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Date : 20050309

 

Dossier : T-1127-04

 

Référence : 2005 CF 233

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

 

ENTRE :

 

  CHC CASINOS CANADA LTD.

 

  demanderesse

  et

 

 

  LE CONSEIL DE BANDE DE

LA PREMIÈRE NATION CHIPPEWAS DE MNJIKANING

 

  défendeur

 

et

 

ONTARIO FIRST NATIONS LIMITED PARTNERSHIP

(« OFNLP »)

 

intervenante

 

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE

  (Motifs confidentiels de l’ordonnance rendue le 11 février 2005)

 

 

LE JUGE HENEGHAN


INTRODUCTION

 

 

  • [1] La Cour est saisie d’une demande d’ordonnance de mandamus de CHC Casinos Canada Ltd (la « demanderesse ») en vertu de la Loi sur les Cours fédérales, R.C.S. 1985, c. F-7, modifiée (la « Loi »), afin de contraindre le conseil de bande de la Première nation Chippewas de Mnjikaning (le « défendeur ») à délivrer deux permis de construction concernant un casino, « Casino Rama », exploité par la demanderesse sur le territoire des Chippewas de Mnjikaning (MJN), connu historiquement comme la réserve indienne no 32. Les permis ont été demandés dans le but d’effectuer des réparations au réseau d’égouts pour les eaux-vannes et d’installer un système de ventilation dans la fosse Baccarat no 9.

  • [2] La présente demande de contrôle judiciaire a été déposée le 10 juin 2004. La demande a été entendue, de manière accélérée, le 14 juillet 2004. Vu la requête présentée par le défendeur, qui a été entendue après l’audition de la demande de contrôle judiciaire, une ordonnance a été rendue, mettant sous scellés des affidavits et des transcriptions de contre-interrogatoires, spécialement l’affidavit de Mme Jacqueline Castel daté du 10 juin 2004, l’affidavit de M. Jeffrey Hewitt daté du 16 juin 2004, et les contre-interrogatoires de Mme Castel et de M. Hewitt effectués le 22 juin 2004 et le 29 juin 2004 respectivement.

  • [3] Le 1er décembre 2004, la demanderesse a déposé par écrit un avis de requête, conformément aux Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 (les « Règles »), demandant l’autorisation de déposer de nouveaux éléments de preuve. Les parties ont été entendues par voie d’appel-conférence le 4 janvier 2005. Par ordonnance datée du 7 janvier 2005, la requête a été rejetée. Toutefois, les parties ont eu la possibilité de présenter d’autres observations à l’égard d’une décision récente de la Cour d’appel de l’Ontario dans La Première Nation Chippewas de Mnijkaning c. CHC Casinos Canada Ltd., Société des loteries et des jeux de l’Ontario et Ontario First Nations Limited Partnership [2004] O.J. no 7 (QL), conf. [2004] O.J. no 4707 (C.A.) (QL). L’intervenante a déposé de brèves observations dans une lettre datée du 4 janvier 2005.

 

 


 

FAITS

i)  Les parties

 

  • [4] La demanderesse est l’exploitante d’un complexe de casinos connu sous le nom de « Casino Rama » conformément à l’accord d’établissement et d’exploitation signé le 18 mars 1996 et conclu entre la Société des casinos de l’Ontario, le prédécesseur de la Société des loteries et des jeux de l’Ontario (OLG), la demanderesse et sa société mère, les MJN et de diverses sociétés associées aux MJN. L’accord d’établissement et d’exploitation a par la suite été modifié le 15 avril 1996 et le 12 juin 2000, et est en vigueur jusqu’au 31 juillet 2011.

  • [5] Les MJN sont une bande organisée conformément à la Loi sur les Indiens, R.S.C. 1985, c. I-5. Il s’agit d’une Première nation et du gouvernement reconnu des peuples autochtones de Chippewa dans la réserve no 32 et dans les environs du canton de Rama (la « réserve Mnjikaning »). Les MJN étaient auparavant connus comme la « Première nation Chippewas de Rama », et c’est sous ce nom qu’ils ont signé l’accord d’établissement et d’exploitation. Le changement de nom a eu lieu en 1994.

  • [6] L’Ontario First Nations Limited Partnership (OFNLP) est une société en commandite qui représente les intérêts de 133 Premières nations en Ontario, à l’exception des MJN, aux fins de tirer profit des recettes générées par Casino Rama. L’OFNLP a été nommée intervenante dans la demande avec le consentement de la demanderesse et du défendeur.

