Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20020524

Dossier : T-305-00

Référence neutre : 2002 CFPI 599

Ottawa (Ontario), le 24 mai 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                          TELEFONAKTIEBOLAGET LM ERICSSON

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                                            HARRIS CANADA, INC.

                                                                                                                                               défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une requête présentée par la défenderesse Harris Canada, Inc. (l'appelante), interjetant appel de l'ordonnance du protonotaire Lafrenière datée du 25 février 2002. L'appel est formé en vertu de l'article 51 des Règles de la Cour fédérale (1998). Le protonotaire a prononcé une ordonnance disposant notamment :


[traduction] L'intitulé qui précède le paragraphe 1, « (Modifié selon l'article 200 des règles et l'ordonnance de M. Roger Lafrenière datée du 2 janvier 2002) » et les paragraphes 20A, 20B, 20C et 20D de la seconde défense et demande reconventionnelle modifiée de la défenderesse sont radiés sans autorisation de modifier.

   

[2]                 La requête demandait également le redressement suivant :

1.          À titre subsidiaire, une ordonnance prorogeant à dix (10) jours, à compter de la décision sur le présent appel, le délai dans lequel la défenderesse doit produire sa réponse à la défense à la demande reconventionnelle;

2.          Les dépens du présent appel et de la requête devant le protonotaire Lafrenière en faveur de la défenderesse;

3.          Tout autre redressement que la Cour pourra estimer juste.

[3]                 Telefonaktiebolaget LM Ericsson (Ericsson) a intenté l'action, par déclaration datée du 18 février 2000, dans laquelle elle allègue que Harris Canada, Inc. (Harris) a fabriqué, offert en vente, vendu et utilisé des produits de télécommunication numérique sans fil pour les lignes locales d'une manière constitutive de contrefaçon du brevet canadien n ° 2,152,947 (le brevet 947).

[4]                 Le 12 mai 2000, la défense et demande reconventionnelle de Harris, datée du 18 avril 2000, a été signifiée à Ericsson. Cet acte de procédure a été ensuite modifié le 16 mai 2001 (la défense et demande reconventionnelle modifiée).

[5]                 Ericsson a présenté une requête le 12 décembre 2001 en vue d'obtenir une ordonnance de radiation des paragraphes 16 à 20 de la défense et demande reconventionnelle modifiée en faisant valoir que Harris ne s'était pas conformée à une ordonnance du protonotaire adjoint Giles datée du 10 mai 2001. La requête a été plaidée devant le protonotaire Lafrenière qui a prononcé le 2 janvier 2002 une ordonnance disposant notamment :

[traduction] Les paragraphes 16, 17, 18, 19 et 20 de la défense et demande reconventionnelle modifiée de la défenderesse sont radiés sans autorisation de modifier.

   

[6]                 Harris n'a pas interjeté appel de l'ordonnance du protonotaire Lafrenière de janvier 2002.

[7]                 Le 14 janvier 2002, Harris a déposé une seconde défense et demande reconventionnelle modifiée dans laquelle les paragraphes 16 à 20 de la défense et demande reconventionnelle modifiée étaient supprimés, mais quatre paragraphes additionnels numérotés 20A à 20D étaient ajoutés.

[8]                 Ce sont ces paragraphes 20A à 20D dont le protonotaire ordonnait la radiation sans autorisation de modifier le 25 février 2002. L'ordonnance portant radiation de ces paragraphes additionnels est l'objet du présent appel.

[9]                 Les questions en litige

1.          Le protonotaire a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu'il a radié, sans autorisation de modifier, les paragraphes 20A à 20D de la seconde défense et demande reconventionnelle modifiée?

2.          Le protonotaire Lafrenière a-t-il commis une erreur d'appréciation des faits en considérant que les paragraphes 20A à 20D de la seconde défense modifiée constituent une modification des anciens paragraphes 16 à 20 de la première défense modifiée?

