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Date : 20191203


Dossier : IMM-6153-18

Référence : 2019 CF 1547

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2019

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

ALI MOHAMAD DIRIR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Le 7 janvier 2017, Ali Mohammad Dirir (le demandeur) a demandé l’autorisation de revenir au Canada (l’autorisation) au titre du paragraphe 52(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), pour rendre visite à sa tante qui est citoyenne canadienne. Une mesure d’expulsion a été prise contre lui en 2010 pour fausses déclarations après qu’on a découvert qu’il avait présenté une demande d’asile au Canada, obtenu le statut de résident permanent et reçu la citoyenneté canadienne sous un autre nom, tout en ayant le statut de résident permanent, puis de citoyen aux États-Unis d’Amérique.

[2]  Le 14 juin 2018, le gestionnaire du programme de migration à New York (le gestionnaire du programme) a rejeté la demande d’autorisation. Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision et fait valoir que celle‑ci était déraisonnable, principalement au motif que le gestionnaire du programme n’a pas tenu compte des intérêts de la tante âgée du demandeur lorsqu’il a conclu que la demande d’autorisation ne présentait [traduction] « aucun avantage pour le Canada ».

[3]  Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Le gestionnaire du programme a pris une décision raisonnable en s’appuyant sur la preuve dont il disposait.

II.  Les faits

  1. Le demandeur

[4]  Le demandeur est un Somalien âgé de 59 ans. Il est devenu citoyen américain le 2 novembre 1995. Il vit au Massachusetts avec ses trois enfants, Baydan, Yusuf-Hanad et Dirir, qui sont des étudiants de niveau collégial ou universitaire âgés entre 23 et 26 ans.

[5]  Le demandeur travaille au Massachusetts comme chauffeur de taxi depuis 2008 et fait du bénévolat auprès d’un organisme de leadership pour les jeunes depuis 15 ans. Il a terminé un programme en administration des affaires à l’Université du Massachusetts à Boston en 1989.

[6]  La tante du demandeur, Asha Ali Farah, a environ 91 ans. Elle est citoyenne canadienne et vit à Ottawa. Le demandeur et ses enfants sont ses seuls parents vivants.

[7]  Lorsque le demandeur et sa famille vivaient au Canada, Mme Farah vivait avec eux et aidait à élever les enfants. Lorsqu’ils ont déménagé aux États-Unis et que, plus tard, une mesure d’expulsion a été prise contre le demandeur, Mme Farah a continué de téléphoner plusieurs fois par jour pour prendre des nouvelles des enfants.

[8]  Le demandeur souhaite rendre visite à sa tante pour prendre soin d’elle, car elle a plusieurs problèmes de santé. Le demandeur considère Mme Farah comme sa mère de fait, puisqu’elle l’a élevé après le décès de sa mère alors qu’il était âgé d’un mois. Il souhaite revenir au Canada pour rendre visite à sa tante puisque ce sera peut-être la dernière fois qu’il la verra.

[9]  Mme Farah a rendu visite à la famille à Boston en mai 2014 ainsi que de septembre à novembre 2015. Elle n’est plus apte à voyager. Une note du médecin de Mme Farah indique qu’elle souffre d’hypertension, d’arthrite sévère, de reflux acide et d’asthme. La note indique également qu’elle aura besoin d’une aide accrue et que le demandeur pourrait devoir la voir régulièrement au besoin.

[10]  Baydan, la fille du demandeur, a rendu visite à Mme Farah au Canada à deux reprises à la suite de ses interventions chirurgicales au genou et au dos. Cependant, les études et le travail empêchent actuellement Baydan et ses frères de rendre visite à Mme Farah.

  1. Les antécédents du demandeur en matière d’immigration

[11]  En 1991, le demandeur a présenté une demande d’asile à Montréal sous le nom de Mohamed Abdi Ali. Il a obtenu le statut de résident permanent en 1992 et la citoyenneté canadienne en 2004. Grâce à la comparaison des empreintes digitales, on a ensuite découvert en 2004 que le demandeur avait déjà obtenu la résidence permanente, puis la citoyenneté américaine, sous un autre nom, soit Ali Mohamad Dirir.

[12]  Le demandeur a renoncé à sa citoyenneté canadienne en 2005. En 2007, la Section de la protection des réfugiés d’Ottawa a accueilli la demande d’annulation de son statut de réfugié. Le 19 avril 2010, une mesure d’expulsion a été prise contre le demandeur pour fausses déclarations à la suite de l’établissement d’un rapport d’interdiction de territoire fondé sur l’article 44 de la LIPR.

