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Date : 20020621

Dossier : T-1561-01

Référence neutre : 2002 CFPI 655

Ottawa (Ontario), le 21 juin 2002

EN PRÉSENCE DE Madame le juge Layden-Stevenson

ENTRE :

                                                        HARRY E. CHAPMAN

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                      LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                         défendeur

                     Audience tenue à Frédéricton (Nouveau-Brunswick), le 10 juin 2002.

    Motifs rendus oralement à l'audience à Frédéricton (Nouveau-Brunswick), le 10 juin 2002.

Je requiers que la version révisée ci-jointe de la transcription des motifs de l'ordonnance que j'ai prononcés oralement à l'audience à Frédéricton (Nouveau-Brunswick) le 10 juin 2002 soit déposée, de façon à satisfaire aux dispositions de l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.

« Carolyn A. Layden-Stevenson »

Juge

Ottawa (Ontario),

le 21 juin 2002.


                                                                                                                        Dossier : T-1561-01

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

DISTRICT JUDICIAIRE DE FRÉDÉRICTON

ENTRE :

HARRY E. CHAPMAN

demandeur

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

En présence de Madame le juge Layden-Stevenson

DATE DE L'AUDIENCE : le 10 juin 2002

DATE DE LA DÉCISION : le 10 juin 2002

COMPARUTIONS :

M. Harry Chapman, agissant pour son propre compte

M. John J. Ashley, pour le défendeur


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Layden-Stevenson (oralement)

           Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le ministre du Revenu national a rejeté, le 31 juillet 2001, la demande que M. Chapman avait faite pour qu'il soit renoncé aux pénalités et intérêts à l'égard de son impôt sur le revenu personnel relatif aux années d'imposition 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000. La demande a été faite en vertu de ce qui est communément appelé la « disposition d'équité » de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui figure au paragraphe 220(3.1) de la Loi.

En 1997, le demandeur a commencé à faire face à diverses difficultés personnelles, qui n'ont pas à être ici examinées plus à fond. Ces difficultés ont eu des répercussions importantes sur le revenu du demandeur et sur sa capacité de satisfaire à ses obligations financières. Entre les années 1998 et 2000, M. Chapman a présenté une série de demandes pour qu'il soit renoncé aux pénalités et intérêts à l'égard de son impôt sur le revenu personnel et de ses comptes de TPS et d'OPT pour les années d'imposition 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000.


La demande ici en cause découle d'une demande que M. Chapman a faite le 18 septembre 2000 et d'une autre demande que le représentant de M. Chapman a faite le 29 mars 2001 pour qu'il soit renoncé aux pénalités et intérêts établis à l'encontre de M. Chapman à l'égard de son impôt sur le revenu personnel relatif aux années 1996 à 2000 inclusivement. Par une lettre en date du 31 juillet 2001, le représentant du ministre a informé le demandeur de ce qui suit :

[TRADUCTION] J'ai examiné les renseignements financiers que vous avez fournis et j'ai conclu qu'il n'est pas justifié en ce moment de renoncer aux intérêts pour des raisons d'ordre financier, sauf pour l'année mentionnée dans la lettre. Toutefois, je confirmerai la renonciation pour les arriérés relatifs à l'année 1996, et ce, pour une période d'un an, à compter de la date de la lettre susmentionnée, à savoir le 23 juillet 1999. Cette renonciation est accordée à condition que vous preniez des dispositions immédiatement en vue de payer tous les arriérés impayés.

Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

La compétence de la Section de première instance de la Cour fédérale, pour ce qui est des questions de ce genre, a été définie par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Baron c. Ministre du Revenu national, (1997) 2 C.T.C. 198. Je citerai un passage de cet arrêt :

[...] à l'occasion d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision prise en vertu d'un [...] pouvoir [discrétionnaire], le rôle de la cour de révision ne consiste pas à exercer ce pouvoir à la place de son titulaire. La cour pourra intervenir et annuler la décision visée seulement si celle-ci a été prise de mauvaise foi, si l'instance décisionnelle a manifestement omis de tenir compte de faits pertinents ou tenu compte de faits non pertinents, ou si la décision est erronée en droit.

Les arguments que le demandeur a invoqués lors de l'audition de la demande de contrôle judiciaire se rapportaient au bien-fondé de la demande de réparation; or, il n'appartient pas à la Cour d'examiner le bien-fondé de la demande. Dans son argumentation écrite, le demandeur allègue deux moyens à l'appui du contrôle judiciaire.


Le premier moyen est fondé sur l'équité. Le demandeur n'allègue pas qu'il y a eu manquement à l'équité procédurale, mais il allègue que, puisqu'il a été fait droit à la demande de renonciation aux intérêts et pénalités relative à la TPS et aux OPT, il devrait également être fait droit à sa demande relative à son impôt sur le revenu personnel. La question relative à la TPS et aux OPT a été tranchée par une lettre en date du 31 août 2000, environ onze mois avant que la décision ait été rendue en l'espèce et également avant les demandes que M. Chapman a faites le 18 septembre 2000 et le 29 mars 2001 au sujet de son impôt sur le revenu personnel. Fondamentalement, l'argument est le suivant : le demandeur a fait l'objet d'un traitement différent de la part des divers représentants ministériels et les contradictions existant entre les diverses décisions ont pour effet de rendre inéquitable la décision en date du 31 juillet 2001 concernant l'impôt sur le revenu personnel dont la Cour est ici saisie.

L'avocat du ministre fait remarquer passablement avec raison que la Cour ne dispose d'aucun élément de preuve au sujet des renseignements sur lesquels la décision du représentant ministériel est fondée en ce qui concerne la TPS et les OPT, si ce n'est que le libellé des dispositions de la Loi sur l'accise est semblable à celui de la Loi de l'impôt sur le revenu. Même s'il existait pareils éléments de preuve, les contradictions existant entre les décisions ne constituent pas un motif de contrôle judiciaire.


