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                                                                Date : 20020703

                                                   Dossier : IMM-2758-01

Ottawa (Ontario), le 3 juillet 2002

En présence de Monsieur le juge Pinard

Entre :

                       MARY OLUFUNMILAYO KOMOLAFE

      et OLUJIMI CORNELIUS KOMOLAFE

                                                               demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE l'IMMIGRATION

                                                                défendeur

                                ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 22 mai 2001 par l'agente d'immigration B. L. Loyd, décision par laquelle celle-ci a refuséla demande de dispense ministérielle àl'égard du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, déposée par les demandeurs, est rejetée.

                   « Yvon Pinard »                                                                                                Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.L.


                                                                Date : 20020703

                                                   Dossier : IMM-2758-01

                                       Référence neutre : 2002 CFPI 735

Entre :

                       MARY OLUFUNMILAYO KOMOLAFE

                     et OLUJIMI CORNELIUS KOMOLAFE

                                                               demandeurs

                                  - et -

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                défendeur

                                    

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD:

   Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d'une décision rendue par l'agente d'immigration (l'agente) B. L. Lloyd, le 22 mai 2001, décision par laquelle celle-ci a rejeté leur demande de dispense ministérielle à l'égard du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).

   Les demandeurs sont des citoyens du Nigéria. La demanderesse Mary Olufunmilayo Komolafe (la demanderesse adulte) est la mère du demandeur Olujimi Cornelius Komolafe (le demandeur mineur).


   Les demandeurs ont présenté une demande aux termes du paragraphe 114(2) de la Loi afin qu'il soit envisagé de leur accorder la résidence permanente à partir du Canada. La demanderesse adulte a été interrogée par l'agente le 27 février 2001 et leur demande a été refusée par lettre datée du 22 mai 2001.

   Dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, Mme le juge L'Heureux-Dubé a conclu aux pages 857 et 858 que la norme de contrôle appropriée pour les décisions prises en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi et de l'article 2.1 du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, est la décision raisonnable simpliciter :

[. . .] Je conclus qu'on devrait faire preuve d'une retenue considérable envers les décisions d'agents d'immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l'analyse, de son rôle d'exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi. Toutefois, l'absence de clause privative, la possibilitéexpressément prévue d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, Section de première instance, et la Cour d'appel fédérale dans certaines circonstances, ainsi que la nature individuelle plutôt que polycentrique de la décision, tendent aussi àindiquer que la norme applicable ne devrait pas en être une d'aussi grande retenue que celle du caractère « manifestement déraisonnable » . Je conclus, après avoir évalué tous ces facteurs, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.

   Le juge Iacobucci a défini la décision raisonnable comme norme, dans l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc. [1997] 1 R.C.S. 748, aux pages 776 et 777 :

[. . .] Est déraisonnable la décision qui, dans l'ensemble, n'est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander s'il existe quelque motif étayant cette conclusion. Le défaut, s'il en est, pourrait découler de la preuve elle-même ou du raisonnement qui a étéappliqué pour tirer les conclusions de cette preuve. Un exemple du premier type de défaut serait une hypothèse qui n'avait aucune assise dans la preuve ou qui allait à l'encontre de l'essentiel de la preuve. Un exemple du deuxième type de défaut serait une contradiction dans les prémisses ou encore une inférence non valable.


   La question fondamentale soulevée par les demandeurs dans leur mémoire a trait au fait que l'agente a omis de considérer l'intérêt des enfants. Dans l'arrêt Baker, précité, le juge L'Heureux-Dubé a considéré soigneusement le rôle de l'intérêt des enfants dans l'examen des décisions prises en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi. Au paragraphe 67, elle conclut que « Les droits des enfants, et la considération de leurs intérêts, sont des valeurs d'ordre humanitaire centrales dans la société canadienne » .

   À la suite de la clarification qu'a apportée subséquemment la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), 2002 CSC 1, [2002] A.C.S. no 3 (QL), concernant la considération de l'intérêt des enfants, la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Legault c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), 2002 CAF 125, [2002] A.C.F. no 457 (QL), a déclaré ce qui suit :

[11]      La Cour suprême, dans Suresh, nous indique donc clairement que Baker n'a pas dérogé à la tradition qui veut que la pondération des facteurs pertinents demeure l'apanage du ministre ou de son délégué. Il est certain, avec Baker, que l'intérêt des enfants est un facteur que l'agent d'immigration doit examiner avec beaucoup d'attention. Il est aussi certain, avec Suresh, qu'il appartient à cet agent d'attribuer à ce facteur le poids approprié dans les circonstances de l'espèce. Ce n'est pas le rôle des tribunaux de procéder à un nouvel examen du poids accordé aux différents facteurs par les agents.

_[12]      Bref, l'agent d'immigration doit se montrer « réceptif, attentif et sensible à cet intérêt » (Baker, paragraphe 75), mais une fois qu'il l'a bien identifié et défini, il lui appartient de lui accorder le poids qu'à son avis il mérite dans les circonstances de l'espèce. La présence d'enfants, contrairement à ce qu'a conclu le juge Nadon, n'appelle pas un certain résultat. Ce n'est pas parce que l'intérêt des enfants voudra qu'un parent qui se trouve illégalement au Canada puisse demeurer au Canada (ce qui, comme le constate à juste titre le juge Nadon, sera généralement le cas), que le ministre devra exercer sa discrétion en faveur de ce parent. Le Parlement n'a pas voulu, à ce jour, que la présence d'enfants au Canada constitue en elle-même un empêchement à toute mesure de refoulement d'un parent se trouvant illégalement au pays (voir Langner c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1995), 184 N.R. 230 (C.A.F.), permission d'en appeler refusée, [1995] CSC 24740, 17 août 1995).


   Dans le cas en l'espèce, il semble que l'agente ait fait mention du fait qu'elle a accordé [traduction] « beaucoup de poids et d'importance aux deux enfants de Mme Komolafe, Jane et Jimi » et qu'elle a tenu compte de la question de la mutilation génitale des femmes. Les facteurs et les éléments de preuve suivants ont été particulièrement examinés : le fait que la lettre que la demanderesse adulte a produite afin de prouver que son père voulait que sa fille subisse la mutilation des organes génitaux soit datée et écrite en encres de couleurs différentes et que le cachet de la poste soit illisible; la demanderesse adulte a admis durant l'entrevue que son père ne l'avait pas menacée; le père des enfants, dont la demande que leur fille subisse cette mutilation sexuelle constitue la plus grande source d'inquiétude de la demanderesse adulte, réside actuellement au Canada; la demanderesse adulte a déclaré dans l'entrevue qu'elle avait accusé le père des enfants parce qu'il était violent envers elle, mais que celui-ci avait changé d'idée concernant la mutilation de l'enfant et, finalement que le gouvernement du Nigéria a pris des mesures afin d'interdire cette pratique dans plusieurs États et dans environ 50 p. 100 de la population féminine du Nigéria.

   Comme les demandeurs n'ont pas réussi à me convaincre que l'agente a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait (voir l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7), par conséquent, je dois conclure, à la lumière de la preuve, que les demandeurs n'ont pas réussi à démontrer que la décision de l'agente constituait un abus de pouvoir.


Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                        « Yvon Pinard »                      

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 3 juillet 2002

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.L.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

        SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                           IMM-2758-01

INTITULÉ:                           Mary Olufunmilayo Komolafe et Olujimi Cornelius Komolafe c. Le ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 28 mai 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :    LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                   Le 3 juillet 2002

COMPARUTIONS:

Michael E. Brodzky                    POUR LES DEMANDEURS

Mary Mathews                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Michael E. Brodzky                    POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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