3.          Le protonotaire Lafrenière a-t-il commis une erreur dans l'appréciation des actes de procédure en ne reconnaissant pas que les paragraphes 20A à 20D de la seconde défense modifiée formulent un moyen de défense nouveau et distinct à l'allégation de contrefaçon de brevet, par rapport au moyen d'irrecevabilité plaidé aux paragraphes 16 à 20 de la première défense modifiée?                

4.          Le protonotaire Lafrenière a-t-il commis une erreur en appliquant des principes de droit erronés lorsqu'il a décidé que Harris devait obtenir une autorisation avant de modifier sa première défense modifiée, en dépit de l'article 200 des règles et du fait qu'Ericsson n'avait pas encore répondu à la première défense modifiée?

5.          Le protonotaire Lafrenière a-t-il commis une erreur en n'appliquant pas le critère approprié pour apprécier s'il devait radier tout ou partie de la seconde défense modifiée? À cet égard, le protonotaire Lafrenière :

a)          a-t-il omis de prendre en compte qu'il n'est pas clair et évident que les paragraphes 20A à 20D ne révèlent pas de défense valable?


b)          a-t-il omis de prendre en compte que les paragraphes 20A à 20D ne sont pas si clairement futiles qu'ils n'ont pas la moindre chance de réussir?

c)          a-t-il omis d'examiner les conditions exigées par la loi pour un moyen de défense fondé sur la rupture du contrat et de déterminer si les faits exposés aux paragraphes 20A à 20D pouvaient appuyer sa décision?

6.          Le protonotaire Lafrenière a-t-il commis une erreur en radiant les paragraphes 20A à 20D alors que le seul redressement demandé par Ericsson dans son avis de requête était la radiation de la seconde défense modifiée toute entière, au motif que Harris ne se serait pas conformée aux ordonnances antérieures de la Cour, et qu'Ericsson n'avait pas demandé, à titre subsidiaire, la radiation des paragraphes 20A à 20D ni allégué que les allégations de rupture de contrat contenues dans ces paragraphes ne révélaient pas de défense valable?

Les textes applicables

[10]            Le paragraphe 51(1) et l'article 200 des Règles de la Cour fédérale (1998) sont ainsi conçus :

51. (1) L'ordonnance du protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de la Section de première instance.

200. Malgré les règles 75 et 76, une partie peut, sans autorisation, modifier l'un de ses actes de procédure à tout moment avant qu'une autre partie y ait répondu ou sur dépôt du consentement écrit des autres parties.

51. (1) An order of a protonotaire may be appealed by a motion to a judge of the Trial Division.

  

200. Notwithstanding rules 75 and 76, a party may, without leave, amend any of its pleadings at any time before another party has pleaded thereto or on the filing of the written consent of the other parties.


Analyse et décision

[11]            La norme de contrôle

Le principe suivi par la Cour lorsqu'elle contrôle une décision discrétionnaire d'un protonotaire ou juge l'appel à l'encontre d'une telle décision est clairement exposé par le juge McGuigan dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd. [1993] 2 C.F. 425 (C.A.F.) aux pages 462 et 463 :

Je souscris aussi en partie à l'avis du juge en chef au sujet de la norme de révision à appliquer par le juge des requêtes à l'égard des décisions discrétionnaires de protonotaire. Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans v. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski v. Casement (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. div.), le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

  

a) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

  

b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

  

Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.

   

Et aux pages 464 et 465 :


Dans Canada c. « Jala Godavari » (Le) (1991), 40 C.P.R. (3d) 127 (C.A.F.), notre Cour, dans une observation incidente, a énoncé la règle contraire, en mettant l'accent sur la nécessité pour le juge d'exercer son pouvoir discrétionnaire par instruction de novo, par contraste avec la vue qui avait cours à l'époque à la Section de première instance, savoir qu'il ne fallait pas toucher à la décision discrétionnaire du protonotaire sauf le cas d'erreur de droit. Il ne faut pas, à mon avis, interpréter l'arrêt Jala Godavari comme signifiant que la décision discrétionnaire du protonotaire ne doit jamais être respectée, mais qu'elle est subordonnée à l'appréciation discrétionnaire d'un juge si la question visée a une influence déterminante sur l'issue de la cause principale. (L'erreur de droit, bien entendu, est toujours un motif d'intervention du juge, et ne prête pas à controverse).