 

 

 

ii)  Le litige

 

  • [7] Le 23 janvier 2004, la demanderesse a présenté une demande de permis de construction afin de remplacer l'égout sanitaire dans la salle de bain. La demande pour l’installation du système de ventilation a été soumise le 31 mai 2004.

  • [8] Le processus concernant la demande de permis de construction et sa délivrance est régi par le Rama Land Use Development By-Law (le « Règlement »). Le Règlement a été adopté le 18 juillet 1979 en vertu des pouvoirs que lui confère l’article 81 de la Loi sur les Indiens, précitée. Le formulaire de demande de permis de construction montre que le consentement du propriétaire est nécessaire à l’ouvrage projeté. Historiquement, le défendeur était inscrit comme le propriétaire aux fins du processus de demande de permis de construction. Le statut du défendeur en tant que « propriétaire » du complexe de casinos est contesté par la demanderesse et l’OFNLP.

  • [9] Le 2 juin 2004, le service du bâtiment a délivré un permis « conditionnel » pour les réparations de la salle de bain. Selon la demanderesse, il s’agit de la manière habituelle dont les permis de construction étaient émis et les travaux se feraient au moyen du permis conditionnel.

  • [10] L’argument concernant la délivrance du permis de construction pour le réseau d’égouts pour les eaux-vannes et le système de ventilation dans la fosse Baccarat no 9 fait partie d’un autre litige, également entre la demanderesse et le défendeur. L’autre point se rapporte au refus du défendeur de délivrer huit permis de construction pour diverses réparations, incluant des réparations au système sanitaire. Son refus fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire dans la Cour (dossier T-910-04). Comme éléments de preuve dans la présente demande, la demanderesse et le défendeur ont déposé un certain nombre d’affidavits, incluant certains affidavits qui ont été déposés au dossier T-910-04.

  • [11] La demanderesse a déposé trois affidavits établis sous serment par M. Harry Oshanski, ainsi que deux affidavits établis sous serment par Mme Jacqueline Castel et un affidavit de M. Christopher Harry. M. Oshanski est le vice-président aux Opérations de villégiature de Casino Rama. Mme Castel travaille à titre d’avocate salariée, embauchée par la demanderesse. M. Harry est le directeur exécutif des Opérations de jeux de table au casino.

  • [12] Le défendeur a déposé trois affidavits de M. Kelvin Jamieson, directeur des Projets spéciaux aux MJN. Il est le responsable du processus de permis de construction au nom de la bande. Le défendeur a également déposé deux affidavits de M. Jeffrey Hewitt, avocat interne.

  • [13] La demanderesse a mené un contre-interrogatoire de M. Jamieson et de M. Hewitt et a inclus la transcription de ces contre-interrogatoires dans son dossier.

  • [14] Le défendeur a mené un contre-interrogatoire de Mme Castel et de M. Oshanski. La transcription de ces contre-interrogatoires est incluse dans le dossier du défendeur.

  • [15] La preuve de M. Oshanski portait sur le processus habituellement suivi par la demanderesse dans sa demande de permis de construction au défendeur. Une demande serait présentée et assujettie aux dispositions de tout renseignement technique nécessaire, à la suite de quoi un permis conditionnel serait délivré et permettrait aux travaux d’être exécutés. En l’espèce, un permis conditionnel a été délivré le 2 juin 2004 pour les travaux d’égout.

  • [16] Aucun permis n’a été délivré dans le cadre des travaux du système de ventilation qui ont fait l’objet d’une demande de permis de construction le 31 mai 2004. Aucun permis de construction, conditionnel ou autre, n’a été délivré en réponse à la demande, mais la demanderesse soutient que le défendeur est tenu de délivrer un permis pour permettre aux travaux du système de ventilation d’être exécutés. L’existence d’une entente en ce qui concerne les deux permis de construction est le motif invoqué pour la demande de contrôle judiciaire. M. Oshanski affirme qu’il a donné suite à l’entente selon laquelle les permis de construction seraient délivrés s’il délivrait des commandes pour les travaux.

  • [17] À l’appui de sa position selon laquelle une entente concernant la délivrance des permis de construction a été conclue avec le défendeur, la demanderesse s’est basée sur les éléments de l’affidavit de Jacqueline Castel qui a été scellé par ordonnance de la Cour, établi le 14 juillet 2004 et émis le 15 juillet 2004.

