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                                                                                                                                      Date : 20020517

                                                                                                                                   Dossier : T-870-01

Ottawa (Ontario), le 17 mai 2002

En présence de Monsieur le juge Pinard

Entre :

                                                                STEPHEN KRIPPS

                                                                                                                                             Demandeur

                                                                                et

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                Défendeur

                                                                   ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire de la décision de L. J. MacInnis du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), datée du 27 avril 2001, est rejetée avec dépens.

« YVON PINARD »

                                                                                                                                                          JUGE                       

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                                                                                                      Date : 20020517

                                                                                                                                   Dossier : T-870-01

                                                                                                         Référence neutre : 2002 CFPI 575

Entre :

                                                                STEPHEN KRIPPS

                                                                                                                                             Demandeur

                                                                                et

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                Défendeur

                                                      MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         Le demandeur vise à obtenir le contrôle judiciaire d'une décision en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, pour contrôler et annuler une décision de M. L. J. MacInnis du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le TACRA) datée du 27 avril 2001, concluant que la prétendue arthrose du genou droit n'est pas consécutive à une affection ouvrant droit à pension relativement au pes planus bilatéral (pieds plats) conformément au paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6, dans sa forme modifiée (la Loi).

[2]         En rejetant la demande du demandeur, le TACRA a observé :


[traduction]

Pour en arriver à la présente décision, le Tribunal a minutieusement examiné toute la documentation, y compris les nouvelles pièces, et a écouté avec soin la présentation de l'avocat représentant l'ancien combattant.

Le Tribunal remarque de la pièce TACRA-1 que l'avocat a demandé ce qui suit au médecin de l'ancien combattant :

a) s'il a lu votre décision défavorable;

b) s'il est en désaccord avec elle;

c) s'il a toujours l'impression que votre arthrose du genou droit est causée ou aggravée par votre pes planus bilatéral ouvrant droit à pension;

d) brièvement ses motifs pour ce faire.

En examinant la réponse du Dr Boris Gimbarzevsky qui se trouve dans la pièce TACRA-2 et le rapport du Dr H. E. Hawk, le Tribunal a trouvé une réponse au sujet des par. a), b) et c) ci-dessus; cependant, on ne lui a pas fourni les motifs ou le fondement de l'opinion qui se trouve dans la pièce TACRA-2. Le Tribunal a aussi remarqué que le médecin n'a pas abordé les commentaires contenus dans la décision de révision concernant les lignes directrices médicales du ministère qui se lisent comme suit :

Les pieds plats, les pieds creux ou l'hallus valgus ne modifient pas la démarche au point d'entraîner la dégénérescence des membres inférieurs ou de la colonne sacro-lombaire.

Le Tribunal n'a pas trouvésuffisamment dléments de preuve médicale sur laquelle se fonder pour attribuer le droit à pension pour la prétendue affection d'arthrose du genou droit. Le Tribunal conclut que la prétendue affection n'est pas consécutive à l'affection ouvrant droit à pension relativement au pes planus bilatéral.

Le Tribunal confirme la décision de révision du 5 septembre 2000.

[3]         La pension d'invalidité du demandeur pour pes planus bilatéral lui a été accordée en vertu de l'alinéa 21(1)a) de la Loi :


21. (1) Pour le service accompli pendant la Première Guerre mondiale ou la Seconde Guerre mondiale, sauf dans la milice active non permanente ou dans l'armée de réserve, le service accompli pendant la guerre de Corée, le service accompli à titre de membre du contingent spécial et le service spécial :

a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d'invalidité causée par une blessure ou maladie - ou son aggravation - survenue au cours du service militaire ou attribuable à celui-ci;


21. (1) In respect of service rendered during World War I, service rendered during World War II other than in the non-permanent active militia or the reserve army, service as a member of the special force, service in the Korean war, and service in a special duty area as a member of the Canadian Forces,

(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that was attributable to or was incurred during such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;


[4]         Le demandeur a formulé une demande de pension d'invalidité pour arthrose consécutive à son affection ouvrant droit à pension relativement au pes planus en vertu du paragraphe 21(5) de la Loi, qui se lit ainsi :


21. (5) En plus de toute pension accordée au titre des paragraphes (1) ou (2), une pension est accordée conformément aux taux indiqués à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, sur demande, à un membre des forces, relativement au degré d'invalidité supplémentaire qui résulte de son état, dans le cas où :

a) d'une part, il est admissible à une pension au titre des alinéas (1)a) ou (2)a) ou du présent paragraphe, ou a subi une blessure ou une maladie - ou une aggravation de celle-ci - qui aurait donné droit à une pension à ce titre si elle avait entraîné une invalidité;

b) d'autre part, il est frappé d'une invalidité supplémentaire résultant, en tout ou en partie, de la blessure, maladie ou aggravation qui donne ou aurait donné droit à la pension.


