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Date : 20050823

Dossier : IMM-6159-04

Référence : 2005 CF 1150

ENTRE :

FARID ROSTAM KAFAHSHI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SIMPSON

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision (la décision) d'un agent d'immigration (l'agent) de rejeter, en date du 21 juin 2004, la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d'ordre humanitaire présentée par le demandeur.

LES FAITS

[2]                Le demandeur, qui est âgé de 41 ans, vient d'Iran. Il est entré au Canada le 18 septembre 1997 et a revendiqué le statut de réfugié. Sa revendication a été rejetée le 11 août 1999. Il a présenté une première demande pour des motifs d'ordre humanitaire le 23 mai 2000; cette demande a été rejetée le 26 mars 2003.

[3]                Le demandeur a présenté une deuxième demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire le 17 octobre 2003. Des observations additionnelles ont été déposées, mais cette demande a été rejetée le 21 juin 2004. C'est ce rejet qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire.

[4]                Le demandeur habite avec ses parents à Pitt Meadows (Colombie-Britannique), dans une maison appartenant à son frère (le frère). Le père du demandeur, qui est âgé de 73 ans, se remet d'une intervention chirurgicale cardiaque et est également traité pour un mélanome. La mère du demandeur est âgée de 63 ans. Le frère, qui a parrainé la demande d'immigration de ses parents au Canada, habite et travaille maintenant aux États-Unis.

[5]                Le demandeur soutient que c'est surtout lui qui s'occupe de ses parents. Ces derniers ne parlent pas anglais. Le demandeur les conduit là où ils veulent aller et fait de la traduction pour eux. Il prend soin de son père pendant sa convalescence.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[6]                L'agent a rappelé que les parents avaient été parrainés par le frère et que ce dernier avait la responsabilité légale de subvenir à leurs besoins. Il a constaté que cet homme était parti vivre aux États-Unis de son plein gré et qu'il avait travaillé avec succès au Canada avant son départ. Il a conclu que la décision du frère de travailler près de Seattle ne devait pas avoir d'incidence sur la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire.

[7]                L'agent a aussi souligné que la preuve relative à la situation de la mère du demandeur était mince et qu'elle indiquait seulement que celle-ci avait eu récemment un accident d'automobile. Il a conclu que la mère détenait un permis de conduire et qu'elle serait en mesure de prendre soin du père. Pour ces motifs, l'agent n'était pas convaincu qu'un lien entre les besoins des parents du demandeur et la présence de celui-ci avait été établi.

[8]                L'agent a conclu que le demandeur ne subirait pas de difficultés excessives ou indues s'il devait retourner en Iran. Le demandeur n'est pas à la charge de ses parents, il trouverait probablement un emploi de comptable ou de teneur de livres et il bénéficierait du soutien de sa soeur.

[9]                L'agent a également reconnu que le demandeur était établi au Canada. Le demandeur travaille dans un restaurant McDonald depuis décembre 1999. Il a des placements, a fait du bénévolat et a pris des cours d'anglais et de comptabilité. L'agent a toutefois considéré qu'un tel degré d'établissement était normal pour une personne se trouvant dans la situation du demandeur et qu'il ne l'obligeait pas à accueillir la demande.

[10]            L'agent a fait remarquer que les choix s'offrant au demandeur en ce qui concerne son immigration au Canada pourraient être limités, car il ne remplirait probablement pas les conditions applicables à la catégorie du regroupement familial ou à la catégorie des immigrants indépendants. Il a toutefois conclu que cette situation ne constituait pas une difficulté particulière ou excessive.

LA NORME DE CONTRÔLE

[11]            Les parties ont convenu que la norme de contrôle qui s'applique en l'espèce est celle de la décision raisonnable simpliciter.

LES PRÉTENTIONS

(i)                     La possibilité, pour le frère, de travailler au Canada

[12]            Le demandeur dit que l'agent a commis une erreur lorsqu'il a conclu que son frère pourrait quitter son emploi aux États-Unis et travailler au Canada. Il prétend que l'agent ne disposait d'aucune preuve indiquant que son frère avait déjà travaillé avec succès au Canada ou qu'il pourrait s'établir à nouveau avec succès dans ce pays.

[13]            Le défendeur soutient qu'en l'absence de preuve contraire il est tout à fait raisonnable de s'attendre à ce que le frère soit en mesure de trouver du travail au Canada. La preuve indiquait que celui-ci menait une carrière fructueuse de formateur au sein d'entreprises de haute technologie, qu'il avait obtenu une maîtrise d'une université canadienne et qu'il avait travaillé avec succès à différentes époques aux États-Unis et au Canada. Le défendeur souligne que des inconvénients ne sont pas suffisants pour causer des difficultés. Il soutient que le demandeur demande simplement à la Cour d'apprécier à nouveau la preuve présentée à l'agent.

(ii)                    La possibilité, pour la mère, de s'occuper du père

[14]            Le demandeur dit que la preuve n'indiquait pas que sa mère conduisait le véhicule lors de l'accident ou qu'elle détenait un permis de conduire. Selon lui, l'agent s'est fondé sur de simples suppositions pour tirer cette conclusion.

[15]            Le défendeur répond que l'agent n'est pas tenu d'explorer des faits qui ne sont pas soulevés par le demandeur. Comme la preuve n'indiquait pas que la mère ne pouvait pas s'occuper du père, il était raisonnable que l'agent conclue qu'elle pouvait le faire. Le défendeur soutient également que la preuve indiquait que la mère détenait un permis de conduire au moment de l'accident.