[13]  On ne sait pas exactement quand le demandeur a quitté le Canada pour se rendre aux États‑Unis, mais les documents présentés avec sa demande indiquent qu’il a quitté le pays entre 2004 et 2008.

  1. La décision concernant la demande d’autorisation de revenir au Canada

[14]  Le demandeur avait demandé l’autorisation de revenir au Canada dans le but de rendre visite à Mme Farah. La demande indiquait qu’il prévoyait lui rendre visite pendant deux semaines en février 2017. Le demandeur avait joint des déclarations solennelles de deux de ses enfants, Baydan et Dirir, ainsi qu’une lettre de Mme Farah, une note du médecin de celle‑ci, les renseignements financiers du demandeur, de même que des lettres de son employeur et de l’organisme au sein duquel il fait du bénévolat. Le demandeur avait déjà demandé des autorisations pour rendre visite à sa tante, mais ces demandes avaient également été refusées.

[15]  Pour évaluer la demande, le gestionnaire du programme a tenu compte de plusieurs facteurs, qui correspondent à ceux énumérés dans le Guide opérationnel d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Traitement des demandes à l’étranger, chapitre « OP 1, Procédures » (OP 1), visant l’évaluation des demandes d’autorisation :

1. La gravité de l’infraction à la LIPR qui a mené au renvoi.

2. Les antécédents de collaboration du demandeur avec IRCC :

- A-t-il déjà été visé par un mandat de l’Immigration?

- A-t-il déjà fait défaut de se présenter à une audience ou à un renvoi?

- S’est-il acquitté des frais de renvoi?

- A-t-il été renvoyé sous escorte?

3. Motifs de la demande de revenir au Canada :

- Existe-t-il des raisons impérieuses ou des circonstances exceptionnelles?

- Le demandeur a-t-il d’autres possibilités que de revenir au Canada?

- Existe-t-il des facteurs qui font en sorte que la présence du demandeur au Canada est impérieuse (p. ex. liens familiaux, qualifications professionnelles, apport économique, présence temporaire à un événement)?

- Des enfants, dont l’intérêt supérieur devrait être considéré, sont-ils directement touchés par la demande?

- Le demandeur peut-il subvenir financièrement à ses besoins?

- Combien de temps s’est écoulé depuis l’infraction qui a mené à la mesure de renvoi?

- Pendant combien de temps le demandeur a-t-il l’intention de rester au Canada?

- Le retour du demandeur au Canada présente-t-il des avantages tangibles ou intangibles pour ce dernier ou le Canada?

[16]  Le gestionnaire du programme a d’abord tenu compte de la gravité de l’infraction à la LIPR commise par le demandeur. Il a examiné comment le demandeur avait pu présenter une demande d’asile, obtenir la résidence permanente et la citoyenneté au Canada sous un faux nom tout en obtenant le statut de résident permanent aux États-Unis en 1987, puis la citoyenneté en 1995. Le gestionnaire du programme a souligné qu’on croyait que le demandeur avait renoncé à sa citoyenneté en 2005 parce qu’il était au courant de l’enquête sur ses fausses déclarations.

[17]  En ce qui concerne la collaboration du demandeur avec IRCC, le gestionnaire du programme a affirmé qu’il n’avait pas fait défaut de se présenter à une audience ou à un renvoi, qu’il s’était acquitté des frais de renvoi, qu’il n’avait jamais commis d’acte criminel et qu’il n’avait pas à être renvoyé sous escorte.

[18]  Le gestionnaire du programme a ensuite évalué les motifs invoqués par le demandeur pour revenir au Canada. Il a décrit que le demandeur cherchait à revenir au Canada pour rendre visite à sa tante et a souligné qu’il avait affirmé que sa tante l’avait élevé et qu’elle était sa mère de fait. Lorsqu’il a examiné la question de savoir si le demandeur avait des raisons impérieuses et exceptionnelles d’obtenir une autorisation, le gestionnaire du programme a affirmé que la tante n’était pas apte à voyager en raison de sa perte de mémoire et de problèmes aux genoux et aux reins. Il a fait remarquer que Mme Farah a pu visiter les États‑Unis pendant trois mois en 2016, mais que ce voyage avait été difficile et qu’il s’agissait probablement de son dernier.

[19]  Le gestionnaire du programme a semblé reconnaître que le demandeur n’avait pas d’autres options puisque sa tante ne pouvait pas lui rendre visite à Boston en raison de ses problèmes de santé. Il a décrit la réunification du demandeur avec sa tante malade comme [traduction] « un facteur positif qui a une certaine importance ».

