Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040122

Dossier : IMM-463-03

Référence : 2004 CF 90

ENTRE :

                                                                MARIA TABAJ

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]                La représentante commise d'office de Maria Tabaj était-elle inapte à remplir son rôle? Aurait-elle dû être remplacée? Ce sont ces questions qui sont en cause dans le présent contrôle judiciaire, et j'ai conclu qu'elles devaient recevoir une réponse négative.


[2]                Maria n'a pas encore cinq ans. Elle est née en Albanie le 17 août 1999 et est arrivée au Canada à l'âge de 16 mois et demi, le 1er janvier 2001. Elle prétendait craindre d'être persécutée du fait de son appartenance à un groupe social, à savoir la famille de sympathisants du Parti démocratique (PD). Sa revendication était fondée sur l'exposé circonstancié de son père. La Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a décidé, le 18 décembre 2002, que Maria n'était pas une réfugiée au sens de la Convention. La revendication a été entendue et tranchée sous le régime de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi).

[3]                Les parents de Maria, Arjan et Anilda Tabaj, avaient revendiqué le statut de réfugié au Canada en novembre 1998. Ils s'étaient ensuite désistés sans en aviser Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) et étaient retournés en Albanie de leur plein gré en mai 1999. Ils sont revenus au Canada avec Maria en janvier 2001.

[4]                La demanderesse prétend que sa famille est venue au Canada à cause des menaces et des attaques dont son père, Arjan, a été l'objet et qui l'ont laissé handicapé. Arjan était apparemment un sympathisant et un membre du Parti démocratique albanais, et il était recherché par des agents du gouvernement socialiste. Le fondement de la revendication de Maria est exposé dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP) de son père sur lequel elle s'appuie entièrement.

[5]                La SPR a tenu une audience dans le but de commettre d'office un représentant pour Maria, conformément au paragraphe 69(4) de la Loi. La mère de Maria, Anilda, et le conseil ont comparu devant la SPR. Celle-ci a décidé que Maria serait représentée par Anilda Tabaj.

[6]                Les questions en litige à l'audience concernaient l'identité, la crédibilité de la revendication de Maria, le retour en Albanie et la protection de l'État. Maria n'a pas assisté à la plus grande partie de l'audience. Anilda a été le principal témoin pour son compte. Arjan a également témoigné.

[7]                La SPR a considéré qu'il n'existait pas de lien entre le préjudice redouté et un motif prévu par la Convention. Elle a conclu de plus que la seule preuve crédible était le taux élevé de criminalité en Albanie et le préjudice corporel subi par Arjan dans ce pays - il a perdu l'une de ses jambes. La SPR ne croyait pas l'histoire d'Arjan, sur laquelle la revendication de Maria était fondée. Selon elle, les parents de Maria n'étaient pas des témoins crédibles, en particulier en ce qui concernait les liens d'Arjan avec le PD. Elle a conclu qu'Arjan n'avait pas été persécuté en Albanie du fait de ses liens ou de ses convictions politiques. Le bien-fondé de la revendication de Maria, qui reposait sur les opinions politiques de son père, n'a donc pas été démontré.

[8]                La SPR a souligné que les parents de Maria n'avaient pas été en mesure de produire de documents confirmant qu'Arjan était un membre du PD et qu'il avait passé environ huit mois à l'hôpital. Anilda était incapable de se rappeler ce que la famille avait fait de ces documents. Elle a dit que c'est son mari qui était chargé de les obtenir et de s'en occuper. La SPR a aussi fait remarquer que les parents de Maria avaient déjà eu affaire au système canadien de détermination du statut de réfugié et qu'ils savaient qu'ils auraient besoin de documents. En outre, selon la SPR, il était invraisemblable qu'Arjan ait cru si rapidement que la famille pouvait retourner en Albanie en toute sécurité et qu'il ait repris ses activités politiques dès son retour dans ce pays.


