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Date : 20010730

Dossier : T-942-00

Référence neutre : 2001 CFPI 843

ENTRE :

                                     L'HONORABLE ROBERT H. NELSON

                         PRÉSIDENT FONDATEUR DE PUBLIC DEFENDERS

                   EN SON NOM ET EN TANT QUE REPRÉSENTANT DE TOUS

                              CEUX INJUSTEMENT PRIVÉS D'AVANTAGES

                                                                                                           demandeur

                                                               - et -

SA MAJESTÉLA REINE

REPRÉSENTÉE PAR L'HON. MARTIN CAUCHON

MINISTRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

                                                                                                                  défenderesse

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE


[1]                 Les présents motifs font suite à la requête du 21 juin 2001 par laquelle le demandeur a sollicité l'assignation à comparaître d'un certain nombre de témoins, des personnes bien connues, qu'il s'agisse de l'avocat de la défenderesse, de l'honorable Martin Cauchon, ministre du Revenu national, ou du Premier ministre du Canada, soit, plus particulièrement, des personnes suivantes :

Robert Carvalho

Honorable Martin Cauchon, ministre du Revenu national

J. McKenzie

J. McNally

Michael Zuber

Selinder Pandher

Jane Stewart, Chef des appels

Herb Dhaliwal

Morris A. Rosenberg

Paul Martin

Anne McLellan

Jean Chrétien

Les subpoenas sollicités à l'égard de ces douze témoins sont apparemment liés au procès tenu le 16 octobre 2001 dans cette action, laquelle porte sur des affaires d'ordre fiscal pouvant remonter à 1984.

[2]                 J'ai examiné le dossier de requête de 94 pages du demandeur, sa réponse contenant des affidavits, ses documents et ses arguments. De nombreux documents sont reconnaissables car ils ont été déposés à l'appui des requêtes antérieures du demandeurs, tandis que d'autres documents sont nouveaux. Toutefois, peu de ces documents, s'il en est, sont même vaguement pertinents. En effet, alors que, dans ses observations écrites, M. Nelson fait des déclarations audacieuses non appuyées quant à la nécessité de faire comparaître les douze témoins, aucun des faits qu'il a invoqués ne soutient l'octroi des subpoenas sollicités.

[3]                 Pour plus d'information, je signale que, par requête datée du 15 mars 2001, le demandeur a sollicité la tenue d'une conférence préparatoire le 16 avril 2000 ainsi qu'une ordonnance enjoignant au ministre du Revenu national, l'honorable Martin Cauchon, d'être présent. Le juge Campbell a rejeté cette requête par ordonnance datée du 26 avril 2001. Le demandeur a interjeté appel contre cette ordonnance, demandant à la Cour d'appel fédérale d'exiger que M. Cauchon assiste à une conférence de règlement des différends le 15 mai 2001. L'appel n'a pas encore fait l'objet d'une décision.

[4]                 Par ordonnance du 17 mai 2001 faisant suite à la conférence préparatoire tenue ce jour-là, j'ai fixé le procès dans la présente affaire au 16 octobre 2001 et j'ai établi diverses exigences d'avis que le demandeur doit respecter s'il désire obtenir l'autorisation de délivrer un subpoena à l'honorable Martin Cauchon pour que celui-ci témoigne au procès. Le demandeur a interjeté appel contre cette ordonnance auprès du juge MacKay, qui a rejeté l'appel avec dépens contre lui le 14 juin 2001.

[5]                 Au moyen d'un autre avis de requête, daté du 24 mai 2001, le demandeur a de nouveau sollicité l'autorisation d'assigner à comparaître au procès l'honorable Martin Cauchon, requête que le juge MacKay a rejetée également par ordonnance du 14 juin 2001 en condamnant une fois de plus le demandeur aux dépens.

[6]                 Les deux ordonnances que le juge MacKay a rendues le 14 juin 2001 font l'objet d'un appel.