  • [18] Dans son affidavit, M. Harry traite de l’atmosphère enfumée et malsaine de la fosse Baccarat provenant de la ventilation inadéquate. Il se fonde sur des plaintes reçues du personnel et des clients, et parle également de son expérience personnelle. Il commente l’effet négatif de la mauvaise qualité de l’air sur le moral du personnel et des clients.

  • [19] Pour sa part, le défendeur invoque le premier affidavit de Jamieson pour établir certains faits relatifs à la construction et au fonctionnement de Casino Rama, ainsi que le processus concernant la délivrance de permis de construction et le statut du défendeur en tant que propriétaire du complexe de casinos. À cet égard, le défendeur se fonde sur l’accord d’établissement et d’exploitation et une déclaration de fiducie, datée du 1er mars 1996, une déclaration initiale et une déclaration de fiducie reformulée, datées du 15 avril 1996. Dans ces documents, le défendeur est décrit sous son ancien nom [traduction] « Chippewas de Rama » comme étant le [traduction] « propriétaire » du complexe de casinos.

  • [20] Le premier affidavit de Jamieson, établi sous serment le 8 juin 2004 et initialement déposé au dossier no T-910-04, traite du statut de propriétaire de Casino Rama du défendeur, comme il en est question dans divers aspects concernant le développement du casino. Dans son affidavit, M. Jamieson parle également du litige fiscal entre les MJN et l’OLG. Cette question est soulevée à l’égard de l’exonération d’impôt dont jouissait les MJN en tant que bande indienne, en vertu de la Loi sur les Indiens, précitée. Les pièces au premier affidavit de Jamieson comprennent des copies de la correspondance écrite par le défendeur ou en son nom, énonçant son opposition à toute tentative d’imposer une taxe de vente provinciale sur la propriété de la bande et sur la propriété située sur la réserve de Mnjikaning. De plus, M. Jamieson parle de la modification unilatérale, apportée par l’OLG, des processus d’adjudication concernant les dépenses en capital de Casino Rama. Cette modification, selon M. Jamieson, l’exclut du processus d’adjudication et aura un effet négatif sur l’exonération d’impôt dont jouit le défendeur.

  • [21] De plus, M. Jamieson, en tant que témoin pour le défendeur, affirme que l’atteinte que porte l’OLG aux processus d’adjudication a donné lieu à une violation de l’accord d’établissement et d’exploitation de la part de la demanderesse.

  • [22] Le défendeur, en s’appuyant à nouveau sur la preuve de M. Jamieson, affirme qu’il est le propriétaire et que ce sont les autorités locales qui autorisent la délivrance des permis de construction. Le processus d’obtention du permis de construction est régi par le Règlement qui a été adopté en vertu du paragraphe 81(1) de la Loi sur les Indiens, précitée. M. Jamieson est autorisé à délivrer les permis de construction sous réserve du respect des exigences légales et techniques à cet égard. Il y a au moins trois étapes bien distinctes au processus d’approbation du permis de construction. M. Jamieson doit d’abord être convaincu que le propriétaire a donné son approbation pour le projet. Il doit ensuite mener un examen technique pour confirmer que la demande est conforme aux codes et aux normes applicables. Il doit par la suite soumettre la demande et le projet de permis, conformément aux conditions, pour l’examen et la délivrance par le gestionnaire de bande.

  • [23] En l’espèce, le défendeur affirme que les demandes soumises par la demanderesse étaient viciées parce qu’aucune demande de permis de construction n’a été approuvée par le propriétaire, comme l’exige expressément le formulaire de demande de construction.

  • [24] La demande de réparation du système sanitaire, présentée le 23 janvier 2004, indique que le propriétaire du complexe de casinos est un [traduction] « C.D.M. », c’est-à-dire Chippewas de Mnjikaning. Toutefois, cette demande ne montre pas que le consentement du propriétaire avait été obtenu. La demande de réparation de la ventilation, déposée le 31 mai 2004, n’indique aucune information à propos du propriétaire et, comme l’autre demande, ne comprend pas le consentement du propriétaire.

  • [25] Selon le troisième affidavit de M. Jamieson, la demande de réparation de la ventilation n’était pas complète en ce qui concernait les détails techniques. Il affirme que les schémas originaux soumis par la demanderesse ne suffisaient pas pour approuver les travaux.

