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Date : 20050817

Dossier : T-1488-04

Référence : 2005 CF 1123

Ottawa (Ontario), le 17août 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

PEMBINA INSTITUTE FOR APPROPRIATE DEVELOPMENT,

FÉDÉRATION CANADIENNE DE LA NATURE, SIERRA CLUB DU CANADA,

ALBERTA WILDERNESS ASSOCIATION et

JASPER ENVIRONMENTAL ASSOCIATION

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS et

CARDINAL RIVER COALS LTD.

défendeurs

Dossier : T-1946-04

ET ENTRE :

PEMBINA INSTITUTE FOR APPROPRIATE DEVELOPMENT,

NATURE CANADA (anciennement FÉDÉRATION CANADIENNE DE LA NATURE), SIERRA CLUB DU CANADA, ALBERTA WILDERNESS ASSOCIATION et JASPER ENVIRONMENTAL ASSOCIATION

demandeurs

- et -


LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS et

CARDINAL RIVER COALS LTD.

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER

[1]                Ces deux demandes de contrôle judiciaire, qui ont été réunies, portent sur l'évaluation environnementale et l'approbation réglementaire du projet de mine de charbon Cheviot, dans l'Ouest de l'Alberta. Les demandeurs, organisations vouées à la défense de l'environnement, contestent la légalité d'une autorisation délivrée par le ministère des Pêches et des Océans (MPO) en vertu de la Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, ch. F-14, qui permet à la défenderesse, Cardinal River Coals (CRC), d'entreprendre les travaux de construction de la mine de charbon. Les demandeurs contestent également la décision du MPO de ne pas réaliser d'évaluation environnementale en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. C-37 (LCEE ou la Loi) relativement aux modifications apportées au projet.

[2]                Plus précisément, les demandeurs s'adressent à la Cour en vue d'obtenir :

a)    une ordonnance annulant l'autorisation délivrée le 13 septembre 2004, par le MPO, en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches (autorisation relative à la mine);

b)    une ordonnance de mandamus exigeant la réalisation d'une évaluation environnementale concernant les modifications apportées au projet, y compris la voie de desserte que CRC propose aujourd'hui d'ajouter à la version révisée de son projet;

c)    une déclaration précisant que la délivrance de l'autorisation relative à la mine était contraire au paragraphe 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs, C.R.C., ch. 1035.


CONTEXTE

[3]                En 1996, CRC a déposé une demande d'approbation de projet auprès de l'Alberta Energy and Utilities Board, du ministère de l'Environnement de l'Alberta et du MPO, dans laquelle elle proposait de construire et d'exploiter une mine de charbon (projet Cheviot) située près de la ville de Hinton (Alberta). En particulier, la demande d'approbation de projet prévoyait ce qui suit :

(i)                   le développement, l'exploitation et la récupération d'une mine de charbon à ciel ouvert;

(ii)                 la construction, l'exploitation et la désaffectation d'une usine de traitement du charbon;

(iii)                la construction d'un complexe de boutiques et de bureaux;

(iv)               la restauration d'une ligne ferroviaire;

(v)                 l'amélioration d'un chemin d'accès existant;

(vi)               l'installation d'une nouvelle ligne de transport d'électricité et d'une sous-station d'alimentation de la mine Cheviot.

[4]                Le projet présenté par CRC à l'époque devait faire l'objet de trois autorisations en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches parce qu'il entraînait « la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson » . CRC devait obtenir des autorisations pour les ouvrages relatifs à la construction de l'usine de traitement et du complexe de bureaux (complexe industriel), de la ligne ferroviaire, du chemin d'accès et de la ligne de transport d'électricité (couloir d'accès) ainsi que de la mine.


[5]                Aux termes de l'alinéa 5(1)d) de la LCEE, les autorisations ne pouvaient être délivrées avant qu'une évaluation environnementale du projet n'ait été réalisée. Le MPO, à titre d'autorité responsable en vertu de la LCEE, a entrepris une évaluation du projet. Avant d'achever cette évaluation, le MPO a recommandé au ministre de l'Environnement qu'une commission mixte d'examen soit établie en vue de procéder à une évaluation environnementale. C'est ainsi que, fin 1996, le ministre de l'Environnement et l'Alberta Energy and Utilities Board ont formé une commission mixte d'examen fédérale-provinciale (commission mixte) chargée de réaliser une évaluation environnementale.

[6]                En juin 1997, la commission mixte a publié un rapport recommandant que le projet Cheviot reçoive l'approbation réglementaire du gouvernement du Canada, sous réserve de certaines mesures d'atténuation. Le MPO (avec l'approbation du gouverneur en conseil) a publié une réponse au rapport (réponse fédérale), dans laquelle il appuie la recommandation de la commission mixte de délivrer l'approbation réglementaire pour le projet Cheviot. La réponse fédérale confirme en outre que la mise en oeuvre de mesures d'atténuation est nécessaire afin de réduire les effets nuisibles du projet sur l'environnement. Deux aspects de cette réponse sont particulièrement pertinents pour les deux demandes dont la Cour est saisie aujourd'hui :

  • Le gouvernement fédéral s'est engagé à établir un partenariat avec les autorités provinciales afin d'élaborer un plan d'atténuation concernant les ours grizzlis, et à participer à deux comités décisionnels provinciaux.

  • Toutes les conditions qu'Environnement Canada jugerait nécessaires pour assurer la protection des oiseaux migrateurs devaient être incluses dans les autorisations pertinentes délivrées en vertu de la Loi sur les pêches.


[7]                Le 17 août 1998, le MPO a délivré à CRC une autorisation en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches pour les activités relatives au couloir d'accès. De même, le 28 septembre 1998, le MPO a délivré une autorisation pour les activités relatives au complexe industriel. Aucune autorisation n'a été délivrée, à cette époque, pour les activités relatives à la mine.

[8]                Quatre des demandeurs en l'espèce ont déposé une demande de contrôle judiciaire à l'égard du premier rapport de la commission mixte et de l'autorisation relative au couloir d'accès. Dans Alberta Wilderness Assn. c. Cardinal River Coals Ltd., [1999] 3 C.F. 425, le juge Campbell a conclu que la commission mixte n'avait pas réalisé l'évaluation environnementale conformément à la LCEE et aux modalités de son mandat, parce qu'elle avait omis d'examiner les effets cumulatifs du projet Cheviot. En conséquence, le juge a annulé l'autorisation relative au couloir d'accès et recommandé que le ministre de l'Environnement réunisse à nouveau la commission mixte.

[9]                La commission mixte a donc été reformée. Elle a publié son deuxième rapport en septembre 2000. Une fois encore, elle a recommandé que le projet Cheviot reçoive l'approbation réglementaire. En avril 2001, le MPO (avec l'approbation du gouverneur en conseil) a publié une autre réponse fédérale acceptant les recommandations de la commission mixte. Cependant, dans sa réponse le gouvernement précise que CRC a provisoirement suspendu le projet et que les autorisations délivrées avaient une période de validité limitée. Le MPO n'a délivré aucune nouvelle autorisation après la publication de la réponse fédérale, et l'autorisation relative au complexe industriel a pris fin le 10 octobre 2002.


[10]            En août 2002, CRC a annoncé qu'elle réaliserait le projet Cheviot sous une forme modifiée et à beaucoup plus petite échelle. La mine demeurait inchangée mais le couloir d'accès et le complexe industriel ont été supprimés du projet. Le charbon devait être transporté vers une usine existante par une nouvelle voie de desserte. Le tableau qui suit illustre les différences entre la version d'origine et la version modifiée du projet.


Aspect

Proposition d'origine

Proposition modifiée

Traitement du charbon

Sur le site minier de Cheviot, dans une nouvelle usine de traitement.

Sur le site minier de Luscar, dans l'usine existante.

Voie ferrée

20 kilomètres de nouvelle voie ferrée construite à partir d'Inland Cement et franchissant plusieurs rivières sur des structures formant des criques. Cet ouvrage allait perturber l'habitat des canards arlequins.

Pas de nouvelle voie ferrée.

Couloir d'accès

Chemin d'accès public rapide et ligne de transport d'électricité de 138 kV.

Voie de desserte et chemin d'accès public avec ligne de transport d'électricité de 69 kV.

Mine

À Cheviot Creek, au départ, avant d'être déplacée sur les sites de Harris et de McLeod.

Même plan.

Infrastructure

Grand complexe de bureaux et de boutiques.

Bassin d'eau douce.

Bassin de décantation des résidus.

Installations de bureaux mobiles.

Pas de bassin d'eau douce ou de décantation des résidus.

Autres

Deux produits du charbon nécessaires pour des questions de marché, exigeant de trois à quatre zones d'exploitation concurrentes; récupération progressive tardive.

Un seul produit du charbon nécessaire, la société ayant changé de mains. Exploitation d'une ou deux zones étalée sur plusieurs étapes, favorisant une récupération progressive.

Franchissement des cours d'eau

Ouvrages de franchissement avec ponceau sur les rivières Prospect et McLeod, nécessitant des travaux dans les cours d'eau et entraînant des perturbations.

Structures sans appui intermédiaire, n'entraînant aucune perturbation du lit des criques.

[11]            Le MPO a reçu une copie de la proposition de voie de desserte et a conclu qu'il n'était pas nécessaire de délivrer une autorisation en vertu de Loi sur les pêches pour ce projet. Le 5 décembre 2003, la voie de desserte a été approuvée par la province de l'Alberta (ministère de l'Environnement), en vertu de la partie 2, division 2 de l'Environmental Protection and Enhancement Act, R.S.A. 2000, ch. E-12. En conséquence, CRC a entrepris la construction de la voie de desserte. Cette voie est exploitée depuis octobre 2004.


