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                                                                                                                                 Date : 19990607

                                                                                                                          Dossier : T-1783-98

ENTRE

                                      TDX EXPLORATION AND MINING LTD.,

                                                                                                                                 demanderesse,

                                                                             et

                                                       SA MAJESTÉ LA REINE,

                                                                                                                                   défenderesse.

                                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                 (Version révisée des motifs prononcés oralement)

LE JUGE REED

[1]         Il s'agit d'une demande en vue de l'obtention d'une ordonnance infirmant la décision par laquelle Michael Jackstien, directeur du centre fiscal de Revenu Canada à Surrey, en Colombie-Britannique, a refusé de renoncer aux intérêts et à la pénalité imposés à la demanderesse par suite de la production tardive de ses déclarations de revenu de 1995 et de 1996.

[2]         La déclaration T2 de 1995 devait être produite le 31 mars 1996 et la déclaration T2 de 1996 devait être produite le 31 mars 1997. Ces déclarations ont uniquement été produites le 5 mars 1998, et les impôts exigibles ont alors été payés.

[3]         Le ministre du Revenu national est autorisé, en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, à renoncer à une partie de la pénalité et des intérêts qui sont dus en vertu de la Loi ou à annuler pareille pénalité et pareils intérêts. C'est ce que l'on appelle parfois la « disposition relative à l'équité » . Des lignes directrices relatives aux situations dans lesquelles pareille renonciation est effectuée sont énoncées dans la circulaire d'information 92-2. La circulaire dit que les renseignements qui y sont donnés ne sont pas exhaustifs :

3.              Ce qui est énoncé ici ne constitue que des lignes directrices. La présente circulaire n'est donc pas exhaustive et ne doit pas être interprétée comme limitant l'esprit ou l'intention des mesures législatives. [...]

[4]         La disposition la plus pertinente de la circulaire aux fins qui nous occupent se rapporte aux « situations indépendantes de la volonté du contribuable » et aux « situations extraordinaires » qui empêchent le contribuable de faire un paiement dans les délais exigés :

5.              Il sera convenable d'annuler la totalité ou une partie des intérêts ou des pénalités, ou de renoncer à ceux-ci, si ces intérêts ou ces pénalités découlent de situations indépendantes de la volonté du contribuable ou de l'employeur. Voici des exemples de situations extraordinaires qui pourraient empêcher un contribuable, un agent d'un contribuable, l'exécuteur d'une succession ou un employeur de faire un paiement dans les délais exigés ou de se conformer à d'autres exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu :

a)une calamité naturelle ou une catastrophe provoquée par l'homme comme une inondation ou un incendie;

b)des troubles civils ou l'interruption de services comme une grève des postes;

c)une maladie grave ou un accident grave;

d)des troubles émotifs sérieux ou une souffrance morale grave comme un décès dans la famille immédiate.

[5]         Les lignes directrices indiquent également les points dont il est tenu compte dans l'étude des demandes d'annulation ou de renonciation :

10.           Le Ministère tiendra compte des points suivants dans l'étude des demandes d'annulation des intérêts ou des pénalités ou de renonciation à ceux-ci :

a)si le contribuable ou l'employeur a respecté, par le passé, ses obligations fiscales;

b)si le contribuable ou l'employeur a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés;

c)si le contribuable ou l'employeur a fait des efforts raisonnables et s'il n'a pas fait preuve de négligence ni d'imprudence dans la conduite de ses affaires en vertu du régime d'autocotisation;

d)si le contribuable ou l'employeur a agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission.

[6]         Le paragraphe 14 de la circulaire d'information traite de la procédure. Il est ainsi libellé :

14.           Si un contribuable ou un employeur estime que le Ministère n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable et équitable, il peut alors demander, par écrit, au directeur d'un bureau de district ou d'un centre fiscal d'examiner la situation.

