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Date : 20200115

Dossier : IMM-3136-19

Référence : 2020 CF 52

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 15 janvier 2020

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

JINTU CAO (ALIAS JIN TU CAO)

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés oralement à l’audience à Toronto (Ontario) le 14 janvier 2020)

I.  PROCÉDURE

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision, en date du 23 avril 2019 [la décision], par laquelle un commissaire de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile du demandeur au motif que celui‑ci n’était pas crédible et que sa demande d’asile n’avait aucun lien avec un quelconque motif prévu par la Convention. La demande en l’espèce a été présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

II.  CONTEXTE

[2]  Le demandeur, âgé de 36 ans, est citoyen de la Chine.

[3]  Le 6 février 2012, il a reçu, de la part du gouvernement, un avis l’informant que son terrain et sa maison, qu’il louait, allaient être expropriés et qu’une indemnisation lui serait versée en contrepartie. Il a par la suite reçu un avis d’indemnisation, mais il a été déçu du faible montant offert. D’autres propriétaires fonciers étaient eux aussi insatisfaits de leur indemnisation, qu’ils estimaient inférieure à la valeur marchande de leur propriété.

[4]  À la fin de février, le demandeur et ses voisins se sont présentés dans les bureaux de la Ville, mais personne n’a voulu entendre leurs plaintes. Ils se sont vu demander de déposer leurs plaintes par écrit, ce qu’ils ont fait sous la forme d’une pétition, laquelle a été présentée le 1er mars 2012.

[5]  Le demandeur et trois de ses voisins sont devenus les porte-parole du groupe des signataires de la pétition. Ils ont été informés qu’ils pouvaient s’attendre à recevoir une réponse de la Ville dans un délai de huit semaines.

[6]  Entre‑temps, des représentants du bureau chargé de l’enlèvement et de la démolition des bâtiments ont rendu visite au demandeur et à ses voisins et ont accusé ceux‑ci de répandre des rumeurs contre le gouvernement. Ils les ont avertis qu’ils « auraient affaire à eux » s’ils maintenaient leur position. Les représentants du bureau leur ont par la suite offert une compensation en échange de leur coopération, mais le demandeur et ses voisins ont refusé l’offre.

[7]  Le 4 mai 2012, les employés du bureau chargé de l’enlèvement et de la démolition des bâtiments sont arrivés sur place et ont procédé à la démolition. Le demandeur a tenté de se rendre sur le site, mais lorsque l’un de ses voisins lui a dit que la police procédait à des arrestations, il a décidé de ne pas prendre part à la confrontation qui s’y déroulait. Craignant d’être arrêté, il est plutôt parti se cacher.

[8]  Pendant qu’il vivait dans la clandestinité, le demandeur a appris que d’autres personnes avaient été arrêtées ce jour‑là. Il a été informé que des policiers étaient allés le chercher chez lui, qu’ils avaient interrogé sa femme et qu’ils avaient demandé à celle‑ci de lui dire de se présenter devant eux. Des policiers s’étaient également rendus chez ses proches.

[9]  Le demandeur estimait qu’il ne pourrait pas s’installer ailleurs en Chine parce que la police disposait d’un réseau « très moderne », ce qui signifiait qu’elle réussirait à le retrouver. Par conséquent, avec l’aide d’un passeur, le demandeur a obtenu un visa américain de manière irrégulière et a quitté la Chine au moyen de son propre passeport chinois. Il est entré au Canada le 9 juin 2012.

[10]  Plus tard, le demandeur a appris que sa maison avait été démolie et que la police était toujours à sa recherche. Il a également appris que certaines des personnes qui avaient été arrêtées se trouvaient toujours en détention. Lors de son audience devant la SPR, le demandeur a affirmé que le PSB avait continué de se présenter à son domicile en Chine entre 2012 et 2019. Aux fins de l’audience, il a présenté une citation à comparaître [la citation] pour démontrer qu’il était recherché. La citation mentionnait qu’il était recherché pour être interrogé parce qu’il avait [traduction] « incité les villageois à s’opposer au gouvernement et à faire obstacle à des activités officielles ».