[12]            En décembre 2003, CRC a demandé au MPO de lui délivrer une autorisation en vertu du paragraphe 35(2) pour la construction de la mine. Cette autorisation, qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire, a été délivrée le 13 septembre 2004, sans nouvelle évaluation environnementale. Elle permet l'installation d'une structure de contrôle de l'eau à la jonction de la crique afin de retenir les eaux et de former un bassin de sédimentation. Elle prévoit en outre le détournement de deux criques près de la mine à ciel ouvert.

QUESTIONS EN LITIGE

[13]            La demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

1.       Le MPO avait-il l'obligation de procéder à une évaluation environnementale des modifications apportées au projet Cheviot, en vertu du paragraphe 15(3) de la LCEE?

2.       Le MPO a-t-il commis une erreur en concluant que la voie de desserte ne nécessitait pas d'évaluation environnementale en vertu de l'article 5 de la LCEE?

3.       Le MPO a-t-il commis une erreur en délivrant l'autorisation relative à la mine, sans veiller à la mise en oeuvre des mesures d'atténuation mentionnées dans les réponses fédérales, de sorte qu'en contravention avec le paragraphe 37(1.1) de la LCEE, l'autorisation n'était pas conforme aux réponses fédérales?

4.       Le MPO a-t-il agit de manière contraire à la loi en délivrant une autorisation qui permet des activités interdites par la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et le Règlement sur les oiseaux migrateurs?


[14]            Le 20 avril 2005, CRC a déposé un avis de question constitutionnelle portant sur l'article 6 de la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et le paragraphe 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs. Cette question devra être tranchée par la Cour seulement si les arguments des demandeurs relativement à la question n ° 4 sont retenus par la Cour. Les parties ont convenu que les arguments sur cette question constitutionnelle seraient entendus, au besoin, après que la Cour aurait rendu sa décision sur les autres questions en litige.

[15]            La LCEE a fait l'objet de plusieurs modifications en 2003 (Loi modifiant la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 2003, ch. 9). Les parties reconnaissent qu'en raison d'une disposition transitoire de la loi modificative (article 33), les modifications ne s'appliquent pas aux questions soulevées dans la présente instance. En conséquence, je m'appuierai sur la version non modifiée de la Loi.

NORME DE CONTRÔLE

[16]            Les questions soulevées par les demandeurs portent sur l'interprétation de la LCEE et sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par la Loi au ministre des Pêches et des Océans. La Cour a confirmé à plusieurs reprises qu'en ce qui concerne la LCEE, les questions relatives à l'interprétation de la loi sont assujetties à la norme de la décision correcte tandis que les questions relatives à l'exercice du pouvoir discrétionnaire par l'autorité responsable tel que prévu aux articles 15 et 16 sont assujetties à la norme de la décision raisonnable simpliciter. Par exemple, voir Environmental Resource Centre c. Canada (Ministre de l'Environnement), (2001) 45 C.E.L.R. (N.-É.) 114 (C.F. 1re inst.); West Vancouver (District) c. Colombie-Britannique (Ministère des Transports), 2005 C.F. 593.


[17]            Il ne fait aucun doute que l'interprétation d'un texte de loi est assujettie à la norme de la décision correcte. Toutefois, je prends note de l'argument des défendeurs, qui prétendent que la décision rendue par le MPO en vertu de l'alinéa 37(1.1)c) de la LCEE est assujettie à une norme plus stricte, celle de la décision manifestement déraisonnable. Même si leurs arguments semblent valables sur ce point, je retiendrai, sans prendre de décision définitive, la norme de la décision raisonnable simpliciter pour contrôler la décision prise par le MPO en vertu du paragraphe 37(1.1) de la LCEE.

ANALYSE

Question n ° 1 : Le MPO avait-il l'obligation de procéder à une évaluation environnementale des modifications apportées au projet Cheviot, en vertu du paragraphe 15(3) de la LCEE?

a) L'économie de la LCEE

[18]            Avant d'examiner cette question, il est utile de donner un bref aperçu de l'économie de la LCEE. L'alinéa 5(1)d) de la Loi exige qu'un « projet » fasse l'objet d'une évaluation environnementale avant qu'une autorité responsable telle que le MPO ne délivre une approbation réglementaire pour ce projet. Le terme « projet » est ainsi défini à l'alinéa 2(1)a) :

Réalisation -- y compris l'exploitation, la modification, la désaffectation ou la fermeture -- d'un ouvrage [...]

In relation to a physical work, any proposed construction, operation, modification, decommissioning, abandonment or other undertaking in relation to that physical work...

[19]            Le paragraphe 15(1) concerne la portée du projet pour les fins de cette évaluation. La portée du projet est définie par l'autorité responsable ou, lorsque le projet est soumis à un médiateur ou à une commission mixte, par le ministre de l'Environnement.


[20]            Tous les projets assujettis à la Loi doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale appropriée, selon l'étendue et la complexité des effets probables du projet (voir Bow Valley Naturalists Society c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), [2001] 2 C.F. 461 (C.A.F.), au paragraphe 18). Il existe trois catégories d'évaluations environnementales : l'examen préalable (article 18), l'étude approfondie (article 21) et l'examen par une commission (article 25). Si le projet appartient à l'une des catégories énumérées dans le Règlement sur la liste d'étude approfondie, DORS/94-638, il fait l'objet non pas d'un examen préalable mais d'une étude approfondie. L'évaluation peut être réalisée par une commission d'examen, en remplacement de l'étude approfondie ou pour y faire suite. En vertu de l'article 25 de la Loi, l'autorité responsable peut demander au ministre de l'Environnement de renvoyer le projet à une commission d'examen si le projet risque d'avoir des effets nuisibles importants sur l'environnement ou si des intérêts publics justifient ce renvoi. Une fois l'évaluation environnementale achevée, l'autorité responsable décide d'accorder ou de refuser l'autorisation et de permettre ou non la mise en oeuvre du projet.

[21]            Dans le cas d'une commission d'examen, la LCEE prévoit une étape supplémentaire. Le paragraphe 37(1.1) exige que, sur réception du rapport de la commission, l'autorité responsable publie, avec l'agrément du gouverneur en conseil, la réponse du gouvernement fédéral à ce rapport. L'autorité responsable doit ensuite prendre une décision « conformément à » l'agrément du gouverneur en conseil.

b) Arguments des demandeurs


[22]            Les demandeurs soutiennent que, prises dans leur ensemble, les dispositions de la LCEE indiquent clairement que le MPO avait l'obligation d'effectuer une évaluation environnementale pour les modifications relatives à la voie de desserte avant d'exercer son pouvoir discrétionnaire de délivrer l'autorisation en vertu de la Loi sur les pêches. Ils s'appuient en premier lieu sur le paragraphe 15(3) de la LCEE, libellé comme suit :

Est effectuée, dans l'un ou l'autre des cas suivants, l'évaluation environnementale de toute opération -- construction, exploitation, modification, désaffectation, fermeture ou autre -- constituant un projet lié à un ouvrage :

a) l'opération est proposée par le promoteur; [...]

Where a project is in relation to a physical work, an environmental assessment shall be conducted in respect of every construction, operation, modification, decommissioning, abandonment or other undertaking in relation to that physical work that is proposed by the proponent . . .

[23]            L'argument des demandeurs est le suivant : si l'on s'en tient au sens ordinaire du texte, le paragraphe 15(3) exige, par l'emploi de la forme impérative ( « shall » ) en anglais, que toute évaluation environnementale prévue par la LCEE comporte une évaluation des modifications relatives à l'ouvrage proposées par le promoteur. Ils soutiennent que le paragraphe 15(3) s'applique à toutes les évaluations environnementales. En l'espèce, ils prétendent que la mine Cheviot est l'ouvrage en question et que la voie de desserte est une modification apportée à cet ouvrage. En conséquence, le paragraphe 15(3) obligerait le MPO à effectuer une évaluation environnementale de la voie de desserte avant de délivrer l'autorisation relative à la mine.

[24]            Ainsi, font-ils valoir, le MPO était tenu de réaliser une évaluation environnementale du projet Cheviot, tel que modifié par CRC. À l'appui de cet argument, les demandeurs soutiennent que l'article 24 de la LCEE offre un moyen efficace d'actualiser l'évaluation. Les dispositions pertinentes de l'article 24 sont libellées comme suit :


(1) Si un promoteur se propose de mettre en oeuvre, en tout ou en partie, un projet ayant déjà fait l'objet d'une évaluation environnementale, l'autorité responsable doit utiliser l'évaluation et le rapport correspondant dans la mesure appropriée pour l'application des articles 18 ou 21 dans chacun des cas suivants :

[...]

b) le projet est lié à un ouvrage à l'égard duquel le promoteur propose une réalisation différente de celle qui était proposée au moment de l'évaluation;

[...]

(2) Dans les cas visés au paragraphe (1), l'autorité responsable veille à ce que soient apportées au rapport les adaptations nécessaires à la prise en compte des changements importants de circonstances survenus depuis l'évaluation et de tous renseignements importants relatifs aux effets environnementaux du projet.

(1) Where a proponent proposes to carry out, in whole or in part, a project for which an environmental assessment was previously conducted and

...

(b) in the case of the project that is in relation to a physical work, the proponent proposes an undertaking in relation to that work different from that proposed when the assessment was conducted,

the responsible authority shall use that assessment and the report thereon to whatever extent is appropriate for the purposes of complying with section 18 (screening report) or 21 (comprehensive study).

...

(2) Where a responsible authority uses an environmental assessment and the report thereon pursuant to subsection (1), the responsible authority shall ensure that any adjustments are made to the report that are necessary to take into account any significant changes in the environment and in the circumstances of the project and any significant new information relating to the environmental effects of the project.