À cet égard, je mentionnerai la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l'affaire Domtar Inc. c. Québec (Commission d'appel en matière de lésions corporelles), [1993] 2 R.C.S. 756, soit une décision qui me lie. Je citerai en particulier un passage de la décision unanime, dont les motifs ont été rédigés par Madame le juge L'Heureux-Dubé (page 800) :

Si le droit administratif canadien a pu évoluer au point de reconnaître que les tribunaux administratifs ont la compétence de se tromper dans le cadre de leur expertise, je crois que l'absence d'unanimité est, de même, le prix à payer pour la liberté et l'indépendance décisionnelles accordées aux membres de ces mêmes tribunaux. Reconnaître l'existence d'un conflit jurisprudentiel comme motif autonome de contrôle judiciaire constituerait, à mes yeux, une grave entorse à ces principes. Ceci m'apparaît d'autant plus vrai que les tribunaux administratifs, tout comme le législateur, ont le pouvoir de régler eux-mêmes ces conflits. La solution qu'appellent les conflits jurisprudentiels au sein de tribunaux administratifs demeure donc un choix politique qui ne saurait, en dernière analyse, être l'apanage des cours de justice.

En plus de l'arrêt Domtar, il y a un autre arrêt de la Cour suprême du Canada qui me lie, à savoir Shaw Cable Systems (B.C.) Ltd. et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et autres, [1995] 2 R.C.S. 739. Je citerai encore une fois un passage des motifs prononcés par Madame le juge L'Heureux-Dubé (page 770) :

[...] il importe de faire remarquer que la décision d'abandonner la retenue judiciaire n'est justifiée que dans les quelques cas où il existe une véritable incompatibilité opérationnelle dans les décisions administratives. Les tribunaux ne devraient pas se mettre à la recherche de conflits ou en créer artificiellement pour justifier une intervention. Ils ne doivent envisager l'intervention que si un conflit opérationnel réel rend impossible le respect des deux décisions administratives.


Je dirai, au profit du demandeur, que le conflit opérationnel est une situation dans laquelle il est strictement impossible de se conformer aux décisions des deux tribunaux parce que les décisions vont à l'encontre l'une de l'autre et que l'on ne peut pas faire deux choses opposées. Or, tel n'est pas ici le cas.

À mon avis, les remarques que je viens de citer sont déterminantes. Cependant, je note également que les demandes de réparation ont été faites à des moments différents. Les demandes s'appliquent à la même période, mais elles ont été faites à des moments différents. Elles ont été faites en vertu de lois différentes. Les décisions ont été rendues par des représentants ministériels différents et elles portaient des dates différentes. Chaque cas doit être tranché selon les faits qui lui sont propres. Si le représentant ministériel dans ce cas-ci avait simplement mentionné et adopté les conclusions tirées par le représentant ministériel en vertu de la Loi sur l'accise, il limiterait de fait le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la loi. Le premier argument, fondé sur l'équité et sur le fait que les décisions rendues en vertu des différents textes législatifs se contredisent, est donc rejeté.

Selon le deuxième argument, des motifs auraient dû être fournis, des motifs plus détaillés auraient dû être donnés à l'appui du refus. À cet égard, le demandeur se fonde sur le jugement de la Cour suprême du Canada a rendu dans l'affaire Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.


Le demandeur a certes raison de dire que l'arrêt Baker exige que, dans certaines circonstances, des motifs soient donnés, plus précisément lorsque la décision a une grande importance pour la personne concernée, lorsqu'un droit d'appel est prévu par la loi ou dans d'autres circonstances.

Dans l'arrêt Baker, la Cour a reconnu qu'elle ne devrait pas imposer un degré de formalisme procédural qui gênerait indûment l'administration efficace du ministère, et elle a accepté les notes du décideur en tant que motifs de la décision prise par celui-ci. En l'espèce, le dossier du défendeur renferme divers documents au sujet de la demande, y compris le sommaire ministériel de la demande fondée sur l'équité ainsi que les renseignements financiers fournis par le demandeur.

Ces documents, en plus de la lettre du 31 juillet 2001, constituent des motifs suffisants à l'appui de la décision. Il était loisible à M. Chapman de demander la production de ces documents conformément à l'article 317 des Règles de la Cour fédérale (1998). Or, aucune demande de ce genre n'a été faite. Les renseignements figurent de toute façon dans le dossier du défendeur. La décision du représentant ministériel était discrétionnaire et elle était fondée sur des renseignements financiers fournis par le demandeur. En fin de compte, l'argument fondé sur l'omission de donner des motifs est également rejeté et, par conséquent, pour les motifs prononcés ce matin, la demande doit être rejetée.


Étant donné que la Cour peut à sa discrétion adjuger les dépens, je me fonde sur l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire pour refuser de les adjuger.

« Carolyn A. Layden-Stevenson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      T-1561-01

INTITULÉ :                                                                     Harry E. Chapman

c.

le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Frédéricton (Nouveau-Brunswick)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 10 juin 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           Madame le juge Layden-Stevenson

DATE DES MOTIFS :                                                  le 10 juin 2002 (motifs rendus oralement à l'audience)

COMPARUTIONS:

M. Harry E. Chapman                                                     AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE

M. John L. Ashley                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

M. Harry E. Chapman                                                     POUR LE DEMANDEUR

11436, route 105

Kilburn (N.-B.)

E7H 3W2

M. John L. Ashley                                                             POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice du Canada

Bureau régional de l'Atlantique

Bureau 1400, Duke Tower

5251, rue Duke

Halifax (Nouvelle-Écosse)

B3J 1P3

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