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Date : 20050216

Dossier : T-1591-04

Référence : 2005 CF 254

ENTRE :

DOMINION INVESTMENTS (NASSAU) LTD.

-et-

MARTIN TREMBLAY

                                   (Président de Dominion Investments (Nassau) Ltd.)

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                            ET

                                     SA MAJESTÉ LA REINE, CHEF DU CANADA

                                                                                                                                      défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE :

Introduction


[1]                Par sa requête en suspension d'instance, la défenderesse amène cette Cour à évaluer si la défense qu'elle devrait faire valoir par ailleurs à l'encontre de l'action en responsabilité civile intentée par les demandeurs l'amènerait à coup sûr à divulguer des renseignements qu'elle considère devoir protéger pour diverses raisons d'intérêt public et pour lesquelles elle a produit au soutien de sa requête un certificat en bonne et due forme sous l'article 37 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R. (1985), ch. C-5, telle que modifiée (la Loi); certificat qui lui-même réfère, sans les dévoiler, aux renseignements à protéger qui eux se retrouvent en détail à un affidavit d'un inspecteur de la GRC (l'affidavit de Serge Therriault).

[2]                Pour les motifs qui suivent, la Cour est d'avis que tel serait le cas en l'espèce et que l'intérêt de la justice dont fait état l'alinéa 50(1)b) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R. (1985), ch. F-7, telle que modifiée, rejoint les raisons d'intérêt public énoncées audit certificat et détaillées à l'affidavit de Serge Therriault.

[3]                En conséquence la requête de la défenderesse en suspension des procédures dans le présent dossier sera accueillie et, tel que demandé, cette suspension vaudra pour une année à compter de la date de l'ordonnance accompagnant les présent motifs. Cette suspension sera toutefois accompagnée d'une obligation de la part de la défenderesse de faire rapport à la Cour dans les six mois de la date de l'ordonnance quant à tout changement significatif qui serait de nature à permettre à la défenderesse de poursuivre les procédures dans le présent dossier et d'ainsi lever la suspension par ailleurs imposée.

Contexte factuel

[4]                Le 30 août 2004, les demandeurs ont intenté contre la défenderesse une action en dommages-intérêts et dommages exemplaires au montant de 6 350 000 $ US en raison, suivant la compréhension des demandeurs, du fait que la GRC aurait divulgué volontairement à des institutions financières ainsi qu'à des autorités policières américaines des renseignements faux, trompeurs et hautement préjudiciables à la réputation des demandeurs et à leurs affaires.

[5]                Les demandeurs indiquent que ces renseignements auraient été dévoilés par les autorités policières canadiennes et américaines dans le cadre d'une enquête qu'elles menaient relativement aux activités illégales auxquelles se serait livré un certain Daniel Pelchat.

[6]                Cette conclusion est tirée par les demandeurs en raison essentiellement du fait que l'on peut lire ce qui suit dans un document préparé par les autorités américaines et déposé depuis septembre 2002 à un dossier public de la Cour supérieure du Québec relativement à l'arrestation provisoire du dénommé Daniel Pelchat :

As part of our financial investigation, we have, together with the RCMP, learned that PELCHAT's moneys are deposited into an investment account named DOMINION INVESTMENTS at the Royal Bank of Canada. While that investigation remains ongoing, the RCMP reports that DOMINION INVESTMENTS is a Bahamian money laundering operation affiliated with the Hell's Angels.

[7]                Dans leur déclaration d'action, les demandeurs réclament également l'émission d'une injonction permanente afin d'empêcher la GRC de communiquer des renseignements au sujet des demandeurs. Nous aurons l'occasion de revenir aux paragraphes [23] et suivants sur cette demande d'injonction.


Analyse

[8]                Suivant les demandeurs, par sa communication de renseignements sur eux, la défenderesse a somme toute porté de façon publique des accusations de nature criminelle contre ces derniers. En conséquence, le droit exigerait maintenant que soient révélés aux demandeurs le fondement de ces accusations et tout renseignement pertinent les entourant de manière à ce qu'ils puissent les réfuter. Toute enquête portant sur un tiers, tel Daniel Pelchat, ne saurait être un frein à une telle obligation de la défenderesse.

[9]                Toujours selon les demandeurs, seules l'identité de tout informateur de police ainsi que l'information pouvant l'identifier peuvent être retranchées de l'information qu'ils exigent maintenant de la défenderesse.

