Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20200103


Dossier : IMM‑306‑19

Référence : 2020 CF 8

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 janvier 2020

En présence de monsieur le juge Norris

ENTRE :

SELVIN SYLVESTER WILLIAMS

demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  APERÇU

[1]  Le demandeur est né en Jamaïque en novembre 1987. En mars 2001, à l’âge de 13 ans, lui et sa sœur aînée ont obtenu leur droit d’établissement au Canada en tant que résidents permanents, après avoir été parrainés par leur père.

[2]  Le demandeur a eu d’importants démêlés avec le système de justice pénale canadien. Parmi les infractions criminelles qu’il a commises, mentionnons le fait d’avoir occupé un véhicule automobile où il savait que se trouvait une arme à feu (une arme de poing semi‑automatique Beretta 9 mm avec une cartouche dans le chargeur) et la possession non autorisée d’un dispositif prohibé (une lame‑chargeur à surcapacité pour arme de poing semi‑automatique Beretta 9 mm contenant cinq cartouches). Ces infractions ont été commises en juin 2012, alors qu’il avait 24 ans. En septembre 2014, il a été condamné à une peine d’emprisonnement de deux ans moins un jour pour chaque infraction, peines à purger concurremment. Il a également été mis en probation pendant un an.

[3]  Ces déclarations de culpabilité au criminel ont entraîné l’établissement, en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], de rapports portant interdiction de territoire au Canada du demandeur pour grande criminalité au titre de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR. Le 13 décembre 2017, une mesure d’expulsion a été prise contre lui sur la base du rapport établi en vertu du paragraphe 44(1) relativement à la déclaration de culpabilité pour possession non autorisée d’un dispositif prohibé.

[4]  Au début de 2018, le demandeur a présenté, aux termes du paragraphe 25(1) de la LIPR, une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, visant à faire lever l’interdiction de territoire pour criminalité dont il avait été frappé et à rétablir son statut de résident permanent. Subsidiairement, il a demandé un permis de séjour temporaire [PST] au titre du paragraphe 24(1) de la LIPR en invoquant l’intérêt supérieur de ses deux enfants nés au Canada, son établissement et ses attaches familiales au Canada, les difficultés auxquelles il se heurterait en Jamaïque ainsi que les mesures qu’il avait prises pour se réadapter et prendre ses distances vis‑à‑vis de son passé criminel.

[5]  Dans une décision datée du 19 juillet 2018, un agent d’immigration principal a rejeté la demande.

[6]  Le demandeur sollicite à présent le contrôle judiciaire de cette décision aux termes du paragraphe 72(1) de la LIPR. Il fait valoir que le rejet de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est déraisonnable, car l’agent s’est mépris sur la preuve concernant ses antécédents criminels, a accordé un poids injustifié à ce facteur et n’a pas dûment tenu compte des éléments attestant sa réadaptation. Le demandeur ajoute que le rejet de sa demande de PST est déraisonnable, car l’agent a commis une erreur lorsqu’il a examiné son intention à long terme de rester au Canada.

[7]  Pour les motifs énoncés ci‑après, j’ai conclu que le demandeur n’a pas établi que la décision de l’agent à l’égard de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était déraisonnable. Par contre, je conviens avec lui que l’agent a eu tort de rejeter la demande de PST. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie en partie, et la demande de PST sera renvoyée à un autre décideur pour nouvel examen.

II.  LE CONTEXTE

[8]  Le casier judiciaire d’adulte du demandeur semble remonter à décembre 2008, lorsqu’il a été déclaré coupable de voies de fait et de défaut de se conformer à une ordonnance de probation. (Le fait qu’il était visé par une ordonnance de probation lorsqu’il a commis les voies de fait suppose qu’il avait été déclaré coupable avant cela d’une infraction criminelle, mais le casier ne fournit aucune autre information sur cette infraction antérieure.) Le demandeur a été condamné à une peine d’emprisonnement avec sursis et à deux ans de probation pour chaque infraction, peines à purger concurremment. Il lui a également été interdit, aux termes de l’article 110 du Code criminel, LRC 1985, c C‑46, d’avoir en sa possession des armes, des dispositifs, des munitions ou des substances explosives (tels qu’ils sont définis) pendant cinq ans. Puis, en janvier 2011, il a été déclaré coupable de défaut de se conformer à un engagement. (Le fait qu’il était visé par une ordonnance de cautionnement qu’il n’a pas respectée suppose qu’il avait été précédemment accusé d’une autre infraction, mais le casier ne fournit autrement aucune information sur cette accusation antérieure ni sur son issue.) Le demandeur a été condamné à une amende de 400 $.

[9]  Le 29 juin 2012, le demandeur a été arrêté et accusé d’un certain nombre d’infractions, notamment de voies de fait avec intention de résister à une arrestation, d’évasion d’une garde légale, de possession non autorisée d’un dispositif prohibé (la lame‑chargeur à surcapacité pour arme de poing semi‑automatique Beretta 9 mm) et de possession d’une arme à autorisation restreinte chargée (l’arme de poing semi‑automatique Beretta 9 mm). Vers 22 h 30 ce jour‑là, des policiers ont croisé le demandeur et deux autres hommes assis dans une voiture stationnée dans le garage d’un complexe résidentiel à Toronto. Le demandeur était assis à l’arrière du véhicule à boire de la bière. Remarquant une forte odeur de marijuana et constatant que l’un des autres hommes dans la voiture tentait apparemment de cacher quelque chose dans la console centrale entre les sièges avant, la police a ordonné aux trois hommes de descendre de la voiture et leur a annoncé qu’ils étaient en état d’arrestation. Alors qu’ils tentaient de passer les menottes au demandeur, ce dernier les a poussés et a pris la fuite. Dans sa course, il a jeté le chargeur du Beretta. Après une fouille ultérieure de la voiture, la police a retrouvé l’arme de poing Beretta (sans chargeur) sous le siège avant du passager, mais elle était apparemment accessible à partir du siège arrière. Une certaine quantité de marijuana a également été retrouvée dans la console centrale. Environ une heure plus tard, le demandeur a été retrouvé dans un appartement à proximité et a été arrêté sans autre incident.

