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Date : 20000719


Dossier : IMM-4004-99


OTTAWA (ONTARIO), le 19 juillet 2000

DEVANT :      Madame le juge Dawson


ENTRE :


SYED KHURSHID ANWER


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



JUGEMENT


     IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ ET STATUÉ QUE :

     La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.



                             « Eleanor R. Dawson »                                      Juge


Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.




Date : 20000719


Dossier : IMM-4004-99


ENTRE :


SYED KHURSHID ANWER


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DAWSON

[1]      Le demandeur ici en cause, Syed Khurshid Anwer, est un citoyen pakistanais âgé de 50 ans qui a demandé à résider en permanence au Canada à titre de membre de la catégorie des requérants indépendants (parent aidé) en sa qualité d'agronome, de conseiller et de spécialiste en agriculture (Classification nationale des professions 2123).

[2]      Le 5 juillet 1999, Marcel Perron, agent des visas au Haut-commissariat du Canada à Islamabad, Pakistan, a décidé de refuser la demande de M. Anwer. À la suite de cette décision, M. Anwer a présenté cette demande de contrôle judiciaire.

[3]      À la fin des plaidoiries orales, j'ai informé les avocats que, pour les motifs que je prononcerais, la demande de contrôle judiciaire était rejetée. Voici les motifs de ma décision.

LES FAITS

[4]      Lors de l'examen de la demande de visa, M. Anwer n'a obtenu que 65 points d'appréciation, y compris cinq points de prime parce qu'un membre de sa famille était au Canada. Pour que sa demande soit accueillie, il lui manquait donc cinq points sur les 70 points nécessaires.

[5]      L'appréciation par laquelle l'agent des visas n'a attribué à M. Anwer aucun point à l'égard de la personnalité et a attribué 13 points à l'égard des études est ici en cause.

[6]      En ce qui concerne l'appréciation de la personnalité, M. Perron a déclaré ce qui suit dans l'affidavit qu'il a déposé à l'encontre de la demande :

[TRADUCTION]
9.      Le demandeur soutient qu'il aurait dû obtenir des points d'appréciation à l'égard de la personnalité compte tenu de ses études et de son expérience ainsi que du fait qu'il est qualifié dans sa profession, qu'il parle l'anglais couramment et qu'un membre de sa famille est au Canada. Le demandeur a obtenu le nombre maximum de points d'appréciation à l'égard de la profession, de l'expérience, des connaissances linguistiques et il a obtenu cinq points d'appréciation parce qu'un membre de sa famille est au Canada; à mon avis, comme il en a ci-dessus été fait mention, il a obtenu le nombre approprié de points d'appréciation à l'égard des études.
10.      Le demandeur disposait d'un délai de deux ans pour se préparer aux fins de l'entrevue, mais il n'avait pas de connaissances au sujet du Canada et au sujet de ce que le marché du travail pouvait lui offrir. Il a démontré un manque flagrant d'initiative puisqu'il ne savait pas dans quelles régions du Canada il y aurait de bonnes possibilités d'emploi dans son domaine d'expertise. Il voulait plutôt se rendre dans un centre urbain, à Toronto. Il ne connaissait pas les principaux produits agricoles du Canada. De plus, il a démontré un manque d'ingéniosité en ce sens qu'il n'a pas fait d'efforts pour acquérir des connaissances et des compétences lui permettant de mieux s'adapter au marché du travail canadien, par exemple, des connaissances en informatique. Je n'ai pas attribué de points au demandeur à l'égard de la personnalité étant donné qu'à mon avis, puisqu'il a 50 ans et que son expérience est désuète, il aura énormément de difficulté à obtenir un emploi dans la profession envisagée.
11.      À mon avis, le demandeur a démontré, d'une façon générale, qu'il n'avait pas la faculté de s'adapter ainsi qu'un manque de motivation, d'initiative et d'ingéniosité. L'entrevue a été fort difficile en ce sens que le demandeur n'a pas donné de précisions au sujet de ses projets et de ses objectifs; j'ai conclu qu'il voulait uniquement quitter le Pakistan. À mon avis, le demandeur n'était absolument pas prêt à immigrer au Canada à titre de requérant indépendant, compte tenu de son âge, de son expérience désuète et de ses études et il n'était donc pas apte à immigrer; j'ai refusé la demande.

