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                                                                                                                                 Date : 20040811

                                                                                                                    Dossier : IMM-5234-03

                                                                                                                Référence : 2004 CF 1116

ENTRE :

                                                                  PIN YU ZHOU

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L' IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

Introduction

[1]                Mme Zhou prétend qu'en tant qu'adepte de la religion Tian Dao en Chine, elle a été persécutée par le Bureau de la sécurité publique (BSP) du fait de ses croyances religieuses. Le membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a conclu que le récit de Mme Zhou n'était pas crédible et il a rejeté sa demande d'asile et de personne à protéger.

Contexte

[2]                Mme Zhou a dit qu'elle avait adhéré à la religion Tian Dao en septembre 2000 et qu'elle participait régulièrement à des cérémonies de culte au domicile de certains adeptes. En juin 2001, le BSP aurait fait une descente au domicile d'un adepte où se tenait une cérémonie de culte à laquelle Mme Zhou n'était pas présente. Sur les conseils d'un autre adepte, Mme Zhou s'est cachée.


[3]                Pendant qu'elle était cachée, elle dit qu'elle a appris que des membres du BSP s'étaient rendus chez elle et avaient fouillé son domicile pour la trouver. Les membres du BSP ont également posé des questions à son époux pour savoir où elle se trouvait. Elle dit qu'elle a été accusée d'être une adepte d'une religion illégale, d'être une personne clé dans cette religion et qu'on lui a ordonné de se présenter au BSP. Elle dit que lorsqu'elle a appris que le BSP s'était rendu au domicile d'un membre de sa famille, elle a fui la Chine.

[4]                Le tribunal a jugé qu'elle n'était pas crédible pour les motifs suivants :

-         le fait qu'elle a souvent été incapable de répondre aux questions posées, l'imprécision des réponses et son incohérence dans un aspect déterminant du témoignage, amènent le tribunal à conclure que la demanderesse n'était pas vraiment une fidèle de la religion Tian Dao en Chine;

-         elle a été vague sur les circonstances entourant la descente du BSP et, en particulier, elle n'a pas eu l'air d'avoir cherché avec insistance à savoir ce qui était arrivé aux autres adeptes;

-         elle n'a pas établi que le BSP l'avait accusée d'avoir occupé un poste clé dans la religion Tian Dao puisque les agents du BSP ont attendu environ deux mois pour se rendre chez la demanderesse et qu'il n'existe aucun mandat d'arrêt contre la demanderesse.

[5]                Compte tenu de ces préoccupations, le tribunal a reconnu qu'elle était une adepte de la religion Tian Dao au Canada, mais qu'elle ne l'était pas en Chine. Le tribunal a dit qu'elle était devenue une adepte de la religion Tian Dao au Canada pour rendre sa demande plus plausible et qu'il était peu probable qu'elle pratique cette religion à son retour en Chine.


Analyse

[6]                La seule question qui se pose dans le présent contrôle judiciaire est de savoir si le tribunal a fait une évaluation manifestement déraisonnable de la crédibilité de la demanderesse (voir Razzagh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 918).

[7]                En se fondant sur les incohérences du témoignage oral de la demanderesse et sur les invraisemblances de la preuve qu'elle a présentée, en particulier pour ce qui concerne le sort réservé aux autres adeptes après la descente de la police, le tribunal a conclu que la demanderesse n'était pas crédible. Contrairement aux observations de la demanderesse, le tribunal ne s'est pas préoccupé de [traduction] « l'incapacité de fournir des détails » de la demanderesse mais plutôt des incohérences concernant ce qu'elle savait du sort réservé aux autres adeptes.

[8]                La transcription de l'audience du tribunal est pleine de réponses vagues à des questions importantes et de souvenirs soudainement beaucoup plus détaillés. Étant donné la nature de l'ensemble des réponses, même si l'on tient compte de facteurs tels que le faible niveau d'instruction et la nervosité de la demanderesse et la traduction, la conclusion tirée par le tribunal est tout à fait raisonnable.

[9]                La demanderesse a essayé de tirer profit le plus possible de la conclusion du tribunal au sujet des deux mois d'inertie du BSP et de l'absence de mandats d'arrestation. La demanderesse dit qu'il n'y a aucune preuve concernant la conduite et la façon de procéder du BSP chinois et qu'on ne peut tenir pour acquis que le BSP aurait agi de la même façon que la police canadienne.


[10]            Les conclusions relatives à la vraisemblance doivent être tirées avec prudence. Il est important de tenir compte du fait que les demandeurs d'asile ont des passés et des cultures différents et divers. Ce qui pourrait sembler invraisemblable au Canada peut, dans d'autres cultures et d'autres contextes, être une façon possible de procéder, voire tout à fait normale.

[11]            En tenant compte de ce que je viens de dire dans la présente affaire, il est pertinent de relever que même l'avocate de la demanderesse reconnaît qu'en règle générale, le BSP mène ses enquêtes très rapidement. Même s'il ne s'agit pas ici d'une « admission » , il s'agit d'une indication que le tribunal a fondé ses hypothèses sur une certaine réalité.

[12]            La Commission de l'immigration et du statut de réfugié est un tribunal spécialisé. Pour ce qui concerne les conclusions du tribunal en matière de vraisemblance, tant que ces conclusions ont une base rationnelle et tant qu'elles sont justifiées, elles ne doivent pas être infirmées. Dans chaque cas, ce qui est irrationnel ou injustifié est une question de fait.

[13]            En l'espèce, la qualité de la preuve présentée par Mme Zhou concernant des événements importants, la connaissance et le comportement probable du BSP, l'absence de toute preuve corroborante et la présumée expertise de la Commission amènent à dire que les conclusions tirées par le tribunal en matière de crédibilité ne sont pas déraisonnables et encore moins, manifestement déraisonnables.

[14]            Pour ces motifs, le présent contrôle judiciaire est rejeté.

[15]            Il est convenu qu'aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                           « Michael L. Phelan »          

Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL. B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                          IMM-5234-03

INTITULÉ :                                         PIN YU ZHOU

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 20 JUILLET 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :    LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                       LE 11 AOÛT 2004

COMPARUTIONS:

Nadine Tobin                                         POUR LA DEMANDERESSE

Catherine Vasilaros                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nadine Tobin                                         POUR LA DEMANDERESSE

Lewis & Associates

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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