[10]  Le demandeur a initialement été placé en détention, mais il a fini par être libéré sous caution en septembre 2012. À la suite d’un procès en mai 2014 devant un juge de la Cour supérieure de justice de l’Ontario siégeant seul, il a été déclaré coupable d’évasion d’une garde légale aux termes de l’alinéa 145(1)a) du Code criminel, de possession non autorisée d’un dispositif prohibé aux termes de l’alinéa 91(3)a) du Code criminel et de possession non autorisée d’une arme à feu (pour avoir occupé un véhicule automobile où il savait que se trouvait une arme à feu) aux termes de l’alinéa 94(2)a) du Code criminel. Il a été acquitté des trois accusations liées à la possession de l’arme de poing semi‑automatique Beretta. (Le demandeur a plaidé coupable aux accusations d’évasion d’une garde légale et de possession non autorisée d’un dispositif prohibé au début de son procès, mais il a plaidé non coupable aux autres accusations.) Les motifs du jugement rédigé par le juge du procès ne figurent pas dans le dossier de la présente demande.

[11]  Comme je l’ai déjà noté, le demandeur a été condamné en septembre 2014 à une peine d’emprisonnement de deux ans moins un jour relativement aux accusations de possession d’un dispositif prohibé et de possession non autorisée dans un véhicule automobile (pour avoir occupé un véhicule automobile où il savait que se trouvait une arme à feu), peines à purger concurremment. Il a également été condamné à trois mois d’emprisonnement relativement à l’accusation d’évasion d’une garde légale, à purger concurremment avec les peines infligées relativement aux autres chefs d’accusation; il a aussi été mis en probation pendant un an. Les motifs de détermination de la peine du juge du procès ne figurent pas dans le dossier de la présente demande.

[12]  Le demandeur a abandonné l’école secondaire, mais il a fini par obtenir son diplôme d’études secondaires de l’Ontario en 2013. Au cours des dernières années, il a occupé un emploi stable et rémunéré. Depuis 2010, il vit une relation amoureuse avec K.S. Ils ont deux enfants – un fils né en 2012 et une fille née en 2016. Lorsque la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et la demande de PST subsidiaire ont été soumises au début de 2018, le demandeur et K.S. étaient fiancés et vivaient ensemble depuis mai 2015 (après sa libération conditionnelle). Pendant sa détention, le demandeur a participé à un certain nombre de programmes de réadaptation. Les rapports de son agent de probation et de libération conditionnelle sont très positifs. Le demandeur affirme que depuis sa remise en liberté, il [TRADUCTION] « travaille très fort pour reprendre une vie normale de citoyen respectueux des lois » et qu’il est [TRADUCTION] « décidé à éviter les problèmes, à travailler dur et à être un membre productif de la société ». Il s’est ainsi consacré à son travail et à sa famille grandissante. Le demandeur a présenté une preuve substantielle pour corroborer ces déclarations et aucun élément du dossier n’est à même de les mettre en doute. La demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et la demande de PST subsidiaire étaient également appuyées par des observations écrites exhaustives de son avocate.

III.  LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[13]  S’agissant d’abord de la demande de dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée aux termes du paragraphe 25(1) de la LIPR, l’agent a examiné l’établissement du demandeur au Canada et estimé que ce facteur lui était très favorable. L’agent a également considéré les antécédents scolaires et professionnels du demandeur, ses attaches familiales au Canada, parmi lesquelles figuraient notamment sa conjointe de fait à laquelle il était fiancé et ses deux enfants, son père, sa belle‑mère, deux sœurs, deux tantes et un grand‑père. Tous ces facteurs lui étaient favorables.

[14]  L’agent a en particulier tenu compte de l’intérêt supérieur des deux jeunes enfants du demandeur. Il a noté qu’ils étaient financièrement et émotionnellement dépendants de lui et qu’il serait difficile pour leur mère de les élever avec un seul revenu (ou sans deux revenus canadiens). L’agent a conclu qu’il était dans l’intérêt supérieur des enfants que le demandeur reste au Canada, et a accordé un [TRADUCTION] « poids considérable » à ce facteur.

[15]  L’agent a également tenu compte de l’intérêt supérieur de la demi‑sœur du demandeur, qui est mineure. Il a estimé qu’il était dans son intérêt supérieur comme dans celui du demandeur que celui‑ci reste au Canada; cependant, il a seulement accordé un certain poids à ce facteur, car aucun élément de preuve n’avait été fourni pour établir qu’elle dépendait de lui.

[16]  L’agent a noté que le demandeur avait visité la Jamaïque pour la dernière fois en 2003 et a pris note des conditions défavorables dans ce pays. Il a néanmoins conclu que le demandeur réussirait probablement à s’y établir, étant donné qu’il avait déjà vécu là‑bas, qu’il parlait la langue, que des membres de sa famille y vivaient encore et qu’il possédait des aptitudes transférables. Cependant, comme le demandeur se heurterait initialement [TRADUCTION] « à un certain degré de difficultés dans ce pays », l’agent a accordé à ce facteur [TRADUCTION] « un certain poids dans la demande ».

[17]  Enfin, l’agent a tenu compte des antécédents criminels du demandeur, notant que son agent de libération conditionnelle et de probation l’avait décrit comme quelqu’un de [TRADUCTION] « remarquable » qui avait non seulement [TRADUCTION] « rempli toutes les conditions de sa probation et de sa libération conditionnelle, mais les avait dépassées ». L’agent d’immigration a reconnu que le demandeur avait changé ses habitudes depuis que des accusations avaient été portées contre lui en 2012, mais il a aussi estimé qu’il avait manifesté une [TRADUCTION] « tendance marquée vers les comportements criminels » et conclu que ses déclarations de culpabilité au criminel constituaient [TRADUCTION] « une considération grave et significativement négative ». L’agent a estimé que malgré les changements positifs qu’il avait apportés à sa vie, le [TRADUCTION] « grand nombre d’infractions criminelles commises » devait se voir accorder [TRADUCTION] « le plus de poids ».

[18]  Ayant pondéré l’ensemble de ces considérations, l’agent a refusé la demande présentée aux termes du paragraphe 25(1) de la LIPR.