[20]  Le gestionnaire du programme a ensuite conclu qu’il n’y avait aucune préoccupation quant à l’intérêt supérieur des enfants ni quant à la capacité du demandeur de subvenir à ses propres besoins financiers. Le gestionnaire du programme a souligné que le demandeur avait indiqué que le séjour serait temporaire, mais que les problèmes de santé de sa tante pouvaient l’amener à rester plus longtemps.

[21]  Le dernier facteur pris en compte par le gestionnaire du programme était celui de savoir si le retour du demandeur présentait des avantages tangibles ou intangibles pour le Canada ou la personne concernée. Le gestionnaire du programme a conclu que le demandeur aurait l’occasion de rendre visite à sa tante et d’[traduction] « entrer librement dans le Canada », mais que cette visite ne présentait [traduction] « aucun avantage pour le Canada ».

[22]  Le gestionnaire du programme a qualifié les antécédents du demandeur en matière d’immigration d’[traduction] « outrage » aux lois canadiennes, ce qui a constitué un facteur défavorable important lors de l’évaluation. Le demandeur aurait peut-être maintenu ses fausses déclarations si son identité et son statut frauduleux aux États‑Unis n’avaient pas été découverts. Le gestionnaire du programme a conclu que les motifs invoqués par le demandeur pour entrer au Canada n’étaient pas suffisamment convaincants pour justifier la délivrance d’une autorisation.

III.  La question en litige et la norme de contrôle

[23]  La question est celle de savoir si la décision du gestionnaire du programme de rejeter la demande d’autorisation du demandeur était raisonnable.

[24]  La norme de la décision raisonnable s’applique à une décision relative à une demande d’autorisation (Umlani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1373, au par. 23 [Umlani]; Sahakyan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1542, au par. 34 [Sahakyan]). La décision relative à une demande d’autorisation repose sur les faits et est très discrétionnaire. Elle nécessite peu de motifs ou de justification, mais la décision doit néanmoins être non arbitraire et justifiable au regard des faits et du droit (Umlani, aux par. 60‑61).

IV.  Analyse

[25]  Le demandeur soutient que la décision du gestionnaire du programme était déraisonnable parce qu’il a conclu qu’accorder l’autorisation ne présenterait [traduction] « aucun avantage pour le Canada », une conclusion qui était au cœur de sa décision. Ainsi, le gestionnaire du programme n’a pas tenu compte des intérêts de Mme Farah, une citoyenne canadienne.

[26]  Le demandeur affirme que, malgré la nature discrétionnaire de l’autorisation, le décideur doit tenir compte des facteurs pertinents et des faits particuliers (Sahakyan, au par. 35; Akbari c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1421, aux par. 11-13 [Akbari]).

[27]  Le demandeur affirme que sa demande d’autorisation repose d’abord et avant tout sur l’état de santé de sa tante. Selon lui, la délivrance de l’autorisation est la seule façon pour Mme Farah d’obtenir son aide. Il fait valoir que l’avantage de l’autorisation pour Mme Farah en tant que citoyenne canadienne était un facteur manifestement pertinent que le gestionnaire du programme n’a pas pris en considération, comme le démontre sa conclusion selon laquelle accorder l’autorisation ne présenterait [traduction] « aucun avantage pour le Canada ». Le gestionnaire du programme n’a pas abordé les effets que la décision aurait sur Mme Farah. Les intérêts du Canada comprennent ceux de ses citoyens, en particulier ceux des personnes âgées et vulnérables qui nécessitent les soins et le soutien de leur famille. Le demandeur affirme également que la conclusion selon laquelle l’autorisation ne présente [traduction] « aucun avantage pour le Canada » était [traduction] « abusive » et a été tirée sans tenir compte de la preuve selon laquelle Mme Farah était malade et avait besoin de soutien en tant que citoyenne canadienne.

[28]  Le défendeur fait valoir que les motifs du gestionnaire du programme démontrent qu’il a tenu compte des circonstances pertinentes, y compris du facteur favorable de la réunification du demandeur avec sa tante, et qu’il a conclu que la gravité des infractions à la LIPR commises par le demandeur l’emportait. Le défendeur fait remarquer que les motifs et la décision du gestionnaire du programme doivent être considérés dans leur ensemble lors de l’évaluation du caractère raisonnable de la décision (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux par. 14-15).

