Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20020603

Dossier : IMM-2361-02

Référence neutre : 2002 CFPI 635

Toronto (Ontario), le lundi 3 juin 2002

EN PRÉSENCE DE : Monsieur le juge Kelen

ENTRE :

                                                                                   

AHMAD NEMATI et NAHID ANVARI

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Les demandeurs, qui sont originaires de l'Iran, sollicitent une ordonnance sursoyant à l'exécution d'une mesure de renvoi dont l'exécution est prévue pour le 12 juin 2002 jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire qu'ils ont présentée au sujet de la décision en date du 24 avril 2002 par laquelle l'agent de révision des revendications refusées David Richardson (l'ARRR) a conclu qu'ils ne remplissaient pas les conditions requises pour pouvoir être considérés comme des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC).


Les faits

[2]                 Le 8 mars 2002, les demandeurs ont reçu un avis les informant que le statut de réfugié au sens de la Convention ne leur avait pas été reconnu. Ils ont alors retenu les services d'un fonctionnaire de l'Immigration pour présenter une demande en vue d'être reconnus comme des DNRSRC. Le fonctionnaire a posté la demande au ministère de l'Immigration le 23 mars 2002.

[3]                 Le 25 avril 2002, les demandeurs ont reçu une lettre datée du 24 avril 2002 de l'ARRR Richardson dont voici un extrait :

[TRADUCTION] La présente est pour vous informer que vous n'êtes pas considérés comme des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC). Pour ce faire, votre demande devait avoir été soumise au plus tard dans les 15 jours (plus sept jours pour l'expédition par la poste) suivant la date à laquelle la Section du statut de réfugié vous a avisés que vous n'étiez pas des réfugiés au sens de la Convention (Règlement sur l'immigration, al. 11.4(2)b)).

Le statut de réfugié au sens de la Convention vous a été refusé le 28 février 2002. Votre demande d'examen dans la catégorie des DNRSRC portait la date du 23 mars 2002, le cachet de la poste faisant foi. Vous n'avez donc pas soumis votre demande dans les 22 jours suivant la décision de la Section du statut de réfugié (SSR).

[4]                 Les demandeurs ont par la suite reçu un avis les sommant de comparaître le 12 juin 2002 au sujet de leur renvoi du Canada.

[5]                 Ainsi que la Cour l'a précisé dans l'arrêt Toth c. Canada, (1988), 6 Imm. L.R. (2nd) 123, les demandeurs doivent établir : 1. qu'il existe une question sérieuse à juger; 2. qu'ils subiront probablement un préjudice irréparable; 3. que la prépondérance des inconvénients les favorise.


Question sérieuse à juger

[6]                 Les demandeurs affirment qu'il existe en l'espèce une question sérieuse à juger en raison du manquement à l'équité procédurale dont ils ont été victimes par suite de l'erreur de calcul commise par le fonctionnaire en ce qui concerne le délai qui leur était imparti pour déposer leur demande visant à être reconnus comme DNRSRC. Ils soutiennent que, comme ils ont été avisés de la décision de la SSR le 8 mars 2002, ils avaient jusqu'au 23 mars 2002 pour poster une demande en vue d'être reconnus comme DNRSRC.

[7]                 Le défendeur affirme pour sa part que, comme la décision de la SSR portait la date du 28 février 2002, et qu'elle était réputée aux termes de la loi avoir été reçue sept jours plus tard (le 7 mars 2002), les demandeurs disposaient par conséquent d'un délai de 15 jours expirant le 22 mars 2002 pour mettre à la poste leur demande visant à être reconnus comme DNRSRC.

[8]                 L'alinéa 2(4) b) de la Loi sur l'immigration dispose :

DÉFINITIONS ET INTERPRÉTATION

Définitions

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi [...]

Avis

     (4) Pour l'application de la présente loi, une personne, y compris le ministre, est présumée, en l'absence de preuve contraire, être avisée d'une décision rendue sous le régime de la présente loi, à l'exception de toute décision d'un agent des visas :

a) le septième jour suivant l'envoi de l'avis de la décision, lorsque celle-ci a été rendue en son absence et qu'elle n'avait pas droit à des motifs écrits;


b) le septième jour suivant l'envoi des motifs écrits, lorsqu'elle y a droit ou lorsqu'elle avait droit de les demander et les a effectivement demandés dans le délai imparti.

L'avis de la décision et les motifs écrits peuvent être envoyés par courrier.

[9]                 Les demandeurs citent le jugement Varnosfaderani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 404, 2001 CFPI 109 (C.F. 1re inst.), dans lequel le juge Lemieux déclare ce qui suit :

[13] À mon avis, le DNRSRC doit envoyer sa demande au plus tard 15 jours après avoir été avisé de la décision défavorable de la section du statut, ce qui, en vertu du paragraphe 2(4) de la Loi, est présumé avoir lieu sept (7) jours après la date de l'envoi, à moins que le contraire ne soit démontré.

