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Date : 20200113


Dossier : IMM-2421-19

Référence : 2020 CF 40

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 janvier 2020

En présence de la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

JOSÉE FLORENCE NGO NTAMAG

demanderesse

et

MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Contexte

[1]  Josée Florence Ngo Ntamag est entrée au Canada munie d’un permis d’études valide jusqu’au 30 novembre 2018. Elle a terminé ses études et en a reçu la confirmation officielle le 4 décembre 2018. Cependant, elle a attendu jusqu’au 16 février 2019 pour demander que son statut soit modifié à celui de visiteur, afin de ne pas être sans statut avant et au moment de demander un permis de travail au titre du Programme de permis de travail postdiplôme [PPTPD].

[2]  Mme Ntamag a présenté une Demande pour modifier les conditions de séjour, proroger le séjour ou demeurer au Canada comme visiteur ou titulaire de permis de séjour temporaire (IMM 5708), à laquelle était jointe une lettre de son avocat indiquant qu’elle s’était fondée sur le paragraphe 182(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement], qui accorde aux résidents temporaires un délai de grâce de 90 jours après l’expiration de leur statut pour demander le rétablissement de celui-ci.

[3]  Mme Ntamag sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agent a rejeté sa demande.

II.  La décision contestée

[4]  L’agent a refusé de rétablir le statut de résident temporaire de Mme Ntamag pour les motifs suivants :

  Elle n’a présenté aucune preuve de fonds avec sa demande;

  Bien qu’elle ait demandé une prorogation du délai parce qu’elle voulait demander un permis de travail postdiplôme, à ce jour, elle n’a toujours pas présenté de demande au titre du PPTPD;

  Elle avait suffisamment de temps pour atteindre son objectif de demeurer au Canada;

  Elle n’a fourni aucun renseignement démontrant qu’elle a des liens étroits avec son pays d’origine et, par conséquent, elle n’a pas convaincu l’agent qu’elle quitterait le Canada à la fin de son séjour.

III.  Les questions en litige et la norme de contrôle

[5]  La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. L’agent a-t-il manqué à son obligation d’équité procédurale?

  2. L’agent a-t-il commis une erreur dans son interprétation de l’article 182 du Règlement?

[6]  Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], rendu récemment par la Cour suprême du Canada, la Cour a réexaminé certains points, et en a précisé d’autres, du cadre pour déterminer la norme de contrôle applicable aux décisions administratives. Après avoir examiné en détail les motifs des juges majoritaires, j’estime qu’ils ne modifient pas la norme applicable aux deux questions soulevées par la présente demande. En ce qui concerne l’interprétation de l’article 182 du Règlement, la présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique ne peut être réfutée, de sorte que cette norme s’applique comme elle se serait appliquée avant l’arrêt Vavilov.

[7]  En ce qui concerne la question de l’équité procédurale, puisque la Cour suprême demeure silencieuse à ce sujet (Vavilov, au par. 23), il est juste de conclure que la jurisprudence antérieure s’applique toujours. Par conséquent, si la Cour conclut qu’il y a eu manquement à l’obligation d’équité procédurale envers la demanderesse, elle devra annuler la décision.

IV.  Analyse

A.  L’agent a-t-il manqué à son obligation d’équité procédurale?

[8]  Mme Ntamag cite la décision Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1381 [Zhang], pour étayer sa thèse selon laquelle un demandeur se trouvant dans sa situation a droit à une lettre d’équité procédurale ou à un interrogatoire. Elle affirme essentiellement que l’agent n’a pas porté ses préoccupations à son attention avant de rendre sa décision finale et qu’il ne lui a pas donné l’occasion de répondre. En général, l’agent fait part de ses préoccupations en envoyant une lettre d’équité procédurale au demandeur ou en l’interrogeant, mais il ne s’agit pas d’une exigence stricte. Dans la décision Bui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 440, le juge René LeBlanc a résumé les circonstances où un agent est tenu d’informer le demandeur des préoccupations liées à sa demande :

[26]  Dans le contexte d’une demande de visa, il ressort de la jurisprudence que le degré d’équité procédurale dû par les agents des visas aux demandeurs de visa se situe à l’extrémité inférieure du spectre (Chiau c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16793 (CAF), [2001] 2 CF 297 (CAF), paragraphe 41; Sapojnikov, paragraphe 26; Yang, paragraphe 22).