[25]            Comme le mentionnent les demandeurs dans leurs plaidoiries :

[Traduction] Alors, au bout du compte, nous sommes d'avis qu'une interprétation du sens ordinaire de la LCEE donnerait le résultat suivant : sur réception d'une demande d'approbation de la voie de desserte, [le MPO] aurait dit, hum, il s'agit d'une modification du projet; nous avons un pouvoir discrétionnaire à exercer à l'égard de ce projet. Le paragraphe 15(3) nous oblige à examiner cette modification et à l'évaluer. L'article 24 nous permet ou nous oblige d'imposer des modifications importantes dans le contexte et les circonstances du projet. C'est ce que nous ferons, en portant une attention particulière aux impacts de la voie de desserte sur les questions qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral et qui le préoccupent.

[26]            Comme on peut le constater des plaidoiries, tous ces arguments reposent sur l'hypothèse voulant que la voie de desserte soit une « modification » du projet Cheviot, au sens de la définition de « projet » et du paragraphe 15(3).

c) Application du paragraphe 15(3)

[27]            L'article 15 de la LCEE concerne, de manière générale, la portée du projet aux fins de l'évaluation environnementale. Des décisions rendues par les autorités responsables quant à la portée d'un projet ont déjà fait l'objet de contrôles judiciaires (voir, par exemple, Citizens' Mining Council of Newfoundland and Labrador Inc. c. Canada (Ministre de l'Environnement), [1999] A.C.F. n ° 273 (C.F. 1re inst.); Friends of the West Country Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1998] 4 C.F. 340 (1re inst.), confirmé par (1999) 248 N.R. 25 (C.A.F.), autorisation d'appel refusée par la Cour suprême du Canada [1999] C.S.C.R. n ° 585 (ci-après Sunpine).

[28]            En l'espèce, la portée du projet a été définie comme suit, dans le rapport de la commission mixte d'examen :

Le Projet de la mine de charbon Cheviot est une proposition de la CRC pour la construction, l'exploitation et la désaffectation d'une usine de traitement du charbon; le développement, l'exploitation et la récupération d'une mine de charbon à ciel ouvert, la restauration de la ligne ferroviaire de la subdivision de Mountain Park; l'amélioration du chemin d'accès existant (le chemin Grave Flats) dans le secteur de la mine de charbon Cheviot; et l'installation d'une nouvelle ligne de transport d'électricité et d'une sous-station d'alimentation de la mine Cheviot.

[29]            Quel est l'objet du paragraphe 15(3)? La Cour d'appel fédérale a examiné cette disposition de la LCEE dans Sunpine. Au paragraphe 16, le juge Rothstein affirme que « le paragraphe 15(3) est subsidiaire par rapport au paragraphe 15(1) » . Aux paragraphes 19 et 20, il examine la signification de l'expression « lié à » , au paragraphe 15(3), et conclut que « le mot s'entend [...] de la construction, exploitation, modification, désaffectation, fermeture ou autre opération ayant trait à la durée de l'ouvrage en question, ou accessoire à cet ouvrage qui est au coeur même du projet défini. [Non souligné dans l'original.]


[30]            Ni Sunpine, ni aucune autre décision de jurisprudence concernant cette partie de la LCEE n'oblige l'autorité responsable à rouvrir une évaluation environnementale achevée. À mon avis, le paragraphe 15(3) n'a de sens que s'il est lu avec le paragraphe 15(1); il n'impose à l'autorité responsable aucune obligation autonome de réaliser une évaluation environnementale hors de la portée du projet déterminée en application du paragraphe 15(1). L'emploi de la forme impérative « shall » , en anglais, doit être interprété en association avec la décision relative à la portée du projet déterminée en application du paragraphe 15(1). En l'espèce, la voie de desserte n'était pas comprise dans la portée du projet. En conséquence, le paragraphe 15(3) n'impose aucune obligation d'évaluer la voie de desserte.

[31]            Que signifie le mot « modification » dans la définition de « projet » ou au paragraphe 15(3) de la LCEE? Les demandeurs m'invitent à considérer que la voie de desserte constitue une « modification » visée au paragraphe 15(3). Je ne suis pas d'accord. Dans ce contexte, « modification » s'entend d'une modification que l'on peut reconnaître à la date de la demande. Ainsi, la demande en elle-même peut porter sur la modification d'une structure ou du projet, un pont ou une mine par exemple. Dans ce sens, le projet Cheviot était la modification d'un site minier existant. Le promoteur d'une mine pourrait reconnaître, lors du dépôt de la demande d'autorisation pour son projet, que lorsqu'ils auraient récupéré un certain pourcentage des minéraux sur le site, une méthode de récupération nouvelle ou modifiée serait mise en place. Ces modifications seraient alors considérées comme faisant partie intégrante de l'évaluation globale du projet.


[32]            Si l'on retient l'interprétation proposée par les demandeurs, les modifications de toutes sortes apportées à la conception du projet, même infimes ou sans importance, obligeraient l'autorité responsable à recommencer l'évaluation. Ce n'est pas logique. Les évaluations environnementales doivent être effectuées « le plus tôt possible au stade de la planification du projet » (article 11 de la LCEE). Dans Bande indienne des Tsawwassen c. Canada (Ministre des Finances), [1998] A.C.F. n ° 370 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 61, le juge Richard (aujourd'hui juge à la Cour d'appel) souligne qu'il ressort clairement des dispositions de la LCEE que la Loi « n'est censée s'appliquer qu'aux projets qui n'en étaient, à compter du 19 janvier 1995, qu'à l'étape préliminaire, et à l'égard desquels aucune décision irrévocable n'avait été prise » . Puisque les projets sont soumis à une évaluation environnementale dès les premières étapes de leur planification, les décisions finales relatives à la conception et à la construction du projet et les modifications concernant celles-ci se poursuivent bien après l'étape de l'évaluation. Si l'évaluation environnementale demeure applicable, il n'est pas nécessaire de réaliser une nouvelle évaluation. Les modifications peuvent, de fait, réduire les impacts sur l'environnement. C'est justement le cas de la mine Cheviot. Comme on peut le constater dans le tableau comparatif qui précède, la nouvelle version du projet Cheviot est bien plus modeste que celle examinée par la commission mixte.

[33]            L'argument des demandeurs soulève un autre problème : il ne tient pas compte du paragraphe 37(1.1). Une fois que la commission d'examen a publié son rapport, cette disposition exige que le gouvernement prépare une réponse, avec l'agrément du gouverneur en conseil, et que l'autorité responsable prenne une décision « conformément » à la réponse fédérale.


[34]            Conclure que le paragraphe 15(3) n'a pas pour effet d'imposer une réouverture de l'évaluation ne signifie pas pour autant que CRC peut apporter toutes sortes de modifications en l'absence de tout contrôle. Dans certains cas, une modification peut, seule ou combinée à d'autres projets, justifier la préparation d'une évaluation en vertu de la LCEE. Toutefois, dans ce cas, la disposition applicable serait l'article 5 et non le paragraphe 15(3) de la LCEE. De plus, si, à l'étape de l'examen prévu au paragraphe 37(1.1), l'autorité responsable pense que le projet soumis au ministère, conjugué aux nouveaux renseignements connus ou divulgués depuis, est notablement différent de la réponse fédérale (ou non « conforme à » cette réponse), l'autorité responsable peut tout simplement refuser de délivrer l'autorisation.

d) Application de l'article 24 de la LCEE

[35]            Lorsque Mme Dorthy Majewski, biologiste du MPO spécialisée dans l'étude des impacts, a été contre-interrogée au sujet de son affidavit, elle a indiqué que la disposition de la LCEE en vertu de laquelle elle agissait était l'article 24. Selon les demandeurs, l'article 24 n'élimine pas l'obligation fondamentale imposée par la LCEE d'effectuer une évaluation des modifications; il vise plutôt à préciser comment l'information recueillie dans une évaluation environnementale doit être traitée. En particulier, les demandeurs soutiennent que l'article 24 de la Loi ne confère, à l'autorité responsable, aucun pouvoir discrétionnaire lui permettant de refuser une évaluation si elle juge que les modifications apportées à l'ouvrage ne sont pas importantes.

[36]            Les demandeurs ont raison de dire que l'article 24 de la LCEE n'impose aucune obligation de réaliser une nouvelle évaluation; cette disposition vise à éviter la répétition du travail et à favoriser l'efficacité du processus d'évaluation environnementale.


[37]            CRC soutient que Mme Majewski s'appuie par erreur sur l'article 24 et qu'en réalité, la décision que devrait prendre le MPO relève de l'alinéa 37(1.1)c) de la LCEE. Je suis d'accord. La disposition pertinente n'est pas l'article 24; le pouvoir du MPO, vu l'existence des rapports de la commission mixte d'examen, découle plutôt de l'alinéa 37(1.1)c) de la Loi.

[38]            À mon avis, l'article 24 ne s'applique pas aux faits de l'espèce. Après le dépôt du rapport de la commission mixte d'examen, les obligations de l'autorité responsable sont régies par le paragraphe 37(1.1). Dans un premier temps, avec l'agrément du gouverneur en conseil, l'autorité responsable doit répondre au rapport : une réponse fédérale est préparée et approuvée par le gouverneur en conseil. L'étape suivante, en ce qui concerne ce projet, consiste pour l'autorité responsable à prendre une décision conformément à la réponse fédérale. Les options dont dispose l'autorité responsable sont prévues au paragraphe 37(1). Si l'on examine les dispositions du paragraphe 37(1) et de l'alinéa 37(1.1)c) dans leur contexte, la seule option disponible pour l'autorité responsable, dans le cas du projet Cheviot, était de délivrer l'autorisation si (et seulement si) le projet, tel que présenté, était conforme à la réponse fédérale.


