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Date : 20020213

Dossier : IMM-5309-00

Référence neutre : 2002 CFPI 163

Ottawa (Ontario), le 13 février 2002

EN PRÉSENCE de Madame le juge Dawson

ENTRE :

                                             IRINA LEVIEVA et ELIA ZAGREEV, par

l'entremise de sa représentante, Irina Levieva

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]                 Irina Levieva est la mère d'Elia Zagreev, un mineur. Ils sont tous deux arrivés au Canada en provenance d'Israël le 9 avril 2000 et, le 30 mai 2000, ils ont présenté des revendications du statut de réfugié au sens de la Convention. La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision datée du 18 septembre 2000 par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SSR) a conclu au désistement de leurs revendications.


LES FAITS

[2]                 Le 9 août 2000, les demandeurs ont été convoqués à une audience relative au désistement d'une revendication. Mme Levieva s'est présentée à l'audience, sans son fils, et elle a informé la SSR qu'elle n'avait pas encore reçu sa « trousse à l'intention des réfugiés » dans laquelle se trouve le formulaire de renseignements personnels (FRP). Elle a expliqué que la trousse avait été retournée par erreur à Citoyenneté et Immigration Canada plutôt qu'elle n'avait été reçue à l'adresse d'expédition.

[3]                 La SSR avait alors informé Mme Levieva qu'elle aurait dû se présenter avec son fils, lui a remis deux trousses, l'a fortement encouragée à retenir sans délai les services d'un avocat et a accordé 28 jours aux demandeurs pour remplir leurs FRP. On a donné à Mme Levieva l'avertissement qui suit :

[TRADUCTION]

La procédure de désistement subsiste, ce qui veut dire que si vous ne vous acquittez pas de vos obligations [...] en remplissant le FRP dans les 28 jours, on conclura qu'il y a eu désistement et votre revendication sera écartée [...] sera hors du processus.

[4]                 Les dernières paroles du président de l'audience ont été les suivantes :

[TRADUCTION]

Et n'oubliez pas [...] que vous devez remettre les FRP d'ici 28 jours.

[5]                 Un deuxième « Avis de convocation à une audience relative au désistement d'une revendication » a été signifié à Mme Levieva, lui enjoignant ainsi qu'à son fils de se présenter devant la SSR le 6 septembre 2000 pour la poursuite de la procédure de désistement.

[6]                 Mme Levieva et son fils se sont présentés comme il leur avait été demandé. À l'audience, Mme Levieva a expliqué qu'elle n'avait pas encore rempli son FRP parce qu'elle avait dû s'occuper de son déménagement de Montréal à Mississauga et prendre des arrangements en vue d'examens médicaux, qu'elle avait souffert de maux de dos débilitants pendant environ une semaine et qu'elle avait cherché un avocat. Elle a produit une lettre du Bureau pour les droits des réfugiés de Toronto, ainsi qu'une lettre de son conseil, demandant que le délai imparti pour déposer le FRP soit prolongé de trois semaines et que l'affaire soit entendue à Toronto plutôt qu'à Montréal. Ces lettres faisaient voir que Mme Levieva avait demandé le 31 août 2000 à obtenir des services d'aide juridique.

[7]                 Après avoir entendu ces explications et une courte suspension de l'audience, la SSR a conclu, en vertu de l'alinéa 69.1(6)c) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), au désistement des revendications. Voici le libellé de cet alinéa :



69.1(6) La section du statut peut, après avoir donné à l'intéressé la possibilité de se faire entendre, conclure au désistement dans les cas suivants_:

[...]

c) elle estime qu'il y a défaut par ailleurs de sa part dans la poursuite de la revendication.Si elle conclut au désistement, la section du statut en avise par écrit l'intéressé et le ministre.

69.1(6) Where a person who claims to be a Convention refugee

[...]

(c) in the opinion of the Division, is otherwise in default in the prosecution of the claim,

the Refugee Division may, after giving the person a reasonable opportunity to be heard, declare the claim to have been abandoned and, where it does so, the Refugee Division shall send a written notice of its decision to the person and to the Minister.