[9]                Il est allégué dans les observations écrites que la SPR aurait commis différentes erreurs au regard des conclusions relatives à la crédibilité. À l'audience, l'avocat a laissé tomber ces prétentions et a indiqué que la seule question en litige concernait la représentante commise d'office et son influence sur la revendication de la demanderesse.

[10]            L'avocat de Maria, qui ne l'a pas représentée lors de l'audience sur le statut de réfugié, se fonde sur l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, où la Cour a indiqué que les principes de la Convention relative aux droits de l'enfant et d'autres instruments internationaux accordent une importance spéciale à la protection des enfants, en particulier à leurs besoins et à leurs droits.

[11]            Si je le comprends bien, l'avocat prétend que la SPR a mis en péril l'intérêt supérieur de Maria, non pas en désignant d'office Anilda pour la représenter, mais en ne reconnaissant pas, lors de l'audience, que celle-ci était inapte et devrait être remplacée.

[12]            Au soutien de sa thèse, l'avocat renvoie aux directives intitulées « Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié : Questions relatives à la preuve et à la procédure » , données en application du paragraphe 65(3) de la Loi. Il soutient que ces directives de la Commission ont principalement pour but d'expliquer comment celle-ci doit agir à l'égard des revendicateurs mineurs. Il rappelle en particulier les critères qui doivent servir à la désignation d'un représentant :


-          la personne doit avoir plus de 18 ans;

-          elle doit être capable d'apprécier la nature de la procédure en cause;

-          elle ne doit pas se trouver en situation de conflit d'intérêts avec l'enfant qui revendique le statut de réfugié, de telle sorte qu'elle n'agira pas au détriment de ce dernier;

-          elle doit être disposée à remplir les fonctions qui lui incombent et à agir dans l' « intérêt supérieur de l'enfant » , et être capable de le faire.

Les fonctions qui incombent au représentant commis d'office sont les suivantes :

-          retenir les services d'un conseil;

-          donner des instructions au conseil ou aider l'enfant à le faire;

-          prendre d'autres décisions concernant les procédures ou aider l'enfant à le faire;

-          aider à recueillir des éléments de preuve au soutien de la revendication;

-          présenter des éléments de preuve et témoigner;

-          agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant. (C'est l'avocat qui souligne)

[13]            L'avocat soutient que la SPR aurait dû se rendre compte qu'Anilda ne remplissait pas son rôle de représentante commise d'office comme elle l'aurait dû. La santé d'Arjan l'empêchant d'exercer ce rôle, un tiers indépendant aurait dû être désigné.

[14]            Selon l'avocat, la procédure adoptée était loin d'être acceptable, comme le montre, selon lui, le commentaire suivant de la présidente de l'audience :

[traduction]


PRÉSIDENTE DE L'AUDIENCE :                                                                                Bien. Et pour être la représentante commise d'office, vous devez présenter toute la preuve pour l'enfant. Vous êtes censée donner des instructions au conseil en son nom. C'est là votre travail, d'accord?

[15]            Sans laisser entendre que cela est suffisant en soi pour invalider l'audience, l'avocat soutient qu'il s'agit de [traduction] « l'un des facteurs qui, considérés ensemble, montrent que la procédure n'était pas acceptable en ce qui concerne les questions relatives à la représentante commise d'office » .

[16]            À l'audience sur le statut de réfugié, le conseil a fait expressément référence à l'état de santé d'Arjan :

[traduction]

CONSEIL :                                                                                                                    Je n'ai pas l'intention de faire témoigner le père vu son état psychologique. J'ai constaté dans le bureau qu'il n'essaie pas d'aider, qu'il se contente de marmonner. Si cela devait survenir pendant l'audience, je demanderais qu'il soit exclu afin qu'il n'entache pas la crédibilité de son épouse.

