas tenu compte de ses circonstances personnelles. Ces circonstances comprenaient son jeune âge, le fait que sa famille n’acceptait pas la naissance de son fils, sa crainte que cette déclaration nuise à la demande de résidence permanente dans son ensemble et les pressions exercées par la famille pour qu’il ne déclare pas cette information, ainsi que le fait qu’il a ensuite volontairement divulgué cette information et admis son erreur au défendeur.

[25]  Étant donné que la première erreur (concernant l’évaluation des remords) est importante, parce qu’elle pourrait changer l’issue de l’affaire, je ne me prononcerai pas sur le caractère raisonnable de la deuxième question soulevée, mais je formulerai plutôt quelques brefs commentaires sur deux points connexes.

[26]  Premièrement, il n’y a aucune indication (d’ordre médical ou autre) selon laquelle l’issue de la demande se répercuterait de quelque façon que ce soit sur le fils de M. Villanueva. Comme je l’ai souligné précédemment, « la SAI peut tout à fait tenir compte de l’effet ultime de la fausse déclaration sur l’admissibilité des personnes concernées » (Cortez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 800, au paragraphe 41), et plus récemment, « [l]a jurisprudence établit que la gravité des fausses déclarations et leur incidence sur l’acquisition du statut constituent un facteur pertinent pour l’analyse des considérations d’ordre humanitaire » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Yu, 2019 CF 1088, au paragraphe 11).

[27]  Deuxièmement, l’évaluation de la gravité de la fausse déclaration peut être touchée ou non par la politique que le défendeur a récemment mise en œuvre concernant la non‑divulgation des personnes à charge et la capacité de parrainer une demande en vertu de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227. Cette nouvelle politique, qui a été mise en œuvre dans le cadre d’un programme pilote de deux ans lancé en septembre 2019, allège l’interdiction complète des demandes de parrainage découlant de la non‑divulgation de personnes à charge dans certaines circonstances et pour certaines catégories.

[28]  Étant donné que cette politique et le programme pilote n’avaient pas été annoncés au moment de l’audience de M. Villanueva, le tribunal n’en a pas tenu compte et la politique n’a donc pas d’incidence sur le présent contrôle judiciaire. Cela dit, la politique peut être un élément important de la nouvelle audience qui sera tenue sur la présente affaire, car elle peut se répercuter sur l’analyse de la gravité de la fausse déclaration ou de l’intérêt supérieur de l’enfant.

IV.  Conclusion

[29]  La SAI a commis une erreur dans son évaluation des remords, ce qui constituait un facteur déterminant de cette décision compte tenu des autres facteurs positifs. Autrement dit, si l’évaluation des remords n’avait pas été erronée, l’analyse des motifs d’ordre humanitaire aurait pu pencher en faveur de l’octroi de la demande. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire sera renvoyée pour qu’elle fasse l’objet d’une nouvelle évaluation.


JUGEMENT dans le dossier no IMM‑3122‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. L’affaire est renvoyée à la SAI pour qu’un autre commissaire statue à nouveau sur l’affaire.

  3. Aucune question n’a été soumise aux fins de certification, et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3122‑19

 

INTITULÉ :

LHENARD ALDAY VILLANUEVA c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 DÉCEMBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE :

LE 18 DÉCEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Bjorn Harsanyi

 

pour le demandeur

 

Galina Bining

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Avocats

Calgary (Alberta)

 

pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

pour le défendeur

 

 

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