[10]            Les demandeurs auraient fort possiblement raison en principe s'ils se trouvaient maintenant accusés en bonne et due forme par la couronne fédérale d'actes criminels. Les demandeurs ne sont pas toutefois des accusés en vertu du Code criminel et ils ont tort à mon avis de faire appel à des énoncés puissants de jurisprudence qui ont été émis dans des contextes impliquant directement le droit criminel (voir entre autres l'arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326, auquel les demandeurs ont fait longuement référence en audition).

[11]            Tout récemment dans l'arrêt Charkaoui (Re), [2005] A.C.F. no 149, la Cour a indiqué ce qui suit dans le cadre d'un recours en droit de l'immigration :

[17]    [...] Quant au rôle du S.C.R.S. dans le cours d'enquête, pour les mêmes raisons, il n'est pas nécessaire d'en traiter sauf pour indiquer que le S.C.R.S. n'est pas un organisme policier et que son rôle n'est pas de porter des accusations. À ce titre, on ne peut lui imposer les mêmes obligations que celles attribuées à un corps policier. De plus, nous ne sommes pas en droit criminel mais plutôt en droit de l'immigration. La perspective de vue est différente : voir Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307 au par. 88, dans laquelle le juge Bastarache, au nom de la majorité, indique : « Notre Cour a souvent fait des mises en garde contre l'application directe en droit administratif des normes de la justice criminelle. Nous devrions éviter de confondre des notions qui, suivant notre Charte, sont clairement distinctes. » Voir aussi Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Chiarelli, [1992] 1 R.C.S. 711 ; R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309.

[Non souligné dans l'original.]

[12]            Je pense donc qu'il est faux de considérer que la défenderesse est ici cernée et que seul le choix suivant s'offre à elle :

[O]u bien la Défenderesse produit sa défense en révélant aux Demandeurs tous les renseignements pertinents, tant disculpatoires qu'inculpatoires, l'ayant mené à conclure qu'ils s'étaient livrés à des activités illégales, ou alors elle choisit de ne pas fonder sa défense sur ces renseignements. (Voir l'arrêt R. c. Stinchcombe).

(Paragraphe 66 des représentations écrites des demandeurs.)

[13]            L'option que présente plutôt la défenderesse à cette Cour est une suspension pour un temps des procédures dans le présent dossier, et ce, pour les motifs suivants.


[14]            La défenderesse fait valoir que pour exercer son droit à une défense pleine et entière face aux allégations des demandeurs, elle se devrait normalement de communiquer à ces derniers, soit lors de la production de sa défense ou de l'interrogatoire au préalable de son représentant, les renseignements qu'aborde sous un chef ou un autre l'affidavit de Serge Therriault. (Pour les fins de la présente requête, les demandeurs se sont vu fournir par la défenderesse une version caviardée de cet affidavit, c'est-à-dire une version de l'affidavit où la défenderesse avait extrait les allégués qui font état de renseignements que cherche à protéger la défenderesse.)

[15]            La Cour a toutefois eu la chance d'étudier en détail l'affidavit de Serge Therriault et je suis pleinement convaincu que pour exercer son droit à une défense pleine et entière, la défenderesse se devrait, face aux allégués et attentes des demandeurs, de leur communiquer et de communiquer à la Cour les renseignements non encore divulgués et contenus à l'affidavit de Serge Therriault.

[16]            Or, je suis également convaincu suite à une étude du certificat signé par Stephen Covey, Surintendant à la GRC, et produit par la défenderesse en vertu de l'article 37 de la Loi (le Certificat) afin de prévenir la divulgation de tels renseignements, que M. Covey est justifié de s'exprimer comme il le fait aux paragraphes 16 et 18 du Certificat :

16.            I have personally examined and carefully considered each of the sworn statements made by Inspector Therriault in his affidavit. I certify to this Honourable Court pursuant to section 37 of the Canada Evidence Act, R.S.C. 1985, c. C-5, as amended, that the disclosure of the information contained in Inspector Therriault's affidavit would be injurious to the public interest, namely the sound and effective functioning of the R.C.M.P. and other police forces in Canada and elsewhere in conducting criminal investigations and implementing the criminal law. I object to the disclosure of the information contained in paragraphs 6 to 13, 31 to 71, 75 to 89 and 91 to 93 and 95 to 121 on those grounds.