[19]  Se tournant vers la demande de PST, l’agent a pris note des raisons pour lesquelles le demandeur « devait » rester au Canada (attaches familiales et établissement ici) ainsi que des risques qu’il présentait (antécédents de criminalité). Ayant estimé que le demandeur avait l’intention de rester au Canada pour une période indéterminée, comme l’attestait sa demande de résidence permanente, l’agent a conclu qu’il n’avait pas démontré que son séjour au Canada était appelé à être temporaire et qu’il quitterait le pays à la fin de la période de séjour autorisée. L’agent a donc conclu que la délivrance d’un PST n’était pas justifiée, ajoutant que [TRADUCTION] « la criminalité du demandeur » et [TRADUCTION] « les facteurs qui atténuent le risque qu’il présente au Canada », précédemment examinés dans le cadre de la décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, avaient aussi été [TRADUCTION] « évalués dans le contexte de la demande PST ». Par conséquent, sa demande a été rejetée.

IV.  LA NORME DE CONTRÔLE

[20]  Les parties conviennent que la décision de l’agent doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable, et je suis d’accord. Il s’agit d’une démarche bien établie à l’égard des décisions fondées sur des motifs d’ordre humanitaire (voir Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 RCS 909, au par. 44 [Kanthasamy]; Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189, au par. 18 [Kisana]; Taylor c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 21, au par. 16). Le caractère approprié de cette norme a récemment été confirmé dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 66 [Vavilov], où la majorité de la Cour a énoncé un cadre révisé aux fins de la détermination de la norme régissant le contrôle du bien‑fondé d’une décision administrative (au par. 10). Suivant l’arrêt Vavilov, rien ne justifie de déroger à la présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable est celle qui s’applique à la décision de l’agent.

[21]  Dans l’arrêt Vavilov, la majorité a également tenu à préciser les modalités d’application de la norme du caractère raisonnable (au par. 143). Les principes qu’elle a soulignés découlent, dans une large mesure, de la jurisprudence antérieure, notamment de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190, 2008 CSC 9, et des décisions qui s’en sont inspirées. Bien que la présente demande ait été plaidée avant la publication de l’arrêt Vavilov, les arguments sur lesquels les parties ont fondé leur position respective quant au caractère raisonnable de la décision de l’agent sont conformes à ces principes.

[22]  Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable « vise à donner effet à l’intention du législateur de confier certaines décisions à un organisme administratif, tout en exerçant la fonction constitutionnelle du contrôle judiciaire qui vise à s’assurer que l’exercice du pouvoir étatique est assujetti à la primauté du droit » (Vavilov, au par. 82). L’exercice de tout pouvoir public « doit être justifié, intelligible et transparent, non pas dans l’abstrait, mais pour l’individu qui en fait l’objet » (Vavilov, au par. 95). Pour cette raison, le décideur administratif est tenu « de justifier, de manière transparente et intelligible pour la personne visée, le fondement pour lequel il est parvenu à une conclusion donnée » (Vavilov, au par. 96). Par conséquent, la cour saisie du contrôle judiciaire s’intéresse « à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision » (Vavilov, au par. 83). La cour de révision « doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable » (Vavilov, au par. 99).

[23]  Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au par. 85). Dans le cadre de son analyse du caractère raisonnable d’une décision, lorsque le décideur a fourni des motifs, la cour de révision doit d’abord « examiner les motifs donnés avec une attention respectueuse, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion » (Vavilov, au par. 84, guillemets internes omis). Les motifs doivent être lus à la lumière de l’ensemble du dossier en tenant dûment compte du contexte administratif dans lequel ils ont été rendus (Vavilov, aux par. 91 à 94). À moins que la décision ne soit déraisonnable, la cour de révision doit s’en remettre à la conclusion du décideur administratif.

[24]  Avant qu’une décision puisse être infirmée au motif qu’elle est déraisonnable, la cour de révision doit être convaincue qu’« elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au par. 100). Une cour de justice qui applique la norme de la décision raisonnable « ne se demande [...] pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte “l’éventail” des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution “correcte” au problème » (Vavilov, au par. 83). À moins de circonstances exceptionnelles, la cour de révision ne reviendra pas sur les conclusions de fait tirées par le décideur administratif (Vavilov, au par. 125).

V.  LES QUESTIONS EN LITIGE

[25]  Le demandeur conteste la décision de l’agent en faisant valoir deux motifs principaux :

  • a) la décision de rejeter la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est déraisonnable;

  • b) la décision de rejeter la demande de PST est déraisonnable.

VI.  ANALYSE

A.  Les cadres juridiques

[26]  Dans l’arrêt Vavilov, la majorité a souligné l’importance, au regard de l’évaluation du caractère raisonnable d’une décision, des contraintes juridiques qui ont une incidence sur le processus décisionnel administratif, notamment le régime législatif dans lequel s’inscrit la décision en question (Vavilov, aux par. 106 et 108). En l’espèce, trois dispositions législatives sont en jeu : 1) l’alinéa 36(1)a) de la LIPR, qui prévoit l’interdiction de territoire pour grande criminalité de résidents permanents ou d’étrangers; 2) le paragraphe 25(1) de la LIPR, aux termes duquel (notamment) l’interdiction de territoire pour grande criminalité peut être levée en présence de motifs d’ordre humanitaire; et 3) le paragraphe 24(1) de la LIPR, qui autorise un agent à délivrer un permis de séjour temporaire à l’étranger interdit de territoire s’il « estime que les circonstances le justifient ». (Le texte des dispositions législatives pertinentes est fourni en annexe.)

1)  L’alinéa 36(1)a) de la LIPR

[27]  Comme cela a été noté plusieurs fois, l’alinéa 36(1)a) de la LIPR reflète une forme de contrat social. En échange de la possibilité de résider au Canada, les résidents permanents (et les étrangers) doivent se garder de commettre des infractions criminelles graves. La LIPR reconnaît que l’immigration procure de nombreux avantages au Canada et que l’« intégration [des résidents permanents] suppose des obligations pour les nouveaux arrivants et pour la société canadienne », notamment l’obligation pour les premiers de ne pas se livrer à des actes de grande criminalité (Tran c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, [2017] 2 RCS 289, aux par. 1 et 2 [Tran]). La LIPR « vise à permettre au Canada de profiter des avantages de l’immigration, tout en reconnaissant la nécessité d’assurer la sécurité et d’énoncer les obligations des résidents permanents » (Tran, au par. 40). Le législateur a en particulier précisé que les objectifs de la LIPR à l’égard de l’immigration sont notamment « de protéger la santé et la sécurité publiques et de garantir la sécurité de la société canadienne » et « de promouvoir, à l’échelle internationale, la justice et la sécurité par le respect des droits de la personne et l’interdiction de territoire aux personnes qui sont des criminels ou constituent un danger pour la sécurité » (al. 3(1)h) et i) de la LIPR).