[17]            L'avocat qui représente maintenant la demanderesse souligne l'importance de cette déclaration par rapport à ce qu'Anilda a dit ensuite lors de l'audience. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle n'avait pas obtenu différents documents, Anilda a répondu qu'elle se fiait à son mari. Selon l'avocat, l'échange suivant montre l'inaptitude d'Anilda à agir comme représentante commise d'office :

[traduction]

PRÉSIDENTE DE L'AUDIENCE :                                                                                 Votre enfant avait-elle un certificat de naissance lorsque vous êtes arrivés au Canada?


REPRÉSENTANTE COMMISE D'OFFICE :                                                                Non, nous - - -

MME WOLMAN :                                                                                                             Avez-vous son - - -

REPRÉSENTANTE COMMISE D'OFFICE :                                                                 - - - n'avions aucun document.

MME WOLMAN :                                                                                                              - - - certificat de naissance maintenant? Avez-vous son certificat de naissance maintenant?

REPRÉSENTANTE COMMISE D'OFFICE :                                                                Non.

PRÉSIDENTE DE L'AUDIENCE :                                                                                Vous n'avez pas demandé aux autorités albanaises d'envoyer son certificat de naissance au Canada?

REPRÉSENTANTE COMMISE D'OFFICE :                                                                Personne ne nous a dit si nous en avions besoin ou non. Nous pensions que le mien et celui de mon mari, ainsi que le certificat familial suffisaient.

ACR :                                                                                                                               C'est indiqué sur le formulaire d'examen initial. Il fallait le fournir...

[18]            On soutient que, bien que la question du certificat de naissance ait été réglée, cet échange aurait dû alerter la SPR au sujet de la capacité d'Anilda d'agir comme représentante commise d'office. Anilda a répondu ce qui suit aux questions concernant différents documents :

[traduction]

PRÉSIDENTE DE L'AUDIENCE :                                                                                Par exemple, sa carte de membre du Parti démocratique?

REPRÉSENTANTE COMMISE D'OFFICE :                                                                 Je ne sais pas. C'est tout ce qu'il a été en mesure d'obtenir. C'est mon mari qui s'occupait des documents.

CONSEIL :                                                                                                                       Avez-vous demandé à votre mari s'il avait obtenu les documents ou s'il allait les obtenir?


REPRÉSENTANTE COMMISE D'OFFICE :                                                                Oui, je le lui ai demandé. Nous avons une tradition selon laquelle c'est le mari qui s'occupe de cela et il m'a dit de ne pas m'inquiéter, qu'il s'en occuperait.

CONSEIL :                                                                                                                       Lui avez-vous posé des questions lorsque vous avez constaté qu'il n'avait pas fourni ces documents ou qu'il ne les avait pas obtenus?

REPRÉSENTANTE COMMISE D'OFFICE :                                                                Non. Il m'a dit qu'il savait tout...

PRÉSIDENTE DE L'AUDIENCE :                                                                                Possède-t-il des dossiers hospitaliers ou médicaux qui indiquent ce qui lui est arrivé en Albanie?

REPRÉSENTANTE COMMISE D'OFFICE :                                                                Des dossiers de l'hôpital, non.

PRÉSIDENTE DE L'AUDIENCE :                                                                                Pourquoi n'avez-vous pas essayé d'obtenir ces documents? Pourquoi votre mari n'a-t-il pas demandé les dossiers médicaux montrant ce qui lui est arrivé en Albanie?

REPRÉSENTANTE COMMISE D'OFFICE :                                                                Nous pensions qu'il suffisait de le regarder.

[...]

REPRÉSENTANTE COMMISE D'OFFICE :                                                                Je ne sais pas. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est mon mari qui s'occupait des documents.

PRÉSIDENTE DE L'AUDIENCE :                                                                                Très bien. Et vous vous fiiez à lui pour ces questions?...

REPRÉSENTANTE COMMISE D'OFFICE :                                                                Je suis désolée, oui.

[...]