[29]  Le défendeur soutient que les autorisations de revenir au Canada ne sont pas systématiquement accordées et que le demandeur doit démontrer qu’il existe des raisons impérieuses justifiant une exception à son interdiction permanente d’entrer au Canada en raison de sa violation des lois canadiennes en matière d’immigration. Les facteurs énoncés dans les lignes directrices de l’OP 1, qui ne lient pas les décideurs, aident à déterminer ce qui constitue un exercice raisonnable du pouvoir discrétionnaire du gestionnaire du programme (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, aux par. 72-74). Les lignes directrices de l’OP 1, citées par le juge Shore dans la décision Parra Andujo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 731, aux paragraphes 1 et 26, énoncent que l’objet du paragraphe 52(1) de la LIPR est de dénoncer la non-conformité aux lois canadiennes en matière d’immigration. Par conséquent, pour accorder une autorisation au demandeur, ce dernier doit démontrer que les raisons impérieuses justifiant son retour au Canada l’emportent sur les circonstances qui ont mené à la mesure d’expulsion prise contre lui.

[30]  Le défendeur soutient que, bien que la demande aurait pu être avantageuse pour Mme Farah, il était raisonnable pour le gestionnaire du programme de conclure qu’il n’y avait aucun avantage pour le Canada dans son ensemble. Le demandeur prie la Cour de définir précisément l’expression « présente[…] des avantages […] pour […] le Canada » dans les lignes directrices, mais cet exercice n’est pas approprié dans le cadre d’un contrôle selon une norme qui commande la déférence. Le défendeur affirme qu’il était loisible au gestionnaire du programme de conclure que les fausses déclarations du demandeur au sens des lois canadiennes en matière d’immigration l’emportaient sur les avantages pour Mme Farah et le demandeur.

[31]  Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la décision du gestionnaire du programme était raisonnable. Bien que le demandeur estime que le gestionnaire du programme n’a pas tenu compte d’un facteur pertinent dans son raisonnement ou que sa conclusion est abusive et non fondée sur la preuve, la question principale consiste à savoir si le gestionnaire du programme a raisonnablement tenu compte des intérêts de la tante du demandeur dans la demande d’autorisation. L’incidence qu’aura la décision relative à la demande d’autorisation sur Mme Farah en tant que parent âgé et malade du demandeur est manifestement un facteur pertinent pour déterminer s’il existe des raisons impérieuses d’accorder l’autorisation.

[32]  Je remarque que le demandeur n’a pas contesté la façon dont le gestionnaire du programme a défini les infractions à la LIPR qui ont mené à la mesure d’expulsion prise contre lui. Bien que le demandeur affirme regretter ses agissements antérieurs, il ne nie pas avoir reçu le statut de résident permanent en tant que réfugié et la citoyenneté canadienne sous une fausse identité, tout en ayant le statut de résident permanent et subséquemment le statut de citoyen aux États‑Unis. Comme le demandeur n’a pas expliqué davantage pourquoi il a fait de fausses déclarations, j’accepte la conclusion du gestionnaire du programme selon laquelle ces infractions étaient relativement graves. Les fausses déclarations que le demandeur a faites tout au long du processus de demande d’asile et de citoyenneté sont des infractions plus graves que celles commises dans l’affaire Khakh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 710 [Khakh], par exemple, où la seule violation de la LIPR était le défaut de quitter le Canada dans le délai prévu. Toutefois, je remarque que les fausses déclarations du demandeur sont moins graves que d’autres motifs menant à une mesure d’expulsion, comme la grande criminalité ou les violations des droits de la personne lorsque la sécurité et la sûreté des Canadiens peuvent être menacées si une autorisation est accordée.

[33]  Comme l’a déclaré la Cour au paragraphe 11 de la décision Akbari, une demande d’autorisation ne doit pas être considérée comme une « mini-demande fondée sur des motifs humanitaires ». La LIPR n’obligeait pas le gestionnaire du programme à prendre en considération des faits particuliers (Quintero Pacheco c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 347, au par. 47). Toutefois, la décision relative à une demande d’autorisation doit toujours être fondée sur l’ensemble des circonstances de l’affaire et sur les objets fondamentaux de la LIPR (Khakh, au par. 26).

[34]  En l’espèce, il est utile de tenir compte de la façon dont les facteurs prévus à la partie 6.2 des lignes directrices de l’OP 1 sont énoncés, puisque l’argument principal du demandeur est fondé sur l’interprétation de l’un de ces facteurs. L’OP 1 énonce trois principaux facteurs à prendre en considération en ce qui concerne les demandes d’autorisation : 1) la gravité des infractions à la LIPR; 2) la collaboration du demandeur avec IRCC et 3) les motifs de la demande de retour du demandeur. Pour chacun de ces facteurs, des questions sont proposées pour guider l’évaluation du gestionnaire du programme. Suivant la partie 6.1 de l’OP 1, le gestionnaire du programme doit ensuite mettre en balance les motifs de la demande de retour du demandeur, d’une part, et les circonstances ayant mené à la mesure de renvoi, d’autre part.