[28]  Comme l’a fait remarquer la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Medovarski c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Esteban c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 RCS 539, 2005 CSC 51, les objectifs de la LIPR « révèlent une intention de donner priorité à la sécurité. Pour réaliser cet objectif, il faut empêcher l’entrée au Canada des demandeurs ayant un casier judiciaire et renvoyer ceux qui ont un tel casier, et insister sur l’obligation des résidents permanents de se conformer à la loi pendant qu’ils sont au Canada » (au par. 10). Ainsi, lorsqu’un résident permanent commet une infraction criminelle grave (telle qu’elle est définie), cette rupture du contrat social peut non seulement entraîner les conséquences imposées par les tribunaux criminels, mais également la perte de son statut d’immigration et son renvoi du Canada.

[29]  L’obligation d’éviter de se livrer à des actes de grande criminalité sous peine de subir des conséquences défavorables sur le plan de l’immigration s’applique à tous les résidents permanents (et étrangers). Cela dit, l’application uniforme de ce principe à tous les cas peut parfois entraîner des injustices ou des iniquités. Le paragraphe 25(1) de la LIPR a pour objet d’empêcher de telles issues.

2)  Le paragraphe 25(1) de la LIPR

[30]  Aux termes de cette disposition, le ministre peut accorder une dispense à l’étranger qui demande le statut de résident permanent, mais qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme par ailleurs pas à la LIPR. Le ministre peut octroyer à l’étranger le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables prévus par la LIPR, seulement s’« il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient ». Ces considérations renvoient à des enjeux tels que les droits, les besoins et l’intérêt supérieur des enfants, le maintien des liens entre les membres d’une famille et la volonté d’éviter de renvoyer des gens dans des endroits où ils n’ont plus d’attaches (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 RCS 559, au par. 41). La question fondamentale est de savoir si dans un cas donné, une exception doit être faite à l’application usuelle de la loi (voir Damian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1158, aux par. 16 à 22).

[31]  Dans l’arrêt Kanthasamy, la Cour suprême du Canada a endossé une interprétation du paragraphe 25(1) fondée sur sa raison d’être équitable. S’exprimant au nom de la majorité, la juge Abella a approuvé la démarche énoncée dans la décision Chirwa c Canada (Ministre de la Main‑d’œuvre et de l’Immigration) (1970), 4 AIA 338, suivant laquelle les considérations d’ordre humanitaire s’entendent « des faits établis par la preuve, de nature à inciter [toute personne] raisonnable […] d’une société civilisée à soulager les malheurs d’une autre personne – dans la mesure ou ses malheurs “justifient l’octroi d’un redressement spécial” aux fins des dispositions de la Loi » (Kanthasamy, au par. 13). Ce pouvoir discrétionnaire permet, dans certains cas appropriés, d’atténuer avec souplesse les effets découlant d’une application rigide de la loi (Kanthasamy, au par. 19). Le paragraphe 25(1) doit donc être interprété de manière à pouvoir « répondre avec plus de souplesse aux objectifs d’équité qui [le] sous‑tendent » (Kanthasamy, au par. 33).

[32]  L’obligation de quitter le Canada entraînera inévitablement des difficultés et « cette seule réalité ne saurait généralement justifier une dispense pour considérations d’ordre humanitaire suivant le par. 25(1) » (Kanthasamy, au par. 23). Les facteurs justifiant l’octroi d’une dispense varieront selon les faits et le contexte de l’affaire (Kanthasamy, au par. 25). La dispense pour considérations d’ordre humanitaire est exceptionnelle et extrêmement discrétionnaire (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Legault, 2002 CAF 125, au par. 15; Williams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1303, au par. 4). C’est au demandeur qu’il incombe de présenter suffisamment d’éléments de preuve pour justifier l’exercice d’un tel pouvoir discrétionnaire en sa faveur (Kisana, au par. 45; Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, au par. 5; Ahmad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 646, au par. 31; Zlotosz c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 724, au par. 22).

[33]  Le paragraphe 25(1) oblige aussi expressément le décideur à tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché par une décision prise au titre de cette disposition. La protection des enfants par l’application de ce principe suppose « de décider de ce qui […], dans les circonstances, paraît le plus propice à la création d’un climat qui permettra le plus possible à l’enfant d’obtenir les soins et l’attention dont il a besoin » (Kanthasamy, au par. 36, citant MacGyver c Richards (1995), 22 OR (3d) 481 (CA), à la p. 489).

[34]  En résumé, une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire appelle un exercice de pondération dans le cadre duquel un agent d’immigration doit examiner des facteurs différents et parfois concurrents. Lorsque le demandeur invoque des considérations d’ordre humanitaire à l’appui d’une demande de dispense d’interdiction de territoire pour criminalité, comme c’est le cas en l’espèce, l’agent doit examiner la politique d’intérêt public énoncée au paragraphe 36(1) de la LIPR en regard de la situation personnelle du demandeur, et décider si le second facteur l’emporte sur le premier de manière à ce qu’une exception puisse être faite à la règle générale portant que les actes de grande criminalité posés par un résident permanent entraînent la perte de son statut et son renvoi du Canada. La décision de l’agent appelle une certaine retenue de la part de la cour de révision, à moins que le demandeur puisse établir qu’elle est déraisonnable.

3)  Le paragraphe 24(1) de la LIPR

[35]  Aux termes de cette disposition, un permis de séjour temporaire est délivré à l’étranger qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la LIPR « [si l’agent] estime que les circonstances le justifient ». Ce titre est révocable en tout temps. Par ailleurs, aux termes de l’article 63 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, un permis de séjour temporaire est valide jusqu’à ce que survienne l’un des événements suivants :

  • a) il est révoqué aux termes du paragraphe 24(1) de la LIPR;

  • b) le titulaire quitte le Canada sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de rentrer au Canada;

  • c) il expire à la date qui y est prévue;

  • d) une période de trois ans s’est écoulée depuis sa prise d’effet.