  • [26] Au cours de l’audience, la demanderesse a demandé par voie de motion la radiation des parties importantes des affidavits de Jamieson au motif que ces affidavits regorgeaient de ouï-dire et ne satisfaisaient pas aux règles relatives à l’admission d'une preuve par ouï-dire, c’est-à-dire en fonction de la fiabilité et de la nécessité. Plus particulièrement, la demanderesse conteste les compétences de M. Jamieson à traiter de diverses questions qui sont soulevées dans son affidavit, celles qui portent par exemple sur le sens et l’application de l’accord d’établissement et d’exploitation, l’interprétation de la Loi sur les Indiens, précitée, et l’interprétation de la loi ontarienne portant sur la taxe provinciale de vente au détail.

  • [27] Aucun élément de preuve n'a été présenté au nom de l’intervenante.

 

 


 

 

 

 


 

 

 

 


 

 

 


 

 

 


 

 

 

 


OBSERVATIONS

i)  La demanderesse

 

  • [28] En se fondant sur la décision de la Cour d’appel fédérale dans Apotex Inc. v. Canada (Attorney General), [1994] 1 CF 742 (C.A.), conf. par [1994] 3 R.C.S. 1100, la demanderesse soutient qu’elle a droit à une ordonnance de mandamus pour contraindre le défendeur à délivrer les permis de construction en question. Elle soutient qu’elle a satisfait aux exigences, selon le règlement de construction pour la délivrance de permis de construction, et qu’il existe une entente exécutoire avec le défendeur pour la délivrance des permis du système sanitaire et du système de ventilation amélioré. De plus, elle fait valoir que le défendeur a délivré un permis conditionnel pour le système sanitaire et a discuté de la délivrance des permis.

  • [29] La défenderesse soutient que la Cour doit faire exécuter la convention avec le défendeur.Elle soutient qu’un litige entre le défendeur et le gouvernement de l’Ontario concernant la taxe de vente provinciale est la seule raison pour laquelle les permis de construction n’ont pas été délivrés.Elle soutient qu’il s’agit d’un facteur externe pour établir si les permis devraient être délivrés.

  • [30] Elle soutient que la Cour est à juste titre saisie de la présente demande de contrôle judiciaire puisque le défendeur est une « bande » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens, précitée. Elle affirme que le pouvoir du défendeur de délivrer des permis de construction provient du règlement adopté en vertu du paragraphe 81(1) de la Loi sur les Indiens, précitée. Dans ces circonstances, la Cour est à juste titre saisie de sa demande de contrôle judiciaire.

  • [31] Elle soutient qu’il faut supprimer certaines parties de l’affidavit de Jamieson ou leur accorder peu de poids parce qu’elles sont fondées sur des renseignements, des croyances et du ouï-dire, en contravention de l’article 81 des Règles des Cours fédérales (1998), DORS/98-106.Elle soutient que, selon la jurisprudence, incluant Dragage F.R.P.D. Ltée c. Bouchard et al. (1994), 84 F.T.R. 81, il est clair que les affidavits qui contiennent des faits allant au-delà des connaissances personnelles de celui qui souscrit un affidavit ont été jugés non admissibles dans une demande de contrôle judiciaire.

  • [32] De plus, la demanderesse soutient que M. Jamieson n’est pas qualifié pour offrir les opinions qui ont été exposées dans son affidavit. À cet égard, la demanderesse se fonde sur Novopharm Limited c. Smith, Kline and French Laboratories Limited et le procureur général du Canada (1984), 53 N.R. 68 (C.A.F.) où la Cour a statué qu’il faut tenir compte du poste occupé par l’auteur d’un affidavit ou de ses compétences pour décider si une telle personne est susceptible d’avoir connaissance des faits. La demanderesse soutient qu’en tant qu’ingénieur civil, M. Jamieson n’est pas qualifié pour offrir les opinions qui ont été exposées, et ajoute que son affidavit du 8 juin 2004 doit être radié.

  • [33] En résumé, la demanderesse soutient que toutes les exigences pour la délivrance d’une ordonnance de mandamus ont été respectées et que le défendeur est assujetti à obligation légale d’agir à caractère public, causée par son pouvoir de délivrer des permis de construction en vertu de ses règlements, comme l’autorise l’article 81 de la Loi sur les Indiens précitée. Elle soutient que le défendeur a agi de façon injuste, oppressive et inappropriée en refusant de traiter les permis de construction à moins d’un règlement du litige fiscal et de l’imposition d’autres conditions.

  • [34] De plus, la demanderesse soutient que le défendeur avait une obligation d’équité et qu’il a manqué à cette obligation en décidant de ne pas délivrer de permis jusqu’au règlement du litige fiscal. Elle soutient également que le refus de délivrer des permis déroge à la procédure établie par le défendeur, et affirme qu’invoquer la doctrine des attentes légitimes est un manque à l’équité procédurale.

