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Date : 20191203


Dossier : T‑210‑12

Référence : 2019 CF 1546

Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2019

En présence de madame la protonotaire Mandy Aylen

ENTRE :

JENNIFER MCCREA

représentante demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse

et

CARINE HUTCHINSON

demanderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Carine Hutchinson, soumet à la Cour une demande de contrôle judiciaire conformément à l’article 8 de l’entente de règlement conclue dans le cadre du recours collectif et approuvée par la juge Kane dans son ordonnance et motifs en date du 29 janvier 2019, visant la décision datée du 18 septembre 2019 par laquelle l’administrateur du recours collectif sur les prestations de maladie de l’assurance‑emploi a refusé ses demandes de prestations de maladie de l’assurance‑emploi (AE).

[2]  Pour les motifs exposés ci‑dessous, je conclus que Mme Hutchinson ne répond pas à la définition du groupe et que, par conséquent, la décision de l’administrateur est confirmée.

I.  Contexte

[3]  Le contexte entourant le recours collectif sous‑jacent est décrit en détail dans les décisions McCrea c Canada (Procureur général), 2013 CF 1278, [2013] ACF no 1444 [McCrea 2013], McCrea c Canada (Procureur général), 2015 CF 592, [2015] ACF no 1225 (QL) [McCrea 2015], et dans l’ordonnance et motifs de la juge Kane du 29 janvier 2019.

[4]  En résumé, dans le cadre du recours collectif, la représentante demanderesse a notamment fait valoir que d’autres personnes et elle‑même qui sont tombées malades alors qu’elles recevaient des prestations parentales et se sont vu refuser de manière illicite des prestations de maladie au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi. Le recours collectif a été autorisé, mais la définition du groupe a été modifiée. La Cour a refusé d’élargir la définition du groupe pour inclure les personnes qui, pendant la période pertinente, « ont été informées de vive voix ou par écrit par les défendeurs, la Commission ou Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) qu’elles n’étaient pas admissibles à un congé de maladie, étant donné qu’elles étaient en congé parental ou qu’elles étaient autrement indisponibles au travail au moment où leur demande de congé de maladie aurait été présentée si, après avoir reçu cet avis et ces déclarations, elles ne s’étaient pas abstenues de présenter une telle demande ».

[5]  Les détails de l’entente de règlement, de la mise en œuvre de cette entente et du processus de demande de contrôle sont déterminants pour les besoins de la présente demande.

[6]  Le paragraphe 4.02 de l’entente de règlement définit le groupe de la manière suivante :

Toutes les personnes qui, au cours de la période s’étendant du 3 mars 2002 au 23 mars 2013, inclusivement :

i)  ont présenté une demande de prestation et reçu des prestations parentales au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi ou des prestations équivalentes au titre de la Loi sur l’assurance parentale du Québec;

ii)  sont tombées malades, ont été blessées ou mises en quarantaine alors qu’elles touchaient les prestations parentales en question;

iii)  ont présenté une demande de prestation de maladie relativement à la maladie, à la blessure ou à la mise en quarantaine mentionnée au point ii) ci‑dessus;

iv)  ont vu leur demande de conversion de prestations parentales en prestations de maladie refusée pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

(a)  elles étaient autrement indisponibles au travail; ou

(b)  elles n’avaient pas reçu au moins une semaine de prestations de maladie au cours de la période de prestations parentales.

[Non souligné dans l’original]

[7]  Selon le paragraphe 5.01 de l’entente de règlement, toute personne pouvant établir qu’elle répond à la définition du groupe et ayant touché moins de quinze (15) semaines de prestations de maladie au cours de la période de prestations durant laquelle la demande originale de conversion en prestations de maladie a été présentée est admissible à un paiement individuel (au sens de l’entente de règlement).

