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Date : 20050425

Dossier : IMM-4917-04

Référence : 2005 CF 558

Ottawa (Ontario), le 25 avril 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

ENTRE :

                                                     MARIA PEREZ DE GOMEZ

                                                   JULIO CESAR GOMEZ PEREZ

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                                                                 LE MINISTRE

                                  DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Mme Perez de Gomez et son fils Julio sont des citoyens du Venezuela. À l'origine, la demande qu'ils ont présentée afin que la qualité de réfugié au sens de la Convention leur soit reconnue était fondée uniquement sur leurs opinions politiques. Ils prétendaient craindre avec raison d'être persécutés par le Cercle bolivarien, un groupe qui serait financé et armé par l'État qui appuyait le président Chavez. Il a cependant dû devenir plutôt évident pour eux, avant leur audience devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), que leur demande d'asile n'avait pas beaucoup de chances d'être accueillie pour ce motif. Environ huit mois après avoir déposé leurs Formulaires de renseignements personnels (FRP), Mme Perez de Gomez a ajouté, aux opinions politiques, la violence exercée contre elle par son ex-mari pour expliquer pourquoi elle devait rester au Canada parce que le Venezuela ne serait pas en mesure de la protéger contre lui. Julio prétendait également qu'il ne pourrait pas être protégé contre son père violent et a ajouté qu'il était visé par la conscription militaire en vigueur au Venezuela, ce à quoi il s'opposait.

DÉCISION DE LA COMMISSION

[2]         Le commissaire de la Section de la protection des réfugiés de la Commission chargé de l'affaire était convaincu que la demande de Mme Perez de Gomez était liée à deux des cinq motifs énumérés dans la Convention des Nations Unies, soit les opinions politiques et l'appartenance à un groupe social, à savoir les femmes. Quant à la crainte de persécution de Julio, elle était fondée sur deux motifs prévus par la Convention : les opinions politiques et l'appartenance à un groupe social, à savoir la famille.

OPINIONS POLITIQUES


[3]         Mme Perez de Gomez relate les faits suivants au regard de la persécution politique. Au cours d'une réunion du Cercle bolivarien, elle a rencontré une députée et son mari dans le but d'obtenir une aide financière en vue de la création d'une compagnie d'opéra. Le couple a découvert que Mme Perez de Gomez n'appuyait pas le gouvernement Chavez. Mme Perez de Gomez et sa famille ont ensuite commencé à recevoir des menaces de mort par téléphone et par écrit, soi-disant de membres du Cercle bolivarien. Ces personnes auraient aussi vandalisé la voiture familiale. Cependant, lorsqu'elle a été interrogée à la frontière la première fois, Mme Perez de Gomez a dit qu'elle n'avait pas elle-même été persécutée au Venezuela. Tout bien pesé, le commissaire a décidé qu'elle et son fils ne craignaient pas avec raison d'être persécutés du fait de leurs opinions politiques. Cette conclusion n'avait rien de déraisonnable.

VIOLENCE CONJUGALE


[4]         Mme Perez de Gomez, son fils et son mari ont quitté le Venezuela ensemble en direction des États-Unis. Le couple s'est séparé alors qu'il vivait dans ce pays, et le mari de Mme Perez de Gomez lui a dit qu'il allait demander le divorce. D'après ce que l'on sait, ce dernier se trouve toujours aux États-Unis et n'a entrepris aucune procédure de divorce au Venezuela ou ailleurs. Mme Perez de Gomez n'a pas pensé à parler de la violence conjugale lorsqu'elle est arrivée au Canada après avoir passé plus de deux ans et demi aux États-Unis, parce qu'elle ne fuyait pas son mari à l'époque. Ce n'est que des mois plus tard, lorsque ce dernier lui a annoncé qu'il allait venir la voir pour se réconcilier avec elle, qu'elle a commencé à avoir peur. Elle s'est rendue à un poste de police à St. Catharines, où on lui a donné l'adresse d'un refuge pour femmes. Le mari de Mme Perez de Gomez n'est jamais venu au Canada et aucune menace de violence n'a été proférée pendant qu'il tentait de se réconcilier avec elle. Mme Perez de Gomez a certainement convaincu les responsables du refuge qu'elle avait été victime de violence. L'histoire qu'elle raconte est celle d'une personne victime de discrimination sexuelle à cause de la violence exercée par un homme. Le commissaire a considéré que ces allégations étaient très graves, mais il n'a pas fait expressément référence aux Directives du président de la Commission concernant la persécution fondée sur le sexe. Mme Perez de Gomez dit que sa demande n'a pas été examinée comme elle l'aurait dû. Le commissaire, un homme raisonnable ordinaire, a eu tort de ne pas la croire parce qu'elle a gardé le silence pendant plus de 15 ans au Venezuela, aux États-Unis et en Italie, où le couple avait aussi vécu. Le commissaire était plutôt d'avis que Mme Perez de Gomez avait inventé une histoire afin de renforcer sa demande d'asile.