[39]            L'erreur commise par Mme Majewski quant à la disposition applicable n'a aucune importance en l'espèce. Même si Mme Majewski n'a pas cité le bon numéro d'article, elle a confirmé que sa tâche consistait à faire en sorte que l'autorisation relative à la mine soit délivrée « conformément à » l'agrément du gouverneur en conseil. Comme le mentionne la Cour suprême du Canada dans Colombie-Britannique (Milk Board) c. Grisnich, [1995] 2 R.C.S. 895, au paragraphe 20, « [l]es tribunaux se préoccupent principalement de savoir s'il existe un pouvoir conféré par la loi, et non de savoir si le délégué savait comment le trouver » . Mme Majewski s'est peut-être trompée sur la disposition habilitante, mais elle a bien compris les obligations qui incombaient à l'autorité responsable.

[40]            Pour résumer cette question, je suis convaincue que le paragraphe 15(3) de la LCEE ne s'applique pas et qu'une nouvelle évaluation pour le projet Cheviot n'est pas nécessaire.

Question n ° 2 : Le MPO a-t-il commis une erreur en concluant que la voie de desserte ne nécessitait pas d'évaluation environnementale en vertu de l'article 5 de la LCEE?

[41]            Lorsque le MPO a reçu l'information sur la voie de desserte la première fois, il a examiné la proposition afin de déterminer si la demande nécessitait la réalisation d'une évaluation environnementale en vertu de l'article 5 de la LCEE. Bref, il fallait répondre à la question suivante : la voie de desserte fait-elle appel à un champ de compétence fédérale pertinent (Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, aux paragraphes 86 et 87)? Par lettre du 7 janvier 2003, le MPO a informé le Sierra Legal Defence Fund de ce qui suit :

[Traduction] Compte tenu de l'information fournie à ce jour concernant le projet de voie de desserte proposé pour la mine Cheviot, les employés du MPO ont conclu que ce projet n'entraînerait vraisemblablement pas de détérioration, de destruction ou de perturbation grave de l'habitat du poisson. En conséquence, il n'est pas nécessaire que le MPO délivre une autorisation en vertu de la Loi sur les pêches et, à ce titre, le MPO n'exercera aucun des pouvoirs ou des attributions mentionnés à l'article 5 de la LCEE ou dans tout autre texte de loi concernant la version actuelle du projet de voie de desserte de la mine Cheviot.


[42]            Bien que les demandeurs s'appuient principalement sur la première question dans leurs arguments, ils affirment également que la voie de desserte fait appel au champ de compétence du MPO et que, accessoirement, ce dernier était tenu de procéder à une évaluation de la voie de desserte. Selon eux, l'élément ayant déclenché l'application du champ de compétence du MPO est l'apport de matériaux de remplissage dans la crique Cheviot afin de créer une chaussée pouvant accueillir la voie de desserte. Cette construction nécessite, soutiennent-ils, une autorisation relative à un ouvrage affectant l'habitat du poisson en vertu de la Loi sur les pêches. Il ne semble y avoir aucun autre élément justifiant la réalisation d'une évaluation en vertu de la LCEE.

[43]            Les défendeurs font valoir que la chaussée a fait l'objet d'une demande d'autorisation et que cette autorisation a été délivrée dans le cadre du projet Cheviot d'origine. À ce titre, elle a été évaluée par la commission mixte d'examen. Les défendeurs ont raison.

[44]            Je commencerai l'examen de cette question en précisant qu'à mon avis, si la chaussée avait été construite seulement pour supporter la voie de desserte, les demandeurs auraient raison d'affirmer que l'article 5 de la LCEE exige une évaluation de la voie de desserte proposée. Cependant, la preuve indique, selon moi, que la chaussée ou le barrage a été construit afin de créer le bassin Cheviot. La création de ce bassin était une composante de la mine Cheviot et, à ce titre, elle a été évaluée dans le cadre des rapports de la commission mixte d'examen. L'autorisation relative à la mine permet la construction du bassin, y compris de la chaussée.

[45]            M. Dane McCoy, spécialiste de l'environnement et gestionnaire responsable du projet Cheviot, a témoigné pour CRC. Dans son affidavit, il affirme que la construction et l'exploitation de la voie de desserte [traduction] « ne modifie ou ne perturbe en aucune manière l'ouvrage et les réalisations ayant trait à la mine Cheviot » . M. McCoy a été contre-interrogé au sujet de la demande d'autorisation de la voie de desserte. Les demandeurs s'appuient sur les extraits suivants de son contre-interrogatoire pour étayer leur point de vue selon lequel la chaussée déclenche l'application de la LCEE :

[traduction]

Q.         Dans la demande d'autorisation de la voie de desserte, l'ouvrage de franchissement de Cheviot Creek était mentionné. Dans la demande d'autorisation relative au développement de la mine, il était décrit plus en détail et faisait l'objet d'une proposition précise, accompagnée de dessins techniques précis, n'est-ce pas?

R.          C'est exact.

Q.         Et cet ouvrage de franchissement, tel que présenté de manière détaillée dans la demande d'autorisation relative à la mine, a fait l'objet d'une autorisation du MPO, celle que nous venons juste de voir [l'autorisation en cause dans la présente instance]?

R.          C'est exact.

[46]            À mon avis, ce passage ne constitue pas une preuve convaincante que la chaussée a été construite pour la voie de desserte. Cette voie de desserte traverse Cheviot Creek en empruntant la chaussée. Cependant, un examen de l'ensemble de l'interrogatoire de M. McCoy par l'avocat des demandeurs ainsi que du contre-interrogatoire de M. McCoy par l'avocat de CRC permet de dresser un portrait plus complet et démontre que la chaussée entraîne la formation du bassin Cheviot. M. McCoy explique ainsi le rôle de ce bassin :

[Traduction] Le bassin [Cheviot] [...] était nécessaire au développement de la mine Cheviot afin de retenir et d'éliminer les solvants en suspension contenus dans les ruissellements de surface provenant de la mine de charbon.

[47]            Effectivement, ce n'est pas le franchissement par la voie de desserte qui fait l'objet de l'autorisation relative à la mine. C'est plutôt la chaussée, utilisée pour créer le bassin Cheviot, qui est visée par cette autorisation et a été évaluée par la commission mixte d'examen.


[48]            Les demandeurs se reportent également à une phrase tirée d'un document intitulé « Cheviot Creek Pit Water Management, January 2003 » , déposé par CRC avec les autres documents remis au MPO. Selon cette phrase, [traduction] « le bassin est créé par la voie de desserte qui traverse la vallée Cheviot, avec un chemin de 26 mètres de large au sommet » . Cependant, cette phrase doit être remise dans son contexte. Elle figure dans une section intitulée [traduction] « Installations de contrôle des sédiments » . Dans cette section, les auteurs décrivent le bassin comme l'une des infrastructures de gestion des eaux devant être mises en place dans le cadre du développement de la mine Cheviot. Une fois encore, je conclus que cette preuve, prise dans son ensemble, démontre que l'objectif premier de la chaussée consistait à créer un bassin dans le cadre du projet de la mine Cheviot.

[49]            La nécessité de créer des bassins comme le bassin Cheviot a été examinée par la commission mixte dans son premier rapport. En particulier, à la page 44, la commission observe ce qui suit :

[Traduction] Une mine de grande surface sur un terrain accidenté entraînera la création de nombreuses sources de sédiments. Toutefois, la commission pense que le contrôle des sédiments pourra s'effectuer grâce à l'utilisation de déviations et de bassins de sédimentation, et l'ajout contrôlé de floculents. [Non souligné dans l'original.]

[50]            Je suis convaincue que le bassin Cheviot est bel et bien un bassin créé par la construction de la chaussée. À ce titre, il faisait partie du projet Cheviot et a été examiné dans ce cadre. Le fait que CRC fasse passer une voie de desserte sur la chaussée ne déclenche pas l'application de la LCEE.

[51]            En conséquence, la voie de desserte ne nécessite pas la réalisation d'une évaluation environnementale en vertu de la LCEE.

Question n ° 3 : Le MPO a-t-il commis une erreur en délivrant l'autorisation relative à la mine, sans veiller à la mise en oeuvre des mesures d'atténuation mentionnées dans les réponses fédérales?

a) L'article 37 de la LCEE

[52]            Une fois le rapport de la commission mixte examiné et approuvé par le gouverneur en conseil, l'article 37 prend effet. Voici les dispositions pertinentes de cet article :


(1)a) si, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, la réalisation du projet n'est pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants ou est susceptible d'en entraîner qui sont justifiables dans les circonstances, exercer ses attributions afin de permettre la mise en oeuvre totale ou partielle du projet;

[...]

(1.1) l'autorité responsable prend alors la décision visée au titre du paragraphe (1) conformément à l'agrément.

(1)(a) where, taking into account the implementation of any mitigation measures that the responsible authority considers appropriate,

(i) the project is not likely to cause significant adverse environmental effects, or

(ii) the project is likely to cause significant adverse environmental effects that can be justified in the circumstances,

the responsible authority may exercise any power or perform any duty or function that would permit the project to be carried out in whole or in part; or

...

(1.1)(c) the responsible authority shall take a course of action under subsection (1) that is in conformity with the approval of the Governor in Council referred to in paragraph (a).

[53]            En résumé, la LCEE exige que, lorsque l'autorité responsable exerce ses pouvoirs réglementaires en vertu de l'alinéa 5(1)d), elle veille à la mise en oeuvre des mesures d'atténuation qu'elle juge appropriées. De plus, en vertu du paragraphe 37(1.1), l'autorité responsable doit rendre une décision « conformément à » la réponse fédérale. La question de savoir si le projet de la mine Cheviot tel que proposé aujourd'hui est conforme à la version approuvée par le gouverneur en conseil, comme il appert de la deuxième réponse fédérale, relève d'un pouvoir discrétionnaire.