[8]                 Le président de l'audience a précisé comme suit les motifs de la décision :

[TRADUCTION]

Compte tenu des explications données par la requérante et que la Commission ne juge pas être raisonnables, compte tenu de son manque d'intérêt à l'égard de sa revendication et de celle de son fils, compte tenu du manque d'intérêt de la requérante à l'égard de son obligation de remplir le formulaire dans les 28 jours ainsi que des indications et directives exprimées le 9 août à ce sujet par les membres de la Commission, comme il était aussi clair alors que le défaut de se conformer conduirait le tribunal à conclure au désistement, compte tenu du fait qu'elle n'a demandé à bénéficier de l'aide juridique que le 31 août, quelques jours seulement avant la tenue de la présente audience, et compte tenu du fait que ce matin, le jour même de l'audience, la demanderesse n'avait toujours pas déposé de formulaire de renseignements personnels pour elle-même et pour son fils, la Commission peut uniquement conclure de tous ces faits que la demanderesse n'est nullement intéressée à la poursuite de sa revendication. La demanderesse n'a d'ailleurs respecté aucune des échéances qu'on lui a indiquées à ce jour et, croyons-nous, elle n'a demandé un changement du lieu d'audience et un délai additionnel que pour pouvoir retarder encore davantage la mise en train de sa revendication.

Pour tous ces motifs et puisque la Commission doit prendre en compte la nécessité pour nous de faire preuve d'équité et de célérité, et comme dans cette affaire l'équité et la justice ont été amplement respectées - un délai additionnel de 28 jours ayant même été accordé -, la Commission n'a d'autre choix que de conclure qu'il y a eu désistement des revendications.

[9]                 Cette décision a fait l'objet d'un avis écrit, daté du 18 septembre 2000, en bonne et due forme.


LA QUESTION EN LITIGE

[10]            Les demandeurs font valoir que la décision de conclure au désistement de leurs revendications était injuste et déraisonnable.

NORME DE CONTRÔLE JUDICIAIRE

[11]            Les demandeurs et le ministre ont convenu devant moi que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision de la SSR selon laquelle il y avait eu désistement de leurs revendications du statut de réfugié par les demandeurs était celle de la décision raisonnable simpliciter. On s'est fondé à cet égard sur la décision du juge Lemieux dans Ahamad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 109 (C.F. 1re inst.).

ANALYSE


[12]            Les demandeurs ont soutenu que la décision était inéquitable parce qu'il était injuste de les astreindre à une norme en vertu de laquelle un délai de 29 jours pour remplir un FRP serait inacceptable, alors que l'audition de leurs revendications, la prochaine étape du processus, ne serait pas fixée avant plusieurs mois. La décision serait également inéquitable parce que les services d'un conseil ont été retenus par les demandeurs et que la SSR a l'habitude dans un tel cas de prolonger le délai de dépôt du FRP. Les demandeurs ont fait valoir, finalement, qu'il était inéquitable de conclure au désistement des revendications après le délai de 28 jours alors que le fait de ne pas avoir respecté la date limite du dépôt du FRP entraîne généralement la mise au rôle de l'audience sur le désistement, ce qui a pour effet, dans les faits, de prolonger le délai dans lequel le FRP doit être rempli.

[13]            En l'espèce, les demandeurs ont dû se présenter à deux audiences sur le désistement. L'examen de la transcription des débats à chaque audience révèle que Mme Levieva a eu l'occasion voulue d'expliquer pourquoi elle n'avait pas déposé dans le délai son FRP et celui de son fils. Elle a obtenu une prorogation de délai à la première audience et on l'avait clairement avertie que la procédure de désistement subsistait, qu'elle devait retenir sans tarder les services d'un avocat et que les FRP devraient être déposés dans les 28 jours.

[14]            À la seconde audience sur le désistement, ses explications et les lettres qu'elle a présentées n'ont pas convaincu la SSR de lui accorder un délai additionnel pour le dépôt de son FRP et celui de son fils.

[15]            Mme Levieva a été informée des conséquences du défaut de déposer un FRP dans les 28 jours, et elle a attendu presque un mois avant de présenter une demande d'aide juridique.


[16]            Quoique ma propre conclusion aurait pu être différente, la SSR a le droit d'examiner et de soupeser les explications fournies quant au défaut de déposer les FRP dans le délai de 28 jours. La SSR disposait d'éléments de preuve étayant sa conclusion, elle n'a pas tenu compte de facteurs non pertinents et ses motifs sont capables de résister à un examen assez poussé.

[17]            La conclusion de la SSR concernant le désistement n'étant pas nettement erronée, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[18]            Les avocats n'ont présenté aucune question grave à des fins de certification, et aucune question n'est certifiée.

ORDONNANCE

[19]            LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Eleanor R. Dawson »

                                                                                                             Juge                         

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM-5309-00

INTITULÉ :

Irina Levieva et autre c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 6 décembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :

Le juge Dawson

DATE DES MOTIFS ET DE L'ORDONNANCE :

Le 13 février 2002

COMPARUTIONS :

M. Jack Davis

                                 POUR LES DEMANDEURS

M. Mathew Oomnen

                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davis & Grice

North York (Ontario)

                                 POUR LES DEMANDEURS

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

                                       POUR LE DÉFENDEUR

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