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Date : 20191210


Dossier : IMM‑3086‑19

Référence : 2019 CF 1575

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 décembre 2019

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

SUN KYOUNG MOON

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, madame Sun Kyoung Moon, est une citoyenne de la République de Corée (Corée du Sud). Son fils, Ruha, a été admis dans une école de Coquitlam, en Colombie‑Britannique, alors qu’il était âgé de 7 ans. Madame Moon a retenu les services d’un consultant en immigration afin qu’il l’aide à présenter une demande de permis d’études pour Ruha ainsi qu’une demande de visa pour elle‑même, à titre de parent accompagnateur.

[2]  Le consultant a déposé ces demandes au début de novembre 2018. Il a également demandé une autorisation de voyage électronique [AVE] pour Mme Moon. Cette dernière affirme qu’elle n’a pas autorisé cette demande, et qu’elle n’a appris qu’une AVE lui avait été délivrée qu’au moment de l’obtention du permis d’études de Ruha, au début de décembre 2018.

[3]  Peu après l’arrivée de Mme Moon et de son fils au Canada, celle‑ci a constaté que son casier judiciaire n’avait pas été divulgué dans la demande d’AVE. La correspondance entre Mme Moon et son consultant a confirmé que cette dernière ne savait pas qu’une demande d’AVE avait été déposée, et que le consultant avait simplement supposé qu’elle n’avait pas de casier judiciaire puisqu’elle avait déjà obtenu un visa de visiteur en Nouvelle‑Zélande.

[4]  À la fin de décembre 2018, Mme Moon et son fils sont retournés en Corée du Sud pour corriger l’erreur figurant dans la demande d’AVE. Madame Moon a alors retenu les services d’un autre consultant en immigration. Dans une deuxième demande d’AVE qui a ensuite été déposée, le casier judiciaire relatif à une infraction aux règlements de la circulation de Mme Moon a été divulgué, mais un agent [l’agent] de l’ambassade du Canada à Séoul, en Corée du Sud, a rejeté cette demande dans une décision rendue le 21 mars 2019.

[5]  Madame Moon sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de l’agent au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Elle demande à la Cour d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire à un autre agent pour nouvelle décision. La Cour est donc saisie de la question de savoir si cette réparation devrait lui être accordée.

[6]  Pour les motifs énoncés ci‑dessous, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

I.  Contexte

[7]  À la suite de la réception de la deuxième demande d’AVE, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] a demandé à Mme Moon de soumettre les dossiers judiciaires et les certificats de police concernant son casier judiciaire. Après avoir reçu ces documents, IRCC a renvoyé la demande à un agent du Centre de traitement des demandes d’IRCC ainsi qu’à l’ambassade du Canada à Séoul.

[8]  Les notes versées dans le Système mondial de gestion des cas [SMGC] révèlent que Mme Moon avait divulgué ses antécédents judiciaires dans une demande d’approbation de la réadaptation ainsi que dans la demande de résidence permanente de son mari. L’agent a fait remarquer que Mme Moon avait omis de déclarer ses antécédents judiciaires dans sa demande d’AVE précédente. Il a conclu que Mme Moon était interdite de territoire au Canada parce qu’elle avait auparavant dissimulé un fait important qui avait entraîné une erreur dans l’application de la LIPR.

[9]  L’agent a conclu que Mme Moon était une personne visée par l’alinéa 40(1)a) de la LIPR :

40 (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi; […]

40 (2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1) :

a) l’interdiction de territoire court pour les cinq ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays, ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi; […]

[10]  L’agent n’était pas convaincu que Mme Moon satisfaisait aux exigences de la LIPR, parce qu’elle n’avait pas répondu honnêtement à toutes les questions qui lui avaient été posées en vue de la délivrance d’une AVE. Il a donc rejeté la demande de Mme Moon.

II.  Questions en litige

[11]  Madame Moon soulève différentes questions qui, à mon avis, se résument aux deux suivantes :

  1. La décision de l’agent était‑elle raisonnable?

  2. L’agent a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale envers Mme Moon?

III.  Quelle est la norme de contrôle?

[12]  La décision de l’agent, y compris sa conclusion selon laquelle la demanderesse a fait de fausses déclarations selon l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Punia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 184, au par. 20; Tuiran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 324, au par. 10).

[13]  L’évaluation d’une décision relative à de fausses déclarations est une question mixte de fait et de droit, et elle est également susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Brar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 542, au par. 8).

[14]  Dans le cadre d’un contrôle judiciaire fondé sur la norme de la décision raisonnable, la Cour doit s’intéresser à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47). Ces critères sont respectés si les motifs permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au par. 16).