[36]  Les instructions et lignes directrices opérationnelles d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] en vigueur à l’époque jettent un éclairage additionnel sur la manière dont les demandes de PST étaient tranchées lorsque le demandeur a soumis la sienne. (Elles ont depuis été modifiées à certains égards – par exemple, il a été précisé que la considération principale est de déterminer si « le but de l’entrée au Canada cadre avec les engagements sociaux, humanitaires et économiques du Canada à l’égard de la santé et de la sécurité des Canadiens, suivant les objectifs de la LIPR » : voir https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/publications-guides/bulletins-guides-operationnels/residents-temporaires/permis/admissibilite-evaluation.html). Bien que de telles instructions et lignes directrices ne constituent pas des règles de droit et ne soient pas contraignantes, elles « offrent une orientation quant au contexte, au but, à la signification et à l’interprétation raisonnable des mesures législatives » (Mousa c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2016 CF 1358, au par. 11).

[37]  Les instructions et lignes directrices précisent que l’agent déterminera « s’il existe un motif impérieux justifiant la nécessité d’accorder à l’étranger le droit d’entrer ou de rester au Canada » et « si la présence de l’étranger au Canada l’emporte sur tout risque qu’il pourrait présenter pour les Canadiens ou la société canadienne ». S’agissant d’évaluer les « motifs impérieux » par rapport aux « risques », l’agent « doit prendre en considération les facteurs rendant nécessaire la présence de la personne au Canada et les fins de la Loi afin de garantir l’intégrité du programme et de protéger la santé et la sécurité publiques ». L’agent doit être convaincu que « les raisons ou les avantages de l’entrée ou du maintien de la présence d’une personne au Canada l’emportent sur les risques ».

[38]  Les instructions et lignes directrices d’IRCC qui traitent en particulier des évaluations du risque dans les cas d’interdiction de territoire pour criminalité précisent qu’« [i]l incombe au client de faire la preuve du degré de risque qu’il représente et de son improbabilité à participer à d’autres activités criminelles ». Lorsqu’il doit se prononcer à cet égard, l’agent doit notamment évaluer :

  • la gravité de l’infraction;

  • les risques que l’intéressé commette d’autres infractions;

  • la preuve de réforme ou de réadaptation;

  • s’il existe un modèle de comportement criminel (p. ex. infraction unique et peu caractéristique de la personne);

  • si les peines ont été purgées, les amendes payées et les dédommagements versés;

  • s’il y a des accusations criminelles en instance.

Voir : https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/publications-guides/bulletins-guides-operationnels/residents-temporaires/permis/interdiction-territoire-motifs-criminalite-points-examiner.html.

[39]  Enfin, le paragraphe 29(2) de la LIPR prévoit que le résident temporaire « est assujetti aux conditions imposées par les règlements et doit se conformer à la présente loi et avoir quitté le pays à la fin de la période de séjour autorisée ».

B.  Les décisions de l’agent

1)  La décision concernant la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire

[40]  Comme je l’ai déjà indiqué, l’agent a estimé qu’un certain nombre de facteurs étaient favorables au demandeur. Certains d’entre eux, comme l’intérêt supérieur de ses enfants, se sont d’ailleurs vu accorder un [TRADUCTION] « poids considérable ». Le demandeur ne conteste aucune de ces conclusions. D’un autre côté, lorsqu’il a évalué la demande de dispense pour des motifs d’ordre humanitaire du demandeur, l’agent a accordé [TRADUCTION] « le plus de poids » à ses antécédents criminels. En fin de compte, l’agent a conclu que [TRADUCTION] « les facteurs penchant en faveur d’une approbation » ne [TRADUCTION] « l’emport[aient] pas sur les antécédents criminels importants du demandeur ».

[41]  Plus précisément, l’agent a considéré comme un fait établi que le demandeur avait été reconnu coupable de dix infractions criminelles et que chacune de ces déclarations de culpabilité constituait [TRADUCTION] « un élément défavorable grave et important de la demande [sic], qui démontre le non‑respect [de la part du demandeur] du droit criminel et du système judiciaire du Canada ». L’agent a considéré comme un fait établi que le demandeur avait été reconnu coupable de six infractions de défaut de se conformer et que ces infractions, combinées à sa déclaration de culpabilité pour évasion d’une garde légale, [TRADUCTION] « attestent encore une fois [le] mépris [du demandeur] à l’égard des conditions imposées antérieurement et des agents d’application de la loi au Canada ». L’agent a également considéré comme un fait établi que le demandeur [TRADUCTION] « a été reconnu coupable d’infractions de possession (d’une arme de poing semi‑automatique et d’une lame‑chargeur à surcapacité), qui auraient pu entraîner d’autres actes de violence et qui ont été commises alors que [le demandeur] était déjà visé par une interdiction de possession d’armes ».

[42]  L’avocate du demandeur a laissé entendre durant sa plaidoirie que l’agent s’était mépris à certains égards importants sur la preuve concernant le casier judiciaire de son client, bien qu’elle n’ait pas soulevé ce point dans son mémoire des arguments. Même si je m’interroge sur le fondement de certaines des constatations de fait de l’agent au regard du casier judiciaire du demandeur, je ne suis pas convaincu qu’il était déraisonnable qu’il s’appuie sur le casier en question.

[43]  L’agent a conclu que le demandeur avait été déclaré coupable de dix infractions criminelles. Il semblerait s’agir des infractions suivantes : voies de fait (2008), évasion d’une garde légale (2014), possession non autorisée d’un dispositif prohibé (2014), possession d’une arme de poing semi‑automatique (2014) et défaut de se conformer (six chefs). (Par souci de clarté, comme je l’ai déjà indiqué, le demandeur a été acquitté de trois accusations se rapportant à la possession de l’arme de poing semi‑automatique, mais a été déclaré coupable d’une infraction au titre du paragraphe 94(1) du Code criminel pour avoir occupé un véhicule automobile où il savait que se trouvait une arme à utilisation restreinte. Reflétant une forme de possession réputée, cette infraction est désignée dans le Code criminel comme la « possession non autorisée dans un véhicule automobile ».)