21. (5) In addition to any pension awarded under subsection (1) or (2), a member of the forces who

(a) is eligible for a pension under paragraph (1)(a) or (2)(a) or this subsection in respect of an injury or disease or an aggravation thereof, or has suffered an injury or disease or an aggravation thereof that would be pensionable under that provision if it had resulted in a disability, and

(b) is suffering an additional disability that is in whole or in part a consequence of the injury or disease or the aggravation referred to in paragraph (a)

shall, on application, be awarded a pension in accordance with the rates for basic and additional pensions set out in Schedule I in respect of that part of the additional disability that is a consequence of that injury or disease or aggravation thereof.


[5]         L'article 35 de la Loi habilite le ministre à préparer une table des invalidités afin d'aider les personnes estimant les pensions pour invalidité :


35. (1) Sous réserve de l'article 21, le montant des pensions pour invalidité est, sous réserve du paragraphe (3), calculé en fonction de l'estimation du degré d'invalidité résultant de la blessure ou de la maladie ou de leur aggravation, selon le cas, du demandeur ou du pensionné.

(2) Les estimations du degré d'invaliditésont basées sur les instructions du ministre et sur une table des invalidités qu'il établit pour aider quiconque les effectue.

(2.01) Les articles 3, 5 et 11 de la Loi sur les textes réglementaires ne s'appliquent pas aux instructions et à la table des invalidités visées au paragraphe (2).


35. (1) Subject to section 21, the amount of pensions for disabilities shall, except as provided in subsection (3), be determined in accordance with the assessment of the extent of the disability resulting from injury or disease or the aggravation thereof, as the case may be, of the applicant or pensioner.

(2) The assessment of the extent of a disability shall be based on the instructions and a table of disabilities to be made by the Minister for the guidance of persons making those assessments.

(2.01) The instructions and table of disabilities referred to in subsection (2) are exempt from the application of sections 3, 5 and 11 of the Statutory Instruments Act.



[6]         Les articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18, régissent la façon dont le TACRA devrait apprécier la preuve qui lui est présentée lorsqu'il rend une décision :


3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à lgard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

39. Le Tribunal applique, à lgard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

                                               


[7]         La question primordiale en l'espèce concerne le fait de savoir si le TACRA a errédans son appréciation de la preuve en concluant que l'arthrose du genou droit du demandeur ntait pas consécutive à l'affection ouvrant droit à pension relativement au pes planus bilatéral. Les articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) régissent la façon dont le TACRA devrait apprécier la preuve qui lui est présentée lorsqu'il rend une décision .


[8]         Il est donc clair que le TACRA a l'obligation d'examiner tout nouvel élément de preuve crédible du demandeur conformément auxdites dispositions. Toutefois, la jurisprudence récente indique que le TACRA peut rejeter des éléments de preuve présentés par le demandeur s'il existe des éléments de preuve contradictoires ou si le Tribunal fournit des motifs pour le rejet de sa part des éléments de preuve portant sur la crédibilité et le caractère raisonnable des éléments de preuve qui sont rejetés (voir, par exemple, King c. Canada (Tribunal des anciens combattants) (29 mai 2001), T-680-00, [2001] A.C.F. no 850 (C.F. 1re inst.) (QL) et Wood c. Canada (Procureur général) (19 janvier 2001), T-1978-99, [2001] A.C.F. no 52 (C.F. 1re inst.) (QL)).

[9]         Le demandeur soutient que le TACRA a erré en s'appuyant sur les lignes directrices médicales du ministère. Dans la décision Gavin c. Canada (Procureur général) (7 mai 1999), T-1875-95, [1999] A.C.F. no 676 (C.F. 1re inst.) (QL), la question consistait à savoir si le Tribunal avait omis d'exercer son pouvoir discrétionnaire en s'appuyant sur les Directives médicales de la Commission canadienne des pensions au lieu de s'appuyer sur une opinion médicale. Mon collègue le juge McKeown a conclu :

Pour déterminer si le Tribunal a commis une erreur sur la compétence en se fondant sur les lignes directrices et non pas sur l'avis médical du Dr Weir, la Cour doit avoir à l'esprit les paragraphes 35(1) et (2) de la Loi sur les pensions, qui prévoient :

35. (1)     Sous réserve de l'article 21, le montant des pensions pour invalidité est, sous réserve du paragraphe (3), calculé en fonction de l'estimation du degré d'invalidité résultant de la blessure ou de la maladie ou de leur aggravation, selon le cas, du requérant ou du pensionné.

35. (2)     L'estimation du degré d'invalidité est basée sur les instructions et sur une table des invalidités, que prépare la Commission pour aider les médecins et les chirurgiens qui font des examens médicaux pour déterminer des pensions.

Les lignes directrices sont donc spécifiquement autorisées par la loi, ce qui différencie la présente affaire de l'affaire Re Dale Corporation and Rent Review Commission et al. [Voir Note 4 ci-dessous], dans laquelle les lignes directrices sur lesquelles le décideur stait fondé ntaient pas autorisées. En suivant les lignes directrices concernant les conditions dans lesquelles un intéressé a droit à une pension, le Tribunal n'a ni abusé de son pouvoir discrétionnaire, ni commis une erreur susceptible de contrôle.