[54]            Dans les présents motifs, j'ai présumé que la norme de contrôle applicable à la décision du MPO quant à la conformité du projet est celle de la décision raisonnable simpliciter.


[55]            En l'espèce, l'autorité responsable était le MPO, puisque c'est ce ministère qui est chargé de délivrer les autorisations en vertu de la Loi sur les pêches. Mme Majewski a assumé la responsabilité globale de veiller à ce que le projet soit conforme à la LCEE et à la Loi sur les pêches. Elle travaille sur le projet de la mine Cheviot depuis 2001.

b) La réponse du MPO en vertu de l'article 37

[56]            Comme je l'ai souligné, c'est Mme Majewski qui a dirigé les activités liées aux obligations du MPO concernant le projet de la mine Cheviot. Une partie du travail du MPO consistait à assurer la coordination des autorités fédérales. Dans ce cas, les autorités fédérales sont les ministères et organismes du gouvernement (définis au paragraphe 2(1) de la LCEE) qui possèdent des renseignements ou des connaissances spécialisées concernant le projet Cheviot. Contrairement au MPO, dont l'obligation consistait à délivrer l'autorisation en vertu d'une disposition précise de la Loi, les autorités fédérales ne jouent aucun rôle réglementaire direct. En l'espèce, le MPO avait pour mandat de décider s'il fallait délivrer ou non une autorisation en vertu de la Loi sur les pêches. Cette décision appartenait au MPO et non à Environnement Canada ou à Parcs Canada.


[57]            Dès juillet 2002, lorsque CRC a avisé le MPO qu'elle entendait mettre en oeuvre une version modifiée du projet de la mine Cheviot, les employés du MPO, dirigés par Mme Majewski, ont commencé à examiner l'information et entrepris de discuter et de communiquer avec les autres autorités fédérales, y compris Parcs Canada et Environnement Canada. En décembre 2003, lorsque CRC a déposé sa demande d'autorisation de la mine de charbon, elle a demandé aux employés du MPO d'examiner la demande et de définir les modalités à inclure dans toute autorisation pour qu'elle soit conforme aux réponses fédérales, compte tenu des recommandations formulées par la commission mixte d'examen en 1997 et en 2000.

c) Les erreurs alléguées

[58]            Les demandeurs soutiennent que le MPO a commis une erreur dans deux conclusions importantes :

1.          Le MPO n'a pas inclus dans l'autorisation relative à la mine [traduction] « les conditions jugées nécessaires par Environnement Canada pour assurer la protection des oiseaux migrateurs et de leur habitat » , en particulier l'habitat des canards arlequins. La première réponse prévoyait que de telles conditions figureraient dans l'autorisation pertinente délivrée en vertu de la Loi sur les pêches.

2.          Le MPO a commis une erreur en délivrant l'autorisation relative à la mine parce deux comités provinciaux de gestion de projets désignés dans la première réponse ont cessé d'exister. Le gouvernement fédéral s'était engagé à travailler en collaboration avec ces comités en vue d'élaborer et de mettre en oeuvre des mesures d'atténuation concernant les ours grizzlis.

[59]            J'examinerai ces présumées erreurs fatales séparément.

d) Les canards arlequins


[60]            La question de la protection des canards arlequins et de leur habitat est examinée dans les rapports de la commission mixte et dans les réponses fédérales. Cependant, dans son premier rapport, la commission mixte conclut qu'à son avis, le projet n'aurait pas d'effets néfastes importants sur les canards arlequins et que les stratégies d'atténuation proposées par CRC (qui ont été incorporées à titre de condition générale dans l'autorisation délivrée par l'Alberta pour la construction et l'exploitation de la mine) étaient raisonnables. La commission mixte n'a imposé aucune condition particulière. Dans la première réponse fédérale, le gouvernement affirme ce qui suit, à la page 9 :

Le gouvernement du Canada est également d'avis qu'un programme suivi de contrôle des canards arlequins se justifie et qu'il est nécessaire de faire un relevé des autres cours d'eau et collaborera avec l'AEP pour l'aider à contrôler d'autres cours d'eau. Le gouvernement du Canada (Environnement Canada) est actuellement membre du groupe d'étude de l'arlequin de la McLeod River constitué par CRC qui surveille les populations locales de cette espèce. Environnement Canada continuera de collaborer avec le requérant et l'AEP pour intensifier la surveillance avec CRC pour inclure les sites remis en valeur et évaluer la réaction des canards et le succès des mesures d'atténuation. Les modalités qu'Environnement Canada juge nécessaires pour traiter de ce dossier seront comprises dans les autorisations pertinentes accordées en vertu de la Loi sur les pêches. [Non souligné dans l'original.]

[61]            Dans la première réponse fédérale, le Canada recommande également de prévoir des « distances respectables » à titre de mesure d'atténuation.

Le gouvernement du Canada appuie fermement ces critères, et par conséquent recommande de mettre à profit sa connaissance approfondie du canard arlequin avec l'AEP afin d'élaborer des programmes visant à éviter ou du moins à atténuer le plus possible les incidences du projet. Le gouvernement recommande d'appliquer non seulement ces critères à l'artère principal (sic) mais aussi aux affluents, surtout en ce qui concerne le remplacement des ponceaux par des ponts, car ces affluents peuvent constituer des habitats de reproduction importants. Le gouvernement du Canada se préoccupe particulièrement des restrictions en matière d'échéanciers et des perturbations qui peuvent résulter d'activités de construction ou d'extraction dans des endroits essentiels pour la nidification. Des modalités qu'Environnement Canada juge nécessaires pour tenir compte de ces préoccupations seront comprises dans les autorisations pertinentes accordées en vertu de la Loi sur les pêches. [Non souligné dans l'original.]

[62]            Dans son deuxième rapport, la commission mixte confirme sa première conclusion, à savoir que les mesures d'atténuation proposées pour les canards arlequins [traduction] « seraient suffisantes pour atténuer les effets nocifs et les rendre négligeables » . Bien que le Canada ne répète pas explicitement son premier engagement dans la deuxième réponse fédérale, il précise que le « Canada adopte et confirme sa réponse originale, en date d'octobre 1997, au rapport de la Commission de 1997 » . En ce qui concerne les canards arlequins, la commission mixte affirme ce qui suit :


Pour les canards arlequin particulièrement, le gouvernement du Canada maintient que le promoteur devrait faire appel à toute mesure possible pour assurer la protection soutenue de la population de canards arlequin de la rivière McLeod. Cela comprendrait un plan de gestion du canard arlequin de CRC, la poursuite d'un programme à long terme de contrôle du canard arlequin et l'application de toute mesure additionnelle appropriée d'atténuation ou de compensation pour les pertes si le contrôle révèle des répercussions imprévues sur le canard arlequin ou si des mesures d'atténuation sont un échec.

[63]            Dans son témoignage, Mme Majewski affirme qu'à l'époque où l'autorisation a été délivrée, elle croyait qu'Environnement Canada avait renoncé à exiger l'ajout de conditions dans l'autorisation. La question à trancher est simple : cette conclusion et, par voie de conséquence, la décision de délivrer une autorisation sont-elles raisonnables? Selon la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter, une décision sera jugée déraisonnable si elle « n'est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé » (Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 48). Comment Mme Majewski a-t-elle conclu que la délivrance d'une autorisation en vertu de la Loi sur les pêches serait conforme aux réponses fédérales et, plus important encore, qu'Environnement Canada n'exigeait l'imposition d'aucune condition dans l'autorisation?

[64]            En premier lieu, soulignons qu'il n'a jamais été question de manière certaine qu'Environnement Canada exige l'incorporation de conditions dans l'autorisation. Le premier rapport de la commission mixte contient 18 conditions qui devaient être imposées à CRC et le deuxième rapport en contient sept autres; pourtant, dans l'approbation de la commission, on ne retrouve aucune condition explicite de cette nature concernant les canards arlequins. Le Canada souligne la possibilité d'imposer des conditions dans ses réponses fédérales. Si la commission ou le Canada avait jugé qu'il ne fallait pas autoriser le projet à moins d'imposer des conditions bien précises concernant les canards arlequins, ces conditions auraient été incluses dans l'autorisation. L'absence de conditions dans les rapports de la commission mixte et les réponses fédérales laissait la possibilité qu'aucune condition ne soit imposée.


[65]            L'absence de conditions dans l'autorisation relative à la mine ne signifie pas que les canards arlequins sont laissés sans protection. CRC est tenue, conformément aux conditions générales prévues dans l'approbation provinciale de la mine (EPEA n ° 46972-00-00 délivrée le 29 septembre 1998), de mettre en oeuvre le plan d'atténuation relatif aux canards arlequins décrit dans sa demande d'autorisation. Ce plan d'atténuation contient en particulier deux stratégies pertinentes pour ce qui est des préoccupations soulevées par les demandeurs en l'espèce : a) les activités de construction devront se dérouler en dehors des périodes délicates; b) CRC respectera des distances respectables avec les réseaux hydrographiques pertinents. D'autres conditions de contrôle ont été imposées par l'Alberta lorsque la voie de desserte de Cheviot a été approuvée (autorisation n ° 46972-00-01 du 5 décembre 2003).

