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Date : 20060531

Dossier : IMM‑5025‑05

Référence : 2006 CF 649

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

 

 

ENTRE :

SHUAI LONG WANG

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), relativement à la décision de Diane L. Tinker de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié de rejeter la demande d’asile de Shuai Long Wang (le demandeur). Dans sa décision rendue en date du 4 août 2005, la SPR a statué que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger selon les articles 96 et 97 de la LIPR. Elle a fondé sa décision sur des considérations relatives à la crédibilité.

 

I. La question en litige

 

[2]               Il faut décider si la SPR a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que le demandeur n’était pas crédible.

 

II. Conclusion

 

[3]               La SPR n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

III. Les faits

 

[4]               Le demandeur prétend qu’il craint d’être persécuté en République populaire de Chine (la RPC) parce qu’il est un adepte du Falun Gong. Il aurait commencé à pratiquer le Falun Gong en janvier 2003 afin d’améliorer sa santé.

 

[5]               Le 5 octobre 2003, le Bureau de la sécurité publique (le BSP) a fait une incursion dans son groupe de pratiquants du Falun Gong et a procédé à l’arrestation de tous les membres présents. Absent à ce moment‑là, le demandeur s’est ensuite caché. Le BSP s’est rendu chez lui pour l’arrêter. Le demandeur a alors pris des dispositions pour quitter son pays. Il est arrivé au Canada le 28 novembre 2003.

 

III. La décision contestée

 

[6]               La SPR était d’avis que le BSP n’avait pas et n’avait jamais eu l’intention d’arrêter le demandeur, et ce, pour les raisons suivantes :

 

-                     le demandeur a indiqué que le BSP s’était rendu chez lui pour procéder à son arrestation, mais il a franchi plusieurs contrôles de sécurité à l’aéroport sans être arrêté (dossier du tribunal, aux p. 422 et 423);

-                     le demandeur a indiqué dans son témoignage qu’il ne faisait pas l’objet d’un mandat (dossier du tribunal, à la p. 423), mais il prétend, au soutien de sa demande, avoir quitté la RPC parce que le BSP voulait l’arrêter;

-                     le demandeur a indiqué dans son témoignage que le passeur l’avait aidé à franchir les contrôles de sécurité, mais il a été incapable de donner plus de détails à ce sujet (dossier du tribunal, à la p. 423);

-                     en ce qui concerne la gravité de l’infraction relative à la pratique du Falun Gong, le demandeur a déclaré dans son témoignage qu’elle « n’a pas tant d’importance » en RPC (dossier du tribunal, à la p. 423); son FRP indique toutefois que toutes les autres personnes avec qui il pratiquait le Falun Gong ont été arrêtées, emprisonnées et même torturées (voir le dossier du tribunal, à la p. 21).

 

[7]               En outre, la SPR a estimé que le demandeur n’était pas et n’avait jamais été un pratiquant du Falun Gong pour les raisons suivantes :

 

-                     le demandeur a dit avoir pratiqué le Falun Gong chaque jour depuis le 5 janvier 2003 (dossier du tribunal, à la p. 416), mais il n’a pas été en mesure de nommer l’un des exercices de base ou d’en faire la démonstration;

-                     il tremblait lorsqu’il a fait la démonstration de l’exercice. Après avoir dit dans son témoignage qu’il était nerveux (dossier du tribunal, aux p. 420 et 421), il a expliqué avoir tremblé à cause de ses problèmes de thyroïde (dossier du tribunal, à la p. 428; voir aussi la p. 432);

-                     on a demandé à plusieurs reprises au demandeur d’expliquer pourquoi il pratiquait le Falun Gong, mais il n’a jamais fait mention du volet spirituel de celui‑ci (dossier du tribunal, à la p. 427). Il a dit qu’il n’avait peut‑être pas bien compris la question (dossier du tribunal, à la p. 431); or, on lui avait précisé au début de l’audience qu’il devait le dire s’il ne comprenait pas une question (dossier du tribunal, aux p. 407 et 415);

-                     le demandeur n’a pas été en mesure de décrire le but ou le principe précis du premier exercice du Falun Gong (dossier du tribunal, à la p. 419);

-                     il n’a pas été en mesure de décrire ce que les pratiquants du Falun Gong sont censés s’imaginer être avant le début du troisième exercice (dossier du tribunal, aux p. 419 et 420).

 

[8]               C’est pour ces raisons que la SPR a conclu que le récit du demandeur n’était pas crédible.

 

IV. Analyse

 

[9]               La décision de la SPR quant au droit du demandeur d’obtenir l’asile au Canada est principalement fondée sur la crédibilité de ses allégations. Il est bien établi que la norme de contrôle qui s’applique à l’évaluation de la crédibilité d’un demandeur par la SPR est celle de la décision manifestement déraisonnable (voir Thavarathinam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1469, [2003] A.C.F. no 1866 (C.A.F.), au par. 10; Aguebor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.), au par. 4).

 

[10]           Ayant lu la transcription de l’audience, je n’estime pas que la SPR a commis une erreur de fait. Le demandeur demande carrément à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve présentée à la SPR.