Note 4 : 149 D.L.R. (3d) 113 (C.S. N.-É., div. appel).

[. . .]

Cette affaire me paraît analogue à l'affaire Bleakney v. Canada (Ministre des anciens combattants) [Voir Note 5 ci-dessous] dont fut saisi le juge Muldoon qui déclara, au paragraphe 7 de son jugement,


la déclaration du Tribunal d'appel des anciens combattants portant qu'il a « apprécié minutieusement la preuve à l'aide des lignes directrices sur les rapports médicaux formulés pour l'aider à rendre une décision » n'indique pas que son pouvoir discrétionnaire a été entravé de façon illégale ou indue. Le paragraphe 35(2) de la Loi sur les pensions prévoit expressément que l'estimation du degré d'invalidité est basée « sur les instructions et sur une table des invalidités [...] pour aider les médecins et les chirurgiens » . Cette directive d'origine législative régit légalement la façon dont les commissions ou tribunaux font leur travail.

Note 5 : [1994] A.C.F. no 201 (Quicklaw).

[10]       Les renseignements fournis dans les lignes directrices médicales du ministère applicables en l'espèce et incluses dans les motifs du TACRA sont les suivantes :

Les pieds plats, les pieds creux ou l'hallus valgus ne modifient pas la démarche au point d'entraîner la dégénérescence des membres inférieurs ou de la colonne sacro-lombaire.

[11]       En se basant sur le fait que le Tribunal peut apprécier tous les éléments de preuve à la lumière des lignes directrices médicales, je n'ai pas l'impression qu'il y ait quelque indication que le TACRA ait omis illégalement ou indûment d'exercer son pouvoir discrétionnaire en l'espèce. Il est clair que le TACRA a apprécié la preuve du demandeur à la lumière des lignes directrices médicales pertinentes et qu'il a simplement conclu qu'il n'y avait pas suffisamment dléments de preuve pour justifier une pension consécutive pour l'arthrose en application du paragraphe 21(5) de la Loi.

[12]       Après avoir examiné la décision de même que la preuve au dossier, j'estime que le TACRA a agi dans les limites de sa compétence en considérant tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés et qu'il a raisonnablement conclu qu'il n'y avait pas suffisamment dléments de preuve du fait que l'arthrose au genou droit du demandeur découlait du pes planus bilatéral.


[13]       De plus, le TACRA déclare, dans ses motifs, qu'il avait examiné la réponse du Dr Boris Gimbarzevsky. Toutefois, on a référé le demandeur au Dr H. E. Hawk dans le but qu'il donne une opinion sur la question des facteurs aggravants de l'arthrose. Après avoir examiné ce rapport, le TACRA a conclu que la preuve ntait pas convaincante et, par conséquent, non crédible pour deux motifs :

1)         le Dr H. E. Hawk a fait défaut de fournir les motifs et le fondement de l'opinion que l'on retrouve dans la réponse du Dr Gimbarzevsky (pièce TACRA-2);

2)         le Dr H. E. Hawk n'a pas abordé les commentaires contenus dans la décision de révision concernant les lignes directrices médicales du ministère.

[14]       Contrairement à la situation dans la décision Wood, précitée, je suis d'avis qu'avant de rendre sa décision, le TACRA a apprécié et examiné tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés, tant favorables que défavorables au demandeur. Aux pages 8 et 9 du dossier du Tribunal, l'avocat-conseil des pensions avait, dans une lettre au demandeur, demandé des renseignements précis du médecin du demandeur dans le but de se préparer pour l'appel au TACRA. On a demandé en particulier que le médecin fournisse des motifs pour justifier la conclusion du Dr Boris Gimbarzevsky selon laquelle la prétendue arthrose du genou droit était causée ou aggravée par le pes planus bilatéral ouvrant droit à pension. Toutefois, on n'a pas fourni de motifs suffisants et, par conséquent, la preuve contradictoire contenue dans les lignes directrices médicales du ministère ne pouvaient être réfutées.


[15]       En résumé, je suis d'avis que l'on ne peut pas dire que le TACRA en est venu à une conclusion déraisonnable ou qu'il a omis d'apprécier la preuve médicale comme il se doit vis-à -vis des prétentions du demandeur selon lesquelles son arthrose du genou droit était consécutive à l'affection ouvrant droit à pension relativement au pes planus bilatéral. En conséquence, je rejette malheureusement la présente demande de contrôle judiciaire avec dépens.

« YVON PINARD »

                                                                                                                                                          JUGE                       

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 mai 2002

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                 SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-870-01

INTITULÉ :                                                       Stephen Kripps c. Procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 30 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                                   Le 17 mai 2002                                             

COMPARUTIONS :

Stephen Kripps                                              POUR SON PROPRE COMPTE

Ward Bansley                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Stephen Kripps                                              POUR SON PROPRE COMPTE

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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