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Date : 20200110


Dossier : IMM‑4222‑18

Référence : 2020 CF 26

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 janvier 2020

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

DEJAN TRBOLJEVAC

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision [la décision] rendue le 2 août 2018 par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR] concluant que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. Le demandeur demande que la décision soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour une nouvelle audience.

[2]  Le demandeur ne conteste pas le bien‑fondé de la décision. Il conteste plutôt l’équité procédurale du processus qui a fait en sorte que sa date d’audience n’a pas été reportée comme il l’avait demandé. Plus précisément, il affirme qu’il y a eu manquement à la justice naturelle à son égard dans chacune des trois décisions de nature procédurale qui ont été rendues. Deux de ces décisions ont été rendues avant le début de son audience, et la troisième a été rendue au début de l’audience.

[3]  La première des décisions de nature procédurale rejetait sa demande de report de la date et de l’heure de l’audience. La deuxième décision, rendue immédiatement avant le début de l’audience devant la SPR, confirmait la première décision. La troisième décision consistait dans le refus de la commissaire de la SPR d’accepter les documents que le demandeur tentait de présenter à l’audience à l’appui de sa demande d’asile.

[4]  Pour les motifs qui suivent, la présente demande est accueillie.

II.  Contexte factuel

A.  La demande d’asile

[5]  Le demandeur est un citoyen de la Serbie qui résidait au Kosovo. Il est arrivé au Canada le 24 janvier 2012 et a demandé l’asile à Hamilton (Ontario) le 30 janvier 2012 au motif qu’il craignait d’être attaqué par des ressortissants albanais inconnus et d’être incarcéré par le gouvernement serbe. La CISR a reçu son Formulaire de renseignements personnels le 24 février 2012.

[6]  Un avis de convocation à une audience prévue pour le 27 juillet 2018 a été envoyé au demandeur plus de six ans plus tard, soit le 27 juin 2018.

[7]  Il n’est pas contesté que le demandeur a reçu l’avis de convocation le 14 juillet 2018 seulement puisque le document avait été envoyé à une mauvaise adresse.

B.  Avis d’intention de présenter une requête verbale

[8]  L’ancien conseil du demandeur a écrit à la CISR le 24 juillet 2018 au nom du demandeur. Il a fait savoir que le demandeur avait l’intention de [traduction« présenter une requête verbale officielle au début de l’audience prévue » afin de demander que l’audience soit reportée [traduction« à une date et à une heure dans plusieurs semaines, autour du début et du milieu de septembre, comme il conviendra aux parties en cause ».

[9]  Les raisons évoquées pour la demande de report étaient de permettre au demandeur de se préparer plus efficacement et adéquatement, d’obtenir la traduction de divers documents qualifiés d’importants quant au fond de la demande d’asile, d’examiner et de prendre en compte des documents nouveaux et plus récents sur la situation dans le pays et de demander la présence de témoins en personne et par téléconférence.

[10]  Le demandeur a expliqué qu’il a présenté tardivement la demande de report de la date d’audience parce qu’il n’était pas raisonnablement possible pour lui de faire le nécessaire pour se préparer en vue de l’audience étant donné le court laps de temps entre le jour où il a reçu l’avis, le 14 juillet 2018, et la date de l’audience fixée au 27 juillet 2018.

[11]  Il était précisé dans la demande qu’il n’était pas possible, en raison de ce court laps de temps, de présenter une requête écrite officielle avant l’audience du 27 juillet 2018. Il y était réitéré que le demandeur avait l’intention de présenter une requête verbale officielle au président de l’audience au début de l’audience prévue pour le 27 juillet.

[12]  Le 25 juillet 2018, le jour après que la demande de report eut été envoyée à la CISR, un avis de décision relatif à la demande de changement de la date et de l’heure de l’audience accompagné de la décision et des motifs de décision a été transmis à l’ancien conseil par télécopieur. La décision rejetait la demande de changement de la date de l’audience.

