Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision



     Date: 20000517

     Dossier: IMM-611-99

Ottawa (Ontario), le 17 mai 2000

Devant : Monsieur le juge Pinard

ENTRE :

YU CHIAO YOUNG, KWONG YOUNG, YER YOUNG,

HEW YOUNG ET TAK YOUNG


demandeurs


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur


ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire de la décision de Citoyenneté et Immigration Canada datée du 19 janvier 1999 par laquelle la demande que les demandeurs avaient présentée en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, a été refusée et par laquelle il a été conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pour accorder aux demandeurs le droit d'établissement au Canada est rejetée.

                             « YVON PINARD »

                         _______________________________

                             JUGE


Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.



     Date: 20000517

     Dossier: IMM-611-99


ENTRE :



YU CHIAO YOUNG, KWONG YOUNG, YER YOUNG,

HEW YOUNG ET TAK YOUNG


demandeurs


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]      Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de Citoyenneté et Immigration Canada datée du 19 janvier 1999 par laquelle la demande qu'ils avaient présentée en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) a été refusée et par laquelle il a été conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pour leur accorder le droit d'établissement au Canada.

[2]      Dans l'arrêt Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817, Madame le juge L'Heureux-Dubé a appliqué l'approche pragmatique et fonctionnelle en vue de déterminer la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer aux décisions qui sont prises en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi et de l'article 2.1 du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172. Elle a conclu que la norme applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter. Voici ce que le juge a dit aux pages 857 et 858 :

         Tous ces facteurs doivent être soupesés afin d'en arriver à la norme d'examen appropriée. Je conclus qu'on devrait faire preuve d'une retenue considérable envers les décisions d'agents d'immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l'analyse, de son rôle d'exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi. Toutefois, l'absence de clause privative, la possibilité expressément prévue d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, Section de première instance, et la Cour d'appel fédérale dans certaines circonstances, ainsi que la nature individuelle plutôt que polycentrique de la décision, tendent aussi à indiquer que la norme applicable ne devrait pas en être une d'aussi grande retenue que celle du caractère « manifestement déraisonnable » . Je conclus, après avoir évalué tous ces facteurs, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[3]      Il s'agit ici de savoir si la décision était déraisonnable pour le motif que l'agent a omis de tenir compte de l'évaluation psychologique du demandeur principal, de la preuve documentaire de l'incapacité de la Guyane de s'occuper des criminels et des intérêts des enfants du demandeur principal.

[4]      À mon avis, la preuve n'étaye pas les allégations des demandeurs. Dans les notes de l'agent, qui satisfont aux exigences selon lesquelles il faut motiver la décision, il est fait mention non seulement de l'évaluation psychologique, mais aussi du fait que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) ne l'avait pas à sa disposition. De plus, il y est fait mention des documents fournis par les demandeurs, comme le document intitulé : « Guyana: Information on whether police refuse to pursue or follow up on complaints of crime due to the race or political affiliation of the complainant » , daté du 26 août 1994, et du document intitulé : « Brief on Police Violence » , daté du mois de juillet 1988. En outre, les notes indiquent que l'agent a tenu compte de l'ensemble de la preuve en ce qui concerne la question des épreuves auxquelles les demandeurs feraient face :

     [TRADUCTION]
     [...] J'ai examiné les renseignements versés au dossier, y compris la décision de la Commission, les renseignements médicaux à jour et les autres éléments de preuve. Je suis convaincu que, compte tenu des renseignements fournis, le risque, tel qu'il est énoncé, ne serait pas indu.1

[5]      Je crois donc que l'agent était au courant de l'état mental du demandeur principal et de la preuve documentaire et qu'il a tenu compte des conséquences néfastes qu'une décision défavorable aurait sur les demandeurs.