  

La question se pose donc de savoir quel genre d'ordonnance interlocutoire est en cause en l'espèce. L'appelante engage la Cour à suivre le précédent Stoicevski, mais n'a pas été en mesure d'expliquer que la décision du protonotaire en l'espèce ne portât pas sur une question ayant une influence déterminante sur l'issue du principal. Les conclusions de lord Wright comme du juge Lacourcière, J.C.A., soulignent le contraste entre « les questions de procédure courantes » (lord Wright) et « la modification sans importance des actes de procédure » (le juge Lacourcière, J.C.A.) [non mis en italique dans le texte] d'une part, et les questions ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause principale, c'est-à-dire sa solution, de l'autre.

  

La matière soumise en l'espèce au protonotaire peut être considérée comme interlocutoire seulement parce qu'il a prononcé en faveur de l'appelante. Eût-il prononcé en faveur de l'intimée, sa décision aurait résolu définitivement la cause; voir P-G du Canada c. S.F. Enterprises Inc. et autre (1990), 90 D.T.C. 6195 (C.A.F.) aux pages 6197 et 6198; Ainsworth v. Bickersteth et al., [1947] O.R. 525 (C.A.). Il me semble qu'une décision qui peut être ainsi soit interlocutoire soit définitive selon la manière dont elle est rendue, même si elle est interlocutoire en raison du résultat, doit néanmoins être considérée comme déterminante pour la solution définitive de la cause principale. Autrement dit, pour savoir si le résultat de la procédure est un facteur déterminant de l'issue du principal, il faut examiner le point à trancher avant que le protonotaire ne réponde à la question, alors que pour savoir si la décision est interlocutoire ou définitive (ce qui est purement une question de forme), la question doit se poser après la décision du protonotaire. Il me semble que toute autre approche réduirait la question de fond de « l'influence déterminante sur l'issue du principal » à une question purement procédurale de distinction entre décision interlocutoire et décision définitive, et protégerait toutes les décisions interlocutoires contre les attaques (sauf le cas d'erreur de droit).

   

[12]            Dans la présente requête, l'appel porte sur la radiation par le protonotaire de paragraphes dans la seconde défense et demande reconventionnelle modifiée. Comme la décision du protonotaire pouvait statuer soit sur un moyen de défense soit sur une prétention de la demanderesse, je conclus que la question soulevée touche l'issue du principal. J'exercerai donc mon pouvoir discrétionnaire de novo.

[13]            Questions 1 et 2

Le protonotaire a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu'il a radié, sans autorisation de modifier, les paragraphes 20A à 20D de la seconde défense et demande reconventionnelle modifiée?

Le protonotaire Lafrenière a-t-il commis une erreur d'appréciation des faits en considérant que les paragraphes 20A à 20D de la seconde défense modifiée constituent une modification des anciens paragraphes 16 à 20 de la première défense modifiée?

Je traiterai des questions 1 et 2 ensemble. Le protonotaire, dans son ordonnance datée du 2 janvier 2002, a ordonné que les paragraphes 16, 17, 19 et 20 de la défense et demande reconventionnelle modifiée de la défenderesse soient radiés sans autorisation de modifier. Les paragraphes 16, 17, 18, 19 et 20 sont ainsi conçus :

[traduction]

16.            À titre subsidiaire, si les revendications 16 à 20 et 26 à 28 du brevet 947 ne sont pas invalides et qu'il est jugé qu'elles ont été contrefaites (ce qui n'est aucunement admis), Harris plaide que, pour les motifs indiqués ci-dessous, Ericsson est empêchée de demander des réparations contre Harris, notamment sous forme de dommages-intérêts, de restitution de bénéfices et de remise.