[7]                 Une partie sollicitant l'autorisation de délivrer un subpoena visant un témoin doit établir que ce témoin est nécessaire pour prouver l'existence d'un document, pour le produire ou pour répondre à des questions pertinentes. En effet, un subpoena doit être délivré de bonne foi en vue de l'obtention d'éléments de preuve pertinents : voir par exemple Le Roi c. Baines [1909] 1 K.B. 258, aux pages 261 et 262. Un subpoena ne doit pas être délivré lorsqu'il donne lieu à de l'oppression et, comme il a d'ailleurs été dit dans l'arrêt Senior c. Holdsworth, Ex parte Independent Television News Ltd. [1976] 1 Q.B 23, rendu par la Cour d'appel, un subpoena sera écarté s'il est oppressif ou s'il constitue un abus du processus judiciaire : voir Senior c. Holdsworth, à la page 40, où le lord juge Scarman se penche sur l'irrégularité d'un subpoena délivré dans un but autre que celui d'obtenir des éléments de preuve pertinents, par exemple dans le but de causer un scandale politique, ou visant un témoin n'ayant aucune déposition pertinente à faire.


[8]                 Les documents de M. Nelson ne font ressortir aucun élément de preuve indiquant que les personnes qu'il désire assigner à comparaître ont participé aux événements qui ont donné lieu à l'action. Rien dans les affidavits de M. Nelson ne permet à celui-ci de s'acquitter de la charge d'établir que les témoins étaient nécessaires pour prouver l'existence d'un document, pour le produire ou pour répondre à des questions pertinentes. De plus, le demandeur a déjà présenté en vain des requêtes sollicitant l'autorisation de délivrer des subpoenas, notamment des requêtes pour autorisation d'assigner à comparaître l'honorable Martin Cauchon.

[9]                 Compte tenu de l'historique du présent dossier et, plus particulièrement, de son historique récent, je suis d'accord avec la prétention de la défenderesse selon laquelle la présente requête vise à harceler l'honorable Martin Cauchon. Elle constitue donc un abus.

[10]            Le demandeur s'est comporté de façon abusive en l'espèce. Il a harcelé la Couronne en tentant d'assigner à comparaître des témoins qui non seulement n'avaient aucun lien avec la cause d'action, mais dont on ne paraît pas demander la présence pour prouver l'existence de documents, pour en produire ou pour répondre à des questions pertinentes, ce qui constitue une conduite scandaleuse, voire même outrageante, particulièrement lorsque la délivrance d'au moins un subpoena a été refusée par le passé.


[11]            L'octroi des dépens contre une partie dont la requête a fait l'objet d'un jugement défavorable constitue non seulement un moyen d'indemniser dans une certaine mesure la partie qui a gain de cause, mais également un moyen de dissuasion contre les procédures frivoles ou outrageantes. Je dois toutefois me rappeler que, même dans les cas spéciaux justifiant l'octroi de dépens élevés, je dois circonscrire ceux-ci de manière à ne pas dissuader une partie de présenter des demandes incertaines mais valables. Madame le juge McLaughlin de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique (maintenant Juge en chef du Canada) l'a bien expliqué dans l'arrêt Houweling Nurseries c. Fisons Western Corporation (1989) 37 B.C.L.R. (2d) 2, à la page 25 :

[Traduction] [...] Dans notre système de règlement des litiges, les dépens ont non seulement pour but d'indemniser dans une certaine mesure la partie qui a gain de cause, mais ils visent aussi à dissuader l'autre partie de présenter une action ou une défense frivoles. Lorsqu'elles évaluent le risque de déposer une action ou une défense particulière, les parties devraient être en mesure de prévoir avec une certaine précision la sanction qui les attend si elles n'ont pas gain de cause. De plus, il existe une bonne raison de restreindre les dépens à des frais relativement bas. La possibilité de dépens élevés est susceptible de dissuader indûment une partie de présenter une action ou une défense incertaine mais valable.

[12]            À la lumière de l'ensemble des circonstances, et particulièrement de l'acharnement avec lequel le demandeur a tenté d'obtenir gain de cause sur la question du subpoena malgré les ordonnances et directives défavorables qu'il s'est vu imposer par le passé, il convient d'ordonner au demandeur de verser à la défenderesse à titre de dépens le montant forfaitaire prévu à la colonne quatre du tarif B, soit 900 $.

     « John A. Hargrave »

Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 30 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              T-942-00

INTITULÉ :                             Robert H. Nelson c. SMR

LIEU DE L'AUDIENCE :      Vancouver (Colombie-Britannique)

REQUÊTE EXAMINÉE SUR LA BASE DES PRÉTENTIONS ÉCRITES EN VERTU DE LA RÈGLE 369

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE HARGRAVE

EN DATE DU :                       30 juillet 2001

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

Robert H. Nelson                                                                           POUR LE DEMANDEUR

Robert Carvalho                                                                             POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Robert H. Nelson                                                                           POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                                                           POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général

du Canada

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