(iii)                   L'impossibilité, pour le père, de voyager

[16]            Le demandeur soutient que l'agent a omis de tenir compte des difficultés qui seraient causées à ses parents étant donné que la preuve montre clairement que son père est trop malade et âgé pour rendre visite au demandeur en Iran. Le demandeur ajoute que l'agent ne s'est jamais demandé si l'incapacité de voyager du père, qui rendrait permanente dans les faits sa séparation avec ses parents, constitue une difficulté particulière.

[17]            Le défendeur soutient que la question à se poser, dans le cas d'une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, n'est pas celle de savoir s'il y aura d'autres solutions permettant de réunir la famille, mais plutôt celle de savoir si la procédure d'immigration habituelle entraînera des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

(iv)                    La carrière du frère

[18]            Le demandeur dit que l'agent a commis une erreur lorsqu'il a déclaré que [traduction] « la carrière du frère n'est pas en cause en l'espèce... » . Selon lui, cette déclaration révèle que l'agent a commis une erreur de droit, car il est tenu de prendre en considération les difficultés causées aux membres de la famille proche.

            (v)                     La réunification de la famille

[19]            Le demandeur dit que l'agent a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l'objet de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), et d'autres instruments internationaux signés par le Canada.

[20]            Le demandeur cite les passages suivants de la Loi :

3. (1) En matière d'immigration, la présente loi a pour objet :

[...]

d) de veiller à la réunification des familles au Canada;

[...]

(3) L'interprétation et la mise en oeuvre de la présente loi doivent avoir pour effet :

[...]

f) de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l'homme dont le Canada est signataire.

3. (1) The objectives of this Act with respect to immigration are

. . .

(d) to see that families are reunited in Canada;

. . .

(3) This Act is to be construed and applied in a manner that

. . .

(f) complies with international human rights instruments to which Canada is signatory.

[21]            Le demandeur rappelle en outre que le Canada est l'un des signataires du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dont l'article 10 prévoit notamment :

      Une protection et une assistance aussi larges que possible doivent être accordées à la famille, qui est l'élément naturel et fondamental de la société, ...

[22]            Le demandeur invoque en outre l'article 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont le Canada est l'un des signataires :

        La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'Etat.

[23]            Le défendeur répond que l'agent n'est pas tenu de faire mention de tous les aspects de l'objet de la Loi dans une décision.

LES CONCLUSIONS

[24]            À mon avis, l'agent n'a pas commis d'erreur en concluant que le fait que le frère travaillait aux États-Unis ne devait pas avoir une incidence sur la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. Le frère est tenu, en raison de son engagement d'aider les membres de la catégorie du regroupement familial, de fournir à ses parents, entre autres, les services dont ils ont besoin quotidiennement. L'engagement n'oblige toutefois pas le frère à vivre au Canada. Il peut simplement embaucher des fournisseurs de soins au besoin. L'agent ne disposait d'aucune preuve indiquant que la mère était en mesure de s'occuper du père. L'agent a cependant déterminé à juste titre, sur la foi du rapport d'accident contenu dans le dossier du demandeur, que la mère du demandeur détenait un permis de conduire.

[25]            La conclusion de l'agent selon laquelle le frère pourrait se trouver du travail au Canada s'il le voulait était tout à fait raisonnable. Il n'y a aucune raison de croire qu'un formateur au sein d'entreprises de haute technologie ne pourrait pas se trouver du travail à Vancouver. L'agent a peut-être commis une erreur en se fiant au fait que le frère avait eu une courte carrière de professeur au Canada pour évaluer ses débouchés, mais, à mon avis, il s'agit d'une erreur sans importance. Ce qui compte, c'est que le frère peut se trouver un emploi au Canada.

[26]            Le fait que le demandeur puisse ne pas être en mesure de revenir au Canada et d'y demeurer en permanence et le fait que son père puisse ne pas être capable de se rendre en Iran n'empêchent pas les réunions familiales. Rien n'empêche le demandeur de venir au Canada ou de prendre des vacances avec ses parents dans un pays situé plus près du Canada que l'Iran. Avant de passer à une autre question, je dois mentionner que la preuve n'indiquait pas que la capacité de voyager du père était limitée.

[27]            Finalement, les parents du demandeur ont choisi de laisser ce dernier, qui avait atteint l'âge adulte à l'époque, en Iran lorsqu'ils sont venus au Canada. Il faut présumer qu'ils savaient que leur fils ne pourrait peut-être pas acquérir un statut au Canada. Dans ces circonstances, il n'était pas nécessaire que l'agent traite de l'objet de la Loi et des pactes internationaux.

CONCLUSION

[28]            Pour tous les motifs exposés ci-dessus, la demande sera rejetée.

« Sandra J. Simpson »

Juge           

Ottawa (Ontario)

Le 23 août 2005

Traduction certifiée conforme

D. Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-6159-04

INTITULÉ :                                                    FARID ROSTAM KAFAHSHI

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 24 MARS 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LA JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 23 AOÛT 2005

COMPARUTIONS :

Shane Molyneaux                                              POUR LE DEMANDEUR

Benton J. Mischuk                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shane Molyneaux                                              POUR LE DEMANDEUR

Elgin, Cannon & Associates

Vancouver (C.-B.)

John H. Sims, c.r.                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice - Vancouver


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