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Date : 20050512

Dossier : T-1164-04

Référence : 2005 CF 666

ENTRE :

GEORGE GAMBINI et PHILLIP MacDONALD

demandeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HARRINGTON

[1]                Pendant que MM. Gambini et McDonald étaient incarcérés à l'établissement Fenbrook, un pénitencier fédéral à sécurité moyenne réduite, le directeur a entendu dire que les deux hommes étaient impliqués avec d'autres dans un système organisé d'intimidation et de coercition.

[2]                Tous deux ont été mis en isolement préventif et, conformément à la procédure en vigueur, une révision de leur cas a eu lieu après cinq jours et une copie du document leur a été fournie.

[3]                À les entendre, pour éviter de rester en isolement préventif ou d'être transférés à un établissement à sécurité supérieure, ils ont tous les deux accepté de conclure une entente quant à la modification de leur comportement dans le cadre d'un processus « volontaire » visant à mettre fin à leur isolement.

[4]                La signature de cette entente nuit à leur dossier permanent et est susceptible de porter préjudice à leur incarcération ainsi qu'au moment et aux conditions de leur libération.

[5]                Ils affirment, en fait, que le principe du déséquilibre du rapport de force s'applique. Ils ont dû accepter le moindre de deux maux. L'entente relative à la modification de leur comportement limitait leur liberté de fréquenter certains individus nommés, imposait un couvre-feu et restreignait davantage leurs mouvements que ceux des autres en général. Ils prétendent que les allégations concernant les actes d'intimidation et les bagarres sont fausses, qu'ils ont été victimes d'un déni de justice naturelle parce qu'on ne leur a pas fourni des détails suffisants sur les allégations, et que les ententes relatives à la modification de leur comportement ont été obtenues par la contrainte et en violation de leurs droits constitutionnels.


[6]                Le défendeur conteste tous ces points mais, par-dessus tout, il soutient que la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée parce qu'elle est prématurée. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, aux articles 90 et 91, de même que le Règlement connexe, à partir de l'article 74, établissent un régime interne complet de règlement des griefs qui doit être épuisé avant qu'un demandeur sollicite un contrôle judiciaire en vertu de l'article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, et ses modifications.

[7]                Aussi intéressants que puissent être les arguments soumis sur le fond pour le compte de MM. Gambini et MacDonald, je dois me ranger à l'avis du défendeur et rejeter leur demande parce qu'elle est prématurée.

[8]                Le Règlement prévoit une procédure de règlement des griefs à plusieurs niveaux, qui permet de traiter de tous les aspects de la plainte, y compris une violation des droits protégés par la Charte (Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin, [2003] 2 R.C.S. 504).

[9]                Bien qu'il y ait des exceptions à la règle générale selon laquelle il est nécessaire d'épuiser les recours internes avant de solliciter un contrôle judiciaire, ces exceptions ne s'appliquent pas en l'espèce. Comme l'a dit le juge Pelletier (tel était alors son titre) dans la décision Marachelian c. Canada (Procureur général), [2001] 1 C.F. 17 :

10. Les considérations de principe justifiant que l'on exige des demandeurs qu'ils épuisent leurs recours internes sont déterminantes. Conclure autrement signifierait miner la légitimité de ces autres recours en leur attribuant un rôle secondaire alors qu'il existe de nombreuses raisons pour lesquelles ils doivent jouer un rôle de premier plan dans le règlement des litiges. Dans le contexte des établissements de détention, on peut mentionner la rapidité, la connaissance d'un environnement unique, les mesures adéquates de protection procédurale et l'économie comme motifs pour lesquels les recours internes devraient être épuisés avant qu'une demande ne soit faite auprès de la Cour.

[10]            Plus récemment, la Cour suprême a statué que, même dans les cas où les termes d'une loi ne sont pas catégoriques au point d'écarter la compétence du tribunal, il ne faudrait pas mettre en péril le mécanisme de règlement des différends prévu par la loi en permettant également le recours aux tribunaux (Vaughan c. Canada, [2005] A.C.S. n º 12, (QL)).

[11]            En l'espèce, il n'y a aucun motif impérieux de ne pas suivre la procédure de règlement des griefs. En fait, la tenue d'un contrôle judiciaire une fois la procédure de règlement des griefs terminée serait probablement plus utile car la Cour bénéficierait des conclusions et des opinions des personnes expressément autorisées par la loi à examiner les points en question, des personnes qui ont peut-être des compétences particulières que ne possède pas la Cour. Voir, par exemple : Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793, au paragraphe 17, et Martin, précité, aux paragraphes 30 et 31.

« Sean Harrington »

                                                                                                     Juge                          

Ottawa, Ontario

Le 12 mai 2005

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                       T-1164-04

INTITULÉ :                                                                     GEORGE GAMBINI et

PHILLIP MacDONALD

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                               TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                             LE 10 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                          LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                                    LE 12 MAI 2005

COMPARUTIONS :

John L. Hill                                                                         POUR LES DEMANDEURS

Natalie Henein                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John L. Hill                                                                         POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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