PRÉSIDENTE DE L'AUDIENCE :                                                                                Donc, votre réponse, c'est que vous ne savez pas s'il a obtenu d'autres documents concernant ses activités au sein du Parti démocratique? Vous ignorez de quels documents il s'agit?

REPRÉSENTANTE COMMISE D'OFFICE :                                                                Je ne le sais pas parce que c'est mon mari qui s'en occupait.

[19]            Selon l'avocat, il aurait dû être évident pour la SPR, lors de l'audience, que la représentante commise d'office ne remplissait pas ses fonctions et qu'elle aurait dû être remplacée. En outre, il s'avère que la SPR le savait. En effet, elle affirme dans ses motifs qu'Arjan « n'a jamais écrit, et son épouse n'a jamais pris l'initiative d'appeler ses amis au RD afin de lui obtenir le document nécessaire à la présentation de la demande d'asile de l'enfant. Cette situation est déraisonnable et invraisemblable. » Elle ajoute : « L'épouse a affirmé à de nombreuses reprises que son mari était censé s'occuper des documents. Cependant, ils ont également présenté un rapport psychologique selon lequel le père de la demanderesse était atteint de dépression. Il a témoigné qu'il éprouve souvent de la douleur et qu'il oublie certaines choses. Il n'en demeure pas moins que l'épouse n'a rien fait pour obtenir quelque document que ce soit à l'appui de la cause de la demanderesse. Ce n'est pas raisonnable. »

[20]            Reconnaissant que la revendicatrice mineure était représentée par un avocat, l'avocat prétend qu'il s'agit d'un facteur dont il faut tenir compte mais qui n'est pas déterminant. Selon lui, lorsqu'un représentant commis d'office n'agit pas de manière raisonnable, il doit être remplacé. En l'espèce, un représentant indépendant aurait dû être désigné pour montrer à quel point il était important d'obtenir les documents. L'intérêt supérieur de l'enfant n'a pas été respecté et l'on ne peut pas considérer que Maria a eu droit à une audition équitable.


[21]            Les prétentions de l'avocat ne me convainquent pas. Des défauts peuvent ressortir lorsque des extraits tirés de la transcription d'une audience s'étant déroulée en quatre parties sont examinés isolément. Or, on se rend compte que de tels défauts n'existent pas lorsqu'on examine la transcription dans son entier.

[22]            Le juge Teitelbaum a décidé, dans Espinoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 3 C.F. 73 (1re inst.), que la Commission a l'obligation de déterminer si la personne à commettre d'office comprend la nature de la procédure. Il en est ainsi en particulier dans le cas des enfants. Il ne suffit pas que les personnes soient représentées par un avocat. Il incombe à la Commission de s'assurer que le représentant comprend ce qu'est un représentant ainsi que les conséquences qui découlent de la désignation d'office.

[23]            En l'espèce, la SPR a commis d'office Anilda, la mère, pour représenter Maria, à la demande du conseil. Elle a parlé de son obligation de faire un [traduction] « choix intelligent » . Elle a indiqué également qu'il n'y avait pas conflit d'intérêts et que la mère agirait dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Elle a dit à Anilda qu'elle devait présenter des éléments de preuve et donner des instructions au conseil. Elle a également souligné qu'elle devrait la remplacer si Anilda était expulsée. Le conseil avait auparavant dit à la SPR qu'il avait discuté avec Anilda des [traduction] « questions concernant le représentant commis d'office » et qu'elle acceptait de représenter sa fille. Aucune question n'a été soulevée au sujet de sa capacité. La SPR a, par la suite, répété qu'Anilda devait agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Après avoir reçu du conseil les modifications apportées au FRP, elle s'est demandé si Anilda comprenait ce document modifié avant que celle-ci n'en confirme le contenu.