 

 


 

 

 


 

 

ii)  Observations du défendeur

 

  • [35] Le défendeur a ouvert sa plaidoirie en se référant à la norme de contrôle et soutient qu’à la lumière de l’analyse pragmatique et fonctionnelle examinée dans Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, la norme de conduite en tant que tribunal est celle du caractère raisonnable. De plus, il soutient que la demanderesse n’a pas satisfait aux critères pour la délivrance d’une ordonnance de mandamus.

  • [36] Plus particulièrement, il soutient qu’il ne s’agissait pas d’une obligation légale d’agir à caractère public et qu’il n’était pas redevable d’un devoir public à l’exploitante. Il admet qu’en tant que tribunal autorisé à délivrer des permis de construction, il a agi en vertu de l’obligation de droit public concernant les arguments de la demanderesse qui traitaient de préoccupations particulièrement urgentes en matière de santé et de sécurité. Toutefois, il soutient également qu’en tant que tribunal, il n’a aucune obligation de droit public à donner son consentement pour les travaux de construction qui comportent une évaluation de son pouvoir en tant que propriétaire.

  • [37] Par la suite, le défendeur soutient qu’un permis de construction ne peut être délivré à la demanderesse. La demanderesse n’a pas obtenu le consentement du défendeur en tant que propriétaire, et ce refus du défendeur, en tant que propriétaire, n’est pas susceptible de contrôle judiciaire. De plus, le défendeur affirme que la demanderesse ne respecte pas l’accord d’établissement et d’exploitation et n’a pas déposé de demandes de permis de construction appropriées et complètes.

  • [38] Ensuite, le défendeur soutient qu’il n’y a aucune entente entre les parties concernant la délivrance du permis de construction.

  • [39] Le défendeur soutient qu’il existe d’autres réparations appropriées et disponibles à la demanderesse, tel qu’énoncé à l’article 14.1 de l’accord d’établissement et d’exploitation qui prescrit l’accès à la médiation et à l’arbitrage obligatoires.

  • [40] De plus, le défendeur soutient que la demanderesse n’est pas sans reproche et n’a pas droit à une réparation. À cet égard, il laisse entendre que l’OLG avait demandé à la demanderesse de présenter cette demande de contrôle judiciaire. Le défendeur soutient, en s’appuyant sur Browning c. Ryan (1887), 4 Man. R. 486, que la Cour a le droit de ne pas accorder la renonciation demandée où elle estime que la demanderesse agit au nom d’une autre partie.

  • [41] Le défendeur soutient que la demanderesse a reconnu qu’il s’agissait d’une violation de l’accord d’établissement et d’exploitation, et en a exposé les détails. Tout d’abord, il affirme que la demanderesse, à titre d’exploitante, a modifié unilatéralement le processus aux fins de contracter le processus de gestion dans lequel, conformément à l’accord d’établissement et d’exploitation, le consentement des MJN est nécessaire. Il soutient ensuite que la demanderesse n’a pas obtenu l’approbation des MJN pour les budgets d’exploitation, comme l’exige l’accord d’établissement et d’exploitation. Finalement, il affirme que la demanderesse n’a pas obtenu l’approbation des MJN pour les rénovations comme il en était nécessaire.

  • [42] Le défendeur soutient que, dans ces circonstances, la prépondérance des inconvénients penche en sa faveur contre l’octroi de l’ordonnance de mandamus. Il dit que la demanderesse n’a montré aucun intérêt financier pour le casino, mais elle a versé des droits pour ses travaux. En revanche, le défendeur avait un intérêt financier certain, tout comme d’autres Premières nations de l’Ontario.

  • [43] En réponse aux arguments de la demanderesse concernant les affidavits de M. Jamieson, il dit que les témoins de la demanderesse se sont essentiellement entendus avec toutes les questions en litige. De plus, il soutient que l’affidavit fondé sur du ouï-dire est raisonnablement nécessaire dans les circonstances dont la demande a été présentée.

  • [44] Finalement, le défendeur soutient que la Cour n’a pas compétence d’entendre la présente demande de contrôle judiciaire parce que l’objet, c’est-à-dire la délivrance de deux permis de construction, découle de l’interprétation de l’accord d’établissement et d’exploitation, et cette entente est un contrat assujetti à la construction, conformément aux lois de l’Ontario. Par conséquent, la demande excède la compétence de la Cour.