  

17.            La TIA et le TDMA Forum sont des associations professionnelles s'occupant de l'élaboration et de l'établissement de normes techniques pour permettre à l'équipement de télécommunications (notamment de systèmes de radiocommunications cellulaires) de divers fabricants d'interopérer. À toutes les époques pertinentes, le secteur des télécommunications au Canada participait et participe de façon importante aux activités de la TIA et du TDMA Forum, et les normes élaborées par ces deux organismes sont largement suivies par le secteur des télécommunications au Canada. À toutes les époques pertinentes, la TIA et le TDMA Forum ont appliqué les politiques suivantes concernant les droits de brevet dans l'élaboration de normes :

  

a)              Une politique de divulgation anticipée demandant à ceux qui ont fait un apport dans l'élaboration d'une norme de divulguer à l'organisme normalisateur s'ils ont connaissance de droits de brevet qui peuvent être essentiels à la norme en cours d'élaboration.


b)             Une politique de licence demandant aux participants qui détiennent des droits de brevet essentiels à l'exécution d'une norme provisoire ou mise en forme définitive de consentir à ce que des licences soient accordées aux autres sur ces brevets à des conditions raisonnables et non discriminatoires.

  

c)              À toutes les époques pertinentes, Ericsson était au courant des politiques susmentionnées.

  

18.            Harris déclare qu'Ericsson a contribué l'invention alléguée, décrite et revendiquée dans les revendications 16 à 20 et 26 à 28 du brevet 947, à l'élaboration des normes IS-54 Revision C et IS-136 et que, par conséquent, l'invention alléguée fait partie de ces normes.

  

19.            Harris déclare également qu'Ericsson n'a pas divulgué ses droits de brevet à l'égard de l'invention alléguée décrite et revendiquée dans les revendications 16 à 20 et 26 à 28 du brevet 947 aux organismes normalisateurs dirigeant le secteur des télécommunications au Canada et que, par là, elle a amené Harris à croire et à agir sur le fondement de la croyance que les normes IS-54 Revision C et IS-136 étaient des normes « ouvertes » , non assujetties à des droits exclusifs. Harris plaide donc qu'Ericsson est empêchée de demander des réparations contre Harris. Notamment, Harris déclare que, pour les motifs plaidés, Ericsson est empêchée d'obtenir une injonction permanente, des dommages-intérêts ou la restitution des bénéfices et la remise des produits qui contreferaient le brevet 947 s'il était valide.

  

20.            À titre subsidiaire, Harris déclare que, si Ericsson avait fait les déclarations voulues aux organismes normalisateurs susmentionnés, Ericsson aurait consenti à accorder aux autres des licences à l'égard de l'invention alléguée décrite et revendiquée dans les revendications 16 à 20 et 26 à 28 du brevet 947 à des conditions raisonnables et non discriminatoires. En fin de compte, Harris se fonde sur le fait que ces déclarations ont été faites aux organismes normalisateurs susmentionnés et déclare qu'Ericsson est empêchée de demander des réparations contre Harris. Notamment, Harris déclare que, pour les motifs plaidés, Ericsson est empêchée d'obtenir une injonction permanente, la restitution des bénéfices et la remise des produits qui contreferaient le brevet 947 s'il était valide.

   

[14]            Les paragraphes pertinents de la seconde défense et demande reconventionnelle modifiée sont ainsi conçus :

[traduction]

16.            Supprimé.

  

17.            Supprimé.


18.            Supprimé

19.            Supprimé.

20.            Supprimé.

  

20A.         À titre subsidiaire, si les revendications 16 à 20 et 26 à 28 du brevet 947 ne sont pas invalides et qu'il est jugé qu'elles ont été contrefaites (ce qui n'est aucunement admis), Harris plaide que, pour les motifs indiqués ci-dessous, Ericsson est empêchée de demander des réparations contre Harris ou que, à titre subsidiaire, le droit à réparation d'Ericsson est limité à une redevance de licence raisonnable.