[24]            La décision de la SPR reposait principalement sur la crédibilité. L'avocat soutient que la SPR a accordé une grande importance à l'absence de documents lorsqu'elle a conclu qu'elle ne disposait d'aucun élément de preuve crédible étayant la revendication. Ayant lu la transcription de l'audience avec soin, je pense que la SPR ne croyait tout simplement pas que certains des documents existaient. La famille a eu beaucoup de temps pour obtenir les documents qui étaient exigés. Anilda a indiqué dans son témoignage que c'était son mari qui devait se charger de cette tâche, mais ils ont tous deux déclaré qu'ils n'avaient rien fait pour obtenir les dossiers médicaux parce que, comme le préjudice subi par Arjan était visible, ces dossiers n'étaient pas nécessaires. Les deux ont aussi indiqué dans leur témoignage qu'Arjan devait se présenter lui-même pour obtenir un document attestant son appartenance au PD et que personne d'autre ne pouvait obtenir ce document à sa place. Or, la SPR a fait remarquer que, d'après son expérience, des sympathisants du PD avaient été en mesure d'obtenir des documents par l'entremise d'autres personnes.


[25]            En outre, Anilda a répondu avec hésitation aux questions portant sur les documents. L'article de journal (dont une vérification de l'authenticité a révélé par la suite qu'il était faux) aurait été obtenu par sa belle-mère en Albanie, emporté par elle en Grèce, renvoyé en Albanie et envoyé ensuite par un ami albanais à la famille Tabaj au Canada. Anilda a indiqué dans son témoignage que, bien que sa belle-mère ait obtenu le certificat de naissance de Maria, elles avaient toutes deux pris des dispositions afin que l'enfant soit ajoutée au passeport. Elle a répété à plusieurs reprises qu'il n'y avait personne en Albanie qui pouvait obtenir les documents pour elle, après avoir dit qu'un oncle maternel d'Arjan vivant en Grèce s'était rendu en Albanie pour percevoir les loyers de la maison qu'il possédait dans ce pays.

[26]            Bien que la question du certificat de naissance ait été finalement réglée, Anilda a d'abord dit que les agents d'immigration avaient le certificat de naissance de Maria en leur possession. Elle a ensuite déclaré que Maria avait un certificat de naissance, mais qu'elle ne l'avait pas emporté parce qu'elle pensait que les certificats de naissance des parents et le certificat familial étaient suffisants. Elle a ultérieurement confirmé qu'elle n'avait pas le certificat de naissance de Maria lorsque la famille est arrivée au Canada.

[27]            Lorsque l'article de journal, qui devait confirmer qu'Arjan avait été blessé par des coups de feu tirés par les services secrets albanais, s'est révélé être faux, le conseil de Maria a eu la possibilité de faire des observations sur cette question.


[28]            À mon avis, la SPR pouvait conclure qu'elle ne disposait d'aucun élément de preuve crédible démontrant qu'il existait une possibilité sérieuse que Maria soit persécutée en Albanie pour l'un des motifs prévus par la Convention. Elle a tiré cette conclusion, non pas à cause de l'absence de preuve documentaire, mais parce que les personnes ayant témoigné pour le compte de Maria n'étaient pas crédibles. Le fait qu'elle a utilisé des termes comme « déraisonnable » et « invraisemblable » ne mène pas à la conclusion suggérée par l'avocat. Il est vrai qu'elle aurait pu mieux choisir ses mots, mais on ne peut relever aucun défaut dans son raisonnement. Les conclusions relatives à la crédibilité sont claires et sans équivoque. Qui plus est, elles n'ont pas été contestées.

[29]            L'autre facteur important est le fait que Maria était représentée par un avocat à l'audience sur le statut de réfugié. L'avocat n'a pas laissé entendre qu'un autre représentant devrait être commis d'office pour remplacer Anilda. Il n'a pas été allégué que l'avocat aurait dû le faire. L'avocat semble plutôt dire maintenant que c'est la SPR qui doit, de sa propre initiative, révoquer la désignation lorsqu'il appert que le représentant commis d'office n'a pas présenté la meilleure preuve possible. Or, cette thèse soulève deux problèmes. D'abord, le conseil ne s'étant pas opposé, lors de l'audience, à ce qu'Anilda continue d'agir comme représentante commise d'office, il ne peut pas le faire maintenant pour justifier un contrôle judiciaire. Ensuite, la SPR ne croyait tout simplement pas, comme je l'ai dit précédemment, que les soi-disant éléments de preuve existaient.