[7]      Cette preuve est conforme aux notes inscrites dans le CAIPS, où il est dit ce qui suit : [TRADUCTION] « Je ne peux pas lui attribuer de points à l'égard de la personnalité étant donné qu'à mon avis, puisqu'il a 50 ans et que son expérience est désuète, il aura énormément de difficulté à obtenir un emploi dans la profession envisagée. »

[8]      Quant à l'appréciation des études effectuées par M. Anwer, l'agent des visas a déclaré ce qui suit dans l'affidavit qu'il a déposé à l'encontre de la demande de contrôle judiciaire :

[TRADUCTION]
7.      Les documents relatifs aux études qui ont été soumis à l'appui de la présente demande laissent planer un doute au sujet de la question de savoir s'ils proviennent de l'université agricole de Mymensingh, au Bangladesh, qui faisait alors partie du Pakistan. Selon ces documents, le demandeur a obtenu son immatriculation lorsqu'il avait 13 ans, son baccalauréat lorsqu'il avait 18 ans et sa maîtrise lorsqu'il avait 19 ans. Étant donné que cela est fort inhabituel, les documents ont été envoyés pour vérification; toutefois, nous n'avons jamais reçu de réponse de Dacca. Nous ne pouvions donc pas apprécier d'une façon concluante les titres du demandeur sur le plan des études. Le demandeur a néanmoins obtenu 13 points d'appréciation puisque son niveau de scolarité semble correspondre au mieux à un baccalauréat.

LES QUESTIONS LITIGIEUSES

[9]      En contestant le refus de l'agent, M. Anwer a affirmé ce qui suit :

1.      En fondant la conclusion relative à la personnalité sur l'expérience désuète et sur l'âge du demandeur, l'agent a effectué un double comptage;
2.      La conclusion selon laquelle M. Anwer ne méritait aucun point sur les dix points possibles à l'égard de la personnalité était abusive ou arbitraire;
3.      L'agent a violé l'obligation d'équité qui lui incombait en omettant de faire connaître les préoccupations qu'il avait au sujet de la formation et des compétences du demandeur, de façon à lui permettre d'apaiser ces préoccupations;
4.      L'agent a commis une erreur en attribuant 13 points à l'égard des études étant donné que le demandeur l'avait informé qu'il détenait un baccalauréat en sciences de trois ans.

ANALYSE

(i)      L'appréciation de la personnalité

[10]      Dans la décision Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1080 (C.F. 1re inst.), le juge Dubé a fait remarquer ce qui suit :

[6] L'appréciation de la personnalité est laissée entièrement au domaine d'expertise de l'agente des visas et ne devrait pas être modifiée, à moins que la conclusion ne soit abusive ou arbitraire ou que l'agente des visas n'ait commis une erreur de droit. Le fait de compter en double de la part de l'agente des visas serait une erreur de droit. Autrement dit, les facteurs déterminés tels que les études, la langue, la demande dans la profession ou un des cinq autres facteurs prévus à l'annexe I qui sont déjà évalués séparément ne peuvent pas être comptés en double lors de l'appréciation de la personnalité du demandeur*(2). Ces facteurs peuvent être pris en considération dans le facteur personnalité, mais seulement dans la mesure où ils permettent de déterminer des qualités du demandeur et notamment sa faculté d'adaptation, sa motivation, son esprit d'initiative et son ingéniosité. Par exemple, le demandeur qui habite un pays anglophone pendant plusieurs années sans y apprendre la langue fait preuve d'une moins grande faculté d'adaptation. Un agent des visas ne commet pas d'erreur en tenant compte des facteurs distincts dans cette optique*(3).
                             [Renvois omis] [Je souligne.]

[11]      L'agent des visas n'a pas été contre-interrogé au sujet de son affidavit. Je retiens le témoignage de l'agent, à savoir qu'étant donné qu'il avait attribué au demandeur le nombre maximum de points d'appréciation à l'égard de la profession, de l'expérience et des connaissances linguistiques, en tenant compte de l'âge, de l'expérience et des études dans le contexte du facteur « personnalité » , il voulait déterminer, comme l'a dit le juge Dubé, des qualités de M. Anwer et notamment sa faculté d'adaptation, sa motivation, son esprit d'initiative, et son ingéniosité.

