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Date : 20010125

Dossier : IMM-2813-00

ENTRE :

                                        LINWEI WANG

                                                                                          demandeur

ET :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU


[1]    Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 27 avril 2000 par une agente d'immigration au Haut-Commissariat du Canada à Londres (Angleterre) (ci-après « l'agente d'immigration » ), par laquelle celle-ci a refusé la demande de visa canadien d'étudiant de Linwei Wang (ci-après « le demandeur » ) au motif que le demandeur n'avait jamais voyagé car il venait d'arriver au Royaume-Uni, qu'elle n'était pas en mesure d'établir les liens du demandeur avec son pays d'origine ni l'authenticité des documents qu'il avait fournis et qu'elle n'était pas convaincue que le demandeur était un véritable visiteur au Canada.

[2]    Le demandeur est citoyen de la République populaire de Chine. En mars 2000, le demandeur a présenté une demande d'autorisation d'étude afin de fréquenter le Malaspina University College en Colombie-Britannique, où il a été accepté dans un programme d'anglais langue seconde d'une durée d'un an et où il a été accepté sous conditions dans un programme de baccalauréat en informatique d'une durée d'environ quatre ans.

[3]    Lors du traitement de la demande, il étudiait l'anglais au Rochester Independent College au Royaume-Uni aux termes d'un visa d'étudiant maintenant périmé.

[4]    Le 5 avril 2000, l'agente d'immigration a examiné la demande ainsi que les documents présentés à l'appui et a conclu que le demandeur n'avait jamais voyagé. Il était arrivé récemment au Royaume-Uni et son statut était temporaire dans ce pays. L'agente d'immigration a également conclu que le seul lien établi par le demandeur avec son pays d'origine était le fait que ses parents résidaient en Chine, et elle a estimé que le demandeur n'avait pas fourni des renseignements adéquats sur la situation dans son pays d'origine. L'agente d'immigration s'est dite incapable d'établir la validité ou l'authenticité de la documentation fournie par le demandeur.


[5]                L'agente d'immigration a estimé que la documentation indiquait que le demandeur avait été accepté en tant qu'étudiant à temps complet dans un programme d'anglais langue seconde au Malaspina University College à Nanaimo (Colombie-Britannique) et qu'il avait été accepté sous conditions dans un programme de baccalauréat en informatique s'étendant du 25 avril 2000 au 30 avril 2004. La lettre d'acceptation indiquait qu'il faudrait peut-être davantage de temps au demandeur pour compléter le programme, cela dépendant de son niveau de compétence en anglais, de sa progression dans l'apprentissage de cette langue et de la réussite des cours préalables au programme. Les frais, totalisant 3 551,68 $ pour le premier semestre, ont été payés à l'avance.

[6]                Le demandeur n'a déposé aucune lettre personnelle et aucun plan d'étude expliquant ses intentions. Toutefois, sa mère a déposé un cautionnement financier selon lequel le demandeur respectera les règlements de l'université et retournera en Chine à la fin de ses études.


[7]                Le 27 avril 2000, l'agente d'immigration a refusé la demande d'autorisation d'étude du demandeur au motif qu'elle n'était pas convaincue que celui-ci n'avait pas l'intention d'immigrer. Dans la lettre de refus, l'agente d'immigration a dit que le demandeur n'avait jamais voyagé puisqu'il venait d'arriver au Royaume-Uni. Elle a également dit qu'elle n'était pas en mesure d'établir les liens qu'avait le demandeur avec son pays d'origine ni l'authenticité de la documentation fournie et qu'elle n'était pas convaincue que le demandeur était un véritable visiteur au Canada.

[8]                La question que je dois trancher consiste à savoir si l'agente d'immigration a commis une erreur dans son évaluation de la preuve relative aux liens familiaux du demandeur en Chine et à son intention d'y retourner.

[9]                Le demandeur soutient que l'agente d'immigration a commis une erreur lorsqu'elle a interprété le paragraphe 9(1.2) de la Loi sur l'immigration comme signifiant qu'elle pouvait refuser une demande d'autorisation de séjour temporaire si elle n'était pas convaincue que le demandeur n'avait pas l'intention d'immigrer au Canada. Le paragraphe 9(1.2) n'indique pas que l'intention d'immigrer au Canada est un motif valable de refus d'une demande de visa temporaire, mais indique plutôt que l'intention de demeurer au Canada illégalement, après l'expiration d'un visa temporaire, peut être considérée comme un motif de refus de la demande. L'agente d'immigration n'a qu'à déterminer si le demandeur cherchait à voyager au Canada pour une fin temporaire valide.