III.  LA DÉCISION

[11]  La SPR a admis que le gouvernement chinois avait exproprié le demandeur. Elle a également admis que le demandeurs’était adressé, avec d’autres villageois, à l’administration municipale pour exprimer son insatisfaction quant à l’indemnisation qui leur avait été offerte.

[12]  Toutefois, la SPR a essentiellement conclu que la citation à comparaître n’était pas authentique et que le demandeur n’était pas réellement recherché par la police. Trois raisons sous‑tendent cette conclusion :

  1. La citation à comparaître n’a pas été suivie d’une citation à comparaître coercitive après que le demandeur eut omis de se présenter à la police.

  2. La citation à comparaître n’a pas été mentionnée dans le FRP du demandeur, et l’explication fournie par celui‑ci, à savoir qu’il avait oublié de la mentionner, n’était pas raisonnable.

  3. Compte tenu du fait que le demandeur craignait d’être retrouvé et arrêté par la police, il n’était pas crédible qu’il se soit présenté au consulat des États‑Unis et qu’il ait quitté la Chine au moyen de son propre passeport s’il faisait réellement l’objet d’une citation à comparaître.

[13]  En outre, la SPR s’est dite préoccupée par le fait que le demandeur n’avait pas mentionné, dans son FRP, qu’il avait fait appel à un passeur. La SPR a ajouté qu’elle trouvait invraisemblable que, sachant que le demandeur avait quitté la Chine, le PSB continue à le rechercher sept ans plus tard.

IV.  LA QUESTION DÉTERMINANTE

[14]  Le demandeur soutient que la décision est déraisonnable parce que la SPR n’a pas pris en compte le contenu de la citation à comparaître qui, comme il l’affirme, montre qu’il est recherché et que la police s’intéresse à lui en raison de ses opinions politiques.

[15]  Le demandeur a raison de dire que la SPR n’a fait aucune mention du contenu de la citation à comparaître dans sa décision. J’estime néanmoins qu’il ressort clairement de la décision et de la transcription que la SPR connaissait le contenu de la citation à comparaître et qu’elle craignait qu’il ne s’agisse d’un document frauduleux créé à l’appui de la demande d’asile du demandeur. C’est pourquoi la SPR s’est longuement demandé, étant donné les faits, si le demandeur faisait véritablement l’objet d’une citation à comparaître. La SPR a tenu compte du fait que la citation n’avait pas été mentionnée dans le FRP, qu’elle n’avait pas été suivie d’une citation à comparaître coercitive et qu’elle n’avait pas amené le demandeur à éviter le consulat des États‑Unis et l’aéroport.

V.  CONCLUSION

[16]  À mon avis, la décision est le fruit d’une analyse rationnelle. Bien qu’ils ne soient pas toujours énoncés en termes clairs, les conclusions et les motifs de la SPR sont discernables. En outre, les conclusions sont raisonnables et elles signifient que le demandeur n’a pas pu établir que la citation à comparaître était authentique. Par conséquent, puisque le demandeur n’est pas recherché par les autorités, ses allégations fondées sur les articles 96 et 97 de la LIPR sont rejetées et il n’y a pas lieu d’examiner les autres questions soulevées.

VI.  CERTIFICATION

[17]  Aucune question n’a été proposée aux fins de certification en vue d’un appel.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3136-19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 20ejour de janvier 2020.

Semra Denise Omer, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3136-19

INTITULÉ :

JINTU CAO (ALIAS JIN TU CAO) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 JANVIER 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 15 JANVIER 2020

COMPARUTIONS :

Stephanie Fung

POUR LE DEMANDEUR

Stephen Jarvis

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

LEWIS & ASSOCIATES

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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