[15]  La norme de contrôle à appliquer dans le cas d’une allégation de manquement à l’équité procédurale est celle de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au par. 79). La Cour doit décider si le processus suivi pour en arriver à la décision faisant l’objet du contrôle a respecté le niveau d’équité requis dans les circonstances de l’affaire (Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, au par. 115).

[16]  Une question d’équité procédurale « n’exige pas qu’on détermine la norme de révision judiciaire applicable. Pour vérifier si un tribunal administratif a respecté l’équité procédurale ou l’obligation d’équité, il faut établir quelles sont les procédures et les garanties requises dans un cas particulier » (Moreau‑Bérubé c Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, au par. 74). La Cour d’appel fédérale a quant à elle fait observer ce qui suit : « même s’il y a une certaine maladresse dans l’utilisation de la terminologie, cet exercice de révision est [TRADUCTION] "particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte", même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au par. 54).

IV.  La décision était‑elle raisonnable?

A.  Les observations des parties

1.  Demanderesse

[17]  Madame Moon affirme que la décision ne lui permet pas de comprendre pourquoi l’agent a conclu qu’elle était interdite de territoire. À son avis, la décision ne fait aucunement la lumière sur le raisonnement de l’agent; celui-ci a simplement énoncé sa conclusion sans fournir d’explication. Madame Moon fait valoir que la décision n’est pas raisonnable parce qu’elle ne comporte aucune explication sur les motifs pour lesquels l’agent a rejeté la demande.

[18]  De l’avis de Mme Moon, il est impossible de déterminer sur quels aspects précis du processus d’examen l’agent a commis une erreur, puisque celui‑ci n’a mentionné aucun des éléments de preuve. Madame Moon affirme que la décision est vague et générale, de sorte qu’il est impossible pour la Cour de cibler une erreur.

[19]  Madame Moon soutient qu’elle a fourni de nombreux éléments de preuve documentaire à l’appui de son affirmation selon laquelle le fait que son infraction aux règlements de la circulation n’ait pas été mentionnée dans la première demande d’AVE ne constituait pas une fausse déclaration de sa part, puisque le consultant avait présenté la demande à son insu et sans son consentement. Madame Moon fait valoir que les lettres du consultant démontrent que ce dernier a présenté la demande à son insu et de façon précipitée, en présumant qu’elle n’avait aucun casier judiciaire.

[20]  Madame Moon ajoute que la décision permet difficilement de déceler si l’agent a examiné les éléments de preuve ou a tenu compte de ceux‑ci, puisqu’il n’en a fait nulle mention. De l’avis de Mme Moon, l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle puisqu’il a complètement ignoré les éléments de preuve documentaire probants. Selon Mme Moon, si l’agent avait examiné les éléments de preuve, en particulier ceux faisant état de circonstances atténuantes, comme les lettres du consultant, l’issue de la demande aurait été différente.

[21]  Madame Moon fait remarquer qu’elle avait déjà divulgué ses antécédents judiciaires aux autorités de l’immigration à deux reprises : d’abord dans la demande de résidence permanente de son mari, et ensuite dans sa demande d’approbation de la réadaptation. Il serait irrationnel pour elle de mentir sur un fait qu’elle avait déjà révélé à deux reprises. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, Mme Moon soutient qu’elle croyait innocemment et raisonnablement qu’elle ne dissimulait pas son casier judiciaire pour une infraction aux règlements de la circulation.

[22]  Madame Moon prétend qu’une conclusion de fausse déclaration tirée au titre de l’article 40 de la LIPR est grave et ne devrait être rendue que s’il existe une preuve claire et convaincante de cette fausse déclaration. Elle soutient que pareille conclusion doit être annulée si elle est tirée sans que soient pris en compte les éléments de preuve. Madame Moon souligne que la gravité d’une fausse déclaration est déterminée par divers facteurs, notamment : la nature et la complexité de cette fausse déclaration; le caractère délibéré de celle‑ci; le degré de complicité du demandeur; et les répercussions de la fausse déclaration sur l’intégrité du système d’immigration.

[23]  Madame Moon soutient que la fausse déclaration alléguée n’était pas complexe, parce que l’omission était attribuable à l’erreur du consultant. De l’avis de Mme Moon, la fausse déclaration alléguée n’était pas non plus délibérée et constituait une erreur involontaire dont la gravité n’était pas assez élevée pour justifier une interdiction de territoire pendant cinq ans. Pour que la décision soit équitable, selon Mme Moon, l’importance de la sanction doit être justifiable au regard de la gravité de la fausse déclaration.