  

20B.         La TIA et le TDMA Forum sont des associations professionnelles s'occupant de l'élaboration et de l'établissement de normes techniques pour permettre à l'équipement de télécommunications (notamment de systèmes de radiocommunications cellulaires) de divers fabricants d'interopérer. À toutes les époques pertinentes, le secteur des télécommunications au Canada participait et participe de façon importante aux activités de la TIA et du TDMA Forum, et les normes élaborées par ces deux organismes sont largement suivies par le secteur des télécommunications au Canada. À toutes les époques pertinentes, la TIA et le TDMA Forum ont appliqué les politiques suivantes concernant les droits de brevet dans l'élaboration de normes :

a)              Une politique de divulgation anticipée demandant à ceux qui ont fait un apport dans l'élaboration d'une norme de divulguer à l'organisme normalisateur s'ils ont connaissance de droits de brevet qui peuvent être essentiels à la norme en cours d'élaboration.

b)             Une politique de licence demandant aux participants qui détiennent des droits de brevet essentiels à l'exécution d'une norme provisoire ou mise en forme définitive de consentir à ce que des licences soient accordées aux autres sur ces brevets à des conditions raisonnables et non discriminatoires.

c)              À toutes les époques pertinentes, Ericsson était au courant des politiques susmentionnées.

20C.         Harris déclare qu'Ericsson a contribué l'invention alléguée, décrite et revendiquée dans les revendications 16 à 20 et 26 à 28 du brevet 947, à l'élaboration des normes IS-54 Revision C et IS-136 et que, par conséquent, l'invention alléguée fait partie de ces normes.


20D.         Harris déclare également qu'Ericsson n'a pas divulgué ses droits de brevet à l'égard de l'invention alléguée décrite et revendiquée dans les revendications 16 à 20 et 26 à 28 du brevet 947 à la TIA et au TDMA Forum. Harris plaide donc qu'Ericsson, en n'informant pas la TIA et le TDMA Forum ou leurs membres du fait qu'elle avait des droits de brevet qui pouvaient être essentiels à la norme correspondante, a consenti à accorder aux autres, et notamment à Harris, sans redevances, une licence à l'égard de l'invention alléguée décrite et revendiquée dans le brevet 947. À titre subsidiaire, Harris plaide que le droit à réparation d'Ericsson est limité à une redevance de licence raisonnable. Notamment, Harris déclare que, pour les motifs plaidés, Ericsson est empêchée d'obtenir une injonction permanente, des dommages-intérêts ou la restitution des bénéfices et la remise des produits qui contreferaient le brevet 947 s'il était valide.


[15]            Je suis d'avis que le protonotaire n'a pas commis d'erreur sur ces questions. L'examen de l'ordonnance du 2 janvier 2002 montre que le protonotaire Lafrenière a ordonné que les paragraphes 16, 17, 18, 19 et 20 de la défense et demande reconventionnelle modifiée soient radiés sans autorisation de modifier. Le protonotaire a également ordonné à la défenderesse de déposer un acte de procédure modifié dans lequel les paragraphes 16, 17, 18, 19 et 20 de la nouvelle défense et demande reconventionnelle seraient radiés. Je suis d'avis que les paragraphes 20A, 20B, 20C et 20D sont très semblables aux anciens paragraphes 16, 17, 18, 19 et 20. De l'examen des nouveaux paragraphes, il ressort que le paragraphe 17 est identique au paragraphe 20B et que le paragraphe 18 est identique au paragraphe 20C. Essentiellement, la défenderesse allègue qu'Ericsson a rompu un contrat ou a contrevenu aux lignes directrices des politiques, de sorte qu'elle ne peut recevoir que des redevances, et non des dommages-intérêts, pour la contrefaçon. À mon sens, que la défenderesse fonde sa défense sur la rupture de contrat par la demanderesse ou sur le fait que la demanderesse n'a droit qu'à des redevances, cela se ramène au moyen d'irrecevabilité qui a été radié par le protonotaire le 2 janvier 2002. Si la défenderesse n'était pas d'accord avec la radiation du moyen d'irrecevabilité, il lui était loisible de porter la décision en appel, mais elle ne l'a pas fait. L'ordonnance du protonotaire prononcée le 2 janvier 2002 a simplement radié le moyen d'irrecevabilité aux paragraphes 16, 17, 18, 19 et 20 et ordonné à la défenderesse de déposer une défense modifiée sans ces paragraphes. Elle n'accordait pas d'autorisation générale de modification et je conclus que la défenderesse a modifié les paragraphes radiés en déposant les paragraphes 20A, 20B, 20C et 20D.

