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Date : 20191220


Dossier : IMM‑3740‑19

Référence : 2019 CF 1654

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 20 décembre 2019

En présence de monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

PAJARILLO, DONNA PARCASIO

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Donna Parcasio Pajarillo, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR], en application du paragraphe 111(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] qui, après avoir conclu qu’il existait pour la demanderesse une possibilité de refuge intérieur [une PRI] viable aux Philippines, soit à Cebu ou à Davao [la décision], a jugé que la demanderesse n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

[2]  Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincu que la SAR a commis quelque erreur que ce soit lorsqu’elle a tiré ses conclusions. La décision est transparente, intelligible et bien étayée par les faits et le droit applicables. Par conséquent, la demande est rejetée.

I.  Contexte

[3]  Le contexte factuel peut être brièvement présenté. La demanderesse, une citoyenne des Philippines, est entrée au Canada en 2007 au moyen d’un permis de travail. Son dernier permis de travail a expiré en 2009, et elle habite au Canada sans statut légal depuis ce moment. Elle a un enfant, qui est né au Canada le 3 août 2015.

[4]  En mars 2017, la demanderesse a présenté une demande d’asile, alléguant qu’elle serait exposée à un risque de préjudice de la part de son oncle si elle devait retourner aux Philippines. Elle a affirmé qu’entre mars 2001 et mars 2002, alors qu’elle était âgée d’environ 19 ans et qu’elle habitait avec son oncle et la famille de celui‑ci, son oncle l’a agressée sexuellement.

[5]  Le 12 avril 2018, la SPR a instruit la demande d’asile de la demanderesse. À la fin de l’audience, au retour d’une pause, la SPR a rendu une décision de vive voix. La SPR a conclu que la demanderesse était un témoin crédible et elle a admis que la demanderesse avait été agressée sexuellement par son oncle pendant qu’elle habitait chez ce dernier. La SPR n’a pas mis en doute le fait que la demanderesse éprouvait une crainte subjective à l’égard de son oncle, et ce, même si la demanderesse a grandement tardé à présenter sa demande. En outre, la SPR a estimé qu’il existait un lien entre la crainte de persécution de la demanderesse et l’un des motifs prévus par la Convention du fait qu’elle est une femme. La SPR a néanmoins rejeté la demande d’asile de la demanderesse au motif que la question déterminante était l’existence d’une PRI viable à Davao ou à Cebu. La SPR a jugé que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle serait exposée à un risque de préjudice de la part de son oncle ou qu’il serait déraisonnable pour elle de chercher refuge dans les villes proposées comme PRI.

II.  Appel devant la SAR et décision

[6]  La demanderesse a interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR. À l’appui de son appel, la demanderesse a présenté un affidavit de même que treize nouveaux documents censés constituer de nouveaux éléments de preuve.

[7]  La demanderesse a soulevé deux questions devant la SAR. D’abord, elle a allégué que la SPR n’avait pas appliqué correctement le critère juridique relatif à une PRI et que la SPR n’avait pas adéquatement tenu compte de sa situation personnelle. Deuxièmement, elle a soutenu qu’ayant un parti pris contre elle, la SPR n’avait pas abordé l’affaire avec un esprit ouvert.

[8]  Le 27 mai 2019, la SAR a publié les motifs de sa décision de rejeter l’appel de la demanderesse. La SAR a conclu que l’affidavit et les nouveaux documents présentés dans le cadre de l’appel étaient inadmissibles, suivant le paragraphe 110(4) de la LIPR.

[9]  En outre, la SAR a jugé que la SPR n’avait commis aucune erreur en concluant qu’il existait une PRI viable pour la demanderesse. La SAR a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles démontrant que l’oncle de la demanderesse chercherait à retrouver celle‑ci pour s’en prendre à elle dans l’une des villes proposées comme PRI. La SAR a ajouté qu’il n’était pas déraisonnable pour la demanderesse, compte tenu de sa situation personnelle, de s’installer dans l’une de ces villes. La SAR a souligné que les villes proposées comme PRI étaient de grands centres urbains populeux et qu’elles se trouvaient à très bonne distance de la résidence de l’oncle de la demanderesse, située à Quezon, dans la conurbation de Manille.