[10]            Le demandeur prétend également que l'agente d'immigration a fondé sa décision sur un certain nombre de conclusions erronées et/ou non pertinentes :


a) L'agente d'immigration a dit que le demandeur n'avait jamais voyagé. Le demandeur a effectivement voyagé puisqu'il a demandé et obtenu un visa de visiteur étudiant pour le Royaume-Uni. Au moment de la demande, le demandeur était âgé de seulement 17 ans;

b) L'agente d'immigration a soulevé des réserves au sujet des raisons pour lesquelles le demandeur n'a pas tenté de s'inscrire à des cours d'informatique au Royaume-Uni, ce qui n'a absolument aucune pertinence;

c) L'agente d'immigration n'a pas tenu compte du fait que le demandeur avait déjà étudié pendant 8 mois au Royaume-Uni ou n'a pas soupesé convenablement ce fait;

d) L'agente d'immigration n'a pas tenu compte de la preuve relative à la situation familiale du demandeur et à l'offre d'emploi qu'il avait reçue en Chine au motif qu'elle n'était pas en mesure d' [traduction] « établir [...] l'authenticité de la documentation fournie » . Le demandeur prétend que l'agente d'immigration a violé les règles de l'équité procédurale en ne tentant pas de vérifier l'authenticité de ces documents.


[11]            Le demandeur avance que l'agente d'immigration a commis une erreur en ne lui faisant pas part de ses réserves et en ne lui fournissant pas la possibilité de la convaincre du contraire.

[12]            Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable à la décision d'un agent d'immigration de ne pas délivrer une autorisation d'étude est celle du caractère manifestement déraisonnable.

[13]            Le défendeur prétend que l'agent d'immigration a le droit d'examiner différents facteurs lorsqu'il évalue les objectifs à long terme et la demande de visa de visiteur du demandeur, notamment son niveau de scolarité et les emplois qu'il a eus. En outre, les exigences préalables à l'obtention d'un visa de visiteur sont clairement énoncées dans la Loi et le Règlement. En vertu du paragraphe 2(1) de la Loi et du paragraphe 13(2) du Règlement, une personne demandant un visa de visiteur doit avoir une fin temporaire.

[14]            En résumé, le défendeur avance qu'à la lumière de la preuve dont elle était saisie, l'agente des visas a conclu que le demandeur n'était pas un véritable visiteur au Canada et qu'il ne respectait donc pas les exigences de la Loi, de sorte qu'il a essuyé un refus à bon droit.


[15]            Le défendeur fait en outre valoir qu'étant donné l'absence de lettre personnelle et de plan d'étude et vu les autres circonstances entourant la demande, comme l'a indiqué l'agente d'immigration dans les notes du STIDI et dans son affidavit, cette dernière n'était pas convaincue que le demandeur retournerait dans son pays à la fin de ses études au Canada.

[16]            Selon le défendeur, rien ne permet de plaider l'inéquité du processus pour le simple motif que l'agente d'immigration n'a pas fait part de toutes ses réserves au demandeur et qu'elle ne lui a pas donné la possibilité de répondre puisque la question de l'intention de résider au Canada relève directement de la Loi et du Règlement et qu'elle peut être invoquée par les demandeurs chargés de convaincre l'agent des visas qu'ils satisfont aux critères énoncés et que leur admission au Canada ne serait pas contraire à la Loi.

[17]            Le défendeur soutient en outre que la question de savoir si les observations seront présentées oralement ou par écrit relève du pouvoir discrétionnaire du décideur. En l'espèce, le demandeur a eu une possibilité significative d'indiquer les raisons pour lesquelles il est venu au Canada et de fournir les renseignements nécessaires pour satisfaire aux exigences de la Loi et du Règlement relativement aux autorisations d'étude, et ces raisons et renseignements ont été examinés entièrement et équitablement.


[18]            Le demandeur sollicite la délivrance d'un bref de certiorari annulant la décision et d'un bref de mandamus ordonnant au défendeur de traiter la demande d'une manière favorable au défendeur ou de renvoyer l'affaire à un agent d'immigration différent pour que celui-ci statue de nouveau sur l'affaire et sur les dépens.

[19]            Dans l'arrêt To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 696 (non publié), la Cour d'appel fédérale a conclu que la norme de contrôle applicable aux décisions discrétionnaires des agents des visas relativement aux demandes d'immigration était la même que celle énoncée dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, où le juge MacIntyre a dit ce qui suit :

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

[20]            Cela a été confirmé par la Cour dans Tajammul c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 259. À la lumière de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Baker c.Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, il semble que la norme de contrôle applicable doit être celle de la décision raisonnable simpliciter.


[21]            À la lumière de la preuve, j'estime que le demandeur a réussi à démontrer l'existence d'un fondement justifiant la modification de la décision, l'agente d'immigration n'ayant pas pris en considération tous les documents pertinents dont elle était saisie.

[22]            Comme l'indiquaient la lettre de refus qu'elle a envoyée le 27 avril 2000 ainsi que son affidavit, l'agente d'immigration a refusé la demande au motif qu'elle n'était pas en mesure d'établir les liens qu'avait le demandeur avec son pays d'origine et l'authenticité de la documentation fournie, de sorte qu'elle n'était pas convaincue que le demandeur était un véritable visiteur au Canada. Selon l'agente d'immigration, le seul lien que le demandeur avait établi avec son pays d'origine était le fait que ses parents résidaient en Chine.