[24]  Madame Moon soutient qu’il existe des exceptions relatives à l’interdiction de territoire dans le cas d’une [traduction] « erreur commise de bonne foi » ou d’une erreur involontaire. Selon Mme Moon, un agent doit procéder à une analyse appropriée de l’importance d’une fausse déclaration alléguée, et tout défaut d’agir ainsi constitue une erreur susceptible de révision. De l’avis de la demanderesse, le fait que l’agent en l’espèce n’ait pas tenu compte des éléments de preuve faisant état de circonstances atténuantes et qu’il n’ait pas appliqué l’exception prévue en cas d’erreur involontaire commise de bonne foi rend sa décision déraisonnable.

2.  Défendeur

[25]  Selon le défendeur, la fausse déclaration avait une incidence directe sur l’évaluation de l’admissibilité de Mme Moon au Canada et a entraîné une erreur dans l’application de la LIPR, les antécédents criminels de la demanderesse n’ayant pas pu faire l’objet d’un examen exhaustif. De l’avis du défendeur, l’agent a tenu compte de l’explication de Mme Moon et des documents figurant dans les notes du SMGC, lesquels éléments font partie de la décision.

[26]  Le défendeur affirme qu’un demandeur est assujetti à une obligation de franchise lui imposant de divulguer dans leur intégralité tous les renseignements pertinents afin de garantir l’administration adéquate et équitable du système d’immigration. Le défendeur ajoute qu’il a été reconnu, dans la jurisprudence, qu’il n’était pas nécessaire qu’un demandeur ait l’intention d’induire en erreur les autorités de l’immigration pour être déclaré interdit de territoire; en effet, l’article 40 de la LIPR devrait faire l’objet d’une interprétation libérale et solide, car son but est de dissuader les fausses déclarations et de préserver l’intégrité du processus d’immigration.

[27]  Le défendeur soutient que les dispositions relatives aux fausses déclarations s’appliquent, même si la présentation erronée sur un fait important est faite par une tierce partie — soit, dans la présente affaire, le consultant en immigration de Mme Moon.

[28]  Le défendeur affirme que l’exception à la règle, selon laquelle il n’est pas nécessaire d’avoir une connaissance subjective d’une fausse déclaration pour que soit tirée une conclusion au titre de l’article 40 de la LIPR, est étroite. Elle ne s’applique qu’aux circonstances exceptionnelles où le demandeur croyait honnêtement et raisonnablement qu’il ne faisait pas une présentation erronée sur un fait important et où il ne s’agissait pas d’un renseignement dont la connaissance échappait à sa volonté. De l’avis du défendeur, la tentative de Mme Moon pour corriger la fausse déclaration initiale ne lui permet pas de se prévaloir de l’exception étroite prévue en cas de conclusion d’interdiction de territoire.

[29]  Qui plus est, le défendeur affirme que la lettre de décision et les notes du SMGC exposent suffisamment tous les éléments de preuve et les circonstances dont l’agent a tenu compte.

B.  Analyse

[30]  La décision de l’agent ne permet nullement de faire la lumière sur le raisonnement et le processus décisionnel qui ont mené à la conclusion selon laquelle Mme Moon était interdite de territoire pour fausse déclaration (Komolafe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 431, au par. 9; Omijie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 878, au par. 28).

[31]  Les notes du SMGC ne précisent pas pourquoi l’agent n’a pas tenu compte des lettres du consultant. En plus de ces lettres, Mme Moon avait également présenté une copie de la facture du consultant, laquelle ne comprenait pas de frais pour une demande d’AVE. Cet élément corrobore donc son affirmation selon laquelle elle n’a ni demandé au consultant de présenter la première demande d’AVE, ni autorisé ce dernier à le faire.

[32]  En dépit des notes du SMGC, dans lesquelles il est établi que la demande a été déposée par le consultant — lequel a agi de façon précipitée et n’a pas posé les questions qui s’imposaient —, l’agent n’a pas réussi à démontrer pourquoi cette explication, conjointement avec la preuve documentaire, ne constituait pas un moyen de défense contre la conclusion de fausse déclaration. L’agent n’a pas indiqué s’il doutait ou non de la véracité des allégations de la demanderesse, ni même s’il a tenu compte des lettres qui corroboraient ces allégations. Il a simplement déclaré qu’il ne s’agissait pas d’un moyen de défense parce que Mme Moon savait que ses antécédents criminels constituaient un problème, compte tenu de son projet d’immigration au Canada et de ses divulgations antérieures.