M. Jackstien a pris sa décision conformément à cette disposition.

[7]         Dans la décision Kaiser c. MRN (1995), 95 DTC 5187, à la page 5188, Monsieur le juge Rouleau a fait des remarques au sujet de la « disposition relative à l'équité » :

L'objet de cette disposition législative est de permettre à Revenu Canada, Impôt, de gérer plus équitablement le régime fiscal, en faisant la place au bon sens dans le traitement des contribuables qui, en raison de leur infortune ou de circonstances échappant à leur volonté, sont incapables de respecter des délais ou de se conformer aux règles propres au régime fiscal. Le libellé de l'article confère au ministre un large pouvoir discrétionnaire de renoncer aux intérêts en tout temps. Pour le guider dans l'exercice de ce pouvoir, des lignes directrices ont été formulées; elles sont exposées dans la circulaire 92-2.

                                                                                                                                                        [Je souligne]

[8]         Dans la décision Fiducie familiale Orsini c. Revenu Canada (1996), 96 DTC 6347, Monsieur le juge Cullen a fait les remarques suivantes :

La décision fondée sur la « disposition relative à l'équité » est de nature discrétionnaire. Il ne s'agit pas d'un cas où le décisionnaire doit en arriver à un certain résultat, mais plutôt d'un cas où il peut, après avoir examiné toutes les circonstances, en arriver à une certaine conclusion. Les décisions de nature discrétionnaire ne peuvent être rendues arbitrairement ou de mauvaise foi et, à l'instar de toutes les autres décisions, elles peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire. Cependant, la portée du contrôle judiciaire est assez restreinte. La Cour fédérale ne devrait pas substituer sa décision à celle du représentant légal du ministre. Elle doit plutôt déterminer si la décision a été prise de façon inéquitable ou arbitraire ou de mauvaise foi. Dans la mesure où la preuve au dossier appuie la décision, la Cour ne devrait pas intervenir.

                                                                                                                                                        [Je souligne]

[9]         La demande en vue de l'obtention d'une ordonnance infirmant la décision du directeur est, bien sûr, présentée conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale. Le paragraphe 18.1(4) énonce les motifs pertinents :

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

a)              a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b)              n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

c)              a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d)             a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e)              a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f)              a agi de toute autre façon contraire à la loi.

[10]       L'avocat de la demanderesse a cherché à obtenir le contrôle de la décision en vertu d'au moins l'un des alinéas du paragraphe 18.1(4). J'examinerai ces arguments.

[11]       En ce qui concerne l'argument selon lequel le directeur a tenu compte de considérations étrangères en examinant si non seulement la demanderesse, mais aussi son unique administrateur et actionnaire, M. von Einsiedel, ainsi que la société liée RAM avaient respecté la loi par le passé, je ne puis conclure qu'il s'agit de considérations étrangères. Il est vrai que les lignes directrices parlent uniquement de l'observation passée, mais elles ne sont pas limitatives et elles ne sont pas réputées l'être. L'observation passée est pertinente en ce qui concerne deux facteurs : le fait que le contribuable savait qu'il fallait produire la déclaration en temps opportun; l'appréciation de la question de savoir si l'inobservation fait partie d'une tendance à faire preuve de négligence ou s'il s'agit d'un événement unique exceptionnel. À cet égard, la conduite de M. von Einsiedel, tant en sa qualité personnelle qu'en ce qui concerne la société liée RAM, est pertinente.

[12]       En ce qui concerne l'argument selon lequel le décideur a omis de tenir compte de la preuve parce qu'il n'a pas tenu compte du fait que la demanderesse était une société n'ayant qu'un seul actionnaire (M. von Einsiedel) et qu'à cause des activités exercées par la société, M. von Einsiedel s'absentait pendant de longues périodes (en particulier chaque année, du mois d'avril au mois de novembre) dans des endroits éloignés, je ne puis conclure d'après le dossier qu'il n'a pas été tenu compte de ces points. Le dossier montre fort clairement que ces faits étaient à la disposition du décideur et que ce dernier en était parfaitement au courant. Le décideur a simplement pris à leur égard une décision différente de celle que M. von Einsiedel aurait aimé qu'il prenne. De plus, je ne crois pas qu'il soit sérieusement possible de soutenir que le décideur considérait la personne qui aidait M. von Einsiedel à préparer les déclarations de revenu comme une employée de la demanderesse. Dans le dossier, cette personne est désignée de la même façon que M. von Einsiedel l'a désignée, à savoir à titre d'adjointe.