C.  L’audience devant la SPR

1)  Le commissaire coordonnateur

[13]  L’audience devant la SPR a eu lieu le 27 juillet 2018. Le demandeur et son ancien conseil étaient tous les deux présents. Avant le début de l’audience officielle, un commissaire coordonnateur a pris en compte la requête verbale de l’ancien conseil du demandeur concernant le report de l’audience.

[14]  Le commissaire coordonnateur a rejeté la requête de report. Il a déclaré qu’il avait examiné la décision rendue le 25 juillet 2018 de rejeter la demande de report présentée le 24 juillet 2018 et qu’il y souscrivait. L’ancien conseil a quitté l’audience peu après, et le demandeur a continué seul.

[15]  Le commissaire coordonnateur s’est ensuite adressé directement au demandeur. Il a souligné que, le 21 mars  2018, le demandeur avait reçu et signé un formulaire affirmant qu’il était prêt pour l’instruction de l’affaire, ce que le demandeur a confirmé.

[16]  Le commissaire coordonnateur a ensuite fait savoir au demandeur que celui‑ci savait depuis le 18 mars 2018 que son audience aurait lieu [traduction] « à tout moment », qu’il avait eu la possibilité de préparer ses documents et de faire le nécessaire pour poursuivre l’instance. Le commissaire coordonnateur a aussi déclaré que les règles sont très claires et que la demande doit être présentée dix jours avant la date de l’audience, mais qu’il avait déposé la sienne le 24 (juillet), soit trois jours avant l’audience.

[17]  Le demandeur a répondu qu’il était entièrement d’accord avec le commissaire coordonnateur, mais qu’il avait reçu la lettre le 24 juillet 2018, et non pas le 20 (juin).

[18]  Après que le commissaire coordonnateur eut reconnu que la CISR avait commis une erreur dans l’envoi de l’avis, le demandeur a affirmé qu’il était prêt pour l’audience et qu’il respectait la décision de la Commission. Lorsqu’il lui a été dit qu’il devait être prêt puisqu’il savait depuis le 18 mars 2018 que l’audience [traduction« aurait lieu », le demandeur a répliqué que [traduction« [t]out [était] dans le dossier, mais que certains documents étaient arrivés plus tard, les documents de [son] ex‑épouse de Serbie qui [le] poursuit devant les tribunaux ».

[19]  Peu après ces échanges, le commissaire coordonnateur a quitté la salle d’audience, et la commissaire a commencé l’audience sur le fond de la demande d’asile.

2)  La commissaire

[20]  Après quelques formalités visant à préciser la date et la nature de l’audience, et à confirmer la langue d’interprétation, la commissaire a commencé en déclarant qu’elle avait examiné les documents. Selon la transcription, le demandeur a immédiatement souligné [traduction« j’ai beaucoup de documents qui prouveront ma demande d’asile ».

[21]  Quelques moments plus tard, après que le demandeur eut commencé à préciser les raisons pour lesquelles il était venu au Canada et les personnes qu’il craignait, la commissaire lui a demandé s’il avait rapporté son agression à la police. Le demandeur a répondu qu’il l’avait fait, et qu’il avait un rapport de police et un rapport médical. La commissaire a déclaré qu’elle ne pouvait pas accepter les éléments de preuve puisque ceux‑ci devaient être présentés dix jours à l’avance et qu’il [traduction« [était] contraire aux règles de les accepter ici ». Le demandeur a alors présenté des éléments de preuve de vive voix quant aux événements qui se sont produits, y compris les blessures qu’il avait subies.

[22]  Au sujet de ses craintes, le demandeur a déclaré qu’il craignait le gouvernement serbe parce que son ex‑épouse le poursuivait en justice et qu’elle avait fait savoir au gouvernement qu’il avait demandé l’asile au Canada. Par conséquent, son père a reçu une enveloppe le convoquant au tribunal à deux occasions pour qu’il explique pourquoi le demandeur avait demandé l’asile au Canada.