[30]            Les commentaires suivants qui ont été formulés par la Cour d'appel fédérale dans Coomaraswamy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 4 C.F. 501, sont pertinents, même si cet arrêt concernait une audience d'annulation :

Il ne fait aucun doute que la conduite des parents aurait autorisé la Commission à révoquer leur désignation comme représentants des enfants et à désigner une autre personne pour représenter les enfants dans le cadre de la procédure d'annulation. Toutefois, le fait est qu'elle ne l'a pas fait, et l'avocat, en sa qualité de conseil des enfants, ne l'a pas demandé non plus. Dans ces circonstances, je n'accepte pas que, de sa propre initiative, la Commission était obligée de remplacer les parents et de désigner un autre représentant. On ne peut conclure qu'en déclarant que la Commission « devrait » démettre une personne qui ne convient plus pour agir comme représentant désigné, la directive supposait que cette destitution était nécessaire dans chaque cas, particulièrement lorsque le représentant désigné est le parent qui accompagne l'enfant.


En tout état de cause, il est difficile de voir ce qu'un représentant désigné différent aurait pu faire pour défendre la position des enfants lors de l'audience d'annulation. Il n'y avait pas de conflit d'intérêts évident entre les adultes et les enfants lors de cette audience, et l'avocat représentant les enfants n'a pas convaincu la Commission qu'elle pouvait admettre de nouveaux éléments de preuve. Tout défaut de la Commission de désigner un nouveau représentant ne pouvait être réputé avoir nui aux enfants ou les avoir privés d'une audience équitable.

[31]            En l'espèce non plus il n'y avait pas de conflit d'intérêts entre Anilda et Maria. Un examen de la transcription dans son ensemble donne une image différente de celle présentée par l'avocat. La SPR n'était pas tenue, dans les circonstances, de désigner un nouveau représentant. Maria n'a pas été privée de son droit à une audition équitable.

[32]            L'avocat de Maria a proposé deux questions à des fins de certification :

(1)         La SPR a-t-elle l'obligation de remplacer un représentant commis d'office lorsqu'il appert que celui-ci est inapte à remplir son rôle?

L'avocate du défendeur s'est opposée à la certification de cette question parce que, comme la présente affaire dépend de ses faits particuliers, il ne s'agit pas d'une question de portée générale. Je suis aussi de cet avis. La question ne sera donc pas certifiée.

(2)         Une demande d'asile peut-elle être accueillie sur la foi d'une crainte fondée de persécution du fait de l'appartenance à un groupe social, à savoir la famille, si le membre de la famille qui est la cible principale de la persécution n'est pas persécuté pour l'un des motifs prévus par la Convention?


L'avocate du défendeur s'est opposée à la certification de cette question également au motif que celle-ci ne permettrait pas de trancher un appel. Étant donné que les conclusions de la SPR relatives à la crédibilité n'ont pas été contestées, la question du lien devient théorique, celui-ci devant être établi au moyen d'une preuve crédible suffisante, tout comme tous les autres aspects d'une demande d'asile. Je partage de nouveau l'avis du défendeur et la question ne sera pas certifiée.

[33]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée et une ordonnance sera rendue en conséquence. Aucune question ne sera certifiée.

                                                             « Carolyn Layden-Stevenson »          

                                                                                                     Juge                              

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

Le 22 janvier 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                IMM-463-03

INTITULÉ :                                                                MARIA TABAJ

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 15 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                               LE 22 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

Jack Martin                                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Matina Karvellas                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jack Martin                                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Matina Karvellas                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Bureau régional de l'Ontario

Toronto (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.