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Date : 20040915

Dossier : IMM-4917-03

Référence : 2004 CF 1253

Toronto ( Ontario), le 15 septembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

                                                       PEARL CAROLINE RADIX

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                En l'espèce, la question principale qui se pose relativement à la décision concernant des motifs d'ordre humanitaire visée par le contrôle est de savoir si la demanderesse est un parent de fait de la famille pour laquelle elle a travaillé pendant plusieurs années comme gardienne.


[2]                Il est certain qu'à la face même de la décision visée par le contrôle, l'agent CH a accordé beaucoup d'importance à la question du parent de fait. C'est-à-dire que, d'après le contenu de la décision, il s'agit d'un élément essentiel de la décision de l'agent concernant la question des difficultés excessives. Il est certain que l'examen concernant la question du parent de fait a été effectué en application des lignes directrices de Citoyenneté et Immigration Canada intitulées « IP5 Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire » (voir le dossier de demande (DD), pages 123 à 220).

[3]                Quant à la question des parents de fait, la section 13.8 des lignes directrice prévoit :

13.8 Parents de fait

L'une des considérations importantes est la difficulté qu'aurait le demandeur de satisfaire à ses besoins financiers ou émotionnels sans l'aide de la famille au Canada. La séparation d'un parent de fait de ses proches peut constituer la base d'une décision CH favorable.

L'agent doit tenir compte des facteurs qui suivent :

*               s'agit-il d'une dépendance authentique, qui ne vise pas à obtenir le statut de résidence permanente;

*              le niveau de dépendance;

*              la stabilité de la relation;

*              la durée de la relation;

*               la capacité et la volonté de la famille au Canada d'assumer le soutien;

*               les autres recours du demandeur, par exemple sa famille (époux, enfants, parents et fratrie, etc.) à l'étranger, disposés à assumer le soutien et capables de le faire;

*               documents qui prouvent la relation (p. ex., compte bancaire commun, biens immobiliers ou autres communs, testament, police d'assurance ou lettres d'amis ou de parents);

*               existe-t-il un degré appréciable d'établissement au Canada? (Voir la Section 11.2, Évaluation du degré d'établissement au Canada); et


*               tout autre facteur pertinent à la décision.

(Dossier de la demanderesse, pages 165 et 166 ) [Non souligné dans l'original.]

[4]                Il est clair que les lignes directrices ont pour objet de promouvoir l'uniformité (section 2.2). Je sais que la Cour a dit, dans certaines décisions, que ces lignes directrices ne lient pas le ministère (voir Agot c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 436 et Dilmohamed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 9). Toutefois, selon moi, si les lignes directrices sont soulevées dans une affaire en particulier, il faut examiner leur application en tenant compte des circonstances en cause pour décider si elles ont été appliquées équitablement.

[5]                Pour ce qui concerne la réponse à la question de savoir si une personne est un parent de fait ou de facto, il vaut la peine d'examiner le sens littéral de l'expression. Selon la version abrégée du Oxford Dictionary, de facto s'entend de [traduction] « en fait, en réalité, effectivement, réellement ou comme question de fait » . Il appert des lignes directrices concernant les parents de fait citées plus haut que l'agent CH doit tenter de déterminer si un demandeur a, en fait et effectivement, un réel lien de dépendance avec une famille au Canada. Tirer une conclusion équitable par la suite est très certainement un facteur important dans la prise de décision concernant une demande CH.

[6]                En l'espèce, la décision visée par le contrôle contient l'exposé de faits et l'analyse qui suivent :


[traduction]

La demande de Mme Radix de bénéficier d'une exception était fondée sur ses liens avec son ancien employeur, la famille Kaiman. Elle a travaillé pour cette famille d'octobre 1990 à novembre 1995. Elle s'occupait des enfants Kaiman alors âgés de 7 et de 8 ans. Elle a quitté la famille et est retournée à la Grenade en novembre 1995. Selon les observations, Mme Radix avait établi des liens très forts avec les enfants et la famille pendant ces années de sorte que, lorsqu'elle est revenue en août 1998, même si les enfants Kaiman n'avaient plus besoin d'une bonne, elle s'est de nouveau installée chez la famille et elle a continué d'y vivre tout en travaillant à l'extérieur. Elle a dit qu'elle avait toujours aimé et soutenu les enfants et qu'on considérait qu'elle faisait partie de la famille. Elle passait les vacances avec la famille et était invitée aux bar-mitsvas, aux anniversaires et aux autres fêtes de famille. L'avocate a également dit, dans ses observations, que Mme Radix vivait maintenant avec la famille depuis près de 10 ans et que la relation avec la famille Kaiman était devenue une relation familiale de fait. Les membres de la famille Kaiman ont présenté des lettres dans lesquelles ils vantent les qualités de Mme Radix et mentionnent la confiance et le respect qu'elle leur inspire.