[16]            Question 3

Le protonotaire Lafrenière a-t-il commis une erreur dans l'appréciation des actes de procédure en ne reconnaissant pas que les paragraphes 20A à 20D de la seconde défense modifiée formulent un moyen de défense nouveau et distinct à l'allégation de contrefaçon de brevet, par rapport au moyen d'irrecevabilité plaidé aux paragraphes 16 à 20 de la première défense modifiée?

Comme je l'ai indiqué ci-dessus, le nouveau moyen de défense de la défenderesse semble fondé sur la rupture de contrat ou la contravention aux politiques par la demanderesse. À mon sens, ce moyen de défense est le même que le moyen d'irrecevabilité qui avait été radié par le protonotaire. Il en est de même dans le cas de l'argument sur les redevances. Ce moyen est opposé à la demande de dommages-intérêts pour contrefaçon formulée par la demanderesse. Le moyen de défense présenté aux paragraphes 20A, 20B, 20C et 20D est le moyen d'irrecevabilité qui avait été radié. Le protonotaire n'a donc pas commis d'erreur à cet égard.

[17]            Question 4

Le protonotaire Lafrenière a-t-il commis une erreur en appliquant des principes de droit erronés lorsqu'il a décidé que Harris devait obtenir une autorisation avant de modifier sa première défense modifiée, en dépit de l'article 200 des règles et du fait qu'Ericsson n'avait pas encore répondu à la première défense modifiée?


L'article 200 des Règles de la Cour fédérale (1998) ne doit pas s'interpréter de manière à permettre à une partie d'effectuer des modifications sans autorisation et de rétablir dans un acte de procédure un paragraphe semblable à celui que la Cour a radié. Une fois qu'une partie d'un acte de procédure a été radiée par le protonotaire, la façon de procéder appropriée pour la partie qui est en désaccord avec la décision du protonotaire est de porter cette décision en appel, non de simplement déposer un acte de procédure dans lequel la partie radiée est reformulée.

[18]            Question 5

Le protonotaire Lafrenière a-t-il commis une erreur en n'appliquant pas le critère approprié pour apprécier s'il devait radier tout ou partie de la seconde défense modifiée? À cet égard, le protonotaire Lafrenière :

a)          a-t-il omis de prendre en compte qu'il n'est pas clair et évident que les paragraphes 20A à 20D ne révèlent pas de défense valable?

b)          a-t-il omis de prendre en compte que les paragraphes 20A à 20D ne sont pas si clairement futiles qu'ils n'ont pas la moindre chance de réussir?

c)          a-t-il omis d'examiner les conditions exigées par la loi pour un moyen de défense fondé sur la rupture du contrat et de déterminer si les faits exposés aux paragraphes 20A à 20D pouvaient appuyer sa décision?