18.            My opinion in this matter is based on my 23 years of experience in police work with the R.C.M.P. and particularly my experience in the areas of drug enforcement and criminal intelligence gathering.


More particularly, disclosure of the information contained in paragraphs 6 to 13, 31 to 71, 75 to 89 and 91 to 93 and 95 to 121 would:

C               identify or tend to identify human sources of information of the R.C.M.P., that is, informers who are provided with code numbers and registered on R.C.M.P. files (known as "coded informers" or "informers") [category B];

C               identify or tend to identify individuals or subject matters under investigation by the R.C.M.P. or other agencies, thereby compromising ongoing investigations [category C];

C               identify or tend to identify methods of operation utilized by the R.C.M.P. or other agencies in the investigation of criminal activity ("investigative techniques") [category D];

C               identify or tend to identify innocent individuals; this includes members of the public who are not coded informers but who have provided information to tahe R.C.M.P. in connection with other matters in the expectation of confidentiality, as well as individuals whose names happen to appear in R.C.M.P. documents which are unconnected with the current prosecution [category E];

C               jeopardize communications links with agencies of other nations [category F];

C               identify or tend to identify knowledge possessed by the R.C.M.P. and other police agencies of connections between active criminals, unbeknownst to those criminals [category G].

[17]            D'autre part , les paragraphes pertinents de l'article 37 de la Loi se trouvent être les suivants :

37. (1) Sous réserve des articles 38 à 38.16, tout ministre fédéral ou tout fonctionnaire peut s'opposer à la divulgation de renseignements auprès d'un tribunal, d'un organisme ou d'une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, en attestant verbalement ou par écrit devant eux que, pour des raisons d'intérêt public déterminées, ces renseignements ne devraient pas être divulgués.

37.(1) Subject to sections 38 to 38.16, a Minister of the Crown in right of Canada or other official may object to the disclosure of information before a court, person or body with jurisdiction to compel the production of information by certifying orally or in writing to the court, person or body that the information should not be disclosed on the grounds of a specified public interest.


37. (4.1) Le tribunal saisi peut rendre une ordonnance autorisant la divulgation des renseignements qui ont fait l'objet d'une opposition au titre du paragraphe (1), sauf s'il conclut que leur divulgation est préjudiciable au regard des raisons d'intérêt public déterminées.

37. (4.1) Unless the court having jurisdiction to hear the application concludes that the disclosure of the information to which the objection was made under subsection (1) would encroach upon a specified public interest, the court may authorize by order the disclosure of the information.

(5) Si le tribunal saisi conclut que la divulgation des renseignements qui ont fait l'objet d'une opposition au titre du paragraphe (1) est préjudiciable au regard des raisons d'intérêt public déterminées, mais que les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public déterminées, il peut par ordonnance, compte tenu des raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice au regard des raisons d'intérêt public déterminées, autoriser, sous réserve des conditions qu'il estime indiquées, la divulgation de tout ou partie des renseignements, d'un résumé de ceux-ci ou d'un aveu écrit des faits qui y sont liés.

[Non souligné dans l'original.]

(5) If the court having jurisdiction to hear the application concludes that the disclosure of the information to which the objection was made under subsection (1) would encroach upon a specified public interest, but that the public interest in disclosure outweighs in importance the specified public interest, the court may, by order, after considering both the public interest in disclosure and the form of and conditions to disclosure that are most likely to limit any encroachment upon the specified public interest resulting from disclosure, authorize the disclosure, subject to any conditions that the court considers appropriate, of all of the information, a part or summary of the information, or a written admission of facts relating to the information.

[18]            Dans les circonstances de l'espèce, et si l'on revoit les éléments pertinents de l'article 37 de la Loi, je suis pleinement convaincu des points suivants. Premièrement, que le Certificat respecte les exigences de l'article 37 de la Loi et plus spécialement celles du paragraphe 37(1) de cette même loi.

[19]            Deuxièmement, pour les fins des paragraphes 37(4.1) et (5) de la Loi, je conclus d'une étude du Certificat et de l'affidavit de Serge Therriault que la divulgation des renseignements non encore divulgués et contenus audit affidavit serait préjudiciable au regard des raisons d'intérêt public déterminées que fait valoir le Certificat.

[20]            De plus, pour les motifs qui suivent, je conclus sous le paragraphe 37(5) de la Loi que je ne vois pas au dossier de raisons d'intérêt public justifiant la divulgation qui l'emportent sur les raisons d'intérêt public déterminées et identifiées au Certificat.

