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Date : 20191218


Dossier : IMM‑707‑19

Référence : 2019 CF 1625

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 18 décembre 2019

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

MAI SATI

SIE ALEXANDER WILSON

CLARENCE KPARKAR

SEMIRA WILSON

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Mme Mai Sati (la demanderesse principale), son conjoint de fait, M. Sie Alexander Wilson, et leurs enfants, Clarence Kparkar et Semira Wilson (collectivement, les demandeurs), sollicitent le contrôle judiciaire de la décision d’un agent de migration (l’agent) du haut‑commissariat du Canada à Accra, au Ghana.

[2]  Les demandeurs sont des citoyens du Libéria. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a accordé le statut de réfugié à la demanderesse principale le 6 février 2017. Le 27 février 2017, la demanderesse principale a fait une demande de résidence permanente à titre de [traduction] « personne protégée au Canada » et a inclus son conjoint de fait et ses enfants dans cette demande.

[3]  Dans la décision datée du 18 janvier 2019, l’agent a refusé d’accorder le statut de résident permanent au conjoint de fait et aux enfants de la demanderesse principale.

[4]  L’agent a conclu que la relation conjugale de la demanderesse principale n’était pas authentique au sens du paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement). De plus, l’agent a conclu que les enfants étaient interdits de territoire suivant les paragraphes 11(1) et 16(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), car leur père n’avait pas donné son consentement pour leur voyage au Canada.

[5]  Les demandeurs affirment que l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale en se fondant sur des éléments de preuve extrinsèques, plus précisément sur les pages Facebook de la demanderesse principale, de son conjoint de fait, de membres de la famille et d’amis, sans les avoir informés qu’il avait consulté ces pages.

[6]  Les demandeurs soutiennent également que la décision n’était pas raisonnable selon la preuve dont disposait l’agent. Ils affirment que l’agent n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve, dont les pages Facebook et le témoignage qu’avait livré la demanderesse principale devant la SPR. Ils allèguent que l’agent a évalué de façon déraisonnable le témoignage de la demanderesse principale concernant le statut de sa relation conjugale.

[7]  Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) soutient qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale et que la décision de l’agent était raisonnable.

[8]  Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte; voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339.

[9]  La norme de contrôle applicable à la décision de l’agent sur le bien‑fondé de la demande de résidence permanente est celle de la décision raisonnable; voir l’arrêt Khosa, précité.

[10]  Selon l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, la norme de la décision raisonnable exige que la décision soit justifiable, transparente et intelligible et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[11]  Il n’est pas nécessaire que j’examine les arguments au sujet d’un manquement à l’équité procédurale découlant de l’appréciation qu’a faite l’agent des pages Facebook puisque je ne suis pas convaincue que la décision sur le fond satisfait au critère juridique de la décision raisonnable.

[12]  La demanderesse principale a reçu le statut de réfugié au sens de la Convention parce qu’elle militait pour les droits des personnes LGBTI et qu’elle était perçue comme étant lesbienne. La SPR a conclu qu’elle n’est pas lesbienne, mais qu’elle est exposée à un risque au Libéria en raison de ses activités militantes.

[13]  Le dossier certifié du tribunal (le DCT) versé au dossier de la présente instance contient la décision écrite de la SPR.

[14]  Dans le formulaire Fondement de la demande d’asile (le formulaire FDA) qu’elle avait déposé pour appuyer sa demande d’asile, la demanderesse principale a évoqué des difficultés dans sa relation conjugale et a mentionné qu’elle espérait se réconcilier avec son conjoint de fait. Je renvoie aux lignes 24 à 30 de la page 13 du formulaire FDA, qui est reproduite à la page 53 du dossier des demandeurs.

[15]  La demanderesse principale a également indiqué dans son formulaire FDA que sa famille et son conjoint de fait l’avaient rejetée; voir les lignes 23 à 27 de la page 16 du formulaire FDA, qui est reproduite à la page 56 du dossier des demandeurs.

[16]  La SPR a fait référence à ces déclarations dans sa décision par laquelle elle a accordé le statut de réfugié au sens de la Convention à la demanderesse principale.

[17]  À mon avis, l’agent n’a pas apprécié de façon raisonnable la preuve, dont les pages Facebook en question, avant de tirer une conclusion quant à l’authenticité de la relation de la demanderesse principale avec son conjoint de fait. L’agent s’est appuyé sur la décision défavorable qu’il a rendue concernant la relation pour rejeter la demande de résidence permanente qui avait été présentée au nom des deux enfants.

[18]  Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

[19]  Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑707‑19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 20e jour de décembre 2019

Caroline Tardif, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑707‑19

 

INTITULÉ :

MAI SATI, SIE ALEXANDER WILSON, CLARENCE KPARKAR, SEMIRA WILSON c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 DÉCEMBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE heneghan

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 18 DÉCEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Raoul Boulakia

POUR LES DEMANDEURS

Daniel Engle

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raoul Boulakia

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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