 


 

 

 

 

 

 

 

 


 

iii)  Observations de l’intervenante

 

  • [45] L’intervenante a soulevé deux points. Premièrement, elle soutient que les 113 autres Premières nations en Ontario ont un intérêt important dans le casino et ses revenus. Toute activité qui réduirait le revenu au casino touche directement les membres de l’intervenante.Deuxièmement, elle soutient que, conformément à son propre règlement, le défendeur a une obligation en ce qui concerne la délivrance des permis de construction, et soutient que, dans la mesure où les exigences techniques sont remplies, le défendeur est tenu de délivrer le permis.Elle soutient que l’accord d’établissement et d’exploitation établit les objectifs du casino, et manifestement, l’un de ces objectifs est la production d’un revenu au profit des autres Premières nations en Ontario. Le retard dans la délivrance des permis de construction occasionne des répercussions néfastes au revenu disponible pour distribution aux membres de l’OFNLP.

  • [46] Elle conteste l’affirmation du défendeur selon laquelle il est le propriétaire du casino et, de plus, soutient qu’il ne s’agit pas d’une question à trancher par la Cour. Elle se fonde sur une décision de la Cour supérieure de l’Ontario dans Chippewas Mnjikaning, précitée, que la Cour d’appel de l’Ontario a récemment confirmée. Dans cette décision, la Cour supérieure de l’Ontario a statué que Casino Rama a été établi à titre de société en nom collectif formée des Premières nations de l’Ontario et du gouvernement de l’Ontario. Par conséquent, l’intervenante soutient que le présent litige n’est pas seulement une question personnelle entre la demanderesse et le défendeur.

 


 

ANALYSE ET DÉCISION

 

  • [47] La demande est présentée conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, R.S.C. 1985, c. F-7, modifiée. La réparation demandée est une ordonnance de mandamus, conformément à l’alinéa 18.1a) de la Loi. Un mandamus est une réparation discrétionnaire dont les conditions préalables à respecter pour y avoir droit ont été énoncées par la Cour d’appel fédérale dans Apotex Inc., précité, comme suit :

 

(1) Le mandamus : les principes applicables

 

 

Plusieurs conditions fondamentales doivent être respectées avant qu’un mandamus ne puisse être accordé.

 

 

[...]

 

 

1.  Il doit exister une obligation légale d’agir à caractère public:

 

 

  [...]

 

 

2.  L’obligation doit exister envers le requérant

 

 

  [...]

 

 

3. Il existe un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation, notamment:

 

 

  • a) le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation;

 

 

[...]

 

 

  • b) il y a eu (i) une demande d’exécution de l’obligation, (ii) un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle-ci n’ait été rejetée sur-le-champ, et (iii) il y a eu refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable;

 

 

[...]

 

 

  4. Lorsque l’obligation dont on demande l’exécution forcée est discrétionnaire, les règles suivantes s’appliquent:

 

  • a) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire ne doit pas agir d’une manière qui puisse être qualifiée d’« injuste », d’« oppressive » ou qui dénote une « irrégularité flagrante » ou la « mauvaise foi »;


 

 

  • b) un mandamus ne peut être accordé si le pouvoir discrétionnaire du décideur est « illimité », « absolu » ou « facultatif »;

 

c)  le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire « limité » doit agir en se fondant sur des considérations « pertinentes » par opposition à des considérations « non pertinentes »;

 

 

d)  un mandamus ne peut être accordé pour orienter l’exercice d’un « pouvoir discrétionnaire limité » dans un sens donné;

 

 

e)  un mandamus ne peut être accordé que lorsque le pouvoir discrétionnaire du décideur est « épuisé », c’est-à-dire que le requérant a un droit acquis à l’exécution de l’obligation.

 

 

[...]

 

 

5.  Le requérant n’a aucun autre recours :

 

 

[...]

 

 

6.  L’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique:

 

 

[...]

 

 

7.  Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que, en vertu de l’équité, rien n’empêche d’obtenir le redressement demandé:

 

 

[...]

 

 

8.  Compte tenu de la « balance des inconvénients », une ordonnance de mandamus devrait (ou ne devrait pas) être rendue.

 

 

[Renvois omis]

 

 

 

  • [48] La seule question découlant de la présente demande est de savoir si la demanderesse doit se voir accorder la mesure demandée, c’est-à-dire un mandamus exigeant que le défendeur délivre les permis de construction afin que les travaux du réseau d’égouts pour les eaux-vannes et du système de ventilation soient exécutés dans la fosse Baccarat no 9. Comme il a été mentionné précédemment, la demanderesse allègue qu’elle a droit aux permis conformément à l’entente avec le défendeur.