[21]            Vu cette conclusion, la Cour n'aura pas à entreprendre l'exercice que vise le reste du paragraphe 37(5) de la Loi en cas de conclusion contraire, c'est-à-dire d'autoriser sous conditions la divulgation de tout ou partie des renseignements non encore divulgués.

[22]            La raison centrale d'intérêt public qui pourrait militer en faveur de la divulgation des renseignements serait celle identifiée par la Cour supérieure du Québec dans l'arrêt Brian Mulroney c. Procureur général du Canada et al. (juge André Rochon, 22 mai 1996, no 500-05-012098-958) où la Cour a indiqué en page 15, face à un dossier dont des aspects limités se rapprochent du nôtre, que :

[...] il est inexact d'affirmer qu'un recours civil est une affaire purement d'intérêt privé. L'intérêt public est au premier titre concerné lorsqu'il s'agit de décider si les recours civils doivent être suspendus lorsque l'État, défenderesse en l'instance, le demande pour protéger une enquête policière.

Dans l'affaire Mario Allard [citation omise], l'honorable juge Dalphond exposait :


L'intérêt de la justice commande que les justiciables voient leurs droits reconnus dans les meilleurs délais, lorsqu'ils s'adressent aux tribunaux pour obtenir réparation.

[23]            Ce droit à la célérité est certes présent ici également mais il ne saurait l'emporter face aux raisons d'intérêt public valablement soulevées dans le cadre du Certificat. Le fait que les demandeurs réclament l'émission d'une injonction ne saurait à mon avis donner plus d'importance au présent dossier puisqu'il est incertain qu'un tel recours puisse être octroyé en l'espèce.

[24]            En effet, l'action des demandeurs, de par l'intitulé de cause, est entrepris contre Sa Majesté la Reine. Or, le paragraphe 22(1) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R. (1985), ch. C-50, telle que modifiée (la Loi sur la responsabilité) indique bien que :

22.(1)    Le tribunal ne peut, lorsqu'il connaît d'une demande visant l'État, assujettir celui-ci à une injonction ou à une ordonnance d'exécution en nature mais, dans les cas où ces recours pourraient être exercés entre personnes, il peut, pour en tenir lieu, déclarer les droits des parties.

22.(1)    Where in proceedings against the Crown any relief is sought that might, in proceedings between persons, be granted by way of injunction or specific performance, a court shall not, as against the Crown, grant an injunction or make an order for specific performance, but in lieu thereof may make an order declaratory of the rights of the parties.


[25]            Sans qu'il soit nécessaire de les lister, l'on sait qu'une longue lignée d'arrêts ont tiré une conclusion similaire à ce qu'édicte ce paragraphe 22(1), à savoir, qu'une injonction ne peut être émise contre la défenderesse (voir, entre autres, Grand Council of the Crees (of Quebec) c. La Reine, [1982] 1 C.F. 599 (CAF)).

[26]            Même si l'on devait considérer que l'injonction est réellement recherchée contre la GRC, la possibilité d'obtenir une injonction contre cette dernière n'est pas apparente.

[27]            À cet égard, il est vrai que le paragraphe 35(1) de la Loi sur la responsabilité, supra, soustrait les organismes mandataires de l'État à l'interdit d'injonction contenu au paragraphe 22(1) de cette même loi. Ce paragraphe 35(1) se lit :

35.(1)    La présente loi, à l'exception de l'article 22, s'applique aux poursuites intentées aux termes d'une loi fédérale contre un organisme mandataire de l'État.

35.(1)    This Act, except section 22, applies in respect of any proceedings against an agency of the Crown taken in accordance with any Act of Parliament that authorizes the proceedings to be taken.

[28]            Toutefois, l'une ou l'autre des parties ne m'a pas présenté de preuve convaincante à l'effet que la GRC devait être vue comme un tel mandataire et non comme l'État même. Ce qui amène la Cour à douter davantage que la GRC soit un tel organisme est le fait que les parties n'ont pu soumettre d'arrêts où clairement une injonction avait été émise contre la GRC. Dans l'arrêt Délisle v. Royal Canadian Mounted Police Commission et al. (1990), 39 F.T.R. 217, les défendeurs à la cause, et contre lesquels une injonction fut émise, consistaient en une série d'individus et non pas la GRC en titre ou l'État.