 

[11]           Certains des éléments sur lesquels la SPR s’est appuyée pour conclure que le demandeur n’était pas crédible sont moins convaincants que d’autres, mais lorsqu’on les considère dans l’ensemble, la décision devrait être maintenue. Le récit du demandeur comporte plusieurs incohérences et invraisemblances et la plupart d’entre elles sont ressorties des réponses qu’il a données pendant son témoignage.

 

[12]           Pour plus de clarté, j’examinerai tout de même de plus près quatre des prétendues erreurs contenues dans la décision.

 

[13]           En premier lieu, le demandeur prétend que ses explications concernant la manière dont il est parvenu à voyager avec l’aide du passeur ne sont pas invraisemblables. La réponse qu’il a donnée lorsque la commissaire de la SPR lui a demandé de quelle façon le passeur l’avait aidé à franchir les contrôles de sécurité figure à la page 423 du dossier du tribunal :

[TRADUCTION]

Q. : Comment se fait‑il que vous ayez pu franchir les contrôles de l’aéroport sans problème et venir au Canada?

R. : D’abord, nous ne sommes pas comme les personnes faisant l’objet du mandat et, deuxièmement, la « tête de serpent » sait comment contourner les contrôles.

Q. : De quelle façon la « tête de serpent » contourne‑t‑elle les contrôles?

R. : Je l’ignore.

 

La commissaire de la SPR aurait pu donner la raison exacte pour laquelle ces explications du demandeur sont invraisemblables, mais il est suffisamment clair dans le passage ci‑dessus et dans la décision qu’elle avait de la difficulté à croire que le demandeur avait franchi trois contrôles de sécurité et qu’il n’était pas en mesure de donner des détails concernant le travail effectué par la personne qui l’avait aidé à s’enfuir du pays.

 

[14]           En deuxième lieu, le demandeur soutenait que le Falun Gong n’est pas nécessairement pratiqué pour des raisons spirituelles. Cela est peut‑être vrai, mais ce que la SPR a jugé invraisemblable n’est pas le fait que le demandeur a omis de mentionner qu’il était motivé par des raisons spirituelles, mais plutôt qu’il a essayé d’expliquer pourquoi il n’avait pas démontré sa motivation spirituelle (voir le dossier du tribunal, à la p. 431) et de prétendre qu’il n’avait pas bien compris les questions qui ont été reformulées à plusieurs reprises (dossier du tribunal, aux p. 426 et 427). Dans ce contexte, il n’était pas manifestement déraisonnable que la SPR conclue que la crédibilité du demandeur était minée.

 

[15]           En troisième lieu, le demandeur soutient qu’il n’y aucune contradiction entre son témoignage selon lequel il tremblait pendant qu’il exécutait les mouvements du Falun Gong parce qu’il était nerveux et ses déclarations concernant ses problèmes de thyroïde. À mon avis, la contradiction est évidente à la lecture de la transcription de l’audience. Le demandeur n’a pas fait mention de son problème de thyroïde lorsqu’on le lui a demandé la première fois, mais il a donné cette excuse par la suite. Il n’était donc pas manifestement déraisonnable que la SPR considère qu’il y avait là une contradiction, même s’il ne s’agit pas de l’élément le plus convaincant de la décision.

 

[16]           Finalement, le demandeur n’a pas été en mesure de répondre correctement aux questions précises sur les mouvements de base du Falun Gong. La SPR a souligné que le demandeur ne savait pas quel était le principe du premier exercice lorsqu’il a indiqué que celui‑ci visait à relaxer le corps, alors que, selon la commissaire, la bonne réponse était : « l’ouverture de tous les canaux d’énergie du corps ». La question concernait clairement le « principe » et le demandeur n’a pas été capable de répondre (dossier du tribunal, à la p. 419). Étant donné que le demandeur allègue qu’il pratique le Falun Gong chaque jour, il n’était certainement pas déraisonnable que la SPR s’attende à une réponse plus précise. On a aussi demandé au demandeur à quoi il était censé penser lorsqu’il exécutait le troisième exercice. Il a répondu : « un baril vide », alors que la SPR a indiqué que la bonne réponse était : « deux […] barils vides ». Le demandeur prétend que la langue chinoise ne fait pas de différence entre le singulier et le pluriel. La transcription montre cependant que le demandeur a eu la possibilité de choisir entre le singulier et le pluriel (dossier du tribunal, aux p. 419 et 420) :

[TRADUCTION]

Q. : Le maître Li veut que vous vous imaginiez être quelque chose avant le début du troisième exercice. Qu’est‑ce que c’est?

[...]

R. : Un baril vide.

Q. : Un baril vide?

R. : Oui.

 

[17]           Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[18]           Les avocats ont été invités à proposer une question à des fins de certification, mais ils ont refusé.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

            -           La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n’est certifiée.

 

 

« Simon Noël »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                        IMM‑5025‑05

 

 

INTITULÉ :                                                       SHUAI LONG WANG

                                                                            c.

                                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               LE 24 MAI 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                            LE JUGE S. NOЁL

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 31 MAI 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shelley Levine                                                      POUR LE DEMANDEUR

 

Leanne Briscoe                                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Levine and Associates                                          POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

 

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