[23]  Le demandeur a affirmé qu’il avait des preuves de tout ce qu’il avançait et qu’il regrettait de ne pas les avoir produites au préalable. Il a terminé son témoignage en ajoutant qu’il s’était présenté à l’ASFC tous les mois au cours des trois dernières années et demie.

[24]  Le 7 août 2018, la SPR a envoyé un avis de décision au demandeur rejetant sa demande d’asile. Comme il a déjà été souligné, la décision en question n’est pas contestée quant au fond, mais le demandeur demande qu’elle soit annulée en raison de manquements à l’obligation d’équité procédurale contrevenant à son droit à la justice naturelle.

III.  Question en litige et norme de contrôle

[25]  Le demandeur allègue que la SPR a manqué à son obligation de lui fournir une audience équitable sur le plan de la procédure et que, pour cette raison, la décision de la SPR doit être annulée.

[26]  Lorsqu’une question d’équité procédurale est soulevée, la Cour doit établir si la procédure appliquée par le décideur est conforme au degré d’équité requis dans toutes les circonstances : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au par. 43 et Loi sur les cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 à l’al. 18.1(4)b).

[27]  La Cour d’appel fédérale a récemment précisé qu’il n’y avait pas de norme de contrôle pour les questions d’équité procédurale. Ce qui est considéré comme conforme à l’équité dans une situation donnée est très variable et tributaire du contexte. Pour déterminer si le processus suivi était équitable, aucune déférence ne s’impose à l’égard du tribunal, si ce n’est en ce qui concerne le choix qu’il a fait quant à la procédure. La cour de révision utilise l’expression « décision correcte » non pas tant comme norme de contrôle, mais bien comme étalon pour établir si l’obligation d’équité procédurale a été respectée. Elle doit être convaincue que le droit à l’équité procédurale a été respecté : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [CFCP] aux par. 40 et 49.

[28]  L’examen de l’équité procédurale consiste à se demander si un processus juste et équitable a été suivi, eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la personne : CFCP, aux par. 53 et 54; Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au par. 79.

IV.  Analyse

[29]  La présente affaire a été entendue avant que la Cour suprême ne rende sa décision dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. J’ai examiné l’arrêt Vavilov, et je constate qu’il ne change pas l’approche en vigueur permettant d’établir si les droits à l’équité procédurale du demandeur ont été respectés. Étant donné que l’équité procédurale est la question déterminante en l’espèce, il n’était pas nécessaire de demander aux parties de formuler des observations additionnelles à la lumière de l’arrêt Vavilov.

A.  Observations des parties

[30]  Le demandeur affirme que l’omission d’accueillir une demande de report raisonnable constitue un manquement à l’obligation d’équité procédurale. L’omission contrevient aussi à l’alinéa 170e) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] qui prévoit que la SPR, dans toute affaire dont elle est saisie, « [doit donner] à la personne en cause et au ministre la possibilité de produire des éléments de preuve, d’interroger des témoins et de présenter des observations ».

[31]  Pour démontrer que son audience avait été inéquitable pour lui sur le plan de la procédure, le demandeur invoque l’arrêt Siloch c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1993) 151 NR 76 (CAF) [Siloch], dans lequel la Cour d’appel fédérale a énoncé un certain nombre de facteurs que doivent prendre en compte les arbitres dans l’exercice de leur pouvoir décisionnaire lorsqu’ils examinent une demande de report.

[32]  Le défendeur souligne que l’arrêt Siloch remonte à 1993. Puisque la LIPR a été modifiée en 2012, les nouvelles Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256 [les Règles] ont préséance sur l’arrêt Siloch. Quoi qu’il en soit, à partir du 15 décembre 2012, date à laquelle sont entrées en vigueur les modifications apportées à la LIPR, jusqu’à la date de la présente audience, la Cour a pris en compte l’arrêt Siloch six fois dans des affaires d’immigration.