[33]  La décision de l’agent est déraisonnable et doit être annulée parce que les motifs sont inintelligibles, en ce sens qu’ils :

  1. ne tiennent pas compte des éléments de preuve clés qui contredisent les conclusions de l’agent (Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425, au par. 17; Hinzman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CAF 177, au par. 38);
  2. ne justifient pas adéquatement la décision de l’agent, principalement parce que les notes du SMGC reflètent une mauvaise interprétation de différents faits. Par exemple, l’agent a déclaré que Mme Moon n’avait pas fourni au consultant l’information appropriée, et ce, sans égard à la question de savoir si elle avait eu connaissance que certaines questions se posaient. Or cette déclaration est inexacte, puisque les éléments de preuve (dont la véracité n’a pas été contestée) démontrent que Mme Moon ignorait l’existence de la première demande d’AVE et qu’elle ne pouvait donc pas fournir au consultant les renseignements nécessaires;
  3. ne permettent pas à Mme Moon de comprendre la raison pour laquelle l’agent a rejeté la demande. L’agent a indiqué que Mme Moon savait qu’elle devait divulguer ses antécédents criminels, puisqu’elle l’avait déjà fait par le passé. Ce motif ne permet pas de justifier la conclusion de l’agent, parce qu’il ne tient pas compte du fait que Mme Moon n’a ni autorisé la première demande d’AVE, ni consenti au dépôt de celle‑ci.

[34]  La définition de fausses déclarations qui est énoncée à l’alinéa 40(1)a) de la LIPR renvoie à une présentation erronée, directe ou indirecte, des faits. Cet alinéa vise également toute présentation erronée faite par une tierce partie, y compris un consultant en immigration, à l’insu du demandeur (Jiang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 942, au par. 35). L’exception à cette règle est étroite et ne s’applique que si « le demandeur croyait honnêtement et raisonnablement qu’il ne faisait pas une fausse déclaration sur un fait important et [qu’il] ne s’agissait pas d’un renseignement dont la connaissance échappait à sa volonté » (Goburdhun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 971, au par. 28).

[35]  À mon avis, cette exception étroite s’applique à la situation de Mme Moon. Cette dernière ignorait tout de la demande d’AVE présentée par le consultant, et il lui était impossible de savoir qu’elle faisait une présentation erronée. Celle‑ci était indépendante de la volonté de Mme Moon, puisque le consultant a admis avoir déposé la demande de façon précipitée et sans poser les questions qui s’imposaient. Il était déraisonnable pour l’agent de ne pas chercher à établir si l’exception à la règle s’appliquait à la situation de Mme Moon.

[36]  Le fait que l’agent ait omis d’évaluer l’importance de la fausse déclaration rend aussi la décision déraisonnable. « Il est nécessaire de faire une telle appréciation si on veut évaluer adéquatement si une fausse déclaration est importante au sens de l’alinéa 40(1)a) de la Loi. L’omission de la part de l’agente de faire une telle appréciation constitue une erreur susceptible de révision » (Koo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 931, au par. 29).

[37]  Le fait que l’agent n’ait pas tenu compte des éléments de preuve faisant état de circonstances atténuantes contribue également au caractère déraisonnable de la décision. L’agent a mentionné la réponse de Mme Moon à la lettre relative à l’équité procédurale, mais n’a pas fait référence aux lettres du consultant, lesquelles corroboraient les allégations de la demanderesse. Ce faisant, non seulement l’agent n’a‑t‑il pas évalué les éléments de preuve de façon appropriée et exhaustive, mais il n’a pas non plus tenu compte de l’effet atténuant des lettres (Berlin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1117, au par. 22).

V.  L’agent a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale envers Mme Moon?

[38]  Il n’est pas nécessaire d’aborder cette question, étant donné la conclusion susmentionnée selon laquelle la décision de l’agent était déraisonnable.

VI.  Conclusion

[39]  En somme, la décision de l’agent ne comporte pas suffisamment de motifs intelligibles pour démontrer comment et pourquoi Mme Moon était interdite de territoire pour fausses déclarations. La décision est déraisonnable, et l’issue ne peut se justifier au regard des faits et du droit. La décision est donc annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

[40]  Aucune des parties n’a présenté de question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3086‑19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et qu’aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18e jour de décembre 2019.

Julie-Marie Bissonnette, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3086‑19

 

INTITULÉ :

SUN KYOUNG MOON c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 NovembRE 2019

 

MOTIFS DU jugement et jugement :

le juge BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 10 DÉcembRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Katrina Bérubé

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Edward Burnet

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Katrina Bérubé

Indigo Lawyers

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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