[10]  Enfin, la SAR a rejeté l’argument de la demanderesse à savoir que la commissaire de la SPR avait un parti pris contre elle puisque la décision rendue de vive voix à la fin de l’audience avait déjà été rédigée partiellement ou entièrement. La SAR a souligné que la décision de la SPR contenait de multiples références au témoignage livré par la demanderesse lors de l’audience. En outre, la SAR a signalé que, conformément au paragraphe 10(8) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256 [les Règles de la SPR], les commissaires de la SPR doivent rendre une décision et donner les motifs de la décision de vive voix à la fin de l’audience « à moins qu’il ne soit pas possible de le faire ». La SAR a conclu que la SPR n’avait pas préjugé de l’affaire de la demanderesse et qu’il n’y avait pas eu manquement à la justice naturelle.

III.  Motifs de contrôle

[11]  La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la SAR. Elle soutient que la SAR a commis des erreurs en tirant les conclusions suivantes : 1) la demanderesse avait une PRI viable; 2) les nouveaux éléments de preuve présentés dans le cadre de l’appel devant la SAR étaient inadmissibles; 3) il n’existait pas de crainte de partialité de la part de la commissaire de la SPR. La demanderesse ajoute qu’elle n’a pas été en mesure de fournir à la SPR des éléments de preuve démontrant que les PRI n’étaient pas viables parce qu’elle n’a pas été informée suffisamment à l’avance des villes proposées à ce titre.

[12]  Ce dernier argument ne sera pas examiné pour les raisons qui suivent. D’abord, la demanderesse n’a pas fait savoir à la SPR qu’elle n’avait pas pu se pencher sur la question des PRI et elle n’a pas non plus demandé un ajournement. Deuxièmement, l’argument n’a pas été soulevé devant la SAR. Par conséquent, on ne saurait reprocher à la SAR de ne pas avoir tranché une question qui ne lui avait pas été soumise et qui ne ressortait pas de façon perceptible de l’ensemble de la preuve présentée. Quoi qu’il en soit, comme l’a reconnu l’avocat de la demanderesse devant moi, la demanderesse a été avisée que la SPR avait expressément désigné Cebu et Davao comme des PRI viables au début de l’audience, et des observations ont été présentées concernant ces PRI durant l’audience.

IV.  Analyse

[13]  Les parties conviennent que la norme à appliquer à l’égard du contrôle de la décision de la SAR quant à l’admissibilité des nouveaux éléments de preuve et à ses constatations de fait concernant le risque de préjudice et la viabilité des PRI est celle de la décision raisonnable. Les parties conviennent également que l’allégation de partialité soulève une question d’équité et est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. Je me suis penché sur les décisions rendues récemment par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] et Bell Canada c Canada (Procureur général), 2019 CSC 66, plus particulièrement sur le paragraphe 144 de l’arrêt Vavilov, et je ne vois aucune raison, eu égard aux faits de l’espèce, de demander aux parties de présenter des observations supplémentaires tant sur la norme de contrôle indiquée que sur l’application de celle‑ci.

[14]  La question préliminaire à trancher est celle de savoir si l’affidavit présenté par la demanderesse à l’appui de la présente demande est admissible. Le défendeur soutient que l’affidavit ne devrait pas être pris en compte puisqu’il ne contient essentiellement que des arguments et des opinions subjectives. Je suis de cet avis. En règle générale, le dossier de preuve qui est soumis à la Cour lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire se limite au dossier de preuve dont disposait la SAR. La demanderesse n’a pas établi que l’élément de preuve était visé par une exception reconnue.

A.  La SAR a‑t‑elle commis une erreur en refusant d’admettre les éléments de preuve documentaire et l’affidavit de la demanderesse?

[15]  Dans le cadre de son appel, la demanderesse a tenté de faire admettre comme nouveaux éléments de preuve les résultats d’une recherche faite sur Google au sujet des vols reliant Manille et les villes de Cebu et Davao, des conseils aux voyageurs publiés par le gouvernement concernant les Philippines, de nombreux articles de journaux, ainsi que des renseignements sur la vitesse de frappe tirés d’Internet. Elle a aussi cherché à s’appuyer sur son propre affidavit. La SAR a jugé que ces nouveaux éléments de preuve n’étaient pas admissibles. Pour les motifs qui suivent, je ne vois aucune erreur dans cette conclusion.