[14] En l'espèce, le demandeur a déclaré sous serment avoir reçu la décision de la section du statut le 10 mai 1999. Il devait présenter sa demande au plus tard le 26 mai 1999. Je dispose de la preuve non contestée fournie par Marnie Cole, qui n'a pas été contre-interrogée, disant qu'elle a envoyé à CIC le 24 mai 1999 la demande que le demandeur avait présentée à titre de DNRSRC. Or, ce jour-là, le délai n'était pas encore expiré.

[10]            L'applicabilité de cette affaire au cas qui nous occupe semble évidente, d'autant plus que les dates sont semblables à celles qui sont en cause en l'espèce.

[11]            Bien qu'en soi, le jugementVarnosfaderani ne constitue pas un précédent convaincant, la Cour peut s'inspirer de la décision rendue par le juge Muldoon dans l'affaire Alabi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 294, 2001 CFPI 140 :


[8]    Le demandeur a respecté le délai imparti et a présenté sa demande dans le délai de 15 jours de la date à laquelle il a reçu la décision écrite. Il est injuste de le tenir responsable d'un retard de la poste. En outre, l'ARRR n'a pas de preuve de la réception par le demandeur de la demande, et le délai de sept jours est final seulement quand il n'y a pas de preuve du contraire.

[12]            Par ailleurs, dans le jugement Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 2145, le juge Campbell a également confirmé que le délai de 15 jours commençait à courir à compter de la date de réception de l'avis :

[3]    En l'espèce, je tire la conclusion de fait suivante : le demandeur a reçu son avis le 23 septembre 1998 et, comme il a déposé sa demande de révision le 8 octobre 1998, il l'a déposée avant l'expiration du délai fixé par l'alinéa 11.4(2)b) du Règlement. [qui prévoit un délai de 15 jours analogue à celui qui est prescrit par l'alinéa 2(4)b)].

  

[13]            Il ressort de la preuve présentée par les demandeurs, et plus particulièrement de l'affidavit souscrit par leur fils, que les demandeurs ont reçu la décision le 8 mars 2002. Le défendeur n'a pas invoqué d'élément de preuve ou de jurisprudence pour contester cette date. Il est permis de présenter un affidavit en preuve au sujet de la question du manquement à l'équité procédurale.

[14]            Je conclus donc que, sur ce point, il existe une question sérieuse à juger.

[15]            Les arguments invoqués par les demandeurs au sujet de l'existence d'une question sérieuse à juger en vue d'obtenir la prorogation du délai qui leur est imparti pour déposer leur demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision du fonctionnaire Richardson soulèvent également une question sérieuse.


Préjudice irréparable

[16]            Voici la définition que le juge Pelletier donne de la notion de « préjudice irréparable » dans l'affaire Melo c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 403 (C.F. 1re inst.) :

  

Mais pour que l'expression « préjudice irréparable » conserve un peu de sens, elle doit correspondre à un préjudice au-delà de ce qui est inhérent à la notion même d'expulsion. Être expulsé veut dire perdre son emploi, être séparé des gens et des endroits connus. L'expulsion s'accompagne de séparations forcées et de coeurs brisés. [...] L'interruption des études ne constitue pas en soi un préjudice irréparable.

[17]            Le seul aspect du préjudice irréparable qui pourrait être causé aux demandeurs qui ne réponde pas à la définition proposée dans le jugement Melo est le refus de leur accorder la possibilité d'obtenir gain de cause s'ils faisaient instruire leur demande dans la catégorie des DNRSRC. Eu égard aux circonstances de la présente affaire, dans laquelle la demande a été refusée par suite d'un manquement à l'équité procédurale, je conclus que la situation en cause ne répond pas à la définition du préjudice irréparable. L'introduction d'une demande dans la catégorie des DNRSRC permet implicitement au demandeur de demeurer au Canada tant que cette demande n'a pas été tranchée.

[18]            Les autres moyens invoqués par les demandeurs ont été tranchés par la SSR et il n'est pas nécessaire de les examiner en l'espèce. De plus, la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire qui a été introduite et qui est en instance ne justifie pas un sursis d'exécution.

[19]            La prépondérance des inconvénients favorise en l'espèce les demandeurs.


                                           ORDONNANCE

Compte tenu de ce qui précède, la présente demande de sursis d'exécution est accueillie.

   

   « Michael A. Kelen »    

Juge

   

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                 IMM-2361-02

  

INTITULÉ :              AHMAD NEMATI et NAHID ANVARI

                                                                                                 demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE LUNDI 3 JUIN 2002

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE KELEN

                                                                      

DATE DES MOTIFS :                                     LE LUNDI 3 JUIN 2002

COMPARUTIONS :

Wennie Lee                                                           POUR LES DEMANDEURS

  

Stephen Jarvis                                                     POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Wennie Lee                                                  POUR LES DEMANDEURS

Avocate

255, chemin Duncan Hill, bureau 606

Toronto (Ontario)     M3B 3H9

  

M. Morris Rosenberg                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                       COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                    Date : 20020603

                                                                Dossier : IMM-2361-02

ENTRE :

AHMAD NEMATI et NAHID ANVARI

                                                                                          demandeurs

- et -

    

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                              défendeur

                                                                                                             

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                                             

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.