[33]  L’article 54 des Règles établit la procédure que le demandeur doit suivre pour demander un report; il énonce aussi les facteurs que doit prendre en compte la SPR quand elle reçoit une demande de cette nature. Le défendeur invoque le fait que le demandeur n’a pas respecté l’article 54 même s’il savait depuis mars 2018 qu’une date d’audience serait fixée et qu’il avait signé le formulaire Intention de poursuivre le traitement.

[34]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que, en n’acceptant pas les documents que le demandeur a voulu présenter au début de l’audience, la SPR l’a privé de son droit à être entendu et à réfuter la preuve qui pesait contre lui.

[35]  Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si les facteurs énoncés dans l’arrêt Siloch s’appliquent ou si le demandeur a respecté ou était tenu de respecter les dispositions de l’article 54 des Règles. Je souligne aussi que le demandeur a reçu l’avis de convocation après le délai prévu par l’article 25 des Règles, mais j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’établir les conséquences de cet élément.

B.  L’audience a été inéquitable sur le plan de la procédure

[36]  Il ne fait aucun doute que l’équité procédurale est une obligation primordiale en ce qui concerne la tenue des audiences à la CISR. Selon le paragraphe 162(2) de la LIPR, la SPR doit entendre les affaires, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité.

[37]  Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, même s’il n’existe pas de droit absolu à un avocat, il existe un droit à une audience équitable, particulièrement pour les personnes qui ne sont pas représentées : Aiyathurai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1278 au par. 9 et les décisions qui y sont citées.

[38]  L’audience en tant que telle a été assez brève. La transcription de l’audience elle‑même tient sur trois pages et demie seulement. La commissaire reconnaît que le demandeur n’est pas représenté, puis confirme que l’interprète parle le serbe. Le demandeur a ensuite déclaré qu’il avait beaucoup de documents pour prouver sa demande d’asile.

[39]  Après avoir demandé au demandeur à quel moment il était arrivé au Canada, les raisons pour lesquelles il était venu au Canada, qui étaient ses agresseurs, et à quel moment l’agression s’était produite, la commissaire lui a demandé s’il avait rapporté l’incident à la police. Le demandeur a alors répondu [traduction« [o]ui, j’ai communiqué l’incident à la police, j’ai un rapport à ce sujet et aussi un rapport médical ». Le demandeur a ajouté qu’il avait tous les documents en trois exemplaires.

[40]  Au lieu d’accepter les documents, la commissaire a affirmé qu’il était [traduction« contraire aux règles » de les accepter à l’audience. Elle a fait savoir qu’aucun document ne serait accepté ce jour‑là puisque les documents devaient être produits dix jours à l’avance.

[41]  Le reste de l’audience a été consacré à l’examen d’une agression et d’une attaque au couteau subies par le demandeur aux mains de ressortissants albanais inconnus. Diverses coupures ont été infligées au demandeur, laissant des cicatrices sur son dos et son visage, et des coups lui ont cassé des dents.

[42]  Le demandeur a aussi abordé sa crainte du gouvernement serbe et le fait qu’il avait déjà été renvoyé, de la Serbie, au Kosovo après six mois. Le demandeur a affirmé qu’il avait des preuves de ce renvoi et de tout ce qu’il avait affirmé devant la commissaire.

[43]  Selon la transcription, la commissaire n’a jamais posé de question au demandeur quant à la nature des documents qu’il avait apportés à l’audience ni demandé à les voir. Même lorsqu’il a été affirmé que les documents se rapportaient directement aux questions que la commissaire avait posées au demandeur, rien n’indique que la commissaire était disposée à les prendre en compte.

[44]  Le demandeur a aussi essayé de remettre ses documents après l’audience, mais ceux‑ci lui ont été renvoyés parce que la décision avait déjà été rendue.

[45]  Plusieurs préoccupations m’amènent à conclure que l’audience du demandeur a été inéquitable sur le plan de la procédure. D’abord et avant tout, le demandeur a assuré sa propre représentation. Comme il a été mentionné précédemment, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le fait d’assurer sa propre représentation est assorti du droit à une audience équitable.