[66]            La preuve indique que, dans un premier temps, Mme Majewski a inclus dans une version provisoire de l'autorisation certaines conditions proposées concernant les canards arlequins. Dans son affidavit, Mme Majewski affirme que, par suite d'une discussion avec un représentant d'Environnement Canada, elle a compris que le ministère avait renoncé à exiger ces conditions vu les conclusions d'études réalisées après les rapports de la commission mixte et vu les modifications apportées à la conception du projet Cheviot. Le dossier contient une multitude de courriels, de lettres, de notes de service et de notes d'entrevue rédigés au cours de la période comprise entre la réactivation du projet, en 2002, et la délivrance de l'autorisation relative à la mine, le 13 septembre 2004. Bien qu'Environnement Canada ait participé au processus de coordination des différentes autorités fédérales, rien dans le dossier n'indique que ce ministère ait jamais répondu qu'il exigeait l'imposition de conditions dans l'autorisation.

[67]            En résumé, Mme Majewski disposait de l'information suivante :


§                La commission mixte d'examen a jugé que, compte tenu des mesures d'atténuation proposées, le projet n'aurait aucun impact négatif notable sur les canards arlequins.

§                Ni les rapports de la commission mixte, ni les réponses fédérales n'imposent la moindre condition concernant les canards arlequins.

§                Les seules conditions que l'on pouvait inclure dans l'autorisation devaient être celles exigées par Environnement Canada.

§                Une série de conditions proposées avaient été incluses dans une première ébauche de l'autorisation; donc le MPO avait bel et bien signalé à Environnement Canada la possibilité d'inclure de telles conditions.

§                Environnement Canada n'a jamais fait parvenir la moindre réponse au MPO, qui aurait confirmé qu'il souhaitait inclure des conditions, et de fait le dossier indique que, selon Environnement Canada, les questions qui le préoccupaient étaient déjà gérées efficacement (peut-être grâce aux conditions imposées par la province ou aux engagements pris par CRC).


[68]            En se fondant sur cette information, Mme Majewski a conclu qu'Environnement Canada n'exigeait l'imposition d'aucune condition dans l'autorisation relative à la mine. À mon avis, compte tenu de l'information dont elle disposait à l'époque où elle a délivré l'autorisation, sa décision de ne pas imposer de condition concernant les canards arlequins, dans l'autorisation, n'était pas déraisonnable. Cette décision peut résister à un examen assez poussé. Autrement dit, la délivrance d'une autorisation sans condition était conforme aux réponses fédérales en ce qui concerne la protection des canards arlequins.

[69]            Toutefois, de nouveaux événements sont venus compliquer le litige dont la Cour est saisie. Apparemment, en octobre 2004, après la délivrance de l'autorisation, Environnement Canada aurait informé Mme Majewski qu'il s'inquiétait des impacts du projet Cheviot sur les oiseaux migrateurs. Cependant, puisqu'il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, la Cour doit examiner les faits dont disposait le MPO lorsqu'il a décidé de délivrer l'autorisation. L'affidavit souscrit par Mme Majewski est le seul élément de preuve au dossier, sur ce point. Il est présumé véridique en l'absence de toute raison de douter de sa véracité (Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.)). Par ailleurs, personne n'a prétendu que Mme Majewski était de mauvaise foi. Elle était chargée de recevoir et de coordonner toute l'information auprès des autorités fédérales et de délivrer l'autorisation demandée. Il incombait à Environnement Canada de faire connaître clairement son opinion, ce qu'il n'a pas fait dans un délai raisonnable. En conséquence, Mme Majewski était raisonnablement convaincue, lorsqu'elle a délivré l'autorisation, qu'aucune condition n'était exigée par Environnement Canada.

[70]            Soulignons que le MPO, par le biais de Mme Majewski, s'était engagé à modifier l'autorisation si Environnement Canada le jugeait nécessaire. Si j'ai bien compris le processus (bien que la Cour ne soit pas saisie de cette question), il était possible de modifier l'autorisation à tout moment.


e) Les comités responsables de la protection des ours grizzlis

[71]            La population des ours grizzlis était une source de préoccupation importante dans les deux rapports de la commission mixte. Ces préoccupations se retrouvent dans la première réponse fédérale, lorsque le Canada reconnaît, à la page 7, que « [l]es effets cumulatifs de ce projet demeurent une menace pour la viabilité d'espèces indicatrices comme le grizzli » . Il affirme en outre ce qui suit :

Le gouvernement fédéral doit travailler en partenariat avec l'Alberta pour veiller à que soient prises des mesures d'atténuation des effets environnementaux transfrontaliers qui mettraient en péril le maintien à long terme de la population de grizzlis du parc national Jasper.

Jusqu'ici, un processus a été mis sur pied pour assurer la participation des ministères fédéraux comme membres des deux comités provinciaux dotés de pouvoirs décisionnels qui seront chargés de déterminer le détail des conditions et des mesures d'atténuation comme éléments individuels de l'exécution du projet.

[72]            La deuxième réponse fédérale souligne clairement qu'il faut poursuivre les efforts collectifs afin de protéger l'habitat des ours grizzlis. À la page 2, le Canada affirme son engagement à assurer une gestion et un contrôle efficaces des effets environnementaux :

[...] par le truchement de sa participation continue aux initiatives régionales et aux mécanismes de planification de l'utilisation des terres dans la région des versants nord-est. Citons entre autres le Comité des ressources environnementales des versants nord-est, la Forêt modèle de Foothills, le Comité de gestion du projet Cheviot, le Groupe de travail pour le développement du lac de Kettle, et le Groupe de travail sur le sélénium.

[73]            À l'époque où CRC a repris ses activités de planification du projet, deux des comités désignés (le Comité des ressources environnementales sur les versants nord-est et le comité d'examen de la conservation et de la remise en valeur des ressources de la mine Cheviot) avaient été dissous. La province de l'Alberta a présenté une autre proposition pour une cogestion fédérale-provinciale des impacts du projet sur les ours grizzlis.


[74]            Les demandeurs affirment que Parcs Canada et Environnement Canada ont tous deux rejeté la proposition de l'Alberta. Ainsi, soutiennent-ils, la décision du MPO de délivrer l'autorisation sans s'assurer au préalable que les comités dissous avaient été remplacés n'était pas conforme à la réponse fédérale.

[75]            Je remarque d'abord que ni les rapports de la commission mixte, ni les réponses fédérales ne font de l'existence de ces comités désignés une condition préalable à la délivrance de l'autorisation. De fait, dans la deuxième réponse, le Canada indique explicitement que le suivi des mesures d'atténuation peut être assuré par le truchement de plusieurs comités, sans que le choix de ces comités ne soit restreint aux comités mentionnés dans la réponse. L'objectif essentiel des réponses fédérales n'est pas d'assurer la survie de certains comités, mais plutôt celle des initiatives communes fédérales-provinciales en vue de gérer les effets cumulatifs nuisibles sur la population des ours grizzlis et de mettre en oeuvre les recommandations formulées dans les rapports de la commission mixte.

[76]            L'affidavit et le contre-interrogatoire de Mme Majewski démontrent qu'elle s'est entretenue avec les autorités de réglementation albertaines, avant de délivrer l'autorisation, pour s'assurer que de nouveaux comités seraient mis sur pied afin de remplacer les comités dissous et d'assurer le suivi des mesures d'atténuation. À l'époque, plusieurs comités avaient déjà été dissous et il a été convenu que les parties travailleraient en collaboration en vue d'établir un comité directeur chargé de la supervision. Compte tenu de la preuve au dossier, je suis convaincue que le MPO a pris toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les mesures d'atténuation précisées dans les réponses fédérales soient mises en oeuvres. La décision de délivrer l'autorisation relative à la mine était conforme aux réponses fédérales sur la question des ours grizzlis.


Question n ° 4 : Le MPO a-t-il agit de manière contraire à la loi en délivrant une autorisation qui permet des activités interdites par la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et le Règlement sur les oiseaux migrateurs?

[77]            Les demandeurs prétendent que l'autorisation relative à la mine délivrée en vertu de la Loi sur les pêches permet à CRC de déposer des millions de tonnes de stériles et de matériaux dans les eaux et dans d'autres zones fréquentées par les oiseaux migrateurs. Ils soutiennent que cette situation est « contraire à la loi » , au sens du paragraphe 18(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, parce que le paragraphe 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs, C.R.C., ch. 1035, interdit le dépôt de tels matériaux. Cette disposition précise qu'il est « interdit de déposer ou de permettre que soient déposés du pétrole, des résidus de pétrole ou d'autres substances nocives pour les oiseaux migrateurs dans des eaux ou une région fréquentées par ces oiseaux » .

[78]            Cette question a été examinée par le juge saisi des demandes de contrôle judiciaire, dans Alberta Wilderness Association. Même s'il n'était pas tenu de trancher cette question, le juge a accepté de se prononcer pour le bien des parties. Il a jugé que les stériles que CRC se proposait de déposer étaient une substance nocive. De plus, aux paragraphes 105 et 106, il affirme ce qui suit :

Le paragraphe 35(1) vise toute personne qui dépose des substances nocives ou en permet le dépôt. Il se pourrait fort bien que même si le ministre agit en vertu d'un pouvoir légitime en donnant une autorisation en vertu de la Loi sur les pêches en vue de permettre « la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson » , comme l'autorisation le permet en l'espèce, il soit néanmoins tenu responsable en vertu du paragraphe 35(1) du Règlement sur les OM.

Je souscris à l'argument du demandeur selon lequel, compte tenu de cette responsabilité, la délivrance de l'autorisation est « contraire à la loi » au sens de l'alinéa 18.1(4)f) de la Loi sur la Cour fédérale.


[79]            Cependant, le juge a refusé de rendre un jugement déclaratoire ou d'interdire la délivrance d'autres autorisations en vertu de la Loi sur les pêches parce que le ministre pouvait bénéficier de la protection réglementaire en vertu du paragraphe 35(2) du Règlement sur les oiseaux migrateurs.

a) Application du principe de la chose jugée

[80]            Les demandeurs affirment que la règle de la préclusion pour une question déjà tranchée (issue estoppel) (dérivée du principe de la chose jugée) s'applique, compte tenu des conclusions de la Cour dans Alberta Wilderness Association et du fait qu'on ne doit pas permettre aux demandeurs de rouvrir le débat dans les présentes demandes.