[8]  Selon l’entente de règlement, certaines personnes qui ont été identifiées à l’issue du projet d’examen des dossiers sont réputées être des membres du groupe admissibles. Pour les personnes qui n’ont pas été identifiées à l’issue du projet d’examen des dossiers, il doit être établi qu’elles répondent à la définition du groupe. Le paragraphe 5.03 de l’entente de règlement prévoit ce qui suit :

Le cas échéant, les demandeurs qui n’ont pas été identifiés comme membres du groupe à l’issue du projet d’examen des dossiers seront admissibles s’il est établit [sic] qu’ils satisfont à la définition de groupe sur la base de preuve d’une demande de conversion en prestations de maladie dans le dossier de EDSC dans a) les renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations; b) la liste de vérification des demandes de conversion utilisée pendant la période visée par le recours collectif; ou c) un autre dossier tenu par EDSC. Subsidiairement, EDSC prendra en compte un élément de preuve documentaire fournie par un demandeur qui atteste la présentation d’une demande de conversion.

[9]  L’article 7 de l’entente de règlement prévoit, au bénéfice de quiconque souhaite présenter une demande de prestations en vertu de l’entente de règlement, le processus d’administration des demandes. L’administrateur traite toutes les demandes et rend des décisions écrites qu’il communique aux demandeurs.

[10]  Selon l’article 8 de l’entente de règlement, si l’administrateur détermine qu’une demande n’est pas fondée et refuse un paiement individuel, le demandeur peut demander à la Cour fédérale un contrôle de la décision de l’administrateur.

[11]  Le paragraphe 8.05 de l’entente de règlement prévoit que le protonotaire désigné par la Cour fédérale détermine si le demandeur est un membre admissible du groupe (au sens de l’entente de règlement) et, selon l’issue du processus, maintient la décision de l’administrateur ou infirme la décision de l’administrateur et lui renvoie la demande afin qu’il procède au calcul et au traitement du paiement individuel auquel le membre du groupe a droit.

II.  La décision de l’administrateur

[12]  Le 29 juillet 2019, la demanderesse a présenté une demande de prestations de maladie à l’administrateur pour deux périodes de maladie, soit du 28 octobre 2003 au 31 mars 2004, et du 24 décembre 2005 au 15 janvier 2006.

[13]  Par une lettre datée du 18 septembre 2019, l’administrateur a transmis sa décision par laquelle il rejetait les demandes de la demanderesse. Dans sa décision, il a écrit ce qui suit :

Début de la période de prestations d’AE commençant le 5 octobre 2003

Après un examen approfondi de votre dossier, nous avons déterminé que vous n’êtes pas admissible à recevoir un paiement individuel conformément à l’entente de règlement approuvée pour la demande de l’Assurance-emploi (AE) commençant le 5 octobre 2003, puisque vous n’avez pas présenté de demande de prestations de maladie de l’AE alors que vous receviez des prestations parentales de l’AE ou des prestations équivalentes au titre de la Loi sur l’assurance parentale du Québec (RQAP).

Début de la période de prestations d’AE commençant le 8 janvier 2006

Nous avons également déterminé que vous n’êtes pas admissible à recevoir un paiement individuel conformément à l’entente de règlement approuvée pour le début de la période de prestations d’AE commençant le 8 janvier 2006, puisque vous n’avez pas présenté de demande de prestations de maladie de l’AE alors que vous receviez des prestations parentales de l’AE ou des prestations équivalentes au titre de la Loi sur l’assurance parentale du Québec (RQAP).

III.  Analyse

[14]  Dans le formulaire Demande de contrôle d’une décision concernant une demande qu’elle a rempli, la demanderesse sollicite le contrôle de la décision de l’administrateur pour les motifs suivants :

À l’époque, il était clairement dit que, si une personne recevait des prestations de maternité, elle ne pouvait pas recevoir des prestations de maladies. Il était donc évident que je n’ai pas présenté de demande de maladie puisque je n’y avait pas droit! Cependant j’étais bien malade pendant que je recevais mes prestations de maternité. Mon cabinet médical pourra vous le confirmer.

[15]  Pour en arriver à ma conclusion, j’ai examiné les documents produits par EDSC conformément au paragraphe 8.04 de l’entente de règlement et les observations écrites déposées par EDSC. La demanderesse n’a pas déposé d’autres observations écrites, même si elle a eu l’occasion de le faire. Ainsi, les motifs de contrôle détaillés au paragraphe 14 plus haut sont tout ce que m’a transmis la demanderesse à titre d’observation.