J'ai examiné avec soin tous les renseignements et documents. Je reconnais qu'il existe des liens très étroits entre Mme Radix et la famille Kaiman. Toutefois, il n'y a pas suffisamment d'éléments probants pour me convaincre qu'il s'agit d'un parent de fait. Mme Radix a pris soin des enfants Kaiman pendant 5 ans, de 1990 à 1995. Elle est revenue au Canada 3 ans plus tard en août 1998 parce qu'elle n'arrivait pas à se trouver un emploi à la Grenade. La famille l'a accueillie et s'est occupée d'elle comme si elle faisait partie de la famille. J'ai pu constater que la famille Kaiman est très généreuse et charitable et qu'elle aime Mme Radix et a confiance en elle; toutefois, je ne suis pas convaincu que les racines profondes qui sont le fondement d'une véritable parenté de fait, que l'interdépendance qui constituerait la base de cette relation et la preuve qu'il ne s'agit pas d'une simple participation aux anniversaires et à d'autres fêtes familiales sont suffisants pour établir l'existence d'une relation familiale de fait. La famille Kaiman, selon les renseignements fournis, est une famille très unie et très forte; elle n'est pas dysfonctionnelle. Même si les enfants disent, avec affection, que Mme Radix est une image maternelle, ils n'ont pas beaucoup besoin d'elle pour ce qui concerne les soins physiques et le soutien psychologique puisqu'ils étaient déjà des adolescents quand elle est partie et qu'ils sont aujourd'hui des adultes qui ont des parents très aimants sur qui ils peuvent compter. Je reconnais qu'il sera difficile pour elle d'être séparée de la famille Kaiman puisqu'elle a des liens très étroits avec les enfants et qu'elle vit avec eux depuis près de 5 ans, depuis son retour en août 1998. Toutefois, elle a des liens encore plus étroits avec son pays d'origine : elle a ses propres enfants et petits-enfants. Il n'y a pas suffisamment de renseignements pour me convaincre que le départ de Mme Radix causerait des difficultés physiques ou émotionnelles non souhaitables aux enfants Kaiman ou à Mme Radix.


Mme Radix travaille pour assurer sa subsistance depuis son retour au Canada en 1998, quoique sans autorisation. Elle est bonne d'enfants dans quelques familles et elle s'occupe d'enfants. Son revenu est inconnu puisqu'elle n'a jamais produit de déclaration de revenus. Elle a quelques milliers de dollars d'épargne. Elle a suivi quelques cours d'anglais et de mathématiques pour améliorer ses connaissances et elle va régulièrement à l'église. Tous ces faits révèlent que Mme Radix a fait des efforts pour s'intégrer à la société canadienne et pour s'y établir. Toutefois, je ne suis pas convaincu qu'elle soit à ce point établie qu'elle éprouverait des difficultés inhabituelles et excessives si elle devait retourner à la Grenade. Elle a 2 enfants dans son pays. Elle a un foyer où elle peut s'installer. Elle a quelques épargnes qui pourraient l'aider à reconstruire sa vie dans son propre milieu.

À cause de toutes les circonstances de Mme Radix, je ne suis pas convaincu qu'il existe des motifs suffisants pour exempter Mme Radix des exigences relatives au visa. Par conséquent, la demande est refusée.

(Dossier de la demanderesse, pages 11 et 12)

[Non souligné dans l'original.]

[7]                L'avocate de la demanderesse insiste pour dire que les lignes directrices n'ont pas été appliquées équitablement. Elle soutient que l'exigence relative aux « racines profondes » est beaucoup plus sévère que la norme qu'il conviendrait d'appliquer équitablement pour les fins d'uniformité. Je suis d'accord.

[8]                Selon moi, en l'espèce, non seulement l'agent CH a appliqué un critère injustifié pour décider si la demanderesse était un parent de fait de la famille, mais sa décision n'est pas conforme à la preuve. Il est difficile d'imaginer une personne plus proche d'une famille que la personne en cause de manière à établir un véritable lien de dépendance. D'ailleurs, à mon avis, la conclusion tirée par l'agent CH est à ce point contraire à la preuve que je n'hésite pas à dire qu'il s'agit de la décision la plus manifestement déraisonnable qui soit.

[9]                Par conséquent, j'estime que la décision visée par le contrôle est une erreur susceptible de contrôle.


                                        ORDONNANCE

Pour ces motifs, la décision de l'agent CH est annulée et la question est renvoyée devant un agent CH différent pour nouvel examen.

                                                                      « Douglas R. Campbell »        

                                                                                                     Juge                          

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           IMM-4917-03

INTITULÉ :                                                          PEARL CAROLINE RADIX

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 15 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                          LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                                         LE 15 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Chantal Desloges                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Ursula Kaczmarczyk                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green et Spiegel

Avocats

Toronto (Ontario)                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                          POUR LE DÉFENDEUR


                               COUR FÉDÉRALE

                                                             Date : IMM-4917-03

                                                        Dossier : IMM-4917-03

ENTRE :

PEARL CAROLINE RADIX

                                                                        demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                               défendeur

                                                                                    

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                    


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