[29]            Dans l'arrêt Mulroney, la Cour supérieure a eu à se pencher sur un dilemme semblable à celui auquel fait face ici la défenderesse, soit de mettre en veilleuse le procès civil en attente du dénouement d'une enquête policière, et ce, afin d'éviter par la production d'une défense pleine et entière de dévoiler des informations confidentielles, et ainsi, compromettre l'issue d'une enquête policière.

[30]            Il est vrai comme la Cour l'indique à quelques reprises dans l'arrêt Mulroney qu'une telle demande de suspension est inédite et que les précédents en jurisprudence semblent inexistants.

[31]            Dans l'arrêt Mulroney, la Cour a refusé cette suspension à la couronne fédérale essentiellement, suivant ma lecture, en raison du fait que pour appuyer sa requête, la couronne s'était limitée à produire deux affidavits très généraux et avait, de plus, établi aux yeux de la Cour qu'elle pouvait très bien produire une défense sans dévoiler des informations confidentielles. Dans cet arrêt, la couronne n'avait pas fait appel à l'article 37 de la Loi.

[32]            À mes yeux, ces lacunes principales de l'arrêt Mulroney ont été comblées en l'espèce.


[33]            La défenderesse ici a fait appel valablement à l'article 37 de la Loi en produisant le Certificat et l'affidavit de Serge Therriault qui se veut par ailleurs suffisamment détaillé. De plus, je ne considère pas que la défenderesse pouvait ou pourrait - sans dévoiler les renseignements contenus à l'affidavit de Serge Therriault - développer une défense valable qui protégerait ses droits à une défense pleine et entière ainsi que les autres intérêts publics auxquels fait référence l'affidavit de Serge Therriault.

[34]            Dans l'arrêt Mulroney, la Cour s'est refusée en bout d'analyse à s'en remettre au test à trois volets que l'on retrouve exprimé aux arrêts Procureur général du Manitoba c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110 et R.J.R.-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.

[35]            Pour plus de sûreté et comme c'est la pratique en cette Cour, j'entends néanmoins appliquer ce test à trois volets. À cet égard je pense que les motifs qui précèdent indiquent que la requête de la défenderesse soulève une question sérieuse et qu'elle subirait un préjudice irréparable si la suspension des procédures n'était pas décrétée. Enfin, il est également clair de l'étude qui précède que dans le cadre de la balance des inconvénients, la défenderesse l'emporte si la suspension est refusée.

[36]            Somme toute, la défenderesse est en droit d'exiger que ne soient pas mis en péril les renseignements privilégiés apparaissant à l'affidavit de Serge Therriault.

[37]            De la même façon, la défendresse est en droit de bénéficier d'une défense pleine et entière.

[38]            Compte tenu des faits particuliers de l'espèce, seule la suspension de la présente instance permet de concilier ces deux droits.

[39]            J'ai tenté en audition tout comme lors de mon délibéré d'entrevoir des mesures alternatives à la suspension des procédures mais je n'ai pu en concevoir aucune qui amènerait une alternative pratique, efficace et sérieuse.

[40]            Pour tous ces motifs, la requête de la défenderesse en suspension des procédures dans le présent dossier en vertu de l'alinéa 50(1)b) de la Loi sur les Cours fédérales, supra, sera accueillie et, tel que demandé, cette suspension vaudra pour une année à compter de la date de l'ordonnance accompagnant les présents motifs. Cette suspension sera toutefois accompagnée d'une obligation de la part de la défenderesse de faire rapport à la Cour dans les six (6) mois de la date de l'ordonnance quant à tout changement significatif qui serait de nature à permettre à la défenderesse de poursuivre les procédures dans le présent dossier et ainsi de lever la suspension par ailleurs imposée.

[41]            Le tout, frais à suivre.

Richard Morneau

protonotaire

Montréal (Québec)

le 16 février 2005


                         COUR FÉDÉRALE

          AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ :


T-1591-04

DOMINION INVESTMENTS (NASSAU) LTD.

et

MARTIN TREMBLAY

                                                                  demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE, CHEF DU CANADA

                                                                défenderesse


LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            8 février 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DES MOTIFS :                                   16 février 2005

ONT COMPARU :


Me Michel Décary

Me Louise Touchette

POUR LES DEMANDEURS

Me Jacques Savary

POUR LA DÉFENDERESSE


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


Stikeman, Elliott

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LA DÉFENDERESSE


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