  • [49] À mon avis, l’existence de la soi-disant entente n’est pas pertinente en l’espèce. La demanderesse a droit à la délivrance des permis ou n’en a pas droit. À mon avis, la délivrance des permis de construction est régie par le mandat du défendeur en tant qu’organe directeur, incluant ses règlements de construction, et non en tant qu’entente entre les parties. En tout état de cause, la Cour n’a pas compétence pour déterminer s’il existe une telle entente entre les parties. À cet égard, je renvoie à Lawther c. 424470 B.C. Ltd. (1995), 60 C.P.R. (3e) 510.

  • [50] Comme je l’ai mentionné précédemment, la demanderesse conteste l’admissibilité de certaines parties des affidavits de Jamieson au motif que les affidavits contiennent des preuves de ouï-dire non admissibles. Par ailleurs, la demanderesse soutient qu’on doit accorder peu de poids aux paragraphes qui n’auraient pas été supprimés.

  • [51] À mon avis, ces arguments ne sont pas bien fondés. M. Jamieson est un employé du défendeur. Il convient qu’il peut commenter les documents sous le contrôle du défendeur, incluant certains contrats qui portent sur le casino et la relation entre la demanderesse et le défendeur. Les dispositions contestées des affidavits ne seront pas radiées.

  • [52] En l’espèce, les éléments de preuve démontrent que le défendeur exerce des fonctions publiques en tant qu’organe directeur des MJN. À ce titre, ses actions et ses décisions sont susceptibles de contrôle judiciaire par la Cour. En tant qu’organe directeur, il est tenu d’agir équitablement et de prendre des décisions sans tenir compte des questions extrinsèques et dénuées de pertinence; voir Apotex Inc. c. Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux) (1994), 26 Admin. L.R. (2e) 199 (Que. S.C.).

  • [53] Le règlement du litige sur l’impôt sur la vente en détail avec la province de l’Ontario n’est pas pertinent, à mon avis, à la solution de la demande de permis de construction. En fonction des éléments de preuve soumis, il est évident qu’un tel litige existe. Il est également évident que le défendeur a déclaré qu’il ne traitera plus de demandes de permis de construction jusqu’à ce que la question de l’imposition de l’impôt sur la vente en détail soit réglée.

  • [54] Toutefois, la question n’est pas tranchée pour autant. Le défendeur soutient que la demanderesse n’a pas le droit d’obtenir deux permis de construction parce qu’elle ne s’est pas conformée aux exigences techniques, incluant l’exigence d’obtenir le consentement du propriétaire à l’égard des travaux proposés. Le défendeur soutient qu’il est le propriétaire et, à ce titre, ne consentira pas à la délivrance des permis.

  • [55] La demanderesse et l’intervenante contestent le statut de propriétaire du défendeur. Elles soutiennent cette question ne se pose pas dans cette présente demande et n’a pas besoin d’être tranchée.

  • [56] L’intervenante soutient que le défendeur est simplement l’« animateur » du casino, une entreprise qui existe au profit de toutes les Premières nations de l’Ontario. En s’appuyant sur l’accord d’établissement et d’exploitation, elle soutient que le défendeur est tenu de donner tous les consentements nécessaires pour assurer le fonctionnement du casino au profit de ses membres.Implicitement, ces « consentements » incluent les permis de construction.

  • [57] Pour sa part, la demanderesse soutient que l’accord d’établissement et d’exploitation est sans rapport avec la question de son droit aux permis de construction. Bien que la demanderesse ait produit une copie de l’accord d’établissement et d’exploitation comme pièce à l’affidavit que M. Oshanski a établi sous serment le 10 juin 2004, des objections ont été soulevées quand des questions au sujet de l’entente ont été posées durant les contre-interrogatoires de M. Oshanski et de Mme Castel.

  • [58] Je rejette les arguments de la demanderesse concernant le statut de propriétaire du défendeur et la pertinence de l’accord d’établissement et d’exploitation. Selon la preuve soumise, il semble qu’à la fois la demanderesse et le défendeur avaient dans le passé considéré le défendeur comme le « propriétaire », aux fins d’obtenir des permis de construction. L’accord d’établissement et d’exploitation accorde le droit à la demanderesse de pénétrer sur les terres qui comprennent la réserve Mnjikaning et de présenter la présente demande de contrôle judiciaire. Elle régit sa relation avec le défendeur.