[12]      Dans l'affidavit qu'il a déposé à l'appui de cette demande, M. Anwer a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]
3.      Dans sa lettre de refus, l'agent ne m'a pas attribué de points à l'égard de la personnalité. Cela m'étonne fortement. Je suis une personne instruite, titulaire d'une maîtrise en sciences agricoles d'une université reconnue, au Pakistan; je travaille comme entomologiste depuis vingt-cinq ans; l'agent des visas a accepté la profession envisagée et m'a attribué le maximum de huit (8) points à l'égard de l'expérience dans ma profession; je dispose d'une somme correspondant à 23 000 $ CAN et j'ai un beau-frère qui réside au Canada; je parle couramment l'anglais à tous les niveaux. Cela étant, je ne puis comprendre pourquoi l'agent des visas ne m'a pas attribué de points sur les dix points qu'il était possible d'attribuer à l'égard de la personnalité.

[13]      Je retiens la prétention de l'avocate du ministre, à savoir qu'en mentionnant ses études, son expérience professionnelle, le fait qu'il parle couramment l'anglais et que son beau-frère réside au Canada, le demandeur cherchait en fait à compter en double ces facteurs sur le plan de la personnalité.

[14]      Étant donné le témoignage non contesté de l'agent des visas, à savoir qu'à son avis, M. Anwer n'était absolument pas prêt à immigrer au Canada à titre de requérant indépendant et qu'il démontrait un [TRADUCTION] « manque flagrant d'initiative » , je ne puis conclure que la décision de l'agent des visas était déraisonnable au point de justifier l'intervention de cette cour.

(ii)      La présumée violation de l'obligation d'équité

[15]      En ce qui concerne l'allégation selon laquelle l'agent des visas n'a pas fait connaître à M. Anwer les préoccupations qu'il avait au sujet de la question de la personnalité, je note qu'à part la preuve susmentionnée figurant dans l'affidavit de M. Perron, la Cour ne dispose d'aucun élément de preuve au sujet de ce qui s'est passé lors de l'entrevue. Dans son affidavit, M. Anwer ne s'est pas plaint du fait qu'on ne lui avait pas permis de répondre aux préoccupations exprimées par M. Perron.

[16]      En outre, selon la jurisprudence de cette cour, et notamment la décision Bara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 992 (C.F. 1re inst.), l'agent des visas n'est pas tenu de faire connaître à la personne qui demande un visa les conclusions préliminaires qu'il tire en se fondant sur les documents mis à sa disposition.

[17]      Je ne puis donc rien trouver dans le dossier qui montre que l'obligation d'équité ait été violée.

(iii)      L'appréciation des études

[18]      Enfin, en ce qui concerne les questions que M. Anwer a soulevées au sujet du fait qu'il avait obtenu 13 points à l'égard des études, la preuve que M. Perron a présentée au paragraphe 7 précité de son affidavit n'a pas été contestée par M. Anwer.

[19]      Eu égard aux circonstances de l'affaire, je ne puis conclure que l'appréciation de l'agent des visas soit déraisonnable au point de justifier une intervention.

[20]      Malgré les savants arguments invoqués par l'avocat de M. Anwer, je ne suis tout simplement pas convaincue que l'agent des visas ait commis une erreur de droit ou que son appréciation des faits soit déraisonnable. Pour ce motif, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[21]      Je suis d'accord avec les avocats des deux parties pour dire que la présente demande ne soulève aucune question de portée générale à certifier.





                             « Eleanor R. Dawson »                                      Juge


Ottawa (Ontario)

Le 19 juillet 2000


Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.



COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :                  IMM-4004-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Syed Khurshid Anwer c. le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

DATE DE L'AUDIENCE :              le 1er juin 2000


LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)


MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE DAWSON EN DATE DU 19 JUILLET 2000.


ONT COMPARU :

Harvey Savage                  pour le demandeur

Cheryl D. Mitchell                  pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Harvey Savage                  pour le demandeur

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


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