[44]  Il n’est pas contesté que le demandeur a été déclaré coupable de quatre infractions substantielles. Il reste donc, pour obtenir un total de dix déclarations de culpabilité, six déclarations de culpabilité pour défaut de se conformer. Le problème vient de ce que la preuve et les renseignements en l’espèce (en particulier, le dossier conservé par le Centre d’information de la police canadienne, couramment désigné comme le CIPC) inclus dans le dossier certifié du tribunal ne semblent établir que deux déclarations de culpabilité pour défaut de se conformer – le défaut de se conformer à une ordonnance de probation en 2008 et le défaut de se conformer à un engagement en 2011. Quatre déclarations de culpabilité alléguées pour défaut de se conformer demeurent inexpliquées.

[45]  Cela est évidemment préoccupant. Dans d’autres circonstances, la décision de l’agent aurait bien pu s’en trouver viciée. Cependant, le demandeur n’a fourni aucune preuve établissant que l’agent a en fait eu tort de conclure qu’il avait été déclaré coupable de six infractions de défaut de se conformer en tout, et c’est ce qui est déterminant en l’espèce.

[46]  Le demandeur savait que l’agent avait tiré cette conclusion de fait lorsqu’il a sollicité le contrôle judiciaire de sa décision. Dans l’affidavit qu’il a soumis à l’appui de la présente demande, il décrit les circonstances à l’origine de sa déclaration de culpabilité, en 2008, pour voies de fait (même s’il n’explique pas pourquoi il était en probation au moment de l’incident). Il déclare ensuite simplement : [TRADUCTION] « Abstraction faite des déclarations de culpabilité pour défaut de se conformer, c’est en 2012 que j’ai de nouveau eu des démêlés avec le système de justice ». (Cela fait référence, bien entendu, à l’incident du 29 juin 2012.) Le demandeur est présumé connaître la teneur de son casier judiciaire. Son dossier du CIPC atteste seulement une déclaration de culpabilité pour défaut de se conformer entre la déclaration de culpabilité de 2008 pour voies de fait et l’incident de 2012; or, il parle de [TRADUCTION] « déclarations de culpabilité » au pluriel, sans donner d’autres détails. S’il avait cru que l’agent s’était trompé en estimant que son casier judiciaire comprenait un total de six déclarations de culpabilité pour défaut de se conformer, on se serait attendu à ce qu’il signale l’erreur et qu’il ne traite pas la question avec autant de nonchalance.

[47]  Par ailleurs, compte tenu des renseignements et de la preuve au dossier se rapportant à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, il n’était pas déraisonnable que l’agent tire cette conclusion de fait. Le demandeur aurait su que le renvoi pour enquête effectué par l’Agence des services frontaliers du Canada en 2016 relativement à ses deux déclarations de culpabilité visées par le rapport comportait les mentions suivantes au sujet des déclarations de culpabilité non visées par le rapport : [TRADUCTION] « voies de fait » et [TRADUCTION] « défaut de se conformer x 6 ». Même si la source de ces renseignements est loin d’être claire, le demandeur n’a pas contesté ces renseignements dans l’affidavit qu’il a soumis à l’appui de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Après avoir décrit l’incident de voies de fait (encore une fois sans expliquer pourquoi il était à l’époque en probation), il a plutôt simplement déclaré : [TRADUCTION] « Abstraction faite des déclarations de culpabilité pour défaut de se conformer, c’est en 2012 que j’ai de nouveau eu des démêlés avec le système de justice ».

[48]  Le nombre de déclarations de culpabilité pour défaut de se conformer constituait un facteur d’importance pour l’agent, car il attestait un mépris de la part du demandeur à l’égard du droit canadien et des obligations imposées par les tribunaux. Le demandeur ne m’a pas convaincu qu’il était déraisonnable que l’agent s’appuie sur ce facteur.

[49]  Le demandeur fait aussi valoir que l’agent n’a pas dûment tenu compte de la preuve de sa réadaptation lorsqu’il a pondéré les facteurs pertinents au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR. Je ne suis pas d’accord.

[50]  L’agent a expressément reconnu que [TRADUCTION] « le demandeur a apporté des changements dans sa vie pour se détourner de son mode de vie antérieur » et il l’a félicité d’avoir [TRADUCTION] « suivi divers programmes de réadaptation, d’avoir conservé un emploi à temps plein et de s’être abstenu de fumer de la marijuana ». L’agent a également reconnu [TRADUCTION] « que le demandeur a adopté des changements positifs depuis ses dernières déclarations de culpabilité et qu’il n’a pas commis de crimes depuis ». D’un autre côté, l’agent a noté que les antécédents criminels du demandeur ne représentaient pas un événement isolé : ses déclarations de culpabilité s’étendent plutôt sur plusieurs années, ce qui selon l’agent témoignait d’une [TRADUCTION] « tendance marquée vers les comportements criminels ». Les résidents du Canada sont tenus de respecter la loi. Compte tenu du nombre d’infractions dont le demandeur avait été reconnu coupable et de leur nature (par exemple des infractions graves relatives aux armes à feu), l’agent a conclu que la preuve concernant la réadaptation ne l’emportait pas sur ces considérations défavorables importantes. En contestant la décision de l’agent comme il le fait, le demandeur me demande en fait de réévaluer ces facteurs incontestablement pertinents. Tel n’est pas mon rôle.

[51]  Par ailleurs, je n’accepte pas l’observation du demandeur selon laquelle l’agent, comme dans l’affaire Sivalingam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1185, au par. 9, s’est attardé sur les motifs de son interdiction de territoire d’une manière qui a eu pour effet de renforcer la sévérité de la loi, au lieu de l’atténuer. Compte tenu de la gravité de ses antécédents criminels, l’évaluation par l’agent de ce facteur parmi tous les autres facteurs pertinents (y compris la preuve de sa réadaptation) n’était pas déraisonnable.

[52]  Compte tenu de ce qui précède, le demandeur ne m’a pas convaincu que l’agent a exercé le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 25(1) de la LIPR de manière déraisonnable.

[53]  Je conviens toutefois avec le demandeur que l’agent a eu tort de rejeter la demande de PST. Je me pencherai à présent sur cette question.