[…]

[28]  Toutefois, lorsque la préoccupation d’un agent des visas découle directement des exigences de la Loi ou du Règlement, l’agent n’est normalement pas tenu d’informer le demandeur ou de lui donner l’occasion d’y répondre (Al Aridi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 381, paragraphe 20; Saatchi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1037, paragraphe 40; Hamza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 264, paragraphe 24).

[9]  Les préoccupations de l’agent découlaient directement des exigences du Règlement, à savoir que Mme Ntamag n’a pas attesté ses moyens financiers ni démontré qu’elle quitterait le Canada à la fin de son séjour (article 179), et qu’elle semblait confondre la nouvelle demande pour obtenir un statut de résident temporaire différent (articles 179 et 192) et le rétablissement du statut préexistant (article 182). Par conséquent, l’agent n’était pas tenu de remettre une lettre d’équité procédurale ni de procéder à un interrogatoire, comme Mme Ntamag le suggère.

[10]  En outre, je suis d’avis que Mme Ntamag s’appuie à tort sur la décision Zhang. Cette décision ne soutient pas la thèse selon laquelle une lettre d’équité ou un interrogatoire est toujours requis, y compris lorsque les préoccupations découlent des exigences strictes du Règlement. Dans la décision Zhang, le demandeur avait présenté des éléments de preuve pour démontrer qu’il était un véritable étudiant, y compris une lettre de son établissement d’enseignement, dans laquelle on détaillait son programme d’études et précisait qu’il avait terminé avec succès ce programme et avait été admis dans un autre établissement. Dans ces circonstances, le juge Yves de Montigny a conclu qu’il avait droit à certaines explications quant à savoir pourquoi ces documents ne démontraient pas d’une façon adéquate qu’il était un véritable étudiant. Les motifs fournis par l’agent n’avaient pas permis à la Cour de comprendre pourquoi la demande avait été rejetée.

[11]  En l’espèce, l’agent ne disposait d’aucune preuve de fonds ni d’aucun élément de preuve permettant de conclure que Mme Ntamag était une véritable visiteuse et qu’elle partirait à la fin de son séjour autorisé. De plus, elle admet dans la lettre de son avocat jointe à sa demande qu’elle n’est plus étudiante, qu’elle ne respecte pas les conditions initiales de son séjour et que, par conséquent, elle n’a aucun statut au Canada.

[12]  L’agent a simplement appliqué le Règlement à l’ensemble des faits qui lui ont été présentés et a expliqué quelles exigences n’étaient pas respectées. À mon avis, l’agent n’a pas manqué à l’équité procédurale.

B.  L’agent a-t-il commis une erreur dans son interprétation de l’article 182 du Règlement?

[13]  Mme Ntamag reproche à l’agent d’avoir fourni un [traduction] « texte type » et, par conséquent, des motifs insuffisants.

[14]  Elle ajoute que l’agent a commis une erreur dans son interprétation et son application de l’article 182 du Règlement, qui prévoit ce qui suit :

182 (1) Sur demande faite par le visiteur, le travailleur ou l’étudiant dans les quatre-vingt-dix jours suivant la perte de son statut de résident temporaire parce qu’il ne s’est pas conformé à l’une des conditions prévues à l’alinéa 185a), aux sous-alinéas 185b)(i) à (iii) ou à l’alinéa 185c), l’agent rétablit ce statut si, à l’issue d’un contrôle, il est établi que l’intéressé satisfait aux exigences initiales de sa période de séjour, qu’il s’est conformé à toute autre condition imposée à cette occasion et qu’il ne fait pas l’objet d’une déclaration visée au paragraphe 22.1(1) de la Loi.

[…]

(2) Malgré le paragraphe (1), l’agent ne rétablit pas le statut d’un étudiant qui ne se conforme pas à l’une ou l’autre des conditions prévues au paragraphe 220.1(1).

[15]  À son avis, l’utilisation de l’indicatif au paragraphe 182(1) signifie que l’agent n’a pas le pouvoir discrétionnaire de choisir de rétablir le statut de visiteur, de travailleur ou d’étudiant si le demandeur satisfait aux exigences initiales de son séjour au Canada. Par conséquent, elle soutient que l’agent a exercé à tort son pouvoir discrétionnaire en refusant de rétablir son statut.