[16]  Selon le paragraphe 110(4) de la LIPR, un appelant peut présenter des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet. Si de nouveaux éléments de preuve satisfont aux exigences du paragraphe 110(4), la SAR doit appliquer le cadre d’analyse établi par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385 [Raza] et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96 [Singh].

[17]  La demanderesse soutient qu’une plus grande souplesse à l’égard des nouveaux éléments de preuve était justifiée en l’espèce. Elle soutient également que la SAR n’a jamais mené d’analyse approfondie conformément aux arrêts Raza et Singh. Je ne suis pas de cet avis.

[18]  Il revient à un appelant d’établir l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve au moyen d’observations complètes et détaillées concernant leur admissibilité et leur pertinence. Outre la déclaration faite à la SAR à savoir que les éléments de preuve [traduction« étaient survenus après l’instruction de la demande d’asile ou n’étaient alors pas normalement accessibles », la demanderesse n’a fourni aucune observation supplémentaire ou plus détaillée concernant l’admissibilité et la pertinence des nouveaux éléments de preuve. Une fois de plus, on ne saurait reprocher à la SAR de ne pas avoir tranché une question qui n’a pas été débattue de façon adéquate.

[19]  Compte tenu des arguments dérisoires présentés à la SAR, de la date figurant sur les documents (ou de l’absence de date) et du caractère général de ces documents, il était loisible à la SAR de conclure que la plupart des nouveaux éléments de preuve étaient raisonnablement accessibles à la demanderesse au moment de l’audience devant la SPR. En ce qui concerne les quelques articles postérieurs au rejet de la demande d’asile, la commissaire de la SAR en a évalué la nouveauté, la crédibilité et la pertinence, et elle a raisonnablement conclu que les articles n’amenaient rien de nouveau ou qu’ils ne permettaient pas de prouver un fait qui était inconnu au moment de l’audience devant la SPR.

[20]  Quant à l’affidavit de la demanderesse, la conclusion de la SAR selon laquelle il ne contenait aucun nouvel élément de preuve est inattaquable. L’affidavit fait essentiellement état des raisons pour lesquelles la demanderesse est en désaccord avec les conclusions, l’analyse et la décision de la SPR. La SAR a raisonnablement conclu que ces déclarations constituaient des arguments. La demanderesse n’a pu établir d’aucune façon que la SAR avait commis une erreur en concluant que les parties de l’affidavit contenant des éléments de preuve n’avaient pas été soulevées depuis le rejet de la demande d’asile ou qu’elles étaient raisonnablement accessibles au moment de l’audience de la SPR.

[21]  Enfin, je rejette l’affirmation de la demanderesse selon laquelle la SAR aurait dû faire preuve d’une plus grande souplesse à l’égard des nouveaux éléments de preuve. L’admissibilité des nouveaux éléments de preuve présentés à la SAR est régie par le paragraphe 110(4) et la SAR n’a pas le pouvoir discrétionnaire de déroger au critère strict.

B.  La SAR a‑t‑elle commis une erreur en concluant qu’il existait une PRI viable pour la demanderesse?

[22]  La demanderesse soutient que la SAR n’a pas appliqué correctement les deux volets du critère relatif à la PRI et que, ce faisant, elle a tiré une conclusion déraisonnable.

[23]  En ce qui concerne le premier volet du critère, la demanderesse affirme que la SAR a adopté l’analyse déficiente de la SPR. La demanderesse fait valoir que la SAR s’est livrée à des conjectures en concluant que l’oncle de la demanderesse n’était pas obsédé par elle et qu’il ne chercherait pas à l’agresser de nouveau dans les villes proposées comme PRI. La demanderesse soutient qu’elle serait exposée à l’exploitation et à la maltraitance si elle devait retourner aux Philippines.

[24]  La demanderesse affirme également qu’il est illogique de conclure que la distance géographique entre les villes proposées comme PRI et la résidence de son oncle empêcherait celui‑ci de la retrouver puisqu’il y a des dizaines de vols chaque jour et que n’importe qui peut voyager facilement d’une ville à l’autre.

[25]  Essentiellement, la demanderesse demande à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve présentée à la SAR et d’en tirer une conclusion différente, ce que la Cour ne devrait pas faire. En outre, pour étayer ses arguments dans le cadre du contrôle judiciaire, la demanderesse s’appuie sur des éléments de preuve que la SAR a jugés inadmissibles.