[81]            Les conditions préalables à l'application de la préclusion pour une question déjà tranchée sont définies par la Cour suprême du Canada dans Angle c. Canada (Ministre du Revenu national), [1975] 2 R.C.S. 248, à la page 254, et dans Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc. [2001], 2 R.C.S. 460, au paragraphe 25, comme suit :

1.          que la même question ait été décidée;

2.          que la décision judiciaire invoquée comme créant la [préclusion] soit finale;

3.          que les parties dans la décision judiciaire invoquée, ou leurs ayants droit, soient les mêmes que les parties engagées dans l'affaire où la [préclusion] est soulevée, ou leurs ayants droit.


[82]            À mon avis, la préclusion pour une question déjà tranchée ne s'applique pas en l'espèce pour les motifs suivants. Premièrement, les parties à la présente instance ne sont pas les mêmes que dans la demande de contrôle judiciaire précédente. Sierra Club du Canada n'était pas demandeur dans Alberta Wilderness Association et le MPO était intervenant et non défendeur. Deuxièmement, l'autorisation relative à la mine faisant l'objet des présentes demandes de contrôle judiciaire n'avait pas été rédigée à l'époque de cette décision. En conséquence, les questions en litige ne sont pas identiques. Enfin, les conclusions de la Cour quant au Règlement sur les oiseaux migrateurs ne faisaient pas partie des motifs sur lesquels était fondé le jugement final. La décision d'accueillir la demande de contrôle judiciaire était plutôt fondée sur le fait que la commission mixte n'avait pas réalisé son évaluation environnementale conformément à la LCEE. Comme le fait remarquer le juge Dickson, dans Angle, à la page 255 :

Il ne suffira pas [pour satisfaire au critère de préclusion pour une question déjà tranchée] que la question ait été soulevée de façon annexe ou incidente dans l'affaire antérieure ou qu'elle doive être inférée du jugement par raisonnement [...] La question qui est censée donner lieu à la fin de non-recevoir [préclusion] doit avoir été « fondamentale à la décision à laquelle on est arrivé » dans l'affaire antérieure.

[83]            Je remarque en outre que, même si l'objet du litige (la mine Cheviot) est identique, la portée du projet a été notablement réduite. En outre, je ne dispose pas du dossier de la Cour dans Alberta Wilderness Association. Cinq années se sont écoulées depuis et ont entraîné, j'en suis certaine, une évolution importante du dossier. En dehors des inférences que je peux tirer de la décision du juge, je ne connais pas les arguments qui ont été présentés à la Cour. Avec un plus petit projet, un dossier modifié, des parties différentes et une décision non exécutoire qui n'était pas un fondement du jugement, et avec de nouveaux arguments, nous ne sommes pas devant une situation donnant lieu à l'application du principe de la chose jugée ou de la préclusion pour une question déjà tranchée.


[84]            Les demandeurs m'invitent, même si je rejette l'argument fondé sur le principe de la chose jugée, à faire preuve de retenue à l'égard des conclusions de la Cour dans Alberta Wilderness Association. Toutefois, il existe une différence très importante entre ces deux instances, puisque les demandes dont je suis saisie aujourd'hui portent sur la carrière plutôt que sur le couloir d'accès dans son ensemble. Cette différence est essentielle. Pour illustrer cette distinction, mentionnons notamment la quantité des dépôts de stérile. Dans Alberta Wilderness Association, la Cour conclut que le dépôt de « millions de tonnes » de stérile dans le lit des cours d'eau « constitue une menace pour la préservation des oiseaux migrateurs qui y font leur nid » et que cela est donc « nocif » au sens du paragraphe 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs. Compte tenu de l'étendue du territoire visé par l'autorisation relative au couloir d'accès et du nombre de criques en cause, sa conclusion était sans aucun doute justifiée par la preuve au dossier. Cependant, même si la preuve en l'espèce indique qu'une certaine quantité de roche sera déposée dans la crique Cheviot afin de construire le barrage qui créera le bassin Cheviot, rien dans le dossier ne permet de croire que la roche y sera déposée par « millions de tonnes » .

[85]            En conséquence, il serait inapproprié de faire preuve de retenue à l'égard d'une conclusion voulant que le dépôt de roche soit nocif dans le contexte de l'autorisation relative au couloir d'accès, ou de s'appuyer sur une telle conclusion, dans le contexte de l'autorisation relative à la mine, compte tenu également des faits limités dont je suis saisie.

b) Application du paragraphe 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs

[86]            Puisque la règle de la préclusion pour une question déjà tranchée ne s'applique pas en l'espèce, j'examinerai la question de la légalité des agissements du MPO en ce qui a trait à la délivrance de l'autorisation relative à la mine.


[87]            Dans ses arguments déposés après l'instruction des présentes demandes, les demandeurs s'appuient sur la décision R. c. Ontario (Ministry of Environment), [2001] O.J. n ° 2581 (C.J. Ont.) (ci-après Deloro) pour étayer leur point de vue. Cette affaire concerne le site abandonné de la mine Deloro. En 1979, le ministère provincial de l'Environnement a pris le contrôle de la mine, en vertu de la Loi sur la protection de l'environnement (LPE), au même titre qu'un liquidateur ou qu'un syndic de faillite. En 1997, des échantillons d'eau et de sédiments prélevés à proximité de l'ancienne carrière ont révélé des niveaux de contamination élevés. Le ministère a fait l'objet de trois chefs d'accusation pour avoir rejeté ou permis que soit rejeté un liquide contaminé avec des métaux, en contravention avec le paragraphe 30(1) de la Loi sur les ressources en eau de l'Ontario (LREO), et de cinq autres chefs pour avoir autorisé le dépôt d'une substance nocive dans des eaux où vivent le poisson, en contravention avec le paragraphe 36(3) de la Loi sur les pêches. La principale question à trancher dans cette affaire était la suivante : la LREO et la Loi sur les pêches devraient-elles s'appliquer au ministère (décrit comme l'[traduction] « organisme responsable de dernier recours » ), celui-ci ayant pris le contrôle de la propriété pour satisfaire à ses obligations en vertu de la LPE?

[88]            La juge Dorval a conclu, au paragraphe 154, que le ministère [traduction] « avait autorisé le rejet d'un liquide contaminé avec des métaux, tant dans la rivière Moira que dans la crique Young, et que ce liquide pouvait détériorer la qualité de l'eau » . Toutefois, dans ses conclusions, elle a jugé que même si tous les éléments de l'infraction avaient été prouvés, le ministère avait fait preuve de diligence raisonnable et n'était pas coupable. L'extrait suivant tiré des paragraphes 139 et 140 de ses motifs illustre l'opinion de la juge Dorval quant au rôle du ministère en tant qu' « organisme responsable de dernier recours » et d' « entité intervenante » :


[Traduction] À mon avis, les obligations imposées au défendeur en vertu de la LPE n'empêchent pas le dépôt de chefs d'accusation en vertu de l'une ou l'autre de ces lois. Ces lois visent à protéger l'environnement. La LPE prévoit la délivrance d'arrêtés par le directeur et la mise en application de ces arrêtés. Lorsqu'un citoyen ou une société ne se conforme pas à un arrêté du directeur, le ministère de l'Environnement prend des mesures d'application et le citoyen ou la société s'expose à des poursuites en vertu de ces trois lois. Lorsque le défendeur assume la gestion et le contrôle d'une propriété abandonnée (ou d'une propriété en exploitation dont le propriétaire refuse de prendre les mesures qui s'imposent), il le fait en vue de protéger l'environnement de toute nouvelle détérioration découlant du refus d'agir. Le ministère doit donc agir en conséquence. Limiter l'application de la LREO et de la Loi sur les pêches aux nouvelles contaminations ou aux futures contaminations permettrait à l'entité qui intervient de ne pas tenir compte du problème qui perdure, à condition qu'elle n'ajoute pas à la pollution existante. L'organisme responsable de dernier recours était habilité à intervenir, avait le contrôle de la propriété mais pouvait quand même choisir d'agir exactement comme le propriétaire. Selon moi, cette interprétation n'est pas conforme à l'esprit général de la loi.

L'article 2 de la LREO et le paragraphe 3(2) de la Loi sur les pêches précisent que la Couronne est liée par ces lois. L'intention du législateur est limpide. L'entité intervenante doit apporter les mesures correctives nécessaires à la propriété en faisant preuve de diligence raisonnable. L'entité peut ainsi faire immédiatement l'objet de poursuites si elle autorise le rejet de substances nocives qui ne sont pas de son fait. Le citoyen qui rejette une tasse ou même une cuillère de contaminant sans en connaître les répercussions s'expose également à des poursuites. Toutefois, le statut de la partie intervenante sur la propriété est un élément à prendre en compte pour évaluer la diligence raisonnable. La partie intervenante qui a fait preuve de diligence raisonnable pourra se disculper.

[89]            Les demandeurs soutiennent que cette décision s'applique aux faits en l'espèce. Selon eux, Deloro établit qu'un organisme de la Couronne peut être tenu responsable, en vertu d'une loi de protection de l'environnement « parallèle » , des mesures prises dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par sa « loi principale » , à savoir la LPE. Ils font remarquer que, dans Deloro, permettre le rejet de substances nocives pour l'environnement était contraire à la loi, comme le prévoient la LREO et la Loi sur les pêches, et qu'en conséquence, le ministère s'exposait à des poursuites. Les demandeurs m'invitent à tirer la même conclusion en l'espèce, au motif que le MPO est lié par la Loi sur les pêches, sa « loi principale » , et qu'il ne peut exercer ses pouvoirs d'une manière qui contrevienne aux prescriptions du paragraphe 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs parce ce serait « contraire à la loi » , au sens de l'alinéa 18.1(4)f) de la Loi sur les Cours fédérales.