2)  La décision relative au PST

[54]  Si sa demande de dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était rejetée, le demandeur demandait, subsidiairement, d’être autorisé à rester au Canada au titre d’un PST. Son avocate a fourni des observations détaillées à l’appui de cette demande subsidiaire, lesquelles étaient étroitement calquées sur les instructions et lignes directrices d’IRCC examinées plus haut. Entre autres choses, l’avocate a invoqué l’intérêt supérieur des enfants du demandeur et son établissement au Canada à titre de facteurs impérieux attestant qu’il devait rester ici. Elle a également abordé en détail la question du risque, analysant les infractions qu’il avait commises et les mesures qu’il avait prises en vue de sa réadaptation, suivant le cadre décrit au paragraphe 38 ci‑dessus.

[55]  En résumé, l’avocate du demandeur a soumis les arguments suivants à l’agent :

[traduction]
Compte tenu de ce qui précède, le demandeur présenterait un faible risque pour la société canadienne s’il était autorisé à rester au Canada au titre d’un PST. Il convient de noter que ce type de permis est révocable en tout temps. À ce titre, la délivrance d’un PST au demandeur lui donnerait essentiellement la possibilité de prouver qu’il est pleinement réadapté, faute de quoi Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pourrait annuler le permis et exécuter sur‑le‑champ la mesure de renvoi.

[56]  Bien que l’avocate ne le mentionne pas expressément dans les observations qu’elle a adressées à l’agent, il n’est pas contesté que les PST peuvent être et sont employés comme une forme de probation, grâce à laquelle ceux qui sont interdits de territoire au Canada pour criminalité, mais qui ont des motifs impérieux de rester ici, peuvent continuer d’accumuler des antécédents de comportements respectueux des lois : voir, par exemple, Cardenas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 263, au par. 7.

[57]  Dans la décision contestée, l’agent a noté à la fois les motifs invoqués par le demandeur pour démontrer qu’il devait absolument rester au Canada et le risque découlant de sa criminalité. Il a noté que l’évaluation des risques dans le contexte de la demande de PST porte sur la criminalité ayant entraîné l’interdiction de territoire du demandeur du Canada. Il a noté que le demandeur avait accumulé dix déclarations de culpabilité au criminel. Il a noté aussi que [TRADUCTION] « l’avocate affirme que le demandeur a été remis en liberté en mai 2015, qu’il s’est conformé aux conditions de sa libération conditionnelle et qu’il n’est visé par aucune accusation en instance. L’avocate affirme en outre que le demandeur présente un risque négligeable pour la société canadienne ». Bien qu’il ait pris note de tous ces facteurs, l’agent a rejeté la demande de PST pour un motif entièrement différent : le demandeur n’avait pas démontré qu’il quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[58]  Voici le raisonnement intégral ayant motivé sa conclusion :

[traduction]
J’estime que le demandeur a exprimé le désir de rester au Canada pour une période indéterminée, ce qu’atteste également le fait qu’il a présenté une demande de résidence permanente. J’estime en outre que ses liens avec le Canada sont considérablement plus solides que ceux qu’il entretient avec son pays de citoyenneté, la Jamaïque. Par conséquent, j’estime que le demandeur n’a pas démontré que son séjour au Canada, notamment pour être avec sa famille immédiate, serait temporaire et qu’il quitterait le pays à la fin de la période de séjour autorisée.

[59]  Le demandeur fait valoir que cette conclusion est déraisonnable. Je suis d’accord.

[60]  À l’évidence, le demandeur n’a pas dissimulé son désir de rester au Canada définitivement ni les raisons pour lesquelles il le désire. Mais le simple fait de vouloir rester au Canada définitivement et d’entretenir avec ce pays des liens plus forts qu’avec son pays de citoyenneté ne suppose pas que l’intéressé ne quitterait pas le Canada s’il y était obligé. La question de savoir si une personne quitterait le Canada si elle y était tenue est une question de fait. Selon les circonstances, une réponse négative pourrait exiger une analyse pointue de la preuve (nonobstant le fait qu’il incombe au demandeur d’établir cette condition préalable pour obtenir un PST). Il s’agit d’une question distincte, ce que confirme le paragraphe 22(2) de la LIPR, qui envisage précisément l’octroi d’un statut de résident temporaire à l’étranger même si celui‑ci a l’intention de devenir résident permanent, pour autant que l’agent soit convaincu qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[61]  En l’espèce, compte tenu des intérêts en jeu et des observations détaillées fournies à l’appui de la demande, la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur n’avait pas démontré qu’il quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée simplement parce qu’il veut rester ici définitivement et que ses liens avec le Canada sont plus solides que ceux qu’il entretient avec la Jamaïque est bien en deçà du degré requis de justification, de transparence et d’intelligibilité.

[62]  Bien que cela suffise à trancher cet aspect de la demande de contrôle judiciaire en faveur du demandeur, j’ajouterais ceci. Comme je l’ai indiqué plus haut, l’agent a pris note de plusieurs éléments de l’analyse du risque. Dans la mesure où il a tiré des conclusions de fait à cet égard, cellesci proviennent simplement de l’analyse de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. L’agent déclare : [TRADUCTION] « Je note également que j’ai tenu compte des antécédents criminels du demandeur dans la décision concernant la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, ci‑dessus, ainsi que des facteurs qui atténuent le risque qu’il présente au Canada; j’ai également évalué les antécédents criminels dans le contexte de la demande de PST. Je note que mon évaluation des antécédents criminels du demandeur au Canada demeure identique. »

[63]  À mon avis, même s’il est incontestable que les antécédents criminels du demandeur au Canada sont pertinents à l’égard d’une demande de PST, il était insuffisant que l’agent adopte simplement l’analyse effectuée précédemment dans le cadre de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[64]  Les pouvoirs discrétionnaires conférés à l’agent par les paragraphes 25(1) et 24(1) de la LIPR, respectivement, ont ceci de commun qu’ils permettent dans chaque cas de se soustraire à une application stricte ou rigide de la loi. Toutefois, le paragraphe 24(1) est formulé de manière plus restrictive. Il n’englobe pas le large pouvoir discrétionnaire en equity d’accorder une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, comme le fait le paragraphe 25(1). Un PST est plutôt un privilège limité dans le temps, accordé dans des circonstances particulières.  Il est expressément prévu par la loi et les politiques canadiennes en matière d’immigration afin de ménager une certaine latitude lorsque d’autres dispositions de la loi et des politiques (p. ex. l’exigence de ne pas être interdit de territoire) entraîneraient l’exclusion d’une personne du Canada (voir Alabi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1163, au par. 20).