[5]                Le fait que le commissaire n'a pas fait référence aux Directives concernant la persécution fondée sur le sexe n'est pas fatal. Les motifs de décision ne devraient pas être rédigés de façon mécanique. Il n'y a aucune liste de contrôle qui doit être mentionnée pour donner l'assurance que chaque point pertinent a été examiné. Nous pouvons ainsi nous retrouver avec des ordonnances parfaites quant à la forme, mais sans substance, comme la Cour suprême l'a souligné dans R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869.

[6]                Le commissaire pouvait raisonnablement déduire du témoignage de Mme Perez de Gomez, des documents qui ont été produits et de la chronologie des faits que celle-ci ne craignait pas que son mari s'en prenne à elle.


[7]                Le fait qu'elle a passé plus de deux ans et demi aux États-Unis avant de demander l'asile est une autre raison de rejeter sa demande. Il est facile de dire, comme elle le fait, qu'un avocat américain lui a dit qu'elle n'aurait pas gain de cause. Cet avis, qui ne concernait apparemment que la persécution politique, était certainement judicieux puisque la Commission est arrivée à la même conclusion. Celle-ci a traité brièvement de la question de savoir si Mme Perez de Gomez aurait pu être protégée contre la violence conjugale aux États-Unis. Il n'est pas nécessaire de s'attarder sur cette question puisque le commissaire n'était pas convaincu que Mme Perez de Gomez avait déjà été victime de violence conjugale.

[8]                Julio est entré au Canada en tant qu'adulte. Aucun motif distinct n'a été invoqué pour démontrer qu'il a droit à l'asile en raison de son appartenance à une famille sujette à la violence familiale.

[9]                Quant à la demande de Julio fondée sur son opposition à la conscription militaire, il est clair que c'est au régime Chavez qu'il est opposé. Il n'est pas un pacifiste opposé systématiquement au port d'armes. Sa suggestion selon laquelle une guerre civile est en cours est excessive.

[10]            Le dossier indique que le service militaire est obligatoire pour les hommes au Venezuela. Les personnes qui s'y soustraient peuvent être rappelées, être condamnées à payer une amende ou peut-être être emprisonnées. L'arrêt de principe sur cette question est Zolfagharkhani c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1993] 3 C.F. 540 (C.A.) ((1993), 20 Imm. L.R. (2d) 1), où le juge MacGuigan a dit ce qui suit au nom de la Cour d'appel fédérale :


Après cet examen du droit, je m'aventure maintenant à exposer quelques propositions générales relatives au statut d'une loi ordinaire d'application générale lorsqu'il s'agit de trancher la question de la persécution :

1) La définition légale de réfugié au sens de la Convention rend l'objet (ou tout effet principal) d'une loi ordinaire d'application générale, plutôt que la motivation du demandeur, applicable à l'existence d'une persécution.

2) Mais la neutralité d'une loi ordinaire d'application générale, à l'égard des cinq motifs d'obtention du statut de réfugié, doit être jugée objectivement par les cours et les tribunaux canadiens lorsque cela est nécessaire.

3) Dans cet examen, une loi ordinaire d'application générale, même dans des sociétés non démocratiques, devrait, je crois, être présumée valide et neutre, et le demandeur devrait être tenu, comme c'est généralement le cas dans les affaires de réfugiés, de montrer que les lois revêtent, ou bien en soi ou pour une autre raison, un caractère de persécution.

4) Il ne suffira pas au demandeur de montrer qu'un régime donné est généralement tyrannique. Il devra plutôt prouver que la loi en question a un caractère de persécution par rapport à un motif énoncé dans la Convention.

[11]            Le droit vénézuélien ne revêt pas, en soi ou pour une autre raison, un caractère de persécution au regard de Julio ou d'autres personnes se trouvant dans sa situation. La présente affaire est tout à fait différente de Ciric c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 2 C.F. 65, où les Ciric étaient opposés au service militaire au cours duquel les soldats devaient se livrer à du nettoyage ethnique dans le cadre de ce qui était, aux yeux du juge Cullen, la guerre civile la plus dépravée qui soit en Yougoslavie. Voir aussi Ates c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1316, [2004] A.C.F. no 1599 (QL), où j'ai appliqué l'arrêt Zolfagharkhani, précité.


                                        ORDONNANCE

Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y a aucune question de portée générale à certifier.

          « Sean Harrington »          

          Juge

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                             IMM-4917-04

INTITULÉ :                                                            MARIA PEREZ DE GOMEZ

JULIO CESAR GOMEZ PEREZ

                                                            c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE 14 AVRIL 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                           LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                           LE 25 AVRIL 2005

COMPARUTIONS :

John Grice                                                                 POUR LES DEMANDEURS

Allison Phillips                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davis & Grice                                                   POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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