[46]  La commissaire, si l’on se fie à ce qu’elle a affirmé à l’audience, semble avoir cru qu’elle n’était pas autorisée à accepter le moindre document à l’audience. Les alinéas 170e), g) et h) de la LIPR, toutefois, prévoient que dans toute affaire dont elle est saisie, la SPR :

e)  donne à la personne […] la possibilité de produire des éléments de preuve […];

g)  n’est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve;

h)  peut recevoir les éléments qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision.

[47]  En dépit du fait que la commissaire connaissait le délai de dix jours prévu au paragraphe 34(3) des Règles pour la communication de documents, son omission de reconnaître ou, semble‑t‑il, de connaître les dispositions de la LIPR l’autorisant à accepter les documents malgré tout, a eu pour effet d’empêcher le demandeur d’étayer sa demande d’asile.

[48]  Les faits en l’espèce sont très semblables à ceux de la décision Hasan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1537. Dans la décision Hasan, le juge Phelan a annulé la décision rendue par la CISR à l’égard d’une demande d’asile et l’a renvoyée pour nouvel examen. Il a souligné que la CISR avait exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle avait refusé d’admettre en preuve à l’audience des éléments de preuve pertinents parce que le délai prévu dans les Règles pour ce faire était dépassé, mais qu’elle avait omis de prendre en compte la disposition des Règles lui conférant le pouvoir discrétionnaire d’admettre des documents en preuve.

[49]  Le juge Phelan a conclu que la décision de la CISR de refuser d’admettre ces éléments de preuve a eu des effets négatifs importants sur la capacité de M. Hasan d’établir sa demande d’asile. Il a aussi souligné que le défendeur n’aurait pas subi de préjudice équivalent si la preuve avait été admise. Le juge Phelan a conclu que le fait que M. Hasan n’avait pas pu présenter d’éléments de preuve à l’appui de sa demande d’asile a donné lieu à un déni de justice naturelle.

[50]  En l’espèce, l’omission de la commissaire d’admettre les éléments de preuve que le demandeur voulait présenter et auxquels il avait renvoyé à plusieurs reprises l’a empêché de bénéficier d’une audience équitable. S’agissant d’une demande d’asile, les conséquences possibles du rejet de sa demande d’asile sont très sérieuses pour le demandeur. Après avoir attendu six ans pour que soit instruite sa demande d’asile, l’équité commandait que les éléments de preuve qu’il souhaitait présenter à son audience soient acceptés, pris en compte et examinés.

[51]  Il « convient donc que le juge accorde de l’importance à la manière dont l’organisme a cherché à établir un équilibre entre, d’une part, la participation maximale et, d’autre part, l’efficacité du processus décisionnel » Ré : Sonne c Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada, 2014 CAF 48 au par. 42. Toutefois, le respect des choix procéduraux de l’organisme dans une instance coexiste avec l’examen de la question de savoir si la procédure suivie par le décideur est équitable dans les circonstances.

[52]  À tout le moins, la commissaire aurait dû exposer les raisons pour lesquelles elle a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 170 de la LIPR. L’omission d’exercer ce pouvoir constituait un manquement à la justice naturelle en l’espèce.

[53]  La demande est accueillie, et la décision est annulée. L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour qu’il statue à nouveau sur celle‑ci.

[54]  Aucune des parties n’a proposé la certification d’une question grave de portée générale, et j’estime que les présents faits n’en soulèvent aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4222‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est accueillie, et la décision est annulée.

  2. L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés pour nouvel examen.

  3. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 5e jour de février 2020.

Isabelle Mathieu, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4222‑18

 

INTITULÉ :

DEJAN TRBOLJEVAC c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 27 mars 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

la juge ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

le 10 janvier 2020

 

COMPARUTIONS :

Robert W. Young

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Eisenberg & Young LLP

Avocat

Hamilton (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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