  • [59] Je ne suis pas d’accord avec les arguments de la défenderesse que le statut de « propriétaire » du défendeur n’est pas pertinent à la présente demande. Selon la déclaration de fiducie, telle que modifiée, le défendeur est l’unique propriétaire bénéficiaire de la propriété sur laquelle le casino est situé. Le contrat de fiducie, tel que modifié, doit être interprété et appliqué conformément aux lois de l’Ontario.

  • [60] Le statut de « propriétaire » du défendeur est important en l’espèce, à la lumière de la réparation demandée par la demanderesse. La réparation discrétionnaire d’un mandamus est disponible à l’égard des autorités publiques. Si le défendeur jouit de son statut en vertu du droit privé, il ne peut pas faire l’objet d’une ordonnance de mandamus. La Cour ne peut forcer le défendeur à consentir à la demande de permis de construction s’il a le droit de refuser son consentement.

  • [61] L’accord d’établissement et d’exploitation, la convention de fiducie et diverses autres ententes produites par la demanderesse et le défendeur situent le contexte de la relation entre les parties. Conformément à l’article 17.9 de l’accord d’établissement et d’exploitation, cette entente est régie par l’interprétation conformément aux lois de l’Ontario, et assujettie à celles-ci. Dans la mesure où le statut légal de « propriétaire » du défendeur découle de cette entente, la question devra être tranchée conformément à la loi de l’Ontario et ne relève pas de la compétence de la Cour.

  • [62] Le règlement ne dit rien au sujet du consentement nécessaire du propriétaire pour les rénovations proposées ou les réparations dans le casino. Cette exigence apparaît seulement sur le formulaire de demande de permis de construction. L’accord d’établissement et d’exploitation semble exiger le consentement du défendeur sur certains changements structuraux, comme, par exemple, l’alinéa 3.3 h). Dans la mesure où le droit du défendeur d’accorder ou de refuser le consentement d’une demande de permis de construction relève de l’interprétation de l’accord d’établissement et d’exploitation, il s’agirait là d’une question à trancher devant les cours de l’Ontario plutôt qu’à notre Cour.

  • [63] À mon avis, la Cour n’a pas compétence pour accorder la réparation demandée parce qu’une décision sur les droits légaux de la demanderesse et du défendeur ne peut être rendue sans tenir compte de l’accord d’établissement et d’exploitation et des ententes connexes régissant l’existence et le fonctionnement du casino.

  • [64] De plus, je ne suis pas convaincue que la demanderesse ait démontré avoir respecté les exigences techniques, autrement dit, en fournissant les schémas et les rapports techniques nécessaires. La preuve des préoccupations urgentes en matière de santé et de sécurité contenue dans l’affidavit de M. Harry, est minime.

  • [65] Les arguments de l’intervenante visaient son intérêt à maximiser le revenu du casino afin qu’il soit distribué parmi ses membres. Ces observations ne sont pas pertinentes quant aux droits et aux obligations de la demanderesse et du défendeur. À mon avis, ces arguments n’ont rien à voir avec la question soulevée par la demanderesse dans sa demande de contrôle judiciaire.

 

 

 

 


 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CONCLUSION

 

  • [66] Par conséquent, cette demande de contrôle judiciaire et de mandamus est rejetée, avec dépens en faveur du défendeur.E. Heneghan

  J.F.C.

 

 

OTTAWA, ONTARIO

Le 9 mars 2005

  


 

 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :      T-1127-04

 

INTITULÉ :    CHC CASINOS CANADA LTD. c LE CONSEIL DE BANDE DE LA PREMIÈRE NATION CHIPPEWAS DE MNJIKANING et ONTARIO FIRST NATIONS LIMITED PARTNERSHIP (OFNLP)

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :   TORONTO, ONTARIO

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 14 JUILLET 2004 et LE 4 JANVIER 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET

ORDONNANCE :    LE JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :  Motifs confidentiels de l’ordonnance rendue le 11 FÉVRIER 2005 et motifs publics de l’ordonnance rendue le 9 MARS 2005 

COMPARUTIONS :

 

Mme Bonnie Tough

Mme Kathryn Podrebarac  POUR LA DEMANDERESSE

 

M. Philip Tunley

Mme Christine Lonsdale  POUR LE DÉFENDEUR

 

M. Tycho Manson  POUR L’INTERVENANTE


 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Tough & Podrebarac LLP

Toronto, Ontario    POUR LA DEMANDERESSE

 

McCarthy Tetrault LLP

Toronto, Ontario    POUR LE DÉFENDEUR

 

Torys LLP

Toronto, Ontario    POUR L’INTERVENANTE

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