[65]  Lorsqu’il a demandé un PST, le demandeur devait démontrer que les raisons pour lesquelles il voulait rester au Canada étaient suffisamment impérieuses pour l’emporter sur les risques associés à sa présence continue ici. Il s’agissait du cœur de l’affaire (voir Shabdeen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 303, au par. 23). L’agent a simplement adopté l’évaluation de ses antécédents criminels menée dans le contexte de l’analyse fondée sur le paragraphe 25(1), mais l’évaluation de l’importance des antécédents criminels du demandeur est plus limitée suivant le paragraphe 24(1) que le paragraphe 25(1), et ce, pour au moins trois raisons. Premièrement, aux termes du paragraphe 24(1) de la LIPR, l’importance des antécédents criminels est plus étroitement liée à une évaluation prospective du risque. C’est ce qu’attestent les instructions et lignes directrices d’IRCC suivant lesquelles il incombe au demandeur « de faire la preuve du degré de risque qu’il représente et de son improbabilité à participer à d’autres activités criminelles » [non souligné dans l’original]. Deuxièmement, l’importance de la rupture du contrat social que suppose la perpétration d’infractions criminelles doit être évaluée en relation avec cette évaluation prospective plutôt qu’en regard des considérations plus larges en equity qui orientent les décisions au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR. Troisièmement, contrairement à la décision d’accorder un statut de résident permanent, la portée du risque qu’assume le Canada en octroyant un PST au titre du paragraphe 24(1) est limitée par la durée du permis en question (le permis, je le répète, est d’une durée restreinte et révocable en tout temps).

[66]  Le « risque » que présente le demandeur, compte tenu de ses antécédents criminels et de ses efforts de réadaptation pourrait ou non l’emporter sur ses raisons impérieuses de vouloir rester au Canada. C’était à l’agent de trancher cette question. Compte tenu du cadre juridique distinct dans lequel cette conclusion devait être tirée relativement à l’examen de la demande de PST, il était déraisonnable que l’agent adopte tout simplement [TRADUCTION] « l’évaluation des antécédents criminels du demandeur au Canada » menée dans le cadre de la décision concernant la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Une nouvelle analyse tenant compte du cadre juridique à respecter pour statuer sur une demande de PST au titre du paragraphe 24(1) de la LIPR était requise.

VII.  CONCLUSION

[67]  Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie. La décision de rejeter la demande de permis de séjour temporaire du demandeur aux termes du paragraphe 24(1) de la LIPR est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour nouvel examen conformément aux présents motifs.

[68]  Les parties n’ont pas proposé de question grave de portée générale aux fins de certification suivant l’alinéa 74d) de la LIPR. Je conviens qu’aucune question de ce type ne se pose.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑306‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie.

  2. La décision du 19 juillet 2018 par laquelle la demande de permis de séjour temporaire du demandeur fondée sur le paragraphe 24(1) de la LIPR a été rejetée est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour nouvel examen conformément aux présents motifs.

  3. Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« John Norris »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 14e jour de février 2020.

Julie Blain McIntosh, LL.B., trad. a.
ANNEXE

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Résident temporaire

Temporary resident

22 (1) […]

22 (1) […]

Double intention

Dual intent

(2) L’intention qu’il a de s’établir au Canada n’empêche pas l’étranger de devenir résident temporaire sur preuve qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

(2) An intention by a foreign national to become a permanent resident does not preclude them from becoming a temporary resident if the officer is satisfied that they will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

Permis de séjour temporaire

Temporary resident permit

24 (1) Devient résident temporaire l’étranger, dont l’agent estime qu’il est interdit de territoire ou ne se conforme pas à la présente loi, à qui il délivre, s’il estime que les circonstances le justifient, un permis de séjour temporaire — titre révocable en tout temps.

24 (1) A foreign national who, in the opinion of an officer, is inadmissible or does not meet the requirements of this Act becomes a temporary resident if an officer is of the opinion that it is justified in the circumstances and issues a temporary resident permit, which may be cancelled at any time.

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

Humanitarian and compassionate considerations — request of foreign national

25 (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25 (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

Droit du résident temporaire

Right of temporary residents

29 (1) […]

29 (1) […]

Obligation du résident temporaire

Obligation — temporary resident

(2) Le résident temporaire est assujetti aux conditions imposées par les règlements et doit se conformer à la présente loi et avoir quitté le pays à la fin de la période de séjour autorisée. Il ne peut y rentrer que si l’autorisation le prévoit.

(2) A temporary resident must comply with any conditions imposed under the regulations and with any requirements under this Act, must leave Canada by the end of the period authorized for their stay and may reenter Canada only if their authorization provides for reentry.

Grande criminalité

Serious criminality

36 (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

36 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

(b) having been convicted of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years; or

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227

Période de validité du permis

Period of permit’s validity

63 Le permis de séjour temporaire est valide jusqu’à ce que survienne l’un des événements suivants :

63 A temporary resident permit is valid until any one of the following events occurs:

a) il est révoqué aux termes du paragraphe 24(1) de la Loi;

(a) the permit is cancelled under subsection 24(1) of the Act;

b) le titulaire quitte le Canada sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de rentrer au Canada;

(b) the permit holder leaves Canada without obtaining prior authorization to reenter Canada;

c) il expire à la date qui y est prévue;

(c) the period of validity specified on the permit expires; or

d) une période de trois ans s’est écoulée depuis sa prise d’effet.

(d) a period of three years elapses from its date of validity.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑306‑19

 

INTITULÉ :

SELVIN SYLVESTER WILLIAMS c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 JUILLET 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE NORRIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 JANVIER 2020

 

COMPARUTIONS :

Natalie Domazet

 

POUR Le demandeur

 

Brad Gotkin

 

POUR Le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann, Sandaluk & Kingwell LLP

Avocats en immigration

Toronto (Ontario)

 

POUR Le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR Le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.