[26]  Au vu du dossier, il était raisonnable que la SAR conclue que les éléments de preuve ne démontraient pas que l’oncle de la demanderesse était obsédé par celle‑ci, comme elle l’a allégué, ni que l’oncle en question ou un de ses associés aurait le désir ou la motivation de chercher la demanderesse et de s’en prendre à elle si elle s’installait dans l’une des villes proposées comme PRI. La SAR a souligné que la demanderesse n’habitait plus aux Philippines depuis 2002 et que, depuis ce moment, elle n’avait eu aucun contact avec son oncle à part quelques appels téléphoniques faits par celui‑ci en 2016 pour l’exhorter à revenir aux Philippines. La SAR a aussi souligné qu’il existe des différences importantes entre la situation qui était celle de la demanderesse durant la période où elle avait été maltraitée par son oncle et sa situation actuelle, notamment qu’elle est maintenant une adulte et qu’elle ne dépend plus de son oncle financièrement.

[27]  De plus, je ne vois aucune erreur dans la conclusion de la SAR selon laquelle il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que l’oncle de la demanderesse ou les associés de celui‑ci seraient en mesure de retrouver la demanderesse dans les villes proposées comme PRI, qui sont deux grands centres urbains populeux situés à très bonne distance de l’endroit où habite l’oncle de la demanderesse.

[28]  En ce qui concerne le deuxième volet du critère, la demanderesse soutient que la SAR n’a pas tenu compte du fait qu’elle serait forcée de se séparer de sa petite fille. Lors de l’audience devant la SPR, la demanderesse a déclaré qu’à son avis, son ancien petit ami, qui est le père de sa fille, ne l’autorisera pas à emmener sa fille aux Philippines.

[29]  Le défendeur soutient que la demanderesse s’est livrée à des conjectures en laissant entendre qu’elle ne pourrait pas emmener sa fille aux Philippines puisqu’elle n’a fourni aucun élément de preuve pour étayer sa déclaration. Quoi qu’il en soit, la SPR n’a fait mention, dans sa décision, d’aucun élément de preuve présenté par la demanderesse. Elle a simplement présumé, aux fins de l’analyse relative à la PRI, que la fille de la demanderesse irait habiter avec celle‑ci aux Philippines.

[30]  Le défaut de la SPR de tenir compte d’une possible séparation forcée a été directement soulevé par la demanderesse dans son mémoire de l’appelante. Cependant, la SAR n’a pas abordé cette question dans sa décision, ce qui constitue une erreur de sa part.

[31]  La Cour a établi que la situation familiale d’un demandeur constitue un facteur humain qu’il ne faut pas exclure dans l’application du deuxième volet du critère relatif à la PRI (Ramanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1998 CanLII 8469 (CF), [1998] ACF no 1210; Sooriyakumaran c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1998 CanLII 8566 (CF), 156 FTR 285).

[32]  Néanmoins, l’absence de parents à l’endroit sûr ne constitue un motif objectivement raisonnable pour rejeter une PRI que si cette absence représente un risque pour la vie et la sécurité. Dans l’arrêt Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16789 (CAF), [2001] 2 CF 164, la Cour d’appel fédérale a souligné qu’il importe de ne pas gommer la distinction entre les revendications de statut de réfugié et les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire. Au paragraphe 15 de cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’il faut placer la barre très haute lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui est déraisonnable :

[…] Il ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions. L’absence de parents à l’endroit sûr, prise en soi ou conjointement avec d’autres facteurs, ne peut correspondre à une telle condition que si cette absence a pour conséquence que la vie ou la sécurité du revendicateur est mise en cause. Cela est bien différent des épreuves indues que sont la perte d’un emploi ou d’une situation, la diminution de la qualité de vie, le renoncement à des aspirations, la perte d’une personne chère et la frustration des attentes et des espoirs d’une personne.

[33]  Bien que je sois d’accord avec la demanderesse pour dire que la SAR a commis une erreur en ne tenant pas compte, aux fins de l’analyse du caractère déraisonnable, du fait que la demanderesse pourrait être forcée de partir sans sa fille, ce facteur a peu de poids à moins qu’il ne satisfasse au seuil indiqué précédemment.