[6]      En ce qui concerne les enfants du demandeur principal, l'arrêt Baker, supra, a établi que dans le contexte des demandes fondées sur des considérations d'ordre humanitaire, l'examen de la question de savoir si une décision est raisonnable devrait être axé sur « l'intérêt des enfants » . Voici ce que le juge L'Heureux-Dubé a dit, à la page 860 :

     À mon avis, l'exercice raisonnable du pouvoir conféré par l'article exige que soit prêtée une attention minutieuse aux intérêts et aux besoins des enfants. Les droits des enfants, et la considération de leurs intérêts, sont des valeurs d'ordre humanitaire centrales dans la société canadienne. Une indication que l'intérêt des enfants est une considération importante dans l'exercice des pouvoirs en matière humanitaire se trouve, par exemple, dans les objectifs de la Loi, dans les instruments internationaux, et dans les lignes directrices régissant les décisions d'ordre humanitaire publiées par le ministre lui-même.

[7]      Voici ce que l'agent a dit au sujet des enfants du demandeur principal et de la question des conséquences néfastes, à la page 44 du dossier de la demande :

     [TRADUCTION]
     [...]
     - il est à noter que la fille a passé un examen médical M3 en 1996. Selon les renseignements médicaux versés au dossier de l'hôpital pour enfants (en date du 8 juillet 1998), l'enfant est en bonne santé -- elle a besoin d'être suivie par un dentiste et par un orthodontiste, elle devra peut-être subir une opération à la mâchoire dans l'avenir, et elle doit être suivie par un orthophoniste -- l'équipe d'évaluation du programme relatif aux divisions palatines veut revoir l'enfant lorsqu'elle aura douze ans (à l'heure actuelle, elle a huit ans).
     - l'affaire Francis (se rapportant aux droits des enfants qui sont citoyens canadiens) a également été mentionnée.
         [...]
     Le client et sa famille n'ont pas fourni de motifs suffisants pour confirmer qu'il y aurait des conséquences néfastes excessives ou indues. La fille a passé un examen médical de l'immigration et selon les renseignements fournis par l'équipe d'évaluation de l'hôpital pour enfants, il n'est pas nécessaire de la revoir d'ici quatre ans (quoique son médecin désire surveiller la situation sur une base plus régulière); je ne suis pas convaincu qu'il existe ici des circonstances exceptionnelles.

Et à la page 45 :

     [TRADUCTION]
     L'avocat a déclaré que l'on avait un parti-pris contre les enfants en Guyane et que s'ils devaient y retourner, ils auraient encore des problèmes similaires.

L'agent a également noté ce qui suit au sujet de la mesure dans laquelle les enfants du demandeur principal sont établis au Canada, à la page 46 :

     [TRADUCTION]
     [...]
     - il importe également de noter que la demanderesse et ses enfants ne sont au Canada que depuis peu de temps, c'est-à-dire depuis 1996.

Et à la page 47 :

     [TRADUCTION]
     La demanderesse et ses enfants ne sont pas bien établis et ils continuent à compter sur l'aide financière des services sociaux. Ils ne sont au Canada que depuis 1996.

[8]      De plus, les notes inscrites dans le CAIPS indiquent que l'agent a tenu compte du fait que l'un des enfants du demandeur principal est né au Canada2.

[9]      À mon avis, les notes de l'agent démontrent qu'en décidant de refuser la demande, l'agent s'est montré sensible aux intérêts des enfants du demandeur principal et qu'il estimait qu'il s'agissait d'un facteur important aux fins de la décision.

[10]      Dans ce contexte, je crois qu'en prenant sa décision, l'agent a exercé le pouvoir qui lui est conféré par la loi d'une façon raisonnable.

[11]      Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


                             « YVON PINARD »

                         _____________________________

                             JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

le 17 MAI 2000.

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-611-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Young et autres c. MCI

.

LIEU DE L'AUDIENCE :      Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 5 avril 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Pinard en date du 17 mai 2000


ONT COMPARU :

Ronald Shacter                  pour les demandeurs

Marcel Larouche                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ronald Shacter                  pour les demandeurs

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                  pour le défendeur

__________________

1      Dossier de la demande, aux pages 45 et 46.

2      Dossier certifié, à la page 9.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.