[90]            Je ne crois pas que l'on puisse établir un parallèle entre Deloro et l'affaire dont je suis saisie aujourd'hui, comme le prétendent les demandeurs. Selon moi, il ne suffit pas de s'appuyer sur le seul fait qu'un organisme public agissait en vertu d'une autre loi, ou « loi principale » , pour conclure de manière générale que cet organisme peut être tenu responsable en vertu d'une autre loi. Je dois examiner la nature du pouvoir conféré par cette « loi principale » . L'organisme public est-il, aux termes de cette loi, dans une position d'occupation ou de contrôle direct de la propriété? Est-il responsable de la gestion des activités quotidiennes des installations? Peut-il mener des activités ou ordonner que soient menées des activités sur la propriété? Si son pouvoir est de cette nature, l'organisme public peut être considéré comme n'importe quel autre exploitant d'une propriété et avoir à répondre de ses actes ou de son défaut d'agir, compte tenu des faits propres à la situation et de la loi pertinente.

[91]            Telle était la situation du ministère dans Deloro. En vertu de la LPE, le ministère assumait la gestion et le contrôle de la mine abandonnée et jouait un rôle direct en vue de protéger l'environnement de toute nouvelle détérioration. Puisque la LREO et la Loi sur les pêches contiennent toutes deux des dispositions précisant que la Couronne est liée par ces lois, le ministère s'exposait à des poursuites et pouvait être condamné en vertu de ces lois. Autrement dit, le ministère se retrouvait exactement dans la même situation que toute autre entreprise privée d'exploitation minière; il avait effectivement « endossé la veste » de l'exploitant minier. Deloro n'appuie en rien l'argument voulant qu'en délivrant une autorisation en vertu du mandat qui lui est conféré par la loi, le MPO « permet le dépôt » de substances nocives au sens prévu au paragraphe 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs.


[92]            Non seulement Deloro n'étaye pas la thèse des demandeurs, mais il permet en outre de souligner la distinction que l'on doit établir entre l'entité publique agissant à titre d'organisme chargé de délivrer des autorisations et l'entité publique assumant un véritable rôle de gestion et de contrôle d'une propriété. Dans ce dernier cas, l'organisme public qui assure la gestion quotidienne et dirige les activités sur la propriété doit être tenu responsable de ses agissements à l'égard de cette propriété. Par contre, lorsque l'entité publique exerce ses attributions d'examen et, conformément aux directives de la loi, de délivrance d'autorisations, elle n'est pas responsable et ne doit pas être tenue responsable des agissements d'un tiers exploitant lorsque :

1.          le contrôle et la gestion de la propriété sont aux mains d'une entité indépendante de l'organisme public;

2.          les agissements en cause ne concernent pas directement l'autorisation délivrée par l'entité publique en cause ou le mandat de cette entité;

3.          l'exploitant n'a pas obtenu d'autorisation en vertu d'une autre loi pour les agissements en cause.

[93]            Dans la présente instance, le MPO a délivré une autorisation en vertu du paragraphe 35(1) de la Loi sur les pêches. Le MPO n'exerce aucun contrôle sur le site minier de Cheviot; ce contrôle appartient à CRC. L'autorisation du MPO concerne le poisson et l'habitat du poisson en application de la Loi sur les pêches, et non les oiseaux migrateurs. Rien dans la Loi sur les pêches n'oblige le MPO à examiner les effets nocifs possibles sur les oiseaux migrateurs. En dehors du cadre de la Loi sur les pêches, le MPO n'a aucun pouvoir de gérer ou d'exploiter la mine Cheviot. En conséquence, je ne vois pas comment le MPO pourrait être tenu responsable, à titre d'organisme de réglementation, des agissements de CRC, dans l'éventualité où cette dernière contrevient au paragraphe 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs.


[94]            Je suis d'accord avec les demandeurs lorsqu'ils affirment qu'un organisme public peut être tenu responsable en vertu d'une loi de protection de l'environnement parallèle pour des actes commis dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par sa « loi principale » . L'affaire Deloro illustre bien cette possibilité de responsabilité de la Couronne. Ainsi, un ministère ou un organisme du gouvernement chargé de gérer les activités sur les propriétés faisant partie de son portefeuille pourrait être tenu responsable (sous réserve, bien entendu, de la loi applicable), dans certaines circonstances, des incidents qui surviennent sur ses propriétés. Si ces organismes « permettent » que soient déposés « du pétrole, des résidus de pétrole ou d'autres substances nocives pour les oiseaux migrateurs » dans les eaux, on pourra peut-être établir, selon les faits propres à ces incidents, un lien direct et suffisant pour constituer une « permission » au sens du paragraphe 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs. Il n'existe aucun lien de cette nature en l'espèce.

[95]            En délivrant l'autorisation relative à la mine en vertu de la Loi sur les pêches, le MPO ne « permet » pas à CRC de déposer des « millions de tonnes de stériles et de matériaux dans le lit des cours d'eau et les zones fréquentées par les oiseaux migrateurs » . Même si on arrivait à un tel résultat (ce qui est loin d'être prouvé), les agissements du MPO qui ont délivré l'autorisation en vertu de la Loi sur les pêches ne sont pas « contraires à la loi » , au sens de l'alinéa 18.1(4)f) de la Loi sur les Cours fédérales, simplement parce que le dépôt de ces matériaux peut être interdit en vertu du paragraphe 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs.


[96]            Compte tenu de cette conclusion, il est inutile que je détermine si les éléments d'une infraction au paragraphe 35(1) du Règlement sur les oiseaux migrateurs ont été prouvés. En fait, je ne suis pas disposée à poursuivre cette analyse plus loin. Si les activités de CRC semblent contrevenir au Règlement sur les oiseaux migrateurs, des accusations pourront être portées contre elle. Dans ce cas, le tribunal compétent pourra juger du contexte pertinent et des faits allégués au soutien des infractions alléguées.

CONCLUSION

[97]            Pour les motifs qui précèdent, des ordonnances rejetant les demandes de contrôle judiciaire seront rendues par la Cour.

[98]            Vu ma conclusion voulant que la délivrance de l'autorisation relative à la mine en vertu de la Loi sur les pêches n'est pas contraire à la loi en vertu de l'article 35 du Règlement sur les oiseaux migrateurs, il est inutile de trancher la question constitutionnelle soulevée par CRC.

[99]            Si les parties ne parviennent pas à s'entendre sur les dépens, elles devront déposer leurs arguments sur cette question au plus tard le 9 septembre 2005, sur un document d'au plus trois pages, à double interligne. Les parties pourront déposer leur réponse au plus tard le 16 septembre 2005, laquelle ne devra pas excéder une page.

                « Judith A. Snider »   

______________________________

Juge

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                                   T-1488-04 et T-1946-04

INTITULÉ :                                                    PEMBINA INSTITUTE FOR APPROPRIATE DEVELOPMENT ET AL c. MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS ET AL

LIEU DE L'AUDIENCE :                              EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LES 14 ET 15 JUIN 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                   LE 17 AOÛT 2005

COMPARUTIONS :

Timothy J. Howard et Justin Duncan                                          POUR LES DEMANDEURS

Doreen Mueller                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

            (Ministre des Pêches et des Océans)

Martin Ignasiak et Shauna Finlay                                                POUR LA DÉFENDERESSE

            (Cardinal River Coals Ltd.)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Timothy J. Howard, avocat                                                        POUR LES DEMANDEURS

Vancouver (Colombie-Britannique)

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                                            (Ministre des Pêches et des Océans)

Ottawa (Ontario)

Fraser Milner Casgrain LLP                                                       POUR LA DÉFENDERESSE

Edmonton (Alberta)                                                                   (Cardinal River Coals Ltd.)


Date : 20050817

Dossier : T-1488-04

Ottawa (Ontario), le 17 août 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

PEMBINA INSTITUTE FOR APPROPRIATE DEVELOPMENT,

FÉDÉRATION CANADIENNE DE LA NATURE, SIERRA CLUB DU CANADA,

ALBERTA WILDERNESS ASSOCIATION et

JASPER ENVIRONMENTAL ASSOCIATION

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS et

CARDINAL RIVER COALS LTD.

défendeurs

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Si les parties ne parviennent pas à s'entendre sur les dépens, elles devront déposer leurs arguments sur cette question au plus tard le 9 septembre 2005, sur un document d'au plus trois pages, à double interligne. Les parties pourront déposer leur réponse au plus tard le 16 septembre 2005, laquelle ne devra pas excéder une page.

« Judith A. Snider »

Juge

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


Date : 20050817

Dossier : T-1946-04

Ottawa (Ontario), le 17 août 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

PEMBINA INSTITUTE FOR APPROPRIATE DEVELOPMENT,

NATURE CANADA (anciennement FÉDÉRATION CANADIENNE DE LA NATURE), SIERRA CLUB DU CANADA, ALBERTA WILDERNESS ASSOCIATION et

JASPER ENVIRONMENTAL ASSOCIATION

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS et

CARDINAL RIVER COALS LTD.

défendeurs

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Si les parties ne parviennent pas à s'entendre sur les dépens, elles devront déposer leurs arguments sur cette question au plus tard le 9 septembre 2005, sur un document d'au plus trois pages, à double interligne. Les parties pourront déposer leur réponse au plus tard le 16 septembre 2005, laquelle ne devra pas excéder une page.


                    « Judith A. Snider »               

Juge

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali

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