[34]  La demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve démontrant que sa vie ou sa sécurité serait mise en cause si elle devait déménager, que ce soit seule ou avec sa fille. Par conséquent, l’erreur commise par la SAR est sans importance. Je suis convaincu qu’après avoir examiné la transcription et les minces éléments de preuve concernant les modalités de garde, la SAR en serait arrivée à la même conclusion.

[35]  De plus, la demanderesse soutient que la SAR n’a pas raisonnablement tenu compte de sa situation personnelle. Elle affirme que la SAR aurait dû tenir compte de sa capacité (en tant que femme) à se rendre en toute sécurité dans les villes proposées comme PRI et à y rester sans être confrontée à des difficultés excessives. La demanderesse soutient que la SAR aurait aussi dû tenir compte de l’incidence qu’ont les facteurs religieux, économiques et culturels pour les femmes dans les villes proposées comme PRI. La demanderesse ajoute que la SAR ne s’est pas penchée sur les questions portant sur sa sécurité, sur les obstacles physiques et financiers, sur la séparation permanente de sa famille, sur son emploi, sur sa capacité à fonder une famille ou sur sa méconnaissance des villes proposées comme PRI. Je ne suis pas d’accord.

[36]  Malgré qu’elle ne semble pas avoir analysé la question de la séparation forcée, la SAR a minutieusement examiné, au moment d’évaluer le caractère raisonnable des villes proposées comme PRI, l’incidence qu’aurait la situation personnelle de la demanderesse, notamment son sexe et son statut de mère célibataire, si elle devait retourner aux Philippines. La SAR s’est référée à la directive intitulée Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe et s’est penchée sur la situation de la demanderesse, notamment sur son niveau de scolarité, son expérience de travail, son sexe et son statut de mère célibataire. La demanderesse n’a pas démontré qu’elle ne serait pas en mesure de trouver un endroit où se loger ou un emploi dans les villes proposées comme PRI, ou qu’elle ne serait pas en mesure de subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille. La SAR a reconnu que les mères célibataires ou non mariées subissent de la discrimination aux Philippines, mais elle a estimé que cette discrimination n’équivalait pas à de la persécution. Bien qu’elle soit en désaccord avec la conclusion de la SAR, la demanderesse n’a ciblé aucune erreur susceptible de contrôle.

C.  La SPR avait‑elle un parti pris contre la demanderesse?

[37]  La demanderesse soutient que la SPR avait un parti pris contre elle puisque la commissaire avait pris la décision de rejeter sa demande d’asile avant la tenue de l’audience. Cette allégation grave faite à l’endroit de la commissaire repose uniquement sur le fait que cette dernière, à son retour de la pause repas, a entrepris de rendre une longue décision de vive voix. Cet argument n’a pas le moindre fondement.

[38]  Le seuil pour établir la partialité est élevé, puisqu’il s’agit d’une allégation grave. La SPR et la SAR sont présumées être impartiales et indépendantes. Une allégation de partialité ne peut reposer que sur de simples soupçons, sur des insinuations ou sur les impressions d’une partie ou de l’avocat de celle‑ci.

[39]  Le simple fait que la SPR ait été en mesure de rédiger une décision et de la rendre de vive voix seulement 50 minutes après la conclusion de l’audience ne constitue pas une preuve de partialité. Un examen de la transcription de l’audience révèle que la commissaire de la SPR a tenu compte du témoignage de la demanderesse et des arguments de l’avocat avant de rendre sa décision.

[40]  En outre, la SAR a souligné, à juste titre, que les commissaires de la SPR doivent rendre une décision et donner les motifs de la décision de vive voix à la fin de l’audience à moins qu’il ne soit pas possible de le faire. La demanderesse n’a pas démontré que les faits ou les questions en litige en l’espèce étaient importants ou complexes au point qu’il n’était pas raisonnablement possible de respecter le paragraphe 10(8) des Règles de la SPR.

V.  Conclusion

[41]  Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[42]  Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑3740‑19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Roger R. Lafrenière »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour de janvier 2020.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3740‑19

INTITULÉ :

PAJARILLO, DONNA PARCASIO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE‑bRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 DÉCEMBRE 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE Lafrenière

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 20 DÉCEMBRE 2019

COMPARUTIONS :

Ghulam Murtaza

POUR LA DEMANDERESSE

Erica Louie

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GMS Law Corporation

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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