[16]  Premièrement, j’estime que l’agent a fourni des motifs suffisants, d’autant plus que les notes du Système mondial de gestion des cas (le SMGC) sont considérées comme faisant partie de ces motifs (Paddayuman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 287, au par. 13; Song c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 72, au par. 18). En outre, dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême a affirmé que, conformément au droit bien établi, il n’est pas nécessaire que toutes les décisions administratives soient motivées (Vavilov, aux par. 77, 119, 136-137).

[17]  Les exigences relatives à une demande IMM-5708 sont clairement énumérées dans le formulaire IMM-5557 intitulé Liste de contrôle des documents d’IRCC. Ces exigences sont notamment une attestation des moyens financiers, ainsi que tous les documents liés aux permis d’études ou de travail. Bien que le dossier de Mme Ntamag comprenne une lettre du 7 septembre 2017 dans laquelle son frère atteste avoir subvenu à ses besoins pendant ses études spécialisées à La Cité, aucune autre lettre ni mise à jour de cette attestation de moyens financiers n’est jointe. Par conséquent, la conclusion de l’agent selon laquelle Mme Ntamag n’avait pas fourni une attestation suffisante de ses moyens financiers est raisonnable. Si son frère devait continuer à subvenir à ses besoins pendant son séjour au Canada, il lui incombait donc de fournir des documents à cet égard. Mme Ntamag n’a pas expliqué pourquoi cette attestation n’a pas été jointe à sa demande.

[18]  De plus, Mme Ntamag n’a fourni aucun élément de preuve démontrant qu’elle avait présenté une demande au titre du PPTPD, et sa demande ne mentionne nulle part qu’elle avait l’intention de le faire. Pourtant, Mme Ntamag était représentée par un avocat qui connaissait vraisemblablement la procédure pour demander une prorogation de la validité d’un visa et pour rétablir un statut. Toutefois, Mme Ntamag n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait pas fourni ces deux renseignements requis. Elle n’a également pas démontré qu’elle a présenté une demande au titre du PPTPD depuis février 2019.

[19]  Étant donné qu’il manque plusieurs éléments essentiels dans la demande et que Mme Ntamag n’a pas expliqué ces omissions, je conclus que les conclusions de l’agent sont raisonnables.

[20]  Deuxièmement, j’estime également que l’agent n’a commis aucune erreur dans son interprétation de l’article 182 du Règlement. Le paragraphe 220.1(1), qui est mentionné au paragraphe 182(2), indique clairement que l’agent ne doit pas rétablir le statut de résident temporaire d’un étudiant si ce dernier n’est pas actuellement inscrit dans un établissement d’enseignement désigné ou s’il ne poursuit pas activement ses études ou son programme. Étant donné que Mme Ntamag ne respectait pas ces conditions au moment de sa demande, la façon dont l’agent a interprété l’article 182 et ses dispositions pertinentes était raisonnable.

[21]  L’une des conditions imposées au demandeur qui présente une demande au titre du PPTPD est que celle‑ci soit envoyée avant l’expiration de son permis d’études. Étant donné que Mme Ntamag n’a pas respecté cette condition, elle a demandé qu’un permis de visiteur valide lui soit accordé jusqu’au 1er janvier 2021.

[22]  Cependant, tout comme l’article 182 et le délai de grâce de 90 jours qu’il prévoit ne s’appliquent pas à un ancien étudiant qui présente une demande au titre du PPTPD, ils ne s’appliquent pas à un ancien étudiant qui cherche à obtenir un permis de visiteur. Mme Ntamag ne pouvait pas simplement invoquer l’article 182 pour obtenir un statut de résident temporaire différent de celui qu’elle détenait avant de présenter sa demande (Nookala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1019).

V.  Conclusion

[23]  Étant donné que Mme Ntamag n’a fourni aucun des documents requis avec sa demande et que la façon dont l’agent a évalué sa demande et interprété l’article 182 du Règlement est raisonnable, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[24]  Aucune des parties n’a présenté de question à certifier, et les faits de l’espèce n’en soulèvent aucune.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-2421-19

LA COUR STATUE que :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

Traduction certifiée conforme

Ce 20e jour de janvier 2020.

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2421-19

 

INTITULÉ :

JOSÉE FLORENCE NGO NTAMAG c MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 novembre 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 13 janvier 2020

 

COMPARUTIONS :

William S. Fugheh

 

Pour la demanderesse

 

Susanne Wladsiuk

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fugheh Law Office

Ottawa (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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