J'ai examiné le dossier de requête de la demanderesse pour l'audience du 11 février 2002 qui a conduit au prononcé de l'ordonnance du protonotaire du 25 février 2002. Le fondement de la requête semble être que l'acte de procédure en question était scandaleux, frivole ou vexatoire (alinéa 221(1)c) des règles) et que les paragraphes modifiés de l'acte de procédure constituaient autrement un abus de procédure (alinéa 221(1)f) des règles). Je conviens avec la demanderesse que le critère appliqué pour déterminer si des actes de procédure doivent être radiés selon l'alinéa 221(1)f) des règles n'est pas le même que le critère appliqué dans le cas d'une requête en radiation fondée sur l'alinéa 221(1)a) des règles. La demanderesse a déclaré que le critère était qu'un acte de procédure ne devrait être radié que s'[traduction] « il est clair et évident, de façon indubitable, qu'il ne révèle aucune cause d'action ou défense valable » . En l'espèce, pour demander la radiation des paragraphes en question, on se fondait sur le fait qu'ils ne respectaient pas les conditions de l'ordonnance du protonotaire Lafrenière datée du 2 janvier 2002. Pour cette raison, la question de la cause d'action ou défense valable ne se pose pas. Ce qui est en jeu, c'est la capacité de la Cour d'exercer son contrôle sur la procédure. Si tout ou partie d'un acte de procédure contrevient à une ordonnance antérieure de la Cour portant sur cet acte de procédure, la partie en cause doit être radiée. C'est ce que le protonotaire a fait en l'espèce et je ne puis conclure qu'il a commis une erreur à cet égard.

[19]            En ce qui concerne les points b) et c) ci-dessus, je conclus que le protonotaire n'a pas commis d'erreur dans son ordonnance du fait de ces éléments.

[20]            Question 6


Le protonotaire Lafrenière a-t-il commis une erreur en radiant les paragraphes 20A à 20D alors que le seul redressement demandé par Ericsson dans son avis de requête était la radiation de la seconde défense modifiée toute entière, au motif que Harris ne se serait pas conformée aux ordonnances antérieures de la Cour, et qu'Ericsson n'avait pas demandé, à titre subsidiaire, la radiation des paragraphes 20A à 20D ni allégué que les allégations de rupture de contrat contenues dans ces paragraphes ne révélaient pas de défense valable?

La demanderesse a demandé que la seconde défense et demande reconventionnelle modifiée toute entière soit radiée, mais le protonotaire Lafrenière n'a radié que les nouveaux paragraphes 20A, 20B, 20C et 20D et l'intitulé précédant le paragraphe 1. La défenderesse fait valoir que le protonotaire ne pouvait pas simplement radier des parties de l'acte de procédure, mais n'avait que le pouvoir de radier l'acte de procédure tout entier, ainsi que le demandait la demanderesse. Je ne puis souscrire à cette position. Le protonotaire n'a pas commis d'erreur en ne radiant que les paragraphes 20A, 20B, 20C et 20D et l'intitulé précédant le paragraphe 1. Même si l'on demande de radier un acte de procédure tout entier, la Cour peut choisir, me semble-t-il, de ne radier que les parties de l'acte de procédure qui sont jugées inacceptables.

[21]            Les dépens de la requête sont adjugés à la demanderesse.

ORDONNANCE

[22]            La requête (appel) de la défenderesse est rejetée, avec dépens en faveur de la demanderesse.

                                                                                 « John A. O'Keefe »             

                                                                                                             Juge                          

Ottawa (Ontario)

24 mai 2002

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


  

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

   

Date : 20020524

Dossier : T-305-00

ENTRE :

TELEFONAKTIEBOLAGET LM ERICSSON

                                                   demanderesse

                                     et

             HARRIS CANADA, INC.

                                                    défenderesse

                                                                                                      

   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

   

                                                                                                      


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                     T-305-00                                          

INTITULÉ :                                    TELEFONAKTIEBOLAGET LM ERICSSON

                                                                 - et -

HARRIS CANADA, INC.            

LIEU DE L'AUDIENCE :            Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le lundi 25 mars 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE O'KEEFE     

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE :       Le vendredi 24 mai 2002

COMPARUTIONS :

M. Darren Noseworthy                                                    POUR LA DEMANDERESSE

M. Patrick Kierans

Mme Vera Rastogi                                                              POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy Renault                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Royal Trust Tower, TD Centre

Bureau 2100, B.P. 141

Toronto (Ontario)

M5K 1H1

Blake, Cassels & Graydon                                                POUR LA DÉFENDERESSE

2800 - 199 Bay Street

B.P. 25, Commerce Court West

Toronto (Ontario)

M5L 1A9

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.