[13]       En ce qui concerne l'argument selon lequel le décideur a omis de tenir compte de la preuve dans son ensemble parce que, dans son affidavit, il n'a pas mentionné que les lignes directrices faisaient partie des questions examinées, cet argument n'est pas fondé. Au paragraphe 12 de l'affidavit, M. Jackstien déclare avoir examiné et soupesé tous les « renseignements » figurant dans les documents qui sont ci-après énumérés. Les « renseignements » constituent le fondement factuel de la demande que la demanderesse a faite en vue d'obtenir une renonciation et sont ceux qui sont énoncés dans la réponse du ministère. Les lignes directrices ne renferment pas ce genre de renseignements. Il serait déraisonnable de conclure que parce qu'il n'est pas fait expressément mention des lignes directrices dans l'affidavit, M. Jackstien ne comprenait pas que les lignes directrices étaient pertinentes et qu'il a pris sa décision dans ce contexte. Le fait que dans la décision Towers c. Sa Majesté la Reine (1993), 94 DTC 6118 (C.F. 1re inst.), il est mentionné, à la page 6121, que l'auteur de l'affidavit avait notamment mentionné les lignes directrices dans son affidavit ne veut pas dire que l'omission de le faire montre que le décideur a omis d'en tenir compte.

[14]       Je ne retiens pas l'argument selon lequel la décision que M. Jackstien a prise n'était pas une décision indépendante puisque Mme Nightingale lui avait recommandé de rejeter la demande que le demandeur avait faite en vue d'obtenir une renonciation et qu'elle avait également pris ce que j'appellerai la décision au premier palier en refusant d'accorder la renonciation. On ne m'a référé à aucun arrêt exigeant la séparation entre le décideur initial et les observations qui sont présentées au décideur qui effectue une révision, séparation qui serait nécessaire, selon l'avocat, pour assurer un examen indépendant au deuxième palier. De fait, il s'agit d'une tendance fort commune dans les prises de décisions administratives.

[15]       Je me suis demandé si le défendeur aurait pu renoncer à une partie des intérêts et des pénalités qui ont été imposés. M. von Einsiedel allègue ne pas avoir respecté la date limite du 31 mars 1996 en partie parce qu'il avait été pris au Labrador jusqu'à la mi-janvier 1996 et qu'il lui avait ensuite fallu plusieurs semaines pour se rétablir. Selon l'interprétation que je donne aux documents versés au dossier, si M. Einsiedel avait produit la déclaration peu de temps après, une renonciation aurait probablement été accordée, mais la déclaration n'a été produite que deux ans plus tard. À supposer même que M. Einsiedel se soit rendu en Afrique en août et en septembre 1997 et qu'il ait contracté la malaria à forme cérébrale, ce qui l'a empêché de s'occuper de ses impôts pendant un certain temps, une explication satisfaisante n'a pas été fournie pour toute la période au cours de laquelle la déclaration T2 de 1995, puis la déclaration T2 de 1996, n'ont pas été produites. Je ne suis pas convaincue que le décideur ait exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon irrégulière en refusant, dans ces conditions, de renoncer à une partie des pénalités et des intérêts.

[16]       Pour les motifs susmentionnés, la demande est rejetée.

                                                                                                                                              B. Reed               

                                                                                                            ________________________

                                                                                                                                                  JUGE                            

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 7 juin 1999.

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                           SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                            AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-1783-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :           TDX Exploration and Mining Ltd.

                                                                        c.

                                                                        Le Procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                VANCOUVER (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Reed en date du 7 juin 1999

ONT COMPARU:

Stephen Schneiderman         pour la demanderesse

J.S. Basran                                           pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Stephen Schneiderman                                 pour la demanderesse

Avocat

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg                                         pour la défenderesse

Sous-procureur général du Canada

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