[35]  Le fait que le gestionnaire du programme ait constaté qu’il n’y avait pas d’avantages tangibles et intangibles pour le Canada lorsqu’il a examiné l’une des 16 questions énoncées dans l’OP 1 ne signifie pas qu’il n’a pas tenu compte des intérêts de Mme Farah ailleurs dans l’évaluation. Dans les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC), le gestionnaire du programme avait déjà conclu que [traduction] « la réunification [du demandeur] avec sa tante, dont la santé se détériore, est un facteur favorable qui a une certaine importance ». Le gestionnaire du programme avait indiqué que Mme Farah était incapable de rendre visite au demandeur en raison de sa santé et de son âge et qu’elle avait joué un rôle important durant son enfance. La conclusion du gestionnaire du programme selon laquelle il n’y a [traduction] « aucun avantage pour le Canada » ne concerne pas les raisons qui motivent le demandeur à revenir au Canada dans l’ensemble. Dans le contexte des lignes directrices, le gestionnaire du programme a eu raison de considérer que les « avantage[s] pour le Canada » faisaient référence aux avantages plus généraux pour le pays, étant donné qu’il avait déjà tenu compte de l’incidence positive de l’octroi de l’autorisation sur Mme Farah.

[36]  Le demandeur semble suggérer que la Cour devrait évaluer l’interprétation par le gestionnaire du programme de l’expression « avantages pour […] le Canada » figurant dans les lignes directrices. Toutefois, une mauvaise interprétation ou une mauvaise application des directives qui ne lient pas en droit les décideurs ne constitue pas une erreur de droit (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Thamotharem, 2007 CAF 198, au par. 59). Il serait inapproprié que la Cour se prononce sur l’interprétation des termes tirés d’une ligne directrice qui ne lie pas les décideurs de la même façon qu’elle pourrait évaluer l’interprétation d’une loi. La question est plutôt de savoir si les motifs du gestionnaire du programme dans leur ensemble, lorsqu’ils sont examinés en corrélation avec le résultat, appartiennent aux issues possibles acceptables (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47).

[37]  De plus, le demandeur a surestimé le rôle qu’il pouvait jouer pour Mme Farah. Même si le fait de rendre visite à sa tante malade pouvait les rassurer tous les deux, le demandeur sollicitait un visa de résident temporaire pour un voyage de deux semaines. Le demandeur semble soutenir que le gestionnaire du programme aurait dû tenir compte de l’importance qu’il avait pour Mme Farah en tant qu’éventuel fournisseur de soins. Puisque le demandeur n’a demandé à séjourner au Canada que pour deux semaines, il n’aurait pas été en mesure de fournir un soutien continu à Mme Farah au quotidien si sa demande d’autorisation avait été accordée. Il était donc raisonnable que le gestionnaire du programme tienne compte de l’importance de permettre au demandeur de retrouver temporairement Mme Farah et de lui rendre visite étant donné son état de santé, mais il n’avait pas à examiner davantage la possibilité que le demandeur soit un aidant naturel de longue durée pour Mme Farah.

V.  Question à certifier

[38]  On a demandé aux avocats des parties s’il y avait des questions à certifier. Ils ont tous affirmé qu’il n’y en avait aucune, et je suis d’accord.

VI.  Conclusion

[39]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée. La décision du gestionnaire du programme de rejeter la demande d’autorisation du demandeur est raisonnable. Le gestionnaire du programme a mis en balance la raison pour laquelle le demandeur voulait rendre visite à sa tante malade et âgée au Canada, d’une part, et les infractions à la LIPR qu’il a commises antérieurement, d’autre part, et a conclu que le motif invoqué par le demandeur pour revenir au Canada ne l’emportait pas suffisamment sur les motifs justifiant la mesure d’expulsion. La décision est raisonnable et ne justifie pas l’intervention de la Cour.


JUGEMENT dans le dossier IMM-6153-18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18e jour de décembre 2019.

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6153-18

 

INTITULÉ :

ALI MOHAMAD DIRIR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 AOÛT 2019

 

JUGEMENTS ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

 

LE 3 DÉCEMBRE 2019

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Maria Burgos

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

EME Professional Corp

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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