[23]            Je suis convaincu que les conclusions de l'agente d'immigration ne sont pas fondées sur la preuve et qu'elles sont entièrement déraisonnables. Il ressort de l'examen du dossier certifié du tribunal que le demandeur avait un contrat de travail avec Hainan Qixing Decoration Engineering Co. Ltd. à Haikou, dans la province de Hainan en Chine, qui était conditionnel à la réussite de ses études. Le dossier contient aussi une lettre de Rudi Schepers, de Canadian Overseas Immigration and Business Services Inc., dans laquelle ce dernier mentionne l'intention du demandeur de retourner en Chine pour prendre soin de ses parents et entreprendre sa carrière professionnelle chez Hainan Qixing Decoration Engineering Co. Ltd. Le cautionnement financier fourni par la mère du demandeur, Wu Yueying, mentionne aussi le futur emploi de ce dernier en Chine.


[24]            À la lumière du dossier, de l'affidavit de l'agente d'immigration et des observations écrites du défendeur, l'agente d'immigration n'a pas tenu compte de l'offre d'emploi dont elle était valablement saisie. Ou, à tout le moins, il n'y a simplement aucune façon de savoir si l'agente a convenablement pris cet élément de preuve en considération lorsqu'elle a rendu sa décision.

[25]            En outre, plusieurs des conclusions de l'agente d'immigration contenues dans les notes du STIDI ne sont pas pertinentes. En particulier, la question de savoir pourquoi le demandeur, qui venait d'arriver au Royaume-Uni en provenance de la Chine et qui voulait étudier au Canada, n'a pas présenté sa demande en Chine ainsi que celle de savoir s'il avait fait une demande d'étude dans un programme similaire au Royaume-Uni ne sont absolument pas pertinentes et n'auraient pas dû constituer un facteur d'évaluation. On peut en dire autant de l'absence de voyage antérieur du demandeur. Le demandeur est âgé de dix-sept ans. Ce n'est que logique que le nombre de ses voyages soit limité étant donné son âge.


[26]            L'agente d'immigration a aussi dit dans les notes du STIDI et dans la lettre de refus qu'elle n'était pas en mesure d'établir la validité ou l'authenticité de la documentation fournie par le demandeur. Elle n'indique toutefois aucun élément de preuve à l'appui de cette conclusion défavorable. Cette conclusion constitue en partie le fondement de la décision de l'agente d'immigration de refuser la demande. Par conséquent, elle aurait dû énoncer les motifs pour lesquels elle mettait en doute l'authenticité des documents. Suivant l'examen de ces derniers, je ne peux voir aucun motif apparent permettant de mettre en doute leur validité ou leur authenticité.

[27]            Enfin, le paragraphe 8 de l'affidavit de l'agente d'immigration énonce qu'elle ne pouvait requérir aucun document supplémentaire du demandeur et qu'elle ne croyait pas qu'une entrevue ou une demande de documents supplémentaires diminuerait le nombre d'éléments sur lesquels elle avait des réserves. J'estime que cet énoncé indique clairement que l'agente d'immigration avait déjà pris une décision et qu'elle n'était pas disposée à traiter convenablement des éléments sur lesquels elle avait des réserves.

[28]            Il est bien établi en droit que les motifs du tribunal ne doivent pas être lus de façon trop critique par une cour de justice et que le tribunal n'est pas tenu de mentionner tous les éléments de preuve contraires à ses conclusions. Je suis toutefois d'avis que l'offre d'emploi de Hainan Qixing Decoration Engineering Co. Ltd. méritait l'attention particulière de l'agente d'immigration ainsi qu'une mention dans ses motifs, malgré le fait que cette compagnie avait déjà à son emploi les parents du demandeur et que le père de celui-ci détenait 40 % de ses actions, étant donné la pertinence de ce renseignement de nature à réfuter la présomption que le demandeur est un immigrant aux termes du paragraphe 8(2) de la Loi.


[29]            Je suis donc d'avis que l'agente d'immigration était tenue d'énoncer les motifs pour lesquels elle n'a pas considéré l'offre d'emploi comme étant de nature à établir les liens du demandeur avec la Chine et son intention d'y retourner à l'expiration du visa, et que, en omettant de le faire, elle a commis une erreur susceptible de contrôle.

[30]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

« P. ROULEAU »

    J.C.F.C.

OTTAWA (Ontario)

Le 25 janvier 2001

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                               IMM-2813-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Linwei Wang c. Le ministre

de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 18 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :                                   25 janvier 2001

ONT COMPARU

M. Rudolf Kischer                                                         POUR LE DEMANDEUR

Mme Mandana Namazi                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Rudolf Kischer                                                         POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


Date : 20010125

Dossier : IMM-2813-00

OTTAWA (Ontario), le 25 janvier 2001

EN PRÉSENCE DE : Monsieur le juge Rouleau

ENTRE :

LINWEI WANG

demandeur

ET :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

[1]         La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

      P. ROULEAU          

                                         

J.C.F.C.              

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.

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