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Date : 20011224

Dossier : T-2058-01

                                                                                                        Référence neutre : 2001 CFPI 1433

ENTRE :

                                                          SUPERTEK CANADA INC.

                                                           IDEAVILLAGE.COM LLC

                                                                                                                                            demanderesses

                                                                                   

ET :

                                                                 JACQUES GATIEN

                                                 LES PROMOTIONS ATLANTIQUES

                                                INC./ATLANTIC PROMOTIONS INC.

                                                                                                                                                     défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                 Le 17 décembre 2001, j'ai examiné une demande présentée par les demanderesses afin d'obtenir une injonction provisoire contre les défendeurs concernant la vente d'un produit sous l'appellation commerciale « The Perfect Edger » . En peu de mots, il s'agit d'un dispositif à peinture consistant en un petit rouleau muni d'un manche et d'une plaque de plastique amovible servant à peindre avec précision autour des cadres, des arêtes et des détails architecturaux. Le dispositif des demanderesses est vendu sous l'appellation « Edgemaster » .

[2]                 Par une ordonnance datée du 18 décembre 2001, j'ai refusé d'accorder l'injonction demandée.

[3]                 Les deux parties au litige exploitent des entreprises de vente et de distribution d'articles nouveaux que l'on fait généralement connaître au moyen de campagnes de saturation par annonces télévisées.

[4]                 Le produit lui-même n'est protégé ni par un brevet ou ni par un dessin industriel. Les demanderesses l'achètent d'un distributeur américain tandis que les défendeurs se procurent des rouleaux à peinture presque identiques en Extrême-Orient.

[5]                 À l'appui de leur demande d'injonction provisoire, les demanderesses allèguent que les défendeurs, lorsqu'ils ont introduit le produit sur le marché canadien en octobre ou novembre 2001, ont obtenu un certain succès en tirant avantage et en se servant à la fois des retombées liées à la publicité faite aux États-Unis et des annonces télévisées diffusées au Canada qui ont débuté à l'automne 2001. Toute cette publicité a fait connaître le produit au grand public et a contribué à son succès au sein du marché.

[6]                 Les demanderesses font valoir que les défendeurs ont violé l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, lorsqu'ils ont introduit leur produit « The Perfect Edger » sur le marché. Cette disposition est ainsi rédigée :


7. Interdictions - Nul ne peut :

[...]

b) appeler l'attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu'il a commencé à y appeler ainsi l'attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d'un autre.

[7]                 Dans le cadre de la présente requête, la Cour devait se demander s'il y avait lieu ou non de prononcer une injonction. Avant d'accorder une réparation de cette nature, la Cour doit être convaincue que le critère à trois volets énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (P.G.), [1994] 1 R.C.S. 311, 54 C.P.R. (3d) 114, est respecté.

1. Existe-t-il une question sérieuse à juger?

2. La demanderesse subira-t-elle un préjudice irréparable si l'injonction n'est pas accordée?

3. La prépondérance des inconvénients joue-t-elle en faveur du prononcé de l'injonction?

[8]                 Les présents motifs seront brefs principalement parce que, si je devais traiter avec trop de précision des arguments soumis par les demanderesses et les défendeurs, je risquerais fort de résoudre la question fondamentale soulevée en l'espèce alors que je ne dispose pas des éléments de preuve nécessaires à cette fin.


[9]                 Selon les demanderesses, le caractère urgent de la demande tient à l'éventuelle courte durée utile du produit. Cette allégation est contestée par les défendeurs. Bien que ces derniers reconnaissent que les ventes sont susceptibles d'être meilleures pendant la saison estivale, ils donnent à entendre que le produit, s'il est considéré utile, serait certainement offert en vente toute l'année dans les quincailleries et les commerces de peinture.

[10]            Au fond, on avance qu'il s'agit d'une affaire de commercialisation trompeuse et que la façon dont les marchandises des défendeurs sont présentées laisserait croire aux consommateurs qu'il s'agit des marchandises des demanderesses. Comme le dispositif lui-même ne bénéficie pas de la protection offerte par le droit en matière de propriété intellectuelle, les demanderesses affirment que la « présentation » ou l'emballage utilisé par les défendeurs pourrait donner au consommateur final l'impression que les marchandises des défendeurs sont celles des demanderesses.

[11]            J'ai eu l'occasion de regarder la publicité télévisée dans le cadre de la demande d'injonction provisoire et j'ai remarqué qu'elle n'illustrait ni ne représentait l'emballage ou la « présentation » . Aucun élément de preuve n'a été offert quant à la confusion produite au sein des consommateurs.


[12]            Il se peut qu'il existe une question sérieuse à juger, mais les demanderesses n'ont pas réussi à me convaincre qu'elles subiraient un préjudice irréparable. Bien que le président de la société des demanderesses ait allégué que les détaillants auxquels il avait vendu le dispositif se préoccupaient de la situation, rien ne laisse croire qu'ils aient perdu des ventes ou qu'on leur ait retourné le produit.

[13]            Dans la décision Centre Ice Ltd. c. National Hockey League et al., 53 C.P.R. (3d) 34, à la page 48, la Cour fédérale renvoie au principe fondamental applicable aux actions en commercialisation trompeuse :

En matière de passing off, la règle énoncée à l'unanimité par la Cour suprême dans l'affaire Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 289, à la page 315, 95 D.L.R. (4th) 385, [1992] 3 R.C.S. 120, à la page 157, veut que le consommateur final soit pris en compte pour trancher la question de savoir si le délit de passing off a été commis.

[14]            À la page 52, la Cour mentionne ce qui suit relativement au préjudice irréparable :

L'arrêt Cutter a été suivi par l'arrêt Imperial Chemical Industries Co. de 1989 dans lequel la Cour a déclaré : « Il ressort de la jurisprudence de cette Cour que la preuve du préjudice irréparable doit être claire et ne pas tenir de la conjecture » .

[15]            En l'espèce, l'existence d'une confusion, d'une perte d'achalandage ou d'un préjudice irréparable n'est pas mise en preuve et, en l'absence d'une telle preuve, comme la Cour d'appel l'a précisé dans l'arrêt Centre Ice, précité, « même si on démontrait qu'il y a eu perte d'achalandage en raison d'une marque créant de la confusion, on n'aurait pas établi l'existence d'un préjudice irréparable parce que celui qui subirait une telle perte pourrait en être équitablement indemnisé par des dommages-intérêts » .

[16]            La demande d'injonction est refusée.

                                                                                                                                               « P. Rouleau »                              

     Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 24 décembre 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-2058-01

INTITULÉ :                                                    SUPERTEK CANADA INC. ET AL. c.

JACQUES GATIEN ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                           Montréal

DATE DE L'AUDIENCE :                        Le 17 décembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :Le juge Rouleau

DATE DES MOTIFS :                                Le 24 décembre 2001

COMPARUTIONS:

ALLEN ISRAEL

FRANCE LESSARD                                      POUR LES DEMANDERESSES

JEAN TREMBLAY

STÉPHANIE MARIN                                     POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

LAPOINTE ROSENSTEIN

MONTRÉAL                                                   POUR LES DEMANDERESSES

GILBERT SIMARD TREMBLAY

MONTRÉAL                                                   POUR LES DÉFENDEURS

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