[16]  Pour les motifs qui suivent, je juge que la demanderesse ne répond pas à la définition de membre du groupe.

[17]  Premièrement, selon la preuve dont je dispose, la demanderesse avait fait deux demandes d’AE couvrant les deux périodes de maladie déclarées dans le formulaire de réclamation.

[18]  Pour la demande de prestations commençant le 5 octobre 2003 jusqu’au 31 mars 2004, elle a reçu 15 semaines de prestations de maternité (la semaine du 19 octobre 2003 jusqu’à la semaine du 25 janvier 2004), suivi par 35 semaines de prestations parentales/soins d’enfants (la semaine du 1er février 2004 jusqu’à la semaine du 26 septembre 2004).

[19]  Pour la demande de prestations commençant le 24 décembre 2005 jusqu’au 15 janvier 2006, elle a reçu 15 semaines de prestations de maternité (la semaine du 22 janvier 2006 jusqu’à la semaine du 30 avril 2006), suivi par 33 semaines de prestations parentales/soins d’enfants (la semaine du 7 mai 2006 jusqu’à la semaine de 17 décembre 2006).

[20]  Selon la définition du groupe, un membre est une personne qui est tombée malade pendant qu’elle touchait des prestations parentales. En l’espèce, la demanderesse affirme qu’elle a droit à une indemnisation pour une période durant laquelle elle ne touchait pas des parentales (du 24 décembre 2005 au 15 janvier 2006). Comme la demande d’indemnisation ne se rapporte pas à une période durant laquelle la demanderesse touchait des prestations parentales, cette dernière ne répond pas à la définition du groupe. J’arrive à la même conclusion en ce qui concerne la période du 28 octobre au 25 janvier 2004, aussi durant laquelle la demanderesse ne touchait pas des prestations parentales.

[21]  De plus, pour répondre à la définition du groupe, la demanderesse doit avoir « présenté une demande de prestation de maladie relativement à la maladie, à la blessure ou à la mise en quarantaine » au cours des périodes s’étendant du 28 octobre 2003 au 31 mars 2004 et du 24 décembre 2005 au 15 janvier 2006. La Cour ne dispose d’aucun document, que ce soit dans le dossier d’EDSC ou dans celui de la demanderesse, susceptible de corroborer que la demanderesse a présenté des demandes de conversion en prestations de maladie. Au contraire, la demanderesse confirme dans ses observations écrites qu’elle n’a pas présenté des demandes de prestations.

[22]  La définition du groupe à l’article 4.02 et la charge de preuve sous l’article 5.03 exigent qu’un demandeur ait pris des mesures positives pour faire une demande de conversion de prestations. N’ayant pas soumis des demandes de conversion de prestations, je conclus que la demanderesse ne répond pas à la définition du groupe pour les deux périodes de réclamations.

[23]  Comme j’ai conclu que la demanderesse ne répond pas à la définition du groupe, je conclus qu’elle n’est pas un membre admissible du groupe (au sens de l’entente de règlement). L’administrateur a correctement appliqué les articles 4.02 et 5.03 de l’entente de règlement, et, par conséquent, sa décision est confirmée.

[24]  Aucuns dépens ne seront adjugés dans le cadre de la présente demande.


JUGEMENT dans le dossier T‑210‑12

  1. La Cour confirme la décision de l’administrateur rendue le 18 septembre 2019 concernant la demande de Carine Hutchinson.

« Mandy Aylen »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :

T‑210‑12

 

INTITULÉ :

JENNIFER MCCREA c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA et CARINE HUTCHINSON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA PROTONOTAIRE mandy aylen

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 2 décembre 2019

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Steven J Moreau

Cavalluzzo LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA REPRÉSENTANTE DEMANDERESSE

 

Christine Mohr

Ayesha Laldin

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

pour la défenderesse